Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 12 NOVEMBRE 2018
(n° , 22 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/20991 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4OUT
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Février 2013 -Tribunal d'Instance de PARIS 11 - RG n° 1108002096
APPELANTES
LE MINISTÈRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLIQUES, au nom de
L'Administration des Douanes et Droits Indirects représentée par son Directeur Général, agissant par le Chef de l'Agence
Ayant ses bureaux [Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me François URBINO-SOULIER de la SCP URBINO-SOULIER CHARLEMAGNE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P 137
Ayant pour avocat plaidant Me Anne-Claire MOYEN de la SELARL URBINO ASSOCIES, avocate au barreau de PARIS, toque : P0137
SASU VESTEL FRANCE
Ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
SA TIER PORT SERVICES
Ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 3]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
SAS WORMS SERVICES MARITIMES
Ayant son siège social [Adresse 4]
[Localité 4]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentées par Me Fabien FOUCAULT de la SCP HARVING AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0111
INTIMÉES
Me [S] [M], ès qualité de liquidateur judiciaire de la SA EUROPA SCA EXPRESS ayant son siège social [Adresse 5]
Domicilié [Adresse 5]
[Localité 5]
Non constitué
SAS EXEL FREIGHT
Ayant son siège social [Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 6]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me François CITRON de la SCP CITRON ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R259
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 Septembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRET :
- défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Edouard LOOS, président et par Mme Cyrielle BURBAN, greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Dans le cadre de son activité, la société Vestel France, filiale à 99,8 % de la société Vestel Foreign Trade localisée en Turquie, a acheté auprès de cette dernière des appareils récepteurs de télévision équipés de tubes cathodiques. Les déclarations d'importation comportaient comme mention d'origine des produits, la Turquie. En raison d'un certificat de libre circulation entre l'Union européenne et la Turquie, ces produits étaient exemptés de droits de douane.
A la suite d'un contrôle initié à partir de 2002, visant à vérifier l'exactitude des mentions d'origine, et d'une mission communautaire organisée en Turquie, sous l'égide de l'Office de Lutte anti-fraude (OLAF), il est apparu qu'une partie des téléviseurs étaient équipés de tubes cathodiques d'origines chinoise ou coréenne et que ces téléviseurs avaient été exportés vers la communauté européenne ; que sur les années 2000 et 2001, 287 726 téléviseurs étaient d'origine chinoise et 3 251 d'origine coréenne, et non turque comme il a été déclaré ; que 22 412 téléviseurs, pris en charge dans la comptabilité de la société Vestel France et pour lesquels cette société n'a pas été en mesure d'apporter la preuve de leur dédouanement en France ou dans un autre pays de l'union Européenne, sont reconnus d'origine chinoise. il a été considéré que les téléviseurs fabriqués par Vestel en Turquie incorporant des tubes cathodiques d'origine chinoise ou coréenne, avaient cette origine et devaient être soumis aux droits anti-dumping.
Par procès-verbal du 25 avril 2007, modifié par un procès-verbal du 4 mai 2007,deux infractions ont été notifiées par la douane française à la société Vestel France pour ses importations réalisées en 2000 et 2001 pour :
- fausse déclaration d'origine sur les importations d'appareils récepteurs de télévision, prévue par l'article 426-4° du code des douanes,
- contrebande de marchandises fortement taxées pour une partie des appareils, prévue par l'article 417 du code des douanes, éludant un montant de droits anti-dumping et taxes de 14 535 583 euros.
Un avis de mise en recouvrement a été émis le 24 mai 2007 sous le numéro 610/2007/036 pour ce montant.
L'infraction de fausse déclaration d'origine sur les importations d'appareils récepteurs de télévision a également été notifiée aux commissionnaires agréés en douane, intervenus dans les opérations de dédouanement soit la société Tier Port Services et la société Worms Service Maritime selon procès-verbaux respectivement des 31 juillet 2007 et 1er août 2007, et la société Exel Freight venant aux droits de la société MSAS Global Logistics, selon procès-verbal du 31 juillet 2007 et la société Europa SCA Express, selon procès-verbal du 1er août 2007.
Un avis de mise en recouvrement a été émis à l'encontre de chacune de ces quatre sociétés, le 13 août 2007 pour des montants de :
. 2 628 310 euros pour WMS
. 5 834 446 euros pour TPS
. 4 155 155 euros pour Exel Freight
. 818 739 euros pour Europa SCA Express.
Par décision du 4 août 2008, l'administration des Douanes a rejeté les contestations d'avis de mise en recouvrement émises par les sociétés Vestel France , WMS et TPS les 22 juin, 16 et 14 août 2007, ainsi que par décision du 6 octobre 2008, leurs demandes de non recouvrement et de remise de droits fondées sur les articles 220-2-b et 239 du code des douanes communautaire.
Elle a également rejeté, par décision du 24 avril 2012, les contestations d'avis de mise en recouvrement émises par les sociétés Exel Freight et Europa SCA Express le 10 août 2010. Par ailleurs, le 23 décembre 2010, l'administration les informait de son intention de rejeter leurs demandes de remise de droit, régularisées le 26 juillet 2010.
Par exploit d'huissier en date du 25 septembre 2008, les sociétés Vestel, Tier Port Services et Worms Services Maritimes ont assigné l'administration des douanes devant le tribunal d'instance du 11ème arrondissement de Paris aux fins de voir :
- constater la nullité de l'enquête de l'OLAF et de la douane française et, en conséquence, l'absence de fondement des avis de mise en recouvrement et de la décision du 04 août 2008,
- sur le fond, annuler les avis de mise en recouvrement émis par l'administration des douanes à l'encontre des trois sociétés et partant, prononcer la décharge intégrale ou subsidiairement partielle de la dette douanière mise en recouvrement ;
- condamner l'administration au paiement d'une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 14 mars 2008, les sociétés Vestel, WMS et TPS ont également déposé des demandes de non recouvrement fondées sur l'article 220-2-b du code des douanes communautaire (code des douanes communautaire) et de remise fondées sur l'article 239 du code des douanes communautaire.
Ces demandes ont été rejetées par décision du 6 octobre 2008.
Une assignation devant le tribunal d'instance du 11ème arrondissement de Paris en date du 1er décembre 2008 a été délivrée à l'administration des douanes aux fins d'annulation de cette décision.
Il convient également de rappeler que la juridiction civile avait sursis à statuer dans l'attente de :
- la décision de la cour d'appel sur le recours formé à l'encontre des opérations de visite et de saisie.
Par ordonnance en date du 5 octobre 2010, le premier président de la cour d'appel de Paris a déclaré irrecevables la société Vestel et Monsieur [F] aux motifs que « le législateur n'a pas ouvert la voie de l'appel contre les opérations litigieuses datées de 2001/2002 qui sont bien antérieures à la date limite fixée par l'article 164 de la loi n°2008-776 du 4 aout 2008 ». La cour de cassation a, par arrêt du 13 décembre 2011, rejeté le pourvoi.
- la décision de la cour de cassation sur la transmission ou non de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Vestel et M. [F] relative à l'article précité.
Par arrêt en date du 13 mai 2011, la cour de cassation a décidé de renvoyer au Conseil Constitutionnel cette question qui, par décision du 8 juillet 2011 a déclaré la disposition conforme à la constitution.
Par jugement du 26 février 2013, le tribunal d'instance de Paris 11ème a :
- ordonné la jonction des deux procédures initiées devant le tribunal d'instance par les sociétés appelantes (11-08- 2845 et 11-08-2096) ;
- déclaré régulière l'enquête de l'OLAF et de la douane française hormis la saisie des pièces cotées A 18 à A 20 dans le procès-verbal du 14 mai 2002 et cotées G1 à G5 dans le même procès-verbal, s'agissant des correspondances d'avocat couvertes par le secret professionnel, qui sera annulée ;
- dit que la nullité de ces saisies n'entraîne pas la nullité de l'ensemble de la procédure d'enquête ;
- dit que seront « cancellées » les mentions relatives à ces documents figurant sur le procès-verbal du 14 mai 2002 (folio 6), ainsi que celles figurant sur le procès-verbal du 25 avril 2007 ;
- confirmé les AMR à l'encontre des sociétés appelantes ;
- rejeté l'ensemble des autres demandes et l'application des articles 220-2-b et 239 du code de douanes communautaire ;
- condamné les sociétés appelantes à régler à l'administration des douanes la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En cause d'appel, les sociétés Vesterl, Worms, Tier Port et Exel Freight ont sollicité le sursis à statuer jusqu'à ce que le Tribunal de l'Union Européenne rende sa décision, sur requête de la société Vestel Ibéria, sur la validité des décisions de la Commission Européenne rendues sur le fondement des articles 220-2-b et 239 du Code des douanes communautaire 'relatives à des demandes exactement similaires à celles objet du présent litige' ; la société Vestel précisant qu'elle a fait l'objet de procédures dans tous les Etats membres de la Communauté européenne dans lesquels elle a importé des téléviseurs entre 2000 et 2002.
Par arrêt avant dire droit du 4 novembre 2014, la cour de céans a :
- ordonné la jonction des procédures inscrites au répertoire général sous les n° 13/6471et 13/06760 et dit qu'elles se poursuivront sous le n°13/6471 ;
- prononcé le sursis à statuer de la présente procédure jusqu'à la décision à intervenir du tribunal de l'Union Européenne sur le recours formé contre la décision de la Commission des Communautés Européennes du 18 janvier 2010, C(2010)22 finale ;
- ordonné le retrait de l'instance du rang des affaires inscrites au rôle du greffe de la cour d'appel ;
- dit que l'affaire sera rétablie à la requête de la partie la plus diligente, sur justification de la survenance de l'événement, cause du sursis ;
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- réservé les dépens concernant les sociétés Vestel, Worms Services Maritimes (WSM) et Tier Port Services (TPS).
Par arrêt avant dire droit du 22 octobre 2015, la cour a :
- prolongé le sursis à statuer prononcé par l'arrêt jusqu'à la décision à intervenir de la Cour de justice de L'Union européenne sur le pourvoi formé contre l'arrêt rendu par le Tribunal de l'Union européenne le 12 mars 2015 statuant sur le recours formé contre la décision de la Commission européenne du 18 janvier 2019 (Aff. C-265/15P) ;
- ordonné le retrait de l'instance du rang des affaires inscrites au rôle du greffe de la cour d'appel ;
dit que l'affaire sera rétablie à la requête de la partie a plus diligente, sur justification de la survenance de l'événement, cause du sursis ;
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- réservé les dépens.
Par conclusions soutenues à l'audience, la société Exel Freight demande à la cour de la recevoir en ses conclusions d'appel et de :
- constater l'absence de toute procédure contradictoire préalablement à la notification de redressement dont a fait l'objet la société Exel Freight ;
- en conséquence, annuler l'avis de mise en recouvrement du 13 août 2007 ;
- constater que l'administration des douanes n'apporte pas la preuve d'une prise en compte de la créance qu'elle revendique à l'encontre de la société Exel Freight
- en conséquence, annuler l'avis de mise en recouvrement du 13 août 2007 pour violation du principe du contradictoire, ainsi que des règles relatives à la prise en compte et la notification d'une dette douanière
- subsidiairement, constater que la créance, objet de l'avis de mise en recouvrement, est prescrite en application du règlement CE 2988/95 et de l'article 221 du code des douanes communautaire et confirmer le jugement entrepris ;
- subsidiairement et sur le fond, dire que la créance revendiquée par les douanes est infondée faute que l'administration ne produise aucune pièce qui pourrait être discutée contradictoirement et qui apporterait la preuve de cette créance ;
- très subsidiairement, faire droit à la demande de remise de droits formée par la société Exel Freight en application de l'article 220-2 b) du code des douanes communautaire ;
- en cas de réformation de la décision entreprise, condamner la société Vestel France à relever et garantir la société Exel Freight de toute somme que pourrait revendiquer l'administration des douanes au titre des droits et taxes exigibles.
- reconventionnellement, condamner l'administration des douanes à payer à la société Exel
Freight la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dire n'y avoir lieu à condamnation aux dépens.
Par conclusions soutenues à l'audience, l'administration des douanes demande à la cour de:
- constater la clôture pour insuffisance d'actif de la (procédure de la) société Europa SCA Express ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré régulière l'enquête de l'OLAF et de la douane française et confirmé les AMR émis à l'encontre des sociétés appelantes Vestel, Worms et Tier Port Services et rejeté l'ensemble des autres demandes et l'application des articles 220-2-b et 239 du code des douanes communautaire ;
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté la prescription de la créance à l'égard de la société Exel Freight ;
en conséquence,
- dire la procédure régulière et l'avis de mise en recouvrement régulier à son encontre,
- rejeter la prescription alléguée ;
en tout état de cause
- rejeter l'intégralité des demandes des sociétés Vestel, Worms, Tier Port Services et Exel Freight
- condamner solidairement ces quatre sociétés à lui verser la somme de 15 000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dire n'y avoir lieu à condamnation aux dépens en application des dispositions de l'article 367 du code des douanes.
Par conclusions soutenues à l'audience, les sociétés Vestel France, Worms Services Maritimes et Tier Port Services demandent à la cour de les juger recevables et bien fondées et d'infirmer le jugement entrepris et de statuer comme suit :
1. Sur la nullité
Sur la nullité du contrôle de l'OLAF
dire et juger que l'enquête menée par l'OLAF de manière générale en janvier 2002et la visite dans les locaux de Vestel en Turquie du 28 avril 2003 au 2 mai 2003 a été initiée à la suite des constatations de la DG Foreign de la Commission Européenne lors de l'enquête antidumping de réexamen ayant abouti au règlement n°1531/2002 du 14 août 2002 ;
dire et juger que l'OLAF a engagé son contrôle sur les informations confidentielles fournies par la Commission Européenne qui avaient été elles-mêmes fournies par Vestel dans le cadre de la procédure anti-dumping et cela en violation du principe de confidentialité prescrit par le considérant 28 et l'article 19 du règlement n°384/96 du Conseil du 22 décembre 1995.
Sur la nullité du contrôle des douanes françaises
*dire et juger que le contrôle des douanes est nul en ce qu'il est fondé sur le contrôle de l'OLAF lui-même nul ;
*dire et juger que les visites domiciliaires et que tous les actes postérieurs sont nuls :
- dire et juger que le local mis à disposition de Monsieur [N], consultant, n'était pas un local dans lequel les visites domiciliaires pouvaient avoir lieu ;
- dire et juger que le respect des droits de la défense et le respect du secret professionnel interdisent la saisie de correspondances, ou de consultations entre le client et ses avocats;
- dire et juger qu'en laissant saisir par les inspecteurs des douanes des documents manifestement couverts par les principes « du secret professionnel et des droits de la défense » au respect duquel il devait veiller, l'officier de police judiciaire a manifesté une carence caractérisée dans l'exécution de la mission qui lui était dévolue en application de l'article 64 du code des douanes ;
En conséquence, annuler les opérations de visite domiciliaire et de l'ensemble des saisies qui se sont déroulées le 14 mai 2002 et qui ont été constatées dans les procès-verbaux des 14 et 15 mai 2002.
*dire et juger qu'avant la notification d'infraction du 25 avril 2007, l'administration n'a pas permis à la société de faire valoir ses observations et cela en violation des principes du contradictoire et des droits de la défense.
En conséquence, dire et juger que les procès-verbaux des 25 avril 2007, 4 mai 2007, 31 juillet 2007 et 1er août 2007 sont nuls et de nul effet et n'ont pas d'effet interruptif.
2. Sur la communication des droits
*dire et juger que faute d'avoir précédé la communication du montant des droits notifiés au débiteur par la prise en compte dudit montant, les autorités douanières françaises n'ont pas respecté les articles 217 et 221 du code des douanes communautaire et de la jurisprudence ;
En conséquence :
- dire et juger que les procès-verbaux des 25 avril 2007, 4 mai 2007, 31 juillet 2007 et 1er août 2007 sont nuls et de nul effet et n'ont pas d'effet interruptif ;
- dire et juger que la communication des droits par ces procès-verbaux n'est pas régulière ainsi qu'en conséquence la mise en recouvrement ;
- constater la nullité des 3 AMR et la décharge des droits et taxes mis en recouvrement.
3. Sur la prescription
S'agissant de la société Vestel, dire et juger que les opérations notifiées et les droits communiqués sont prescrits ;
avant dire droit, poser à la Cour de Justice de l'Union Européenne la question préjudicielle suivante :
«1. Une interprétation correcte de l'article 221-3 du code des douanes communautaire permet-elle à un Etat membre d'agir en recouvrement des droits de douane contre une personne plus de trois ans après la date de la naissance de la dette douanière, en se fondant sur des actes d'interruption autres que la notification des droits pris en compte ' »
S'agissant des sociétés Tier Port Services et Worms Services Maritimes, juger que la prescription est acquise sur le fondement du Règlement Euratom n°2988/95.
4. Sur le fond
4.1. dire et juger que les sociétés ont parfaitement déclaré les importations ;
*dire et juger qu'en application de l'accord d'association [Localité 7] du 12 septembre 1963, les sociétés n'ont commis aucune fausse déclaration sur l'origine puisque celle-ci est inopérante dans le cadre de la libre circulation entre la Turquie et l'UE et les dispositions antidumping prises par l'Union européenne sont donc inapplicables aux produits circulant librement entre la Turquie et l'Union Européenne ;
*dire et juger qu'appliquer des droits antidumping serait contraire au principe de non-discrimination prévu dans l'Accord d'Union douanière ;
4.2. dire et juger que les certificats ATR sous couvert desquels les importations ont été réalisées en France n'ayant pas fait l'objet d'une invalidation de la part des autorités turques, la Douane française ne peut solliciter le paiement de droits antidumping ;
4.3. dire et juger que le règlement n°710/95 du 27 mars 1995, modifié par le règlement n°2584/98 du 7 novembre 1998, est invalide dans la mesure où des sociétés à l'origine de la plainte antidumping et des demandes de réexamen ont été parties à une entente dont l'objet consistait notamment à :
- fixer les prix des tubes cathodiques qui déterminent celui des téléviseurs,
- et à limiter leur production,
dans le même temps où elles fournissaient des éléments de prix de leurs téléviseurs et des éléments sur le préjudice subi par l'industrie communautaire, qui ont permis de déterminer l'existence de dumping et de préjudice pour aboutir à la fixation des droits antidumping.
4.4. En application de l'article 9 paragraphe 4 du Règlement (CE) n°384/96 du Conseil du 22 décembre 1995, des principes généraux du droit communautaire de proportionnalité et d'effectivité qui interdisent que des droits soient réclamés lorsqu'ils ne sont pas dus ou qu'ils ne sont pas proportionnés à l'objectif poursuivi :
* dire et juger que les droits antidumping généraux de 15,1% pour les TVCs d'origine Corée et 44,6% pour ceux d'origine Chine prévus par le Règlement n°710/95 du 27 mars 1995 modifié par le Règlement n°2584/98 du 27 novembre 1998 ne sont pas 123 applicables aux TVCs exportés de Turquie par Vestel puisque la Commission a elle-même considéré que les TVCs exportés de Turquie ne causaient aucun préjudice ;
*dire et juger que les droits mis en recouvrement sur les TVCs considérés comme originaires de Chine doivent être limités au taux de 24,5% et en conséquence prononcer la décharge des droits notifiés à hauteur de 6 480 178 €.
En conséquence, annuler la décision du 4 août 2008 et les avis de mise en recouvrement, prononcer la décharge intégrale ou subsidiairement partielle de la dette douanière mise en recouvrement.
Avant dire droit, poser à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Le règlement n°710/95 du 27 mars 1995, modifié par le règlement n°2584/98 du 27 novembre 1998, est-il contraire au principe de non-discrimination prévu dans l'Accord d'Union douanière entre l'Union européenne et la Turquie du 12 septembre 1963 et la décision n°1/95 '
2) Le règlement N°710/95 du 27 mars 1995, modifié par le règlement N°2584/98 du 27 novembre 1998, est-il valide dans la mesure où des sociétés à l'origine de la plainte antidumping et des demandes de réexamen ont été parties à une entente dont l'objet consistait notamment à :
- fixer les prix des tubes cathodiques qui déterminent ceux des téléviseurs,
- et à limiter leur production,
dans le même temps où elles fournissaient des éléments de prix de leurs téléviseurs et des éléments sur le préjudice subi par l'industrie communautaire, qui ont permis de déterminer l'existence de dumping et de préjudice pour aboutir à la fixation des droits antidumping '
3) Le règlement n°710/95 du 27 mars 1995, modifié par le règlement n°2584/98 du 27 novembre 1998, doit-il être écarté dans le cadre du présent litige en ce qu'il est contraire aux principes de proportionnalité et d'effectivité du droit communautaire en ce qu'il imposerait des droits antidumping à des TVCs fabriqués en Turquie alors que ces Règlements n'imposent aucun droit antidumping sur les TVCs exportés de Turquie par Vestel ' »
4. Subsidiairement, sur le fondement de l'article 220-2-b du code des douanes communautaire
* dire et juger que l'erreur commise par la Commission Européenne, les autorités turques et les autorités françaises n'était pas raisonnablement décelable pour les sociétés Vestel France, Tier Port Services et Worms Services Maritimes qui ont agi de bonne foi et ont observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane.
* dire et juger que les sociétés Vestel France, Tier Port Services et Worms Services Maritimes sont fondées à solliciter le non recouvrement a posteriori des droits notifiés pour un montant de 14 535 583 € ;
en conséquence, annuler la décision du 4 août 2008 et les avis de mise en recouvrement, prononcer le non recouvrement a posteriori de la dette douanière mise en recouvrement ;
avant dire droit, poser à la Cour de Justice de l'Union Européenne la question préjudicielle suivante :
« La décision REM 02/08 de la Commission Européenne que l'administration des douanes française veut appliquer à la présente procédure est-elle invalide en ce qu'elle n'a pas admis le non recouvrement ou la remise des droits antidumping ' » 5. Très subsidiairement, sur le fondement de l'article 239 du code des douanes communautaire
*dire et juger que l'absence de notification au comité mixte, la modification de la pratique communautaire et les manquements graves de la Commission à son devoir de contrôle et de surveillance sont chacun une situation particulière au sens de l'article 239 du code des douanes communautaire.
*dire et juger que les sociétés Vestel France, Tier Port Services et Worms Services Maritimes n'ont commis aucune man'uvre ni négligence manifeste.
*dire et juger que les sociétés Vestel France, Tier Port Services et Worms Services Maritimes sont fondées à solliciter la remise des droits notifiés pour un montant de 14 535 583 €.
en conséquence, annuler la décision du 4 août 2008 et les avis de mise en recouvrement, prononcer la remise de la dette douanière mise en recouvrement
avant dire droit, poser à la Cour de Justice de l'Union Européenne la question préjudicielle suivante :
« Les décisions REM 02/08 et REM 03/05 de la Commission Européenne que l'administration des douanes française veut appliquer à la présente procédure sont-elles invalides en ce qu'elles n'ont pas admis le non recouvrement ou la remise des droits antidumping ' »
condamner l'administration des douanes à verser à chacune des sociétés la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
SUR CE,
Sur les exceptions de nullité:
- sur la nullité de l'enquête OLAF
Les trois sociétés prétendent que l'enquête OLAF est nulle pour avoir été engagée en violation du principe de confidentialité prescrit par le règlement de base de 1995 (règlement n°384/96 du Conseil du 22/12/1995).
Elles font valoir qu'en violation du considérant 28 du règlement CE n° 384/96 du 22 décembre 1995 modifié relatif aux mesures antidumping, l'OLAF a utilisé les investigations menées précédemment par la DG Foreign dans le cadre de l'enquête ayant abouti au règlement n°1531/2002 du 14 août 2002 de nature confidentielle visant à prévenir la divulgation des secrets d'affaires ; que des informations «confidentielles» ont été transmises à l'OLAF puis par la suite utilisées au détriment de la société Vestel par l'OLAF et les autorités douanières des Etats membres.
L'administration des douanes fait valoir que l'article 19.4 selon lequel, «les informations reçues en application du présent règlement ne doivent être utilisées qu'aux fins pour lesquelles elles ont été demandées » qu'en l'espèce, il s'agit de lutter contre les pratiques de dumping et que la fin poursuivie tant par la DG Foreign que par l'OLAF est similaire : la protection des intérêts financiers de l'Union Européenne, même si leur intervention se fait à des stades différents ; que l'article 19.6 du règlement de base invoqué n'entre pas en contradiction avec l'article 19.4 du même texte qui prévoit que le principe de traitement confidentiel. L'administration expose que les informations susceptibles d'intéresser l'OLAF sont celles rendues publiques par le Règlement n°1531/2002 à savoir notamment :
« Quant aux TVC exportés de Turquie et originaires de pays pour lesquels les mesures antidumping en vigueur font l'objet du présent réexamen (RP Chine, Corée et Malaisie) les quantités exportées de Turquie vers la Communauté ont été considérées comme originaires de ces pays. »
Elle indique que les conclusions de l'enquête anti-dumping étaient rendues publiques dès le mois d'octobre 2001 alors même que l'enquête OLAF a débuté en 2002.
