RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 24 Octobre 2018
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/08474 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZBT5
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Avril 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 15/07435
APPELANT
Monsieur [R] [N] [N]
[Adresse 1]
[Localité 1]
né le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 2] (TUNISIE )
représenté par Me Magaly LHOTEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C2547
INTIMEES
Me [D] [J] - Mandataire liquidateur de SARL EDITION CENTRALE DE LIAISON ET D'INFORMATION PUBLICITAIRE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Catherine LAUSSUCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0223 substitué par Me Isabelle TOLEDANO, avocat au barreau de PARIS, toque : E1354
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST prise en la personne de son Directeur, Monsieur [A] [K]
130. [Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Arnaud CLERC de la SELARL LAFARGE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : T10 substituée par Me Marie SALAUN, avocat au barreau de PARIS, toque : T10
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Septembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Véronique PAMS-TATU, Président de Chambre
Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseiller
Madame Florence OLLIVIER, Vice Président placé faisant fonction de Conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 10 avril 2018
Greffier : M. Julian LAUNAY, lors des débats
ARRET :
- Contradictoire
- par mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Véronique PAMS-TATU, Président de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [N], estimant avoir été salarié de la société ECLIP, mise en liquidation judiciaire le 12 août 2010, a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 21 novembre 2011, afin d'obtenir le paiement d'une créance salariale de 56 771,24 euros ainsi que la remise sous astreinte de l'attestation employeur destinée à Pole emploi et d'un certificat de travail.
Il a été débouté par jugement du 21 avril 2016.
Il a interjeté appel et sollicite de voir :
'infirmer le jugement ;
'constater l'existence d'une créance salariale et fixer au passif de la société cette créance d'un montant de 56 771,24 euros bruts ;
'condamner la société ECLIP, représentée par la SELAFA MJA, à lui remettre les bulletins de salaire, une attestation pôle emploi, un certificat de travail sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document, et à lui payer 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamner l'AGS CCEA Île-de-France Ouest à garantir ces sommes.
Me [D], de la SELAFA MJA, ès qualités de mandataire liquidateur, sollicite de voir confirmer le jugement, constater que Monsieur [N] n'avait pas la qualité de salarié, le débouter de ses demandes et le condamner à lui payer 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'UNEDIC, délégation AGS CCEA Île-de-France Ouest, sollicite de voir notamment confirmer le jugement, à titre principal, dire que Monsieur [N] n'est pas salarié de la société ECLIP, le débouter de ses demandes, en tout état de cause, dire que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites légales de sa garantie, juger que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à l'un des trois plafonds définis à l'article D. 3253'5 du code du travail, juger que les intérêts ont été arrêtés au jour de l'ouverture de la procédure collective, juger que la garantie ne peut concerner que les sommes dues en exécution du contrat de travail.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS
Le mandataire liquidateur et l'AGS CGEA soutiennent que les dirigeants des sociétés CIRP, ECLIP et UTP ainsi que certains salariés ont été mis en examen pour escroquerie en bande organisée et travail dissimulé à la suite d'une instruction pénale, que Monsieur [N] faisait partie des 13 personnes mises en examen, que par jugement du 31 mai 2012, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré Monsieur [N] non coupable et l'a relaxé et que par arrêt du 31 mai 2012 la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement en ce qui le concerne tout mentionnant sa qualité de gérant de fait ;
-Monsieur [N] n'a jamais rapporté la preuve de sa qualité de salarié dans le cadre de la procédure prud'homale, qu'il était le cofondateur des sociétés UTP et CIRP ; qu'en avril 2009, il s'est vu consentir un contrat de travail au sein de la société ECLIP, que l'ensemble des personnes mises en cause dans le cadre de la procédure pénale ont reconnu qu'il était le dirigeant de fait, qu'il ne rapporte pas la preuve d'un quelconque lien de subordination.
Cependant, Monsieur [N] produit :
-un contrat de travail à durée indéterminée signé le 2 janvier 1988, comportant une période d'essai d'un mois, par lequel il était engagé en qualité de rédacteur, pour travailler du lundi au vendredi de 9h à 12h30 et de 14h à 18h30 moyennant une rémunération brute de 20 000 F par mois
-des bulletins de salaire pour la période du 1er janvier 1988 au 30 avril 2010
-un courrier d'information relatif au cumul d'emploi'retraite du 2 novembre 2009
-des revues publiées par la société
-un relevé de carrière de l'ARRCO du 19 juin 2009 mentionnant une activité salariée au sein de la société ECLIP pendant la période cotisée du 1er janvier 1988 au 30 avril 2009
-des attestations de collègues attestant que le travail de Monsieur [N] consistait à récupérer les rédactionnels chez les clients, les associations, puis à les corriger, les réécrire et les faire imprimer.
En tout état de cause, Monsieur [N] produisant un contrat de travail, il appartient au mandataire liquidateur et à l'AGS CGEA de rapporter la preuve de son caractère fictif laquelle ne saurait nullement résulter des décisions pénales de relaxe en ce qui concerne celui-ci - dont l'une fait allusion dans ses motifs à une qualité de gérant de fait - ni des témoignages des gérants de droit des sociétés du groupe.
Il convient dès lors de reconnaître à Monsieur [N] la qualité de salarié, fixer sa créance salariale à la somme de 56 771,24 euros bruts et ordonner la communication des documents de fin de contrat sans qu'il y ait lieu de l'assortir d'une astreinte.
Il n'est pas inéquitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirme le jugement déféré ;
Statuant à nouveau,
Dit que Monsieur [N] avait la qualité de salarié de la société ECLIP ;
Fixe la créance salariale de Monsieur [N] au passif de la liquidation judiciaire de la société ECLIP à la somme de 56 771,24 euros bruts ;
Ordonne à la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [D], ès qualités de mandataire liquidateur, de remettre à Monsieur [N] les bulletins de salaire, attestation employeur destinée à Pole emploi et certificat de travail ;
Déclare l'arrêt opposable à l'AGS-CGEA Île-de-France Ouest dans les limites légales de sa garantie ;
Dit que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à l'un des trois plafonds définis à l'article D. 3253'5 du code du travail ;
Déboute Monsieur [N] du surplus de ses demandes ;
Dit que les dépens de première instance et d'appel seront pris en charge par la procédure collective.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE