Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2018
(n° 18/314 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/22505
Décision déférée à la Cour : Arrêt du 14 Octobre 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/05940
APPELANTS
Monsieur James X...
né le [...]
demeurant [...]
Représenté et assisté sur l'audience par Me Emeline Y... de la SELARL SEKRI VALENTIN ZERROUK, avocat au barreau de PARIS, toque : D0320
Madame Laurence Z...
née le [...]
demeurant [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Emeline Y... de la SELARL SEKRI VALENTIN ZERROUK, avocat au barreau de PARIS, toque : D0320
INTIMÉE
SARL MITCHUN prise en la personne de ses représentants légaux
N° SIRET : B 4 44 065 239
ayant son siège au [...]
Représentée par Me Malaury A..., avocat au barreau de PARIS, toque : D0408
Assistée sur l'audience par Me Frédéric B... de la SELARL ASA, avocat au barreau de MARSEILLE, substitué sur l'audience par Me Julie C..., avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Juin 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Dominique GILLES, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Dominique DOS REIS, Présidente
Monsieur Dominique GILLES, Conseiller
Madame Christine BARBEROT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Dominique GILLES, Conseiller signant en lieu et place de Madame Dominique DOS REIS, Présidente empêchée, et par Lydie SUEUR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
Par acte sous-seings privés du 13 octobre 2014 pour l'acquéreur et du 5 novembre 2014 pour le vendeur, établi en un seul original donné en garde à M. François D..., notaire à [...], M. James X... et Mme Laurence Z... ont vendu sous conditions suspensives à la SARL Mitchun une maison d'habitation sise à Zonza (Corse du Sud), [...], moyennant le prix de 2325000€ (dont 30240€ de meubles). Les parties ont stipulé une clause pénale d'un montant de 232500€. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 novembre 2014, la SARL Mitchun a exercé la faculté de rétractation de l'article L 271-1 du code de la construction et de l'habitation que lui avait notifiée le notaire par lettre recommandée du 10 novembre 2014. Après que M. X... et Mme Z... eurent saisi à titre conservatoire des créances et des droits sociaux de la SARL Mitchun, entre les mains de la banque BNP Paribas, ce en vertu d'une ordonnance du juge de l'exécution du 24 mars 2015, ils ont, par acte extrajudiciaire du 24 avril 2015, saisi le tribunal pour faire condamner la SARL Mitchun à leur payer le montant de la clause pénale.
C'est dans ces conditions que le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 14 octobre 2016 a :
- constaté l'anéantissement de la vente du fait de la rétractation de la SARL Mitchun,
- 'retiré l'ordonnance du juge de l'exécution du 24 mars 2015 de l'ordre juridique',
- donné mainlevée de la saisie conservatoire,
- condamné M. X... et Mme Z... aux dépens,
- dit n' avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par dernières conclusions du 28 mars 2018, M. X... et Mme Z..., appelants, demandent à la Cour de :
- vu les articles 1134, 1147 et 1152 du code civil ;
- vu l'article L 271-1 du code de la construction et de l'habitation ;
- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- rejeter les demandes de la SARL Mitchun ;
- dire que celle-ci, acquéreur professionnel, n'a pas valablement rétracté son consentement à la vente du 5 novembre 2014 ;
- la condamner à leur payer la somme de 232500€ au titre de la clause pénale, outre intérêts à compter de la mise en demeure ;
- 'ordonner l'exécution provisoire' ;
- condamner la SARL Mitchun à leur verser une somme de 30000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 18 mai 2014, la SARL Mitchun prie la Cour de :
- à titre principal :
- confirmer le jugement entrepris ;
- à titre subsidiaire :
- dire qu'elle n'a manqué à aucune obligation née du contrat en usant de la faculté de rétractation stipulée et que la clause pénale est inapplicable de ce fait ;
- débouter en conséquence M. X... et Mme Z... de leurs demandes ;
- ordonner la rétractation de l'ordonnance du juge de l'exécution ayant autorisé la saisie conservatoire et ordonner la mainlevée de celle-ci ;
- à défaut :
- modérer la clause pénale manifestement excessive et la limiter à 10000€ en toutes hypothèses ;
- en tout état de cause :
- lui allouer une indemnité de 10000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, somme mise à la charge de M. X... et de Mme Z... en sus des dépens.
SUR CE, LA COUR
Les moyens soutenus par M. X... et Mme Z... au soutien de leur appel ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs exacts que la Cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.
A ces justes motifs, il convient d'ajouter les éléments qui suivent.
La page 19 du contrat comporte, à la suite de la clause pénale, un paragraphe intitulé 'Faculté de rétractation de l'acquéreur' ainsi rédigée : 'Conformément aux dispositions de l'article L 271-1 du code de la construction et de l'habitation, l'acquéreur, non professionnel de l'immobilier, pourra se rétracter à son seul gré, et sans avoir à fournir de justification, dans un délai de 7 jours à compter du lendemain de la notification du présent acte./les parties mandatent expressément Maître François D... à l'effet d'effectuer cette notification./ En cas de rétractation dans ce délai, les présentes seront caduques et ne pourront recevoir aucune exécution, même partielle, et le dépositaire des fonds versés par l'acquéreur devra les restituer dans un délai de 21 jours à compter du lendemain de la date de rétractation./En cas de pluralité d'acquéreurs [...]/La rétractation devra être adressée dans les formes prévues par l'article L 271-1 alinéa 2 du code de la construction et de l'habitation à Maître François D....'
Si l'article L 271-1 du code de la construction et de l'habitation institue un droit de rétractation au profit du seul acquéreur non professionnel d'un immeuble, et si l'extrait Kbis de la société Mitchun révèle un objet social caractéristique d'un professionnel de l'immobilier, ce qui aurait effectivement pu conduire les parties à écarter l'application à la SARL Mitchun des dispositions en cause, il n'en demeure pas moins que les vendeurs ont sciemment accepté la clause négociée du contrat litigieux par laquelle elles ont donné, ensemble avec l'acquéreur, mandat exprès au notaire dépositaire pour notifier à la SARL Mitchun le droit de rétractation de l'article L 271-1 du code de la construction et de l'habitation. Les vendeurs ne justifient d'aucune erreur sur l'objet social de la société acquéreur au moment de la conclusion du contrat. Ils ne justifient pas davantage de conditions de négociation et de signature propres à établir qu'ils n'auraient pas négocié les termes du contrat. Ils font vainement valoir que le tribunal aurait indûment tenu pour efficace une simple clause de style inapplicable à la SARL Mitchun. En effet, rien ne permet de considérer que le mandat exprès ci-dessus aurait été simplement éventuel, réservé au cas où la qualité d'acquéreur non professionnel aurait été par ailleurs établie. L'objet social de la SARL Mitchun n'est pas rappelé au contrat et aucun des termes de celui-ci ne peut le faire présumer. Le tribunal doit être approuvé d'avoir retenu que le sens des termes 'acquéreur non professionnel' placés en apposition, au premier paragraphe de la clause litigieuse, dans la phrase : 'conformément aux dispositions de l'article L 271-1 du code de la construction et de l'habitation, l'acquéreur, non professionnel de l'immobilier, pourra se rétracter à son seul gré, et sans avoir à fournir de justification, dans un délai de 7 jours à compter de la notification du présent acte' avait bien pour effet de conférer à cet acquéreur, clairement identifié à l'acte comme étant la SARL Mitchun, le droit de rétractation litigieux. Les vendeurs qui, de toutes manières n'étaient pas liés par l'objet social de la SARL Mitchun et qui étaient libres de décider de lui conférer le droit de rétractation litigieux, même sans vérification préalable de son objet social, se trouvent désormais mal fondés de venir contester le droit ainsi conféré.
Il est établi que la SARL Mitchun a valablement et sans retard exercé la faculté de rétractation.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit qu'il retirait l'ordonnance du juge de l'exécution ; en effet, seul le juge de l'exécution qui a rendu la décision pouvait la rétracter, mais non le tribunal de grande instance saisi au fond ; c'est pourquoi le jugement sera réformé de ce chef.
En équité, M. X... et Mme Z..., seront condamnés in solidum à verser à la SARL Mitchun une somme de 5000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a dit qu'il a dit qu'il retirait l'ordonnance du juge de l'exécution du 24 mars 2015 de l'ordre juridique,
Dit n'y avoir lieu à statuer à nouveau sur ce point,
Pour le surplus :
Confirme le jugement entrepris,
Déboute M. X... et Mme Z... de toutes leurs demandes,
Condamne in solidum M. X... et Mme Z... à verser à la SARL Mitchun une indemnité de 5000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. X... et Mme Z... aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande.
Le Greffier Monsieur Dominique GILLES,
Conseiller