Elle indique que l'article 8 du règlement (CE) n° 1073/1999 relatif aux enquêtes menées par l'OLAF prévoit en bonne logique que les informations collectées puissent être transmises à des agents des institutions communautaire et des Etats membres de l'UE, à condition qu'ils soient appelés, de par leur fonction, à connaître ces informations ; que tel est le cas des agents de l'OLAF au niveau communautaire, et des agents de la DNRED au niveau national.
Ceci étant exposé, l'article 19 du règlement n° 384/96 ne vise pas les informations de toute nature recueillies au cours d'une enquête mais seulement les informations de nature confidentielle pour lesquelles la personne qui fournit l'information formule une demande de traitement confidentiel. L'article 19-4 prévoit que le présent article ne s'oppose pas à la divulgation par les autorités communautaires d'informations générales, notamment des motifs sur lesquels les décisions prises en vertu du présent règlement sont fondées. La société Vestel qui invoque une violation de l'article 19 du règlement précité n'invoque pas une violation d'un secret d'affaire ou d'une information qui aurait été fournie à titre confidentiel.
De plus, les informations recueillies par la DG Trade n'ont pas été utilisées pour une autre fin que celles pour lesquelles elles ont été demandées et les enquêtes de la DG Trade et de l'OLAF ont la même fin à savoir la lutte contres les pratiques de dumping. L'article 3 du règlement n° 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil relatif aux enquêtes effectuées par l'OLAF prévoit que l'office a compétence pour effectuer les contrôles et vérifications dans des pays tiers, conformément aux accords de coopération en vigueur.
- sur la nullité de l'enquête des douanes françaises
Les appelants soutiennent que la nullité de l'enquête de la douane française est la conséquence de l'enquête OLAF.
L'administration expose que la circonstance que l'OLAF ait adressé aux Etats membres le 1er mars 2002 une communication concernant des TVCs en provenance de Turquie depuis le 1er juillet 1999, avant le début officiel de l'enquête de l'administration des douanes, est sans conséquence sur l'enquête de la douane française. Ceci étant exposé et ainsi que le rappelle l'administration des douanes, la décision n° 1999/352/CE-CECA de la Commission du 28 avril 1999 instituant l'Office européen de lutte anti-frande (OLAF), prévoit en son article 2.1 que :
« L'Office exerce les compétences de la Commission en matière d'enquêtes administratives externes en vue de renforcer la lutte contre la fraude, contre la corruption et contre toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers des communautés, ainsi qu'aux fins de la lutte anti-fraude concernant tout autre fait ou activité d'opérateurs en violations des dispositions communautaire »
L'OLAF dispose d'une compétence pour effectuer des enquêtes concernant l'application de la réglementation communautaire, que ces enquêtes aient lieu ou non dans l'Union Européenne ; que le principe même de la fausse déclaration d'origine, découvert antérieurement à l'enquête OLAF et rendu public, suffisait à initier le contrôle de l'OLAF et des douanes françaises de sorte que l'enquête de l'administration des douanes ne saurait encourir une quelconque nullité.
- sur la nullité de la visite domiciliaire
Les appelantes soutiennent que le local « bureau n°4 » mis à disposition de Monsieur [N], consultant juridiquement indépendant de la société Vestel France, n'était pas un local dans lequel les visites domiciliaires pouvaient avoir lieu alors que l'ordonnance n'a autorisé la visite domiciliaire que « des locaux professionnels de la société Vestel France».
L'administration des douanes réplique que l'ordonnance a clairement indiqué que les investigations se dérouleront dans les locaux professionnels de la société Vestel France, sise [Adresse 7] ; que le 14 mai 2002 les agents des douanes spécialement habilités se sont rendus au siège de la société Vestel France à l'adresse indiquée à [Localité 8], comme acté dans le procès-verbal ; qu'il y est précisé que le bureau n°4 est mis à la disposition d'un consultant, Monsieur [N] par la société Vestel France dont il n'est pas le salarié ; qu'il s'agit d'un bureau appartenant à la société Vestel et situé dans les locaux professionnels de celle-ci, à l'adresse indiquée par l'ordonnance d'autorisation de la visite et qu'il n'est pas justifié que ce bureau soit un domicile privé dans lequel Monsieur [N] aurait exercé une activité personnelle et indépendante de celle de la société Vestel ; qu'au contraire, la présence de documents concernant la société Vestel dans le bureau démontre cette absence d'indépendance.
Les appelