Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 26 OCTOBRE 2018
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 17/02004 - No Portalis 35L7-V-B7B-B2QOZ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Décembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG no 16/03841
APPELANTE
Société KINEPOLIS GROUP société anonyme de droit belge, immatriculée à la BCE de Belgique sous le numéro 0415.928.179, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés [...]
Représentée par Me Matthieu A... de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant
Ayant pour avocat plaidant, Me Jean-François Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : K35
INTIMÉE
SA FREY agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés [...]
Représentée par Me Anne B... de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Ayant pour avocat plaidant, Me C... , avocat au barreau de PARIS, toque :
R176
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 septembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine BARBEROT, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Claude CRETON, Président
Monsieur Dominique GILLES, Conseiller
Madame Christine BARBEROT, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Isabelle THOMAS
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par M. Claude CRETON, Président et par Mme Nadia TRIKI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS & PROCÉDURE
Par lettre du 25 juin 2015, la SA Frey a proposé à la société anonyme de droit belge, Kinepolis group, de contractualiser leur accord relatif à la création, par cette dernière société, d'un cinéma de 14 écrans et de 2 536 places au sein du projet de la société Frey d'un parc commercial "Green Center" à Claye-Souilly (77), suivant un projet de promesse de vente sous conditions suspensives d'un terrain viabilisé d'une superficie de 22 805 m2 à prendre dans une parcelle plus grande, cadastrée section [...] à Claye-Souilly.
Par lettre du 20 octobre 2015, la société Kinepolis group a manifesté son intention de réduire la taille du cinéma, puis, le 30 novembre 2015, a accepté l'offre de prix de la société Frey.
Par courriel du 4 décembre 2015, la société Frey a informé la société Kinepolis group de la transmission des conditions de leur accord au notaire qui devait adresser un projet de promesse de vente. L'avant-contrat aurait finalement été signé le 3 mai 2016 par la société Frey avec un tiers.
Par acte d'huissier de justice du 19 mai 2016, la société Kinepolis group a assigné la société Frey en perfection de la vente.
Le 8 juillet 2016, la société Frey a assigné la société Kinepolis group pour entendre dire qu'aucune vente n'avait eu lieu au profit de la défenderesse.
C'est dans ces conditions que, par jugement du 20 décembre 2016, le Tribunal de grande instance de Meaux a :
- joint les deux procédures,
- débouté la société Kinepolis group de sa demande de vente forcée et de celle d'indemnisation à hauteur de la somme de 16,1 millions d'euro,
- condamné la société Frey à payer à la société Kinepolis group la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive des pourparlers,
- ordonné la publication du jugement au service de la publicité foncière de Meaux,
- condamné la société Frey aux dépens et à payer à la société Kinepolis group la somme de 3 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire.
Par dernières conclusions du 2 novembre 2017, la société Kinepolis group, appelante, demande à la Cour de :
- vu les articles 1134, 1583, 1589, 1178 et 1179 anciens du Code civil,
- réformer intégralement le jugement entrepris et statuant à nouveau :
- à titre principal : condamner la société Frey sous astreinte à signer l'acte de vente d'un terrain viabilisé d'une superficie de 22 805 m2 à prendre dans une parcelle cadastrée section [...] à Claye-Souilly au prix de 197 € le mètre carré, sous diverses conditions suspensives,
- à titre subsidiaire, condamner la société Frey au paiement de la somme de 16,1 millions d'euro à titre de dommages-intérêts pour rupture du contrat,
- à titre plus subsidiaire, désigner un expert afin d'évaluer ses préjudices,
- en tout état de cause :
- débouter la société Frey de toutes ses demandes,
- la condamner à lui verser la somme de 50 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 27 août 2018, la société Frey prie la Cour de :
- vu les articles 1134, 1583 et suivants du Code civil,
- sur la demande d'expertise :
. débouter la société Kinepolis group de cette demande,
. subsidiairement, confirmer, avant toute désignation d'un expert, le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Kinepolis group de sa demande d'exécution forcée,
- sur le fond de l'affaire :
. infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer les sommes de 20 000 € de dommages-intérêts pour rupture fautive des pourparlers et 3 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,
. confirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions,
. statuant à nouveau :
. débouter la société Kinepolis group de ses demandes de "réparation des frais engagés aux fins de négociation" et en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,
- en tout état de cause :
- débouter la société Kinepolis group de l'ensemble de ses demandes,
- ordonner la publication de l'arrêt au service de la publicité foncière,
- condamner la société Kinepolis group à lui payer la somme de 60 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
SUR CE, LA COUR
C'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le Tribunal a dit que la vente n'était pas parfaite et qu'il a débouté la société Kinepolis group de sa demande de vente forcée. En effet, il ressort des courriers versés aux débats, échangés entre la société Frey et la société Kinepolis group entre le 25 juin 2015 (lettre de la société Frey à la société Kinepolis group) et le 11 décembre 2015 (courriel de la société Frey à la société Kinepolis group) que les parties ont expressément convenu d'un avant-contrat préalable à leur accord définitif sur la vente du terrain, de sorte que, la rupture des négociations étant intervenue avant la signature de la promesse de vente, la vente n'est pas parfaite.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Kinepolis group de sa demande de vente forcée, ainsi que de sa demande d'exécution de la vente par équivalent.
S'agissant des conditions de la rupture, la cause de l'échec des pourparlers alléguée par la société Frey, qui résiderait dans l'inertie de la société Kinepolis group, n'est corroborée par aucun élément du dossier. Au contraire, dès le 4 décembre 2012, le négociateur de la société Frey informait son interlocuteur de l'imminence du projet de promesse de vente du terrain, l'assurant que sa société était en train de collecter les informations nécessaires à la constitution de la demande de CDAC, ce dont il se déduit que des diligences incombaient à la société Frey et que nul délai couperet ne pesait sur la société Kinepolis group. Le rendez-vous avec le maire de la commune du 22 décembre 2015, que la société Frey demandait le 11 décembre 2015 à la société Kinepolis group de rapidement confirmer, a bien eu lieu et s'est déroulé favorablement, ainsi qu'il résulte du courriel du 23 décembre 2015, interne à cette société, que l'intimée utilise comme mode de preuve. Entre le 11 décembre 2015, date à laquelle la société Frey assurait son interlocuteur de l'imminence du projet de promesse de vente, et le 28 avril 2016, date à laquelle la société Frey, mise en demeure, informait la société Kinepolis group de la rupture des pourparlers, aucune relance n'a été faite à cette société par la société Frey. Ainsi, l'inertie invoquée n'est pas prouvée.
C'est à bon droit que le Tribunal a dit que la société Frey avait brusquement rompu les négociations qui étaient parvenues à un stade avancé, ce, après avoir incité la société Kinepolis group à poursuivre ses démarches et en l'assurant de l'imminence d'un avant-contrat. La rupture est donc fautive de la part de la société Frey.
S'agissant du préjudice de la société Kinepolis group, c'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le Tribunal a rejeté les demandes de cette société au titre des frais de construction et de maintenance à hauteur de la somme de 705 €, frais d'études et de desseins du projet à hauteur de la somme de 2 310 €, temps consacré par deux salariés à hauteur des sommes de 14 250 € et 3 750 €, l'appelante ne produisant pas en appel d'autres preuves que celles soumises aux premiers juges qui en ont justement apprécié l'absence de valeur.
Le Tribunal a encore exactement jugé que la facture du 19 juin 2015 de la somme de 6 000 € émanant de M. Gérard Z..., conseil en économie de l'audiovisuel, au titre de l'estimation du marché potentiel cinématographique de Claye-Souilly, et celle du 23 mars 2016 de la somme de 14 000 € émanant de la même personne, au titre de la constitution du dossier CDAC, justifiaient les frais demandés par la société Kinepolis group.
A l'égard de ces derniers frais, leur indemnisation n'est pas en contradiction avec le reproche fait à la société Frey de ne pas avoir transmis les documents nécessaires au dépôt par la société Kinepolis group de sa demande d'autorisation dès lors qu'il résulte du courriel du 11 décembre 2015 de la société Frey, qui indique : "Nous adresserons incessamment au cabinet Villaume les éléments constitutifs de la demande de CDAC tout au moins en ce qui nous concerne. Les autres éléments dépendent soit de l'architecte soit du cabinet Villaume soit encore de Kinepolis directement", que des documents devaient également être fournis par Villaume et Kinepolis, de sorte qu'un dossier a pu être partiellement constitué, nonobstant la carence de la société Frey.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Frey à payer à la société Kinepolis group la somme de 20 000 € de dommages-intérêts.
L'issue donnée au litige implique que la société Frey soit condamnée aux dépens, de sorte que sa demande en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ne peut prospérer.
L'équité commande qu'il soit fait droit à la demande de la société Kinepolis group, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, comme il est dit dans le dispositif du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la SA Frey aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Condamne la SA Frey à payer à la société Kinepolis group la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT