Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2018
(n° 349 , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/20239
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Septembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/10775
APPELANT
Monsieur B... X...
[...]
Représenté par Me Edouard C... de la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0298
Ayant pour avocat plaidant Me Fiorella D..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0298
INTIMEE
Madame Jeanine E...
[...]
Représentée et plaidant par Me Philippe Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : J037
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 Mai 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:
M. Christian HOURS, Président de chambre
Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère
Mme Anne LACQUEMANT, Conseillère
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Christian HOURS dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Lydie SUEUR
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Christian HOURS, Président de chambre et par Lydie SUEUR, Greffière présent lors du prononcé.
*****
M. B... X..., homme d'affaires né [...], à la tête de diverses sociétés, a constitué [...] la société Zylangia, qui distribuait des produits de parfumerie de la marque «Marina de Bourbon-Parme » et ses dérivés.
Depuis 1976, il a eu recours à Mme Jeanine Z..., avocat au barreau de Paris comme conseil juridique exclusif pour ses affaires.
En juin 2008, le capital de la société par actions simplifiée Zylangia était d'un montant de 244 000 euros, divisé en 16 000 actions de 15,25 euros de nominal chacune, toutes détenues par M. X....
M. X... était soumis à l'impôt de solidarité sur la fortune (l'ISF) sur ses autres biens, lorsque des dispositions fiscales de la loi TEPA (en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat) du 21 août 2007 ont permis de déduire de l'ISF, sous certaines conditions, les montants investis en capital dans des petites et moyennes entreprises comme la société Zylangia.
M. X... a demandé à Mme Z..., par courriel du 29 avril 2008, de prévoir une augmentation de capital de la société Zylangia afin de bénéficier de cette réduction de l'ISF.
Ces augmentations de capital ont été réalisées par Me Z..., de 2008 à 2011, par émission d'actions nouvelles, souscrites en totalité par M. X... en sa qualité d'associé unique, à la valeur nominale des actions existantes, soit 15,25 € par action et sans prime d'émission, 5916 actions nouvelles ayant au total été souscrites au prix global de 90219 euros.
En 2012, M. X... a fait valoir ses droits à la retraite et cédé les parts de la société Zylangia pour un montant total de 7700000 euros.
En 2013, à l'occasion de la déclaration de plus-value afférente à la cession des parts de la société Zylangia, M. X... a constaté que la quote-part des actions cédées correspondant à celles souscrites au titre des augmentations de capital effectuées en 2008, 2009, 2010 et 2011 (environ 27 % des actions cédées), ne bénéficiait pas du dispositif d'abattement d'un tiers par année de détention au-delà de la cinquième année (dispositif mis en place par la loi n°2005-1720 du 30 décembre 2005), c'est à dire de l'exonération totale au-delà de la huitième année de détention des titres applicable aux plus-values de cessions de titres des dirigeants de PME lors de leur départ en retraite. Il a dû s'acquitter à ce titre d'une somme de 415 800 euros.
Reprochant à son conseil de ne pas l'avoir mieux informé et conseillé en 2008 pour le faire profiter de ce dispositif, M. X... a fait assigner en indemnisation, le 18 juin 2015, Mme E... , devant le tribunal de grande instance de Paris, lequel, par jugement du 14 septembre 2016, a :
- rejeté la question préjudicielle formulée par Mme E... ;
- débouté M. B... X... de l'ensemble de ses demandes d'indemnisation ;
- condamné M. X... à verser à Mme Jeanine E... la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. X... aux entiers dépens ;
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Le tribunal a retenu un défaut d'information et de conseil de Me E... à l'égard de M. X..., qui lui reprochait de ne pas avoir opté pour des modalités différentes de l'augmentation de capital, mais n'a pas retenu de lien de causalité entre cette faute et le préjudice invoqué dans la mesure où il a estimé que M. X... ne rapportait pas la preuve lui incombant qu'à la date à laquelle Me Jeanine E... devait lui prodiguer ses conseils, cette interprétation large de la notion de souscription (par simple augmentation de la valeur des parts sociales), non encore expressément formulée par l'administration fiscale, faisait d'ores et déjà partie du droit positif.
M. X... qui a interjeté appel de cette décision, demande à la cour, aux termes de ses dernières conclusions du 13 septembre 2017, de le déclarer recevable et bien fondé dans son appel, de confirmer le jugement rendu le 14 septembre 2016 en ce qu'il a constaté que la faute professionnelle de Me Z... était établie, et ce qu'il a rejeté la demande de celle-ci s'agissant de la question préjudicielle, mais d'infirmer ce jugement pour le surplus et, statuant à nouveau, de :
- juger que son préjudice résulte directement de la faute commise par Me Z..., en sa qualité d'avocat, qui a méconnu, dans le cadre d'opérations réalisées pour lui ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde ;
- en conséquence, de la condamner à lui payer, avec exécution provisoire (sic) de la décision à intervenir :
- à titre principal la somme, sauf à parfaire, de 334052 euros à titre de dommages-intérêts résultant du préjudice correspondant à la perte de chance d'avoir pu opter entre plusieurs solutions et d'avoir pu bénéficier d'une diminution d'impôt sur le revenu à raison des plus-values de cession de titres des dirigeants de PME ;
- à défaut, subsidiairement, la somme, sauf à parfaire, de 415800 euros à titre de dommages-intérêts résultant de ce préjudice ;
- la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre la charge des entiers dépens.
Dans ses dernières écritures du 16 février 2017, Mme E... demande à la cour de:
- à titre principal, débouter l'appelant de toutes ses prétentions ;
- à titre subsidiaire, vu l'article 49 du code de procédure civile, transmettre à la juridiction administrative compétente, la question préjudicielle ainsi conçue :
«lorsque le taux de participation d'un associé reste inchangé à l'issue d'augmentations de capital successives d'une société, la cession de titres par cet associé doit-elle être regardée, pour l'application des articles 150-0 D bis et 150-0 D ter du code général des impôts, comme portant à la fois sur des titres acquis ou détenus avant chaque modification du capital social et sur des titres acquis lors de chaque modification à proportion des apports versés lors des souscriptions respectivement intervenues, ou comme portant exclusivement sur les titres acquis à l'origine et dont le montant nominal a été successivement augmenté après cette date' » ;
- condamner l'appelant aux dépens et à une indemnité de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE,
Considérant que M. X..., appelant, soutient que :
- Me Z... a méconnu ses obligations de conseil et d'information et ainsi commis un manquement de nature à engager sa responsabilité civile professionnelle ;
- le tribunal a, à tort, considéré que la preuve d'un lien de causalité entre cette faute et le préjudice invoqué n'était pas rapportée ;
- il a omis de statuer sur l'hypothèse d'une augmentation de capital avec souscription d'actions nouvelles assorties d'une prime d'émission, laquelle entrait bien dans le périmètre de la loi permettant une réduction d'ISF pour les dirigeants de PME, puisqu'il s'agissait, dans ce cas, de souscription d'actions nouvelles ; cette hypothèse aurait également entraîné une diminution d'impôt au titre des plus-values, lors de la cession de titres en 2012 ; si la somme consacrée aux augmentations de capital avait été consacrée à des augmentations de capital assorties de primes d'émission, il aurait reçu un nombre très restreint de titres « nouveaux » ne pouvant pas bénéficier du dispositif d'exonération, ce qui aurait nécessairement eu pour effet de réduire l'imposition sur la plus-value ; la prime d'émission permet en effet d'égaliser les droits attachés aux actions nouvelles par rapport aux actions existantes lorsqu'il existe des réserves et/ou des plus-values latentes sur les actifs ; la prime d'émission, égale à la différence entre la valeur réelle des actions nouvelles et le nominal des titres est la contrepartie des droits que ces titres confèrent sur les réserves et plus-values latentes de la société ; à défaut de prime d'émission, les actions préexistantes perdent mécaniquement une partie de leur valeur, au bénéfice des actions nouvelles, reçues en contrepartie d'apports plus faibles que la valeur réelle des titres émis ; le défaut de prime d'émission a ainsi conduit à faire glisser une partie très significative de la valeur économique de la société sur les 5916 nouveaux titres émis en contrepartie de seulement 15,25 euros d'apports par action, alors que la valeur économique ainsi déportée avait été acquise par la société avant les augmentations de capital et n'aurait jamais dû se trouver imposée au moment où la société a été cédée ; une prime d'émission aurait dû conduire à émettre entre 2008 et 2011 un nombre d'actions nouvelles très limité en tenant compte de la valeur unitaire qu'avaient les actions déjà existantes en préservant ainsi la valeur des actions anciennes et donc la plus-value exonérée qui avait vocation à leur être rattachée au moment de la cession ; au 31 décembre 2007, les capitaux propres s'élevaient à 1 164 787 euros et le capital était constitué de 16 000 actions, soit une valeur unitaire de 72,80 euros par action (1164787/16000) ; l'augmentation de capital souhaitée pour 2008 étant de 40 016 euros, il y avait lieu d'émettre 550 actions nouvelles (40016/72,80) ; à cet effet, compte tenu du montant du nominal des titres de 15,25 euros, une prime d'émission de 57,55 euros (72,80 - 15,25) aurait dû être attachée à chaque action nouvelle ; de cette façon, en lieu et place des 2624 actions émises au nominal de 15,25 euros, il aurait fallu privilégier la solution d'émettre 550 actions avec une prime d'émission de 57,55 euros ; globalement, le nombre d'actions émises entre 2008 et 2011 se serait limité à 1090 et aurait représenté 6,37 % (1090/17090) du nombre de titres cédés, de sorte que la plus-value imposable se serait limitée à cette quotité de la plus-value globale, soit 408 741 euros (6,37% x 6.416.667) ; l'impôt sur le revenu correspondant aurait été de 81748 euros (20 % x 408741), en lieu et place des 415800 euros acquittés, soit une économie de 334 052 euros, qui représente plus des trois quarts de l'imposition subie ; le calcul de la plus-value exonérée doit ainsi être réalisé en fonction du nombre d'actions émises (et non pas de la variation du capital social) ; un arrêt récent du Conseil d'Etat valide cette interprétation tandis que ceux cités par l'intimée visent des hypothèses différentes non transposables (opération coup d'accordéon ou imposition non rattachable à des titres en particulier); la théorie de l'intimée selon laquelle, en l'absence de variation dans la société de la participation de l'associé représentée par ses droits sociaux, le calcul de la computation des délais de détention de titres pour le régime des plus-values serait proportionnel au montant des apports et non pas au nombre des titres souscrits est contredit par la jurisprudence qu'elle cite elle-même ;
- l'autre hypothèse d'une augmentation du nominal des actions existantes lui aurait aussi incontestablement permis de bénéficier d'une exonération de l'imposition sur la plus-value, puisqu'il aurait alors détenu tous les titres depuis leur origine, soit depuis plus de 8 ans et aurait pu bénéficier du régime d'abattement total (abattement d'un tiers par année au-delà de la 5 ème année), alors qu'en ayant souscrit à des actions nouvelles dans les années 2008 à 2011, il ne pouvait plus bénéficier du délai de cinq ans minimal pour se prévaloir du régime d'exonération ; les premiers juges ont ajouté une condition à la loi lorsqu'ils retiennent que « la condition de la souscription devait s'entendre restrictivement en ce qu'elle ne pouvait englober l'augmentation du capital social sans souscription de nouvelles actions, par simple augmentation du nominal de ces dernières », ce alors que l'augmentation du capital par élévation du nominal des actions effectuée en 2007 faisait rétroagir ses effets à la date de l'émission initiale des actions) ; le texte, pour permettre un abattement sur l'imposition de la plus-value de cession de titres, se réfère bien à la durée de détention de l'action et non à la date à laquelle le prix d'achat ou de souscription de l'action a été versé ou augmenté ; sauf stipulations particulières, la durée de détention est décomptée à partir du 1er janvier de l'année d'acquisition ou de souscription des titres cédés ; l'administration précise les quatorze hypothèses particulières dans lesquelles il convient de retenir un décompte particulier, parmi lesquelles ne figure pas l'hypothèse d'une augmentation du nominal des actions ;
- les deux dispositifs fiscaux, à savoir la réduction du montant de l'ISF au titre d'investissements dans une PME et l'exonération d'impôt sur la plus-value pour cession d'une entreprise lors d'un départ à la retraite d'un dirigeant de PME sont cumulatifs et non exclusifs l'un de l'autre ;
- il n'y a jamais eu le moindre doute sérieux sur le mode de computation du délai de détention des actions, de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de transmission d'une question préjudicielle ;
Considérant que Mme E..., intimée, réplique que :
- lorsque M. X... l'a consultée pour réaliser l'augmentation de capital, il était âgé de 61 ans et sa retraite, ainsi que la cession de sa société, n'étaient pas du tout d'actualité; il était parfaitement informé de ce que la réduction d'ISF prévue par l'article 885-0 V bis du code général des impôts était subordonnée à la conservation des titres pendant cinq années civiles entières, soit en l'occurrence jusqu'au 31 décembre 2013 ;
- pour simplifier les choses (éviter de faire une évaluation de la société) et compte tenu du fait que M. X... était le seul actionnaire et devait seul souscrire à l'augmentation de capital, il avait été convenu que les actions seraient émises à leur valeur nominale ;
- M. X... ne l'a pas informée du projet de cession de son entreprise ; elle l'a appris alors qu'il était très avancé, lorsque ses nouveaux conseils l'assistant dans cette opération lui ont demandé de leur fournir un certain nombre de documents dans le cadre des 'due diligences';
- les deux dispositifs relatifs à l'allégement de l'ISF en cas d'investissement ou en cas de cession n'ont pas vocation à s'appliquer au même contribuable à raison de la même société, puisque l'exonération partielle des plus-values de cessions réalisées dans un certain délai et à raison de la durée de détention passée, incite au désinvestissement des chefs d'entreprise qui se retirent, cependant que la réduction d'ISF est conditionnée à une certaine durée future d'investissement, les dates et délais fixés par la loi fiscale excluant tout cumul, voire toute combinaison des deux dispositifs ; soit M. X... envisageait de partir en retraite en cédant son entreprise avant la fin de l'année 2013 et alors la voie de la réduction d'ISF pour investissement dans son entreprise lui était fermée, soit il envisageait de poursuivre son activité à la tête de l'entreprise au-delà de 2013 et pouvait alors investir dans son entreprise en réduisant son ISF ; la difficulté vient de ce que M. X... a successivement fait le second choix ' investir dans son entreprise à partir de 2008, alors qu'il avait 60/61 ans, qu'il n'envisageait pas de prendre sa retraite ni de céder son entreprise à bref délai et qu'il avait l'opportunité de faire de nouveaux investissements fiscalement avantageux ' puis le premier choix, à savoir prendre sa retraite et céder son entreprise, quatre ans plus tard en 2012 ;
- à l'époque des actes rédigés par ses soins (2008 à 2011), il n'était pas du tout certain qu'une augmentation de capital par élévation du nominal pût satisfaire aux exigences de l'article 885-0 V bis du code général des impôts et notamment à l'obligation de conservation des titres pendant cinq années ; au contraire, il était prudent de représenter chaque augmentation de capital par des titres distincts de manière à pouvoir constater leur détention continue pendant la période requise ; ce n'est que par une modification de la doctrine administrative, intervenue bien plus tard, en juin 2014, que l'augmentation de capital par élévation du nominal des titres a été admise ; il est alors vraisemblable que tous les titres dont le nominal a été augmenté doivent être conservés pendant cinq années à compter de chaque augmentation de capital ouvrant droit à l'avantage fiscal, alors même qu'ils avaient été souscrits à l'origine depuis plus de cinq ans ;
- il importait peu que les augmentations de capital aient été réalisées par l'émission d'actions nouvelles plutôt que par l'élévation du nominal et que les actions nouvelles aient été émises avec ou sans prime d'émission, ce qui n'aurait affecté que le nombre d'actions émises, dont la jurisprudence fiscale montre qu'il n'est pas pertinent, seule comptant la valeur des apports;
- quelles qu'en aient été les modalités, l'augmentation de capital souhaitée pour bénéficier de la réduction d'ISF était irréversible et avait des conséquences nécessaires sur les perspectives d'imposition de la plus-value en cas de départ à la retraite, avant 2013 ;
- si le défaut de conseil et d'information retenu par les premiers juges n'est pas contesté, sa portée ne saurait être étendue au-delà des termes du jugement ;
- le seul moyen d'éviter la réduction de l'abattement sur la plus-value aurait été de ne pas faire d'augmentation de capital du tout, c'est-à-dire priver M. X... de l'avantage fiscal immédiat qu'il souhaitait en matière d'ISF dans la perspective de l'éventualité de son départ en retraite et de la cession de son entreprise avant fin 2013, en sachant que telle n'était pas son intention et que, jusqu'à l'augmentation de capital de 2011 voire au delà, il n'avait aucune perspective de cession de son entreprise ;
- l'appelant, qui persiste à soutenir contre toute vraisemblance et sans la moindre preuve, qu'il aurait pu bénéficier de la réduction d'ISF sans réduire ses droits à abattement de la plus-value de cession, ne fournit aucune indication sur la probabilité, appréciée successivement lors de chaque augmentation de capital, d'une cession de son entreprise avant 2013 ; faute de démontrer la probabilité de cette éventualité et d'en donner une estimation chiffrée, M. X... ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du préjudice invoqué de perte de chance ;
- en cas de doute sur la solution fiscale applicable, il y a lieu de saisir la juridiction administrative par voie de question préjudicielle ;
Considérant qu'ainsi que le tribunal l'a rappelé, l'avocat est soumis à un devoir d'information et de conseil envers son client ;
Considérant que M. X... a, le 29 avril 2008, alors qu'il était âgé de 61 ans, adressé à son conseil le courrier électronique suivant :
A... Jeanine
ISF 2008
Augmentation de capital de 24000 euros pour réduire mon ISF de 17000
Comment procéder cout (sic) '
Amitiés
B... ;
Considérant que M. X... reconnaît qu'il savait qu'il fallait conserver les actions pendant un délai de 5 ans pour bénéficier d'un exemption de l'imposition sur les plus-values mais reproche à Mme Z... de ne pas l'avoir informé sur les modalités d'augmentation de capital et leurs conséquences sur le plan fiscal ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que M. X... a vendu ses parts avant la fin du délai de 5 ans et qu'il a subi une imposition des plus values sur la proportion de capital correspondant aux augmentations de capital mises en place par Mme Z..., uniquement par souscription d'actions nouvelles à leur valeur nominale ;
Considérant que le tribunal a exactement relevé que Mme Z..., ce qu'elle ne conteste d'ailleurs pas, ne justifie pas avoir informé son client des différentes modalités d'augmentations de capital et de leurs conséquences, notamment sur le plan fiscal ; qu'elle a ainsi commis un manquement à ses obligations, susceptible d'engager sa responsabilité si un préjudice en est résulté ;
Considérant que les premiers juges ont relevé de façon pertinente que la note précisant que la souscription ouvrant droit à abattement de l'impôt sur la fortune pouvait s'entendre d'un simple accroissement de la valeur nominale des actions n'a été publiée au Bulletin officiel des Finances publiques que le 5 juin 2014, de sorte qu'à l'époque où les augmentations de capital sont intervenues, il n'était encore question que de la modalité d'augmentation de capital par la souscription d'actions nouvelles ;
Considérant dès lors qu'il ne peut être reproché à faute à Mme Z... de n'avoir pas proposé l'option de l'augmentation de capital par augmentation de la valeur des parts, cette option n'offrant encore aucune sécurité sur le plan fiscal ; que la responsabilité de l'intimée n'étant pas retenue sur ce plan, sa demande de transmission d'une question préjudicielle au Conseil d'Etat est sans objet ;
Considérant en revanche qu'il était alors possible de recourir à la souscription d'actions nouvelles avec une prime d'émission correspondant à la prise en compte de l'accroissement de valeur des actions déjà émises du fait des résultats déjà acquis par la société, de sorte que, si Mme Z... avait mentionné cette possibilité avec la conséquence en découlant en matière fiscale, c'est à dire qu'en cas de vente desdites parts avant un délai de 5 ans, ce qui était tout à fait envisageable compte tenu de l'âge de M. X..., 61 ans lors de la première émission d'actions, la proportion d'actions nouvelles souscrites ne bénéficiant pas de l'exemption de plus value serait nécessairement plus faible, car moins nombreuses et plus chères car intégrant la prime d'émission qu'en cas de souscription d'actions nouvelles à leur valeur nominale ;
Considérant que si l'on prend en compte, comme le fait l'appelant, l'hypothèse basse d'une valeur de la société limitée à sa seule situation nette à la clôture de l'exercice précédant les augmentations de capital, le nombre d'actions émises entre 2008 et 2011 se serait limité, compte tenu de la somme qu'il a investie, à 1090 actions, et aurait représenté, selon un calcul qui n'est pas contesté dans son quantum, 6,37 % (1090 actions nouvelles/17090 actions de la société) du nombre de titres cédés, de sorte que la plus-value imposable se serait limitée à cette quotité de la plus-value globale, soit 408 741 euros (6,37% x 6416667 euros) ;
Considérant que l'impôt sur le revenu correspondant aurait été de 81748 euros (20 % x 408.741), au lieu de 415800 euros, soit une économie de 334052 euros ;
Considérant que le préjudice consistant en une simple perte d'une chance ne peut pas être égal à la totalité du préjudice, dans la mesure où il n'est pas certain que M. X... aurait choisi cette option qui faisait apparaître, à l'époque des augmentations de capital, la valeur réelle des parts, il convient de le chiffrer à une somme de 250000 euros, soit un peu moins de 80 % du montant de l'économie qui aurait été réalisée ;
Considérant que Mme E... doit, dans ces conditions, être condamnée à verser cette somme à M. X... ;
Considérant que le jugement du 14 septembre 2016 doit par suite être infirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant que Mme E... devra verser à M. X... la somme de 5 000 euros pour l'ensemble de ses frais irrépétibles et supporter les dépens de première instance et d'appel ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur la demande d'exécution provisoire de cette décision qui est de droit ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement du 14 septembre 2016 ;
Statuant à nouveau et y ajoutant, condamne Mme E... à payer à M. X... la somme de 250000 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi que celle de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
Condamne Mme E... aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,