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11/10/2018 | FRANCE | N°17/16309

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 11 octobre 2018, 17/16309


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 5



ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2018



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/16309



Sur renvoi après un arrêt de la cour de cassation rendu le 26 avril 2017 (RG n°15-28.413) emportant cassation partielle d'un arrêt de la cour d'appel de PARIS (pôle 5 - chambre 5) rendu le 22 octobre 2015 (n° RG14/08489), sur appel d'

un jugement du tribunal de commerce de PARIS rendu le 24 mars 2013 ( n°RG : [...])





APPELANT



Monsieur Ali X...

Demeurant [...]

né le [...] à Guenz...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2018

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/16309

Sur renvoi après un arrêt de la cour de cassation rendu le 26 avril 2017 (RG n°15-28.413) emportant cassation partielle d'un arrêt de la cour d'appel de PARIS (pôle 5 - chambre 5) rendu le 22 octobre 2015 (n° RG14/08489), sur appel d'un jugement du tribunal de commerce de PARIS rendu le 24 mars 2013 ( n°RG : [...])

APPELANT

Monsieur Ali X...

Demeurant [...]

né le [...] à Guenzet

Représenté par Maître Frédéric Y... de la SELARL Y... & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Ayant pour avocat plaidant Maître Olivier E... AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0330

INTIMÉE

SA DLSI

Ayant son siège social avenue Jean-Eric Bousch - Technopole Sud

[...]

N° SIRET : 389 486 754

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Maître Frédérique Z..., avocate au barreau de PARIS, toque : K0065

Ayant pour avocat plaidant Maître Didier A..., avocat au barreau de STRASBOURG substitué à l'audience par Maître Sandrine B..., avocate au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 juin 2018, en audience publique, devant la cour composée de:

Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de chambre

Madame Fabienne SCHALLER, Conseillère

Madame Anne DU BESSET, Conseillère, chargée du rapport

qui en ont délibéré,

un rapport a été présenté à l'audience par Madame Anne DU BESSET dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Hortense VITELA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Patrick BIROLLEAU, Président de chambre et par Hortense VITELA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE :

Selon contrat du 1er janvier 2007, la Société Francilienne de Travail Temporaire a confié à M. Ali X..., agent commercial exerçant sous l'enseigne SARL Universal Recrutement Services, le mandat de prospecter des clients et de prendre des commandes en son nom et pour son compte, moyennant le paiement d'une commission de 40% de la marge brute (dont le calcul était précisé) dégagée par l'activité commerciale de l'agent.

L'article 11 du contrat stipulait que celui-ci était d'une durée d'un an, reconductible tacitement pour des durées égales, sauf notamment dénonciation par l'une ou l'autre des parties dans un délai de trois mois avant l'expiration de sa durée.

Son article 12 stipulait :

'La résiliation du Contrat par le Mandant ou demandée par l'agent dans les conditions de l'article 20 ci-après, ouvre droit, au profit de l'Agent, à une indemnité compensatrice du préjudice subi, conformément aux dispositions de la loi n° 91-593 du 25 juin 1991 et de l'article L. 134-12 du Code de Commerce.

Cette indemnité compensatrice sera versée sous forme de 2 années de commissions selon les conditions du contrat, sous réserve que les commerciaux et chargés d'affaires formés par l'agent soient contractuellement liés au mandant (avec clause de non-concurrence de 2 ans) afin qu'ils puissent maintenir au mandant l'activité initiée par l'Agent.

L'agent perd ce droit dans le cas où la cession [sic] du contrat est provoquée par une faute grave de l'agent constatée judiciairement.(...)'»,

les caractères en gras et soulignés figurant ainsi dans le contrat.

Trois avenants ont été signés, le dernier prévoyant que la commission de l'agent serait portée à 45% de la marge brute à compter du 1er septembre 2010.

Le 1er septembre 2010, par l'effet d'une cession du contrat, la société DLSI est venue aux droits de la Société Francilienne de Travail Temporaire.

Un quatrième avenant a été signé le 11 février 2011 entre l'agent et la société DLSI.

Selon lettre recommandée avec avis de réception du 29 septembre 2011, M. X... a notifié à la société DLSI la résiliation de son contrat d'agent commercial avec effet au 31 décembre 2011, en raison des nombreux griefs déjà discutés entre eux, notamment relatifs aux modalités peu claires du calcul de ses commissions, auxquelles aucune solution satisfaisante n'avait été selon lui trouvée ; il lui a également notifié son droit à une indemnité de rupture correspondant à deux années de commissions conformément à l'article 12 du contrat.

La société DLSI s'est opposée au versement d'une telle indemnité de rupture.

C'est dans ces conditions que le 15 novembre 2012, M. X... a assigné la société DLSI afin de lui voir imputer la rupture et d'obtenir une indemnité de cessation de contrat.

