Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2018
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 17/09435
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Mars 2017 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 216/01057
APPELANTE
LE MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES au nom de :
- Monsieur Le Directeur Régional des Douanes de Roissy-Fret
- Monsieur Z... du Pôle Recouvrement de la Direction Régionale des Douanes de Roissy
- L'administration des Douanes représenté par le Directeur Régional des Douanes de Roissy-Fret
Ayant ses bureaux [...]
agissant par la Chef de l'Agence de Poursuites de la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières (DNRED)
Représentée par M. Gaëtan X..., Inspecteur des douanes, en vertu d'un pouvoir spécial
INTIMEE
Société MATHEZ TRANSPORTS
Ayant son siège social Zone Cargo 2 Bâtiment 3626
[...]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me François Y... de la SCP Y... ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R259
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 04 Juin 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Sylvie CASTERMANS dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Edouard LOOS, président et par Mme Cyrielle BURBAN, greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La société Mathez Transports, en sa qualité de commissionnaire en douane agréé, a effectué au nom et pour Ie compte de Ia societe Rotor France Industries, une opération de perfectionnement actif relative à la réparation d'un moteur d'hélicoptère de l'armée gabonaise.
En garantie des droits, la société Mathez a mobilisé la somme de 4128 euros au profit des douanes représentant 5% des droits et taxes de l'opération.
Le délai d'un an pour réexporter le moteur a été prolongé mais l'opération de perfectionnernent actif n'a pas été apurée dans les délais prescrits.
Par procès verbal du 3 juin 2015, les agents des douanes ont notifié à la société Mathez Transport l'infraction qualifiée d'inexécution des engagements souscrits.
Un AMR lui a été notifié le 15 juin 2015 pour un montant de 84026 euros. La société Mathez l'a contesté le 26 juin 2015.
Le 30 novembre 2015, la direction régionale des douanes de Roissy fret a rejeté la contestation.
La société Mathez Transports, a saisi le tribunal de grande instance de Bobigny afin d'obtenir l'annulation de l'AMR. Par jugement du 30 mars 2017, le tribunal a annulé 1'avis de mise en recouvrement du 15 juin 2015 jugeant la procédure irrégulière.
Le directeur regional des Douanes de Roissy fret et le chef du pôle Recouvrement de la direction regionale des douanes de Roissy fret ont interjeté appel.
Par conclusions signifées le 28 mai 2018, le directeur regional des Douanes de Roissy fret, le chef du pole Recouvrement de la direction régionale des douanes de Roissy fre demandent à la cour de :
Infirmer le jugement rendu le 30 mars 2017 par le tribunal de grande instance de Bobigny en ce qu'il a :
- annulé 1'avis de mise en recouvrement du 15 juin 2015 délivré par la Direction generale des douanes et des droits indirects à la société Mathez Transports et visant la somrne de 84026 euros
- condamné, in solidum, monsieur le directeur regional des Douanes de Roissy fret, le chef du pole Recouvrement de la direction regionale des douanes de Roissy fret à payer à la société Mathez transport la somme de 2000 euros au titre de l°article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté le surplus des demandes formées par les parties.
Confirmer l'avis de mise en recouvrement n° 783/15/s 22 du 15 juin 2015 pour un montant de 84026 euros,
Condamner la société Mathez Transports à payer à l'administation des douanes la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions signifées le 29 mai 2018, la société Mathez demande à la cour de:
Recevoir la société Mathez en ses conclusions d'appel.
Confirmer la décision entreprise et annuler l'avis de mise en recouvrement du 15 juin 2015 en application de l'article 67A du code des douanes.
Subsidiairement, dire que la société Mathez est déchargée de son engagement de caution en application de l'article 2314 du code civil et très subsidiairement dire que la société Mathez ne peut être tenue à un montant supérieur à celui garanti lors de la souscription de la déclaration, soit 4128 euros.
En conséquence, annuler l'avis de mise en recouvrement n° 783/15/S22 du 15 juin 2015 portant sur un montant de droits et taxes de 84026 euros.
Annuler la décision de rejet prise le 30 novembre 2015 par l'administration.
Ordonner le remboursement à la société Mathez des frais de caution qu'elle a dû mettre en place en application de l'article 348 du code des douanes.
Reconventionnellement :
Condamner l'administration à payer la somme de 7 000 € à la société Mathez sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, dire n'y avoir lieu à dépens.
SUR CE,
Sur l'irrégularité de l'émission de l'AMR :
La décision du 30 mars 2017 critiquée a jugé irrégulière la procédure ayant conduit à l'émission de l'avis de mise en recouvrement au motif que l'avis de résultat ne fournissait aucune précision quant aux documents et informations.
Le directeur regional des Douanes de Roissy fret et le chef du pôle Recouvrement de la direction regionale des douanes de Roissy fret font valoir que le droit de la défense a été respecté, que l'objet du redressement a été explicité dès l'avis du résultat de contrôle en date du 8 avril 2015 lequel indique les motifs de la poursuite, la règlementation applicable, et fait référence au procès verbal d'audition établi le 19 mai 2014, lequel relate les circonstances de faits et de droit du litige.
La société Mathez fait grief à l'administration de ne pas avoir précisé sa position sur le fondement de l'obligation au paiement de la somme litigieuse avant la notification du redressement . Elle reproche un défaut de réponse motivée aux objections formulées et l'apport d'éléments non mentionnés dans l'avis d'enquête.
Ceci exposé, le principe du contradictoire est régi par l'article 67 b du code des douanes communautaires qui énonce que le redevable est informé des motifs et du montant de la taxation encourue par tout agent de l'administration des douanes et droits indirects. Il est invité à présenter ses observations.
Le principe du respect des droits de la défense par l'administration des douanes implique un échange contradictoire préalable à la notification de la dette douanière. Il oblige notamment l'administration à inviter l'opérateur à présenter ses observations et à prendre en considération ses observations et explications.
En l'espèce, sont versés aux débats l'avis de résutat de contrôle le 8 avril 2015, le procès verbal de constat en date du 3 juin 2015, le procès verbal de constat du 19 mai 2014.
La société Mathez a reçu l'avis de résutat de contrôle le 8 avril 2015. Cet avis vise la déclaration IMA 22 714 899 du 20 octobre 2011 qui n'a pas reçu une destination douanière admise pour l'apurement. Il contient la règlementation applicable, en retranscrivant, les dispositions de l'article 89 du code des douanes communautaires. Il vise les conclusions du service qui rappellent l'imputation du crédit d'opérations diverses qui avait été solllicitée par le commissionnaire, la règlementation en son article 195 qui prévoit en ce cas la responsabilité de la société Mathez en qualité de principal obligé en sus de la garantie de sa caution.Il contient la proposition chiffrée de la dette douanière et l'invitation du justiciable à présenter des observations dans les délais impartis.
Le procès verbal de constat dressé en date du 3 juin 2015 comporte en objet la notification de l'infraction, le rappel des faits, la procédure, le placement de la marchandise sous un régime temporaire, la mention de la réparation d'un moteur d'hélicoptère, son origine et sa valeur.
Sur le procès verbal de constat dressé le du 19 mai 2014 figurent le rapport de l'enquête, qui a permis de constater que la société Rotor France Industrie était en liquidation judiciaire, le non apurement, les irrégularités de la procédure, en ce que le moteur n'a pas été réparé à Toussus Le Noble comme indiqué, mais vendu par Rotor France Insdustrie et transféré en Angleterre, lerôle de chacune des parties et notamment de la société Mathez.
Ce procès-verbal se rapporte à l'opération de placement sous perfectionnement actif non apurée comme fondement de la décision de l'administration et se réfère à la déclaration IMA 22 714 899 du 20 octobre 2011.
Il mentionne la réparation du moteur d`hélicoptère, qui correspond à l'objet de l'opération de perfectionnement actif, non apurée et qui a fait l'objet du contrôle douanier.
L'article 204-1 a) du code des douanes communautaires y est mentionné. L'article 195 du code des douanes communautaires est visé.
Il s'ensuit que le procès verbal en date du 3 juin 2015 comprend la règlementation applicable et les conclusions du service.Ces éléments établissent donc que la société Mathez a été informée des faits de l'espèce, de la procédure diligentée, des textes régissant le litige, qu'elle a été avisée de sa responsabilité en qualité de commissionnaire en douane. La société Mathez a été entendue et a fait valoir ses observations. L'avis de résultat de contrôle notifie le montant des droits de douanes.
Le procès verbal conclut que les observations formulées par l'interessée n'étaient pas de nature à remettre en cause les constatations du service.
Il en résulte que l'administration justifie avoir précisé sa position sur le fondement de l 'obligation au paiement de la somme litigieuse par la societé Mathez avant la notification du 3 juin 2015. Il est en outre démontré que les observations de la société Mathez ont été reçues par l'administration des douanes le 14 avril 2015 et qu'après examen de ces observations, l'administration a estimé qu'elle n'impliquaient pas une remise en cause des constatations du service, si bien qu'il était inutile d'y répondre.
Le fait que l'administration n'ait pas répondu de manière motivée aux observations de la société Mathez n'est pas entaché d'irrégularité, dans la mesure où l'administration des douanes n'est pas obligée d'apporter une réponse circonstanciée aux observations et n'est tenue que d' examiner et analyser les observations.
En l'espèce, il ressort du procès verbal du 3 juin 2015, que l'administration a examiné ces observations. En conséquence, le jugement déféré sera réformé en ce qu'il a dit la procédure irrégulière.
Sur la créance
L'administration des douanes soutient en substance que la société Mathez a cautionné 5% des droits et taxes en jeu, soit la somme de 4128 euros et que ladite société ayant sollicité l'imputation de son crédit opérations diverses, est devenue un principal obligé dans le cadre de l'opération de placement en perfectionnement actif effectuée, en se fondant sur l'annexe II paragraphe 2 de l'arrêté du 12 avril 2013.
Pour contester l'avis de mise en recouvrement, la société Mathez oppose que les textes sur lesquels l'administration se fonde ne s'appliquaient pas en 2011 ; qu'elle n'est pas un débiteur légal de la dette douanière, que l'inexécution de l'obligation souscrite n'est imputable qu'à la société Rotor Industrie . La société Mathez conteste le montant des droits et taxes au motif que sa caution est limitée à 5% des droits et taxes, soit de la somme de 4128 euros. Elle soutient que l'administration entretient une confusion, avec la garantie constituée à la suite de la contestation de l'AMR , qu'elle ne peut se prévaloir d'une obligation qui n'a pas été souscrite.
Elle ajoute qu'elle est déchargée de son obligation en qualité de caution, dès lors que l'administration n'a pas déclaré sa créance au passif de la la société Rotor Industrie.
Ceci exposé, l'article 88 du code des douanes communautaires prévoit la constitution d'une garantie facultative en cas de non- respect des obligations découlant de la mise en 'uvre d'un régime économique suspensif.
La société Mathez en qualité de commissionnaire en douane a effectué pour le compte de la société Rotor France Industrie une opération de perfectionnement actif pour la réparation d'un moteur d'hélicoptère.
Le régime de perfectionnement actif permet de procéder notamment à la réparation d'un bien originaire d'un pays tiers sans avoir à acquitter les droits de douane, sous conditions de faire ressortir le bien dans les délais impartis par la douane.
La société Mathez a sollicité le 20 octobre 2011 en garantie du placement de la marchandise sous ce régime, l'imputation de son crédit d'opération diverses.
Le 20 décembre 2012, l'opération a été prolongée pour une durée d'une année, mais l'opération n'a pas été apurée dans ce laps de temps et le moteur a quitté le territoire national sans qu'il soit procédé au paiement des droits et taxes y afférents.
La société Rotor France Industrie a été placée en liquidation judiciaire. Les services des douanes ont déposé leur déclaration de créance à hauteur d'un montant de 84026 euros le 11 mars 2014. Le mandataire liquidateur de la société Rotor France Industrie a informé l'administration des douanes de l'expiration du délai à la date du 6 février 2014. Il a précisé qu'en tout état de cause son courrier valait ,en tant que de besoin, certificat d'irrecouvrabilité.
La société Mathez a constitué auprés de la recette régionale des douanes de Nice, deux soumissions générales cautionnées pour le dédouanement, qui ont été enregistrées le 5 janvier 2015.
Les effets de la soumission générale cautionnée sont définis par l'arrêté du 12 avril 2013, reprenant celui du 29 mai 2012 et celui du 19 octobre 2006, dès lors les dispositions sont applicables à la déclaration du 20 octobre 2011 et à celles enregistrées le 5 janvier 2015.
L'annexe II pararaphe 2 de l'arrêté précité précise que, dans ce cadre, l'opérateur prend la qualité de principal obligé sur la soumission générale cautionnée pour le dédouanement.
Si le principal obligé est défaillant, la caution s'engage à payer les droits et taxes pour le montant total des impositions dues au titre de cette opération.
En l'espèce, la société Mathez a pris la qualité de principal obligé en cautionnant les droits de douane de l'opération d'admission temporaire.
En outre, la société Mathez ayant souscrit une caution, est tenue aux termes de l'article 405 du code des douanes au même titre que les principaux obligés de payer les droits et taxes dues par les redevables qu'elle a cautionnés.
Il en résulte que la soumission générale cautionnée garantit le report de paiement des droits et taxes conformément aux articles 224 à 227 et 114 du code des douanes et le paiement des sommes de toute nature pour lesquelles les opérateurs du dédouanment sont tenus de présenter une garantie en application du code des douanes.
Par ailleurs, l'article 204-1 du code des douanes communautaires prévoit que : 'Fait naitre une dette douanière à l'importation- l'inexécution d'une des obligations qu 'entraine pour une marchandise passible de droits a l'ïmportation son séjour en dépot temporaire l 'utilisation du régime douanier sous lequel elle a été placée .'
Dans le cas présent, la dette douanière est née de l'inexécution des engagements souscrits. Le principal obligé, la société Rotor France, étant défaillant, l'administration des douanes est fondée à appeler la société Mathez en sa qualité de commissionnaire en douane en paiement du montant total des impositions. Le non apurement de la déclaration de placement sous le régime du perfectionnement actif lui étant imputable, au même titre que la société Rotor France
Enfin, le moyen tiré de l'absence de créance définitive pour dédouaner la société Mathez, est inopérant dès lors qu'en vertu de l'arrêté précité, l'engagement de la soumission cautionnée n'est pas soumise à l'existence d'un titre définitif, mais à la défaillance du principal obligé. Or, en l'espèce, la liquidation de la société Rotor et le certificat d'irrécouvrabilité délivré par le mandataire judiciaire, illustrent cette défaillance.
La société Mathez est par conséquent redevable des droits et taxes réclamées par l'administration.
Sur les autres demandes
Il paraît équitable d'allouer au directeur regional des Douanes de Roissy fret, chef du pôle Recouvrement de la direction régionale des douanes de Roissy fret, l'administration des douanes la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elles ont exposés en cause d'appel.
La société Mathez sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il n' y a pas lieu à dépens.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
CONFIRME l'avis de mise en recouvrement n° 783/15/s22 du 15 juin 2015 pour un montant de 84026 euros,
CONDAMNE la société Mathez Transports à payer au directeur regional des Douanes de Roissy fret, le chef du pole Recouvrement de la direction régionale des douanes de Roissy fret, l'administration des douanes la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
REJETTE les autres demandes ;
DIT n'y avoir lieu à dépens.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS