Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRÊT DU 24 OCTOBRE 2018
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/14843 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZGJS
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Juin 2016 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n°2015025369
APPELANTE
SAS BABEL STRATEGIE & COMMUNICATION
Ayant son siège social : [...]
N° SIRET : 390 435 303 (PARIS)
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Eric X... de la SCP PECHENARD & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R047
INTIMÉE
SA BPCE
Ayant son siège social : [...]
[...]
N° SIRET : 493 455 042 (PARIS)
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Matthieu Y... de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Ayant pour avocat plaidant : Me Louis DE GAULLE de la SELAS DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0035
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Septembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Irène LUC, Présidente de chambre
Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère, rédacteur
Madame Laure COMTE, Vice-Présidente Placée,
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Dominique MOUTHON VIDILLES dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Irène LUC, président et par Madame Cécile PENG, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Vu le jugement rendu le 23 juin 2016 par le tribunal de commerce de Paris qui a :
- débouté la société Babel stratégie & communication de sa demande de dommages et intérêts à raison du gain manqué du fait de la violation par la BPCE de ses engagements contractuels ainsi que de sa demande d'indemnisation pour préjudice moral,
- débouté la société Groupe BPCE de ses demandes reconventionnelles,
- condamné la société Babel stratégie & communication aux dépens et à payer la somme de 20.000 euros à la société Groupe BPCE au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'appel relevé par la société Babel stratégie & communication (ci-après Babel) et ses dernières conclusions signifiées le 23 janvier 2017 par lesquelles elle demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147, 1149 et 1243 du code civil, d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :
- dire que BPCE a violé son engagement d'exclusivité prévu au contrat conclu le 4 décembre 2012,
- dire que BPCE a manqué à son obligation de bonne foi contractuelle,
- faire injonction à BPCE de lui communiquer, sur un document certifié par son commissaire aux comptes, le montant des investissements media nets réalisés pour la campagne effectuée en violation de la clause d'exclusivité prévue au contrat,
- en tout état de cause et à titre provisionnel, condamner BPCE à lui payer la somme de
988.471 euros TTC correspondant au gain manqué du fait de la violation de ses engagements contractuels,
- condamner BPCE à lui payer la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice subi,
- débouter BPCE de ses demandes reconventionnelles,
- condamner BPCE aux dépens et à lui payer la somme de 20.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 1er décembre 2016 par la société BPCE qui demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147, 1152, 1226, 1271 et suivants et 1382 (anciens) du code civil, de :
- confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles,
- statuant à nouveau, condamner la société Babel à lui payer la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la mis en oeuvre dolosive et de mauvaise foi du contrat du 4 décembre 2012 ainsi que la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice subi pour procédure abusive,
- en tout état de cause, condamner la société Babel aux dépens et à lui payer la somme de 20.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
SUR CE
Le 4 décembre 2012, la société BPCE, désigné en qualité d'annonceur, a signé avec la société Babel, désigné en qualité d'agence, un contrat de collaboration entrant en vigueur le 1er janvier 2013 pour une durée indéterminée.
L'article 2 de cette convention précisait qu'elle avait pour objet de déterminer les conditions dans lesquelles l'annonceur confiait à l'agence la mission de conseil relative à la stratégie de communication de la marque 'Banque populaire', la conception, la création et la production des campagnes de communication media, des campagnes de communication hors media et des outils ainsi qu'un rôle de coordination et de garantie du respect de l'image de marque 'Banque populaire'dans l'ensemble de ses actions de communication au niveau national. Il y était stipulé que ces prestations étaient déléguées en exclusivité à l'agence, à l'exception :
- de la stratégie media qui s'effectuerait de concert avec la centrale media de l'annonceur,
- des campagnes de communication hors media à l'exception des campagnes de communication hors media déclinées des campagnes de communication media confiées en exclusivité,
- des prestations de sites Internet et autres dispositifs web alternatifs,
- des campagnes de communication initiées préalablement à la signature du contrat.
L'article 11 stipulait qu'en contrepartie de l'obligation de non concurrence souscrite par l'agence, l'annonceur lui confiait en exclusivité les campagnes de communication dans les conditions prévues par l'article 2.
A l'article 9, il était prévu au profit de l'agence, pour les campagnes de communication media, une rémunération mixte composée, d'une part d'honoraires forfaitaires de 400.000 euros HT par année civile, d'autre part d'une rémunération variable calculée ' en % de l'espace media net fin d'ordre hors taxes annuel correspondant aux campagnes de communication media conçues par l'agence ', par tranches dégressives.
Conformément à l'article 17, chacune des parties pouvait dénoncer le contrat, à tout moment et sans condition, sous réserve de respecter un préavis de six mois, aucune indemnité n'étant due à ce titre.
En mai 2014, estimant que la dernière plate-forme de communication n'avait pas permis à la marque d'affirmer sa différence, ne créant ni reconnaissance ni préférence auprès du grand public, la société BPCE a lancé un appel d'offres pour sa nouvelle campagne avec un lancement prévu en décembre 2014. Le 9 juin 2014, la société Babel a signé le document synthétisant les pré-requis puis a présenté un plan de communication pour la réalisation de la campagne.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 juin 2014, la société BPCE a résilié le contrat à effet au 31 décembre 2014, en mentionnant : ' Quelle que soit l'issue de la compétition en cours, durant la période s'étendant de la date de réception de la présente lettre jusqu'au 31 décembre 2014, l'agence Babel devra bien entendu continuer à fournir les prestations qui lui sont confiées et maintenir un niveau de service équivalent à celui fourni jusqu'à présent '.
A l'issue de la mise en concurrence, la société BEPC a choisi l'agence Marcel et lancé sa nouvelle campagne de communication sur différents supports le 14 décembre 2014.
La société Babel, par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 décembre 2014, s'est plainte auprès de la société BPCE que cette diffusion intervenait en violation de l'exclusivité qui lui avait été consentie et que sa rémunération basée sur l'achat d'espaces par la banque avait considérablement diminuée au second semestre de cette année, invoquant le préjudice en résultant pour elle.
La société BPCE lui a répondu, le 15 janvier 2015, qu'elle avait été invitée à l'appel d'offres portant sur la nouvelle campagne publicitaire qui devait être lancée mi-décembre 2014, qu'elle y avait concouru sans émettre aucune réserve, qu'elle ne subissait aucun préjudice étant rappelé qu'aucun engagement d'aucune sorte n'avait été souscrit par BPCE de diffuser les campagnes conçues par elle et qu'elle ne pouvait prétendre à une commission sur une campagne qu'elle n'avait pas réalisée.
C'est dans ces circonstances que le 15 avril 2015, la société Babel a saisi le tribunal de commerce de Paris qui, par le jugement déféré, l'a déboutée de ses demandes et a rejeté les demandes reconventionnelles de la société BPCE.
Sur les demandes de la société Babel
La société Babel, appelante, soutient que la société BPCE a violé ses obligations contractuelles; elle lui reproche en premier lieu :
- d'avoir fait diffuser par une autre agence, à compter du 14 décembre 2014, une campagne publicitaire de grande ampleur alors qu'elle était encore liée par un accord d'exclusivité avec elle,
- que contrairement à ce que prétend la société BPCE, elle n'a jamais renoncé à l'exclusivité dont elle bénéficiait,
- que la participation à un appel d'offres ne vaut pas acceptation d'une résiliation anticipée d'un contrat existant,
- que l'absence de réserve dans le cadre d'un appel d'offres ne peut valoir renonciation à un droit à rémunération prévu au contrat,
- que pendant le second trimestre 2014, elle a pensé que les budgets alloués en début d'année par la société BPCE à sa communication seraient dépensés dans le cadre de campagnes dont elle lui confierait l'organisation compte tenu des relations contractuelles qui existaient entre elles,
- que la société BCPE ne peut valablement arguer que le préavis aurait commencé à courir dès le 6 mai 2014, sa lettre du 30 juin 2014 fixant expressément la date d'expiration du préavis au 31 décembre 2014, ni qu'elle-même lui aurait laissé croire qu'elle pouvait lancer sa campagne en décembre 2014.
La société Babel, en second lieu, fait grief à la société BPCE de n'avoir pas respecté le principe de bonne foi contractuelle alors que ses investissements publicitaires ont diminué au cours du premier semestre 2014 et n'ont plus représenté pendant le second semestre 2014 que 6 % de ceux réalisés au second semestre 2013, ce qui a rompu l'équilibre contractuel et lui a fait perdre la majeure partie de sa rémunération ; elle conteste la prétendue médiocrité de ses prestations qui lui est imputée, soulignant qu'elle est une agence reconnue souvent récompensée pour la qualité de ses prestations et qu'aucune preuve n'est rapportée du caractère non satisfaisant de ses campagnes pour la société BPCE ; elle ajoute que si celle-ci avait réellement estimé que ses prestations étaient insuffisantes, elle ne lui aurait pas proposé de participer à l'appel d'offres.
La société Babel expose que son préjudice porte sur l'absence de rémunération proportionnelle dans le cadre de la diffusion de la campagne Banque populaire à compter du 14 décembre 2014 ; elle allègue que, même si le contrat ne prévoyait pas d'engagement de la société BPCE sur un montant minimum d'achats d'espaces publicitaires, la décision de la banque de communiquer ne pouvait se faire en 2014 qu'au travers de ses campagnes à elle, et non de celles d'une autre agence ; elle calcule son préjudice sur le gain manqué évalué à 988.471 euros TTC comme suit : 15.013.638 euros HT, montant des investissements de la BPCE pour la campagne de décembre 2014, plus 2.857.393 euros HT, montant des achats d'espaces déjà effectués sur des campagnes confiées à la société Babel depuis début 2014, soit un investissement 2014 d'un montant total de 17.871.083 euros HT, lui ouvrant droit à une rémunération de 1.023.744 euros HT sous déduction de la somme de 200.017 euros HT déjà réglée par la société BPCE.
Pour s'opposer aux prétentions de l'appelante, la société BPCE fait essentiellement valoir :
- que la société Babel ne peut se plaindre de la médiocrité de ses projets qui a eu pour effet une diminution de l'achat d'espaces media en 2014 et, par application des dispositions contractuelles, une baisse de ses commissions,
- que le tribunal a justement retenu que le contrat ne mettait à la charge de la société BPCE aucune obligation d'achat d'espaces media , que la rémunération de l'agence ne porte que sur les campagnes qu'elle a elle-même conçues et que l'exécution des travaux par l'agence ne pouvait intervenir qu'après approbation expresse de l'annonceur,
- qu'elle n'a fait preuve d'aucun comportement abusif ou déloyal en vue de priver la société Babel de sa rémunération,
- que la société Babel a bénéficié d'un long délai de préavis, de plus de sept mois, ayant été avertie oralement dès le 6 mai 2014 de l'appel d'offres lancé le 16 mai suivant,
- que de façon non équivoque, la société Babel a accepté la date de lancement de la nouvelle campagne de communication à la mi-décembre 2014 et a laissé croire à la société BPCE qu'elle serait autorisée à la lancer à cette date, s'abstenant alors de formuler des griefs dans le but de les opposer ensuite aux fins de tenter d'obtenir une indemnisation,
- que la société Babel, qui n'a pas fait valoir son exclusivité jusqu'au 31 décembre 2014, y a renoncé,
- que si le terme du contrat a été fixé au 31 décembre 2014, c'était pour permettre à la société Babel de bénéficier de l'intégralité de ses honoraires de 400.000 euros.
A titre subsidiaire, sur le préjudice allégué, la société BPCE objecte :
- que l'article 9 du contrat réservait l'intéressement proportionnel de la société Babel aux seuls achats d'espaces media correspondant aux campagnes par elle créées et que l'appelante ne peut donc être payée pour une campagne qu'elle n'a pas réalisée,
- que la société Babel ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle aurait subi pendant les quinze jours de préavis dont elle aurait été privée,
- que le prétendu manquement à l'obligation d'exclusivité, au demeurant non constitué, ne présente pas de lien de causalité avec le préjudice invoqué.
Il convient de retenir que l'absence de protestation ou réserve de la société Babel lors de l'appel d'offres lancé en mai 2014, qui prévoyait le début de la nouvelle campagne à la mi-décembre 2014, ne vaut pas renonciation explicite de la société Babel à l'exclusivité dont elle bénéficiait jusqu'au 31 décembre 20l4, date d'expiration du préavis donné par la société BPCE.
Mais même si la société BPCE a lancé une nouvelle campagne de communication avec une autre agence dès la mi-décembre 2014, soit avant l'expiration du préavis, le préjudice invoqué par la société Babel n'est pas en relation de cause à effet avec cette seule faute imputable à la société BPCE.
En effet, les stipulations contractuelles, notamment l'article 5 du contrat relatif aux modalités de la collaboration, prévoyaient que :
- dans tous les cas, l'exécution des travaux par l'agence n'interviendrait qu'après approbation expresse et écrite de l'annonceur,
- l'annonceur validerait les story boards, scripts ou maquettes finalisées par tout moyen écrit,
- l'annonceur pourrait à sa seule convenance et sans avoir à justifier sa décision, modifier, rejeter, annuler ou interrompre un travail en cours par tout moyen et ne serait redevable d'aucune autre indemnité que le paiement des frais afférents à la rétractation de l'agence vis à vis de tiers.
Par ailleurs, aucun article du contrat n'imposait à la société BPCE un minimum d'achat d'espaces media pour diffuser les campagnes de communication ayant reçu son agrément.
La société Babel ne démontre en aucune façon que la société BPCE aurait agi de mauvaise foi au cours de l'année 2014 et pendant la durée du préavis au cours duquel un appel d'offres été lancé auquel la société Babel a participé, en diminuant ses commandes et en réduisant ses achats d'espaces media, ce qui réduisait d'autant la rémunération au titre des commissions.
En conséquence, la demande de la société Babel, au titre d'un gain manqué qu'elle n'avait aucune assurance de percevoir au regard des dispositions contractuelles, doit être rejetée ; sa demande de dommages-intérêts pour un préjudice moral non caractérisé, doit aussi être rejetée.
Sur les demandes de la société BPCE
La société BPCE qui prétend que la société Babel s'est prévalue de mauvaise foi des stipulations du contrat, ne justifie toutefois en aucune façon de l'existence d'un préjudice qui pourrait en résulter. Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.
La société Babel n'ayant pas fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice, la demande de dommages-intérêts de la société BPCE pour procédure abusive sera rejetée.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société Babel, qui succombe, doit supporter les dépens de première instance et d'appel.
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu d'allouer la somme supplémentaire de 20.000 euros à la société BPCE, la société Babel étant déboutée de ce chef de demande.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
CONDAMNE la société Babel stratégie & communication à payer à la société BPCE la somme de 20.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes ;
CONDAMNE la société Babel stratégie & communication aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente
Cécile PENG Irène LUC