Par jugement du 24 mars 2014, le tribunal de commerce de Paris a :

- déclaré recevable l'action de M. X... ;

- débouté M. Ali X... de sa demande de versement de 435 574,91 euros correspondant à son indemnité de rupture à laquelle il n'a pas droit ;

- débouté la SA DLSI de sa demande de versement de dommages et intérêts pour violation de la clause de non concurrence contenue dans le contrat signé par M. X... ;

- débouté M. X... de sa demande de versement d'une indemnité spécifique au titre de la clause de non concurrence ;

- débouté les parties de leurs demandes respectives de versement de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs plus amples demandes, fins et conclusions ;

- condamné M. X... et la SA DLSI aux dépens chacune à parts égales, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de TVA.

Vu l'appel interjeté le par M. X... à l'encontre de cette décision ;

Par arrêt du 22 octobre 2015, la présente cour, dans une composition différente de sa présente composition, a :

- confirmé le jugement ;

Y ajoutant,

- condamné Monsieur X... à verser à la société DLSI la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Monsieur X... aux entiers frais et dépens ;

Vu le pourvoi formé par M. X... contre cet arrêt ;

Selon arrêt du 26 avril 2017, la cour de cassation a :

- cassé et annulé cet arrêt du 22 octobre 2015, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette la demande en paiement de la somme de 435 574, 91 euros à titre d'indemnité de cessation de contrat de M. X..., et en ce qu'il statue sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, et remis, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le dit arrêt et pour être fait droit, les a renvoyées devant la présente cour, autrement composée ;

-condamné la société DLSI aux dépens et à payer à M. X... la somme de 3 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu la déclaration de saisine du 7 juin 2017 de M. X... ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 23 mai 2018 par M. X..., par lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu les articles 1103 (1134 ancien) du code civil,

Vu les articles L.134-1 et suivants du code de commerce,

- dire et juger Monsieur Ali X... recevable et bien fondé en ses demandes ;

A titre principal,

- dire et juger que l'indemnité de rupture prévue à l'article 12 du contrat doit être versée à Monsieur Ali X... par la société DLSI même en l'absence de faute de cette dernière ;

Subsidiairement,

- dire et juger que le contrat est un contrat à durée déterminée et qu'en conséquence, l'indemnité de rupture prévue à l'article 12 du Contrat est due à son échéance, que celle-ci est survenue le 31 décembre 2011 ;

Subsidiairement,

- dire et juger que la société DLSI a commis des fautes dans l'exécution du contrat, notamment relatives au calcul des commissions dues à Monsieur X... ; qu'en conséquence, les circonstances de la rupture du contrat sont imputables à la société DLSI et celle-ci doit donc verser à Monsieur X... l'indemnité de rupture prévue à l'article 12 du Contrat en application de l'article L.134- 13 du code de commerce,

Subsidiairement

- dire et juger qu'en tout état de cause, à la lumière des éléments produits par Monsieur X..., les circonstances de la rupture du Contrat sont imputables à la société DLSI et celle-ci doit donc verser à Monsieur X... l'indemnité de rupture prévue à l'article 12 du contrat en application de l'article L.134- 13 du code de commerce ;

En tout état de cause,

- dire et juger que le montant de l'indemnité prévue à l'article 12 du Contrat est de 435.574,91 euros ;

En conséquence,

- condamner la société DLSI à payer à Monsieur Ali X... la somme de 435.574,91 euros correspondant à son indemnité de rupture ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 16 mars 2012 ;

- condamner la société DLSI à verser à Monsieur Ali X... la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société DLSI aux entiers dépens sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 6 juin 2018 par la société DLSI, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- débouter l'appelant de ses moyens et conclusions ;

-condamner l'appelant à verser à l'intimée un montant de 8 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'appelant aux entiers frais et dépens dont distraction au profit de Me Z... en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 juin 2018.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 28 juin 2018.

Le 4 septembre 2018, le conseil de M. X... a adressé à la cour une note en délibéré, à laquelle était jointe une nouvelle pièce.

Par note en réplique du 18 septembre 2018, le conseil de la société DLSI a soulevé l'irrecevabilité de cette note en délibéré en raison de son caractère spontané, en application de l'article 445 du code de procédure civile.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 445 du code de procédure civile.

***

MOTIFS :

Sur la recevabilité de la note en délibéré :

En application de l'article 445 du code de procédure civile, la note en délibéré adressée par M. X... le 4 septembre 2018 sera déclarée irrecevable, faute de remplir les conditions requises pour être admise aux débats, c'est-à-dire d'avoir été sollicitée par la cour ou de répondre aux arguments du ministère public, ce, conformément à la demande de DLSI.

Sur le fond :

Vu les articles 1156 et 1157 du code civil (dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ici applicable) relatifs à l'interprétation des conventions ;

L'article L.134-4 du code de commerce dispose que les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties (alinéa 1) ; que les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information (alinéa 2) ; que l'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; et que le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat (alinéa 3).

L'article L.134-12 du même code, dont les dispositions sont d'ordre public, indique qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; qu'il perd toutefois le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits ; et que ses ayants droit bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l'agent.

Par ailleurs, l'article L.134-16 prévoit qu'est réputée non écrite toute clause ou convention dérogeant, au détriment de l'agent commercial, aux dispositions de l'article précité.

Il est de principe enfin que les parties peuvent licitement convenir à l'avance d'une indemnité de rupture, dès lors que celle-ci assure à tout le moins la réparation intégrale du préjudice subi par l'agent commercial.

L'article L.134-13 précise toutefois que la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :

1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial;

2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;

3° Selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence.

Il est admis que la faute grave, privative d'indemnité de rupture, se définit comme celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat et rend impossible le maintien du lien contractuel ; elle se distingue du simple manquement aux obligations contractuelles justifiant la rupture du contrat.

En l'espèce, il est rappelé que l'article 12 du contrat stipule que 'La résiliation du Contrat par le Mandant ou demandée par l'agent dans les conditions de l'article 20 ci-après, ouvre droit, au profit de l'Agent, à une indemnité compensatrice du préjudice subi, conformément aux dispositions de la loi n° 91-593 du 25 juin 1991 et de l'article L. 134-12 du Code de Commerce.

Cette indemnité compensatrice sera versée sous forme de 2 années de commissions selon les conditions du contrat, sous réserve que les commerciaux et chargés d'affaires formés par l'agent soient contractuellement liés au mandant (avec clause de non-concurrence de 2 ans) afin qu'ils puissent maintenir au mandant l'activité initiée par l'Agent.

L'agent perd ce droit dans le cas où la cession [sic] du contrat est provoquée par une faute grave de l'agent constatée judiciairement.(...)'»,

Or, ainsi que le soutient à bon droit M. X..., l'article 12, susceptible de deux sens du fait de l'emploi du terme 'ou' (: 'la résiliation du contrat par le mandant ou demandée par l'agent'), à savoir que l'indemnité de rupture serait due quel que soit l'auteur de la rupture ou seulement si celle-ci était à l'initiative du mandant, doit être interprété dans le sens où la dite indemnité est due quelle que soit la partie - mandant ou agent - qui prend l'initiative de la rupture, sauf faute grave de l'agent constatée judiciairement, au vu de la commune intention des parties qui résulte des éléments suivants :

- les termes imprimés en gras ('ou demandée par l'agent dans les conditions de l'article 20 ci-après', 'constatée judiciairement' et 'de l'article L134-12 du Code de commerce') prévoient des dérogations au régime de droit commun de l'indemnité de rupture de l'agent commercial, dérogations favorables à celui-ci, ainsi que la loi le permet - les dérogations faites à son détriment étant au contraire prohibées et sanctionnées par leur caractère réputé non écrit - ce qui révèle l'intention des parties de faire ressortir le caractère exceptionnel de ces dispositions par rapport au droit commun ;

- en effet, le droit commun de l'indemnité de cessation de contrat consiste à exclure la dite indemnité lorsque l'agent est à l'initiative de la rupture (sauf dans deux cas particuliers limitativement énumérés : la condition physique de l'agent et l'imputabilité au mandant) ou en cas de faute grave de l'agent, sans qu'il soit nécessaire de voir reconnaître en justice la dite faute, de sorte qu'il apparaît plus favorable d'exiger une telle reconnaissance,

- le renvoi exprès, en cas de résiliation demandée par l'agent, 'aux conditions de l'article 20 ci-après", s'analyse nécessairement en une erreur matérielle, puisque l'article 20 prévoit, de façon usuelle, la loi applicable (le droit français) et la juridiction compétente en cas de litige (le tribunal de commerce de Paris), ce qui est sans lien avec les modalités de mise en oeuvre de la rupture et puisque ce renvoi à la loi française serait parfaitement surabondant, dans la mesure où l'article 12 renvoie déjà expressément à la loi du 25 juin1991 (qui régit le statut des agents commerciaux et sera ensuite codifiée sous les articles L.134-1 et suivants du code de commerce) et à l'article L.134-12 du code de commerce qui définit l'indemnité de cessation de contrat,

- il apparaît donc, ainsi que l'excipe l'appelant, que ce renvoi aurait dû viser plus logiquement l'article 11 du contrat qui traite de la durée reconductible du contrat, ainsi que de ses modalités de résiliation (auteur, forme, préavis...) ;

- le choix de favoriser l'agent est corroboré par le contexte de la signature du contrat du 1er janvier 2007, selon lequel à l'époque M. X... était - selon ses dires non critiqués - un agent reconnu dans le domaine intérimaire, disposant déjà de son propre portefeuille de clients, ayant notamment travaillé de 1998 à 2001 pour Marignan Service Interim, dès 2003 avec la société Satt Interim, devenue MGTT, puis rachetée par la société Exess, laquelle a créé et détient la Société Francilienne de Travail Temporaire, contexte corroboré par le témoignage circonstancié de M. Jean-Luc C..., ancien directeur de la société Satt Interim, selon lequel celui-ci a présenté M. X... à M. Michel D..., gérant de la société Francilienne de Travail Temporaire (et signataire à ce titre du contrat litigieux), et participé à son recrutement par celle-ci et selon lequel il était prévu que l'appelant percevrait une 'indemnité parachute', en raison de son expérience et de la clientèle apportée, ce témoignage n'étant pas utilement démenti par celui de M. Michel D..., produit par l'intimée ; en effet, le fait - certes, avéré - allégué par ce dernier, actuel salarié de DLSI, que M. Jean-Luc C... n'ait pas été 'habilité' à la gestion du contrat de mandat de M. X... n'est pas de nature à empêcher qu'il ait pu avoir connaissance des modalités du dit contrat, d'autant plus si elles étaient exorbitantes du droit commun et qu'il avait contribué à son embauche.

Il est établi, dans ces conditions, que M. X..., bien qu'il soit à l'initiative de la résiliation, s'avère bien fondé à réclamer l'indemnité de rupture sans même être tenu d'établir que cette rupture est imputable à DLSI, ce, en application des stipulations expresses du contrat.

En toutes hypothèses, la cour observe à titre superfétatoire que M. X... rapporte la preuve de l'imputabilité à DLSI de la rupture, compte tenu de la perte de confiance de l'intéressé en son mandant consécutive à son incapacité à remédier aux difficultés de calcul de ses commissions, grief dûment dénoncé par l'agent dans son courrier de rupture ; ces difficultés sont caractérisées par une opacité certaine pour établir la base de calcul de la rémunération et par une gestion déficiente des encours clients à la suite notamment d'un changement de logiciel, éléments établis par les échanges de courriels des parties courant 2011 et corroborés par les témoignages d'anciens agents ou salariés de DLSI, qui ne sauraient s'expliquer par leur seule rancoeur vis-à-vis de celle-ci, compte tenu de leur caractère convergent et du fait qu'ils viennent étayer les propres récriminations de l'appelant à ce propos. De même, le fait - avéré par les pièces - que début 2012, les parties aient tenté de négocier pour nouer un nouveau partenariat, n'est pas incompatible avec cette perte de confiance, le partenariat envisagé étant supposé avoir de nouvelles bases et n'ayant d'ailleurs finalement pas abouti, M. X... mettant un terme définitif aux négociations dès le 17 février 2012.

S'agissant de son montant, il est rappelé que l'indemnité de rupture est destinée à réparer le préjudice subi par l'agent du fait de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune. Son montant n'étant pas réglementé par la loi, il convient de le fixer en fonction des circonstances spécifiques de la cause, même s'il existe un usage reconnu qui consiste à accorder l'équivalent de deux années de commissions, lequel usage ne lie cependant pas la cour.

En l'espèce, le quantum de l'indemnité étant fixé par le contrat à '2 années de commissions selon les conditions du contrat', il convient de déduire de la somme totale de 435.574,91 euros réclamée par M. X... (correspondant selon lui au montant cumulé de ses commissions 2010 et 2011) la somme de 54.318,65 euros, qui correspond au coût des commerciaux et doit donc être déduit du montant des commissions, par application de l'article 7 du contrat, ce, conformément à la juste demande de DLSI qui ne conteste pas le surplus de la demande indemnitaire.

En conséquence, DLSI sera condamnée à payer à M. X... la somme de 381.256,26 euros à titre d'indemnité de rupture, outre intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2012, date de la mise en demeure, le jugement étant infirmé sur ce point.

DLSI qui succombe essentiellement supportera les dépens de première instance et d'appel. L'équité commande d'allouer à l'appelant la somme de 10.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Vu l'arrêt de cassation partielle du 26 avril 2017 ;

DÉCLARE irrecevables la note en délibéré et la pièce annexée communiquées le 4 septembre 2018 par M. X... ;

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande d'indemnité de rupture et concernant les dépens, ainsi que l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant de nouveau sur ces points,

CONDAMNE la société DLSI à payer à M. X... la somme de 381.256,26 euros, à titre d'indemnité de rupture, avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2012 ;

CONDAMNE la société DLSI à payer à M. X... la somme de 10.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes ;

CONDAMNE la société DLSI aux dépens de première instance et d'appel.

La Greffière Le Président Hortense VITELA Patrick BIROLLEAU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 17/16309
Date de la décision : 11/10/2018

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°17/16309 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-11;17.16309 ?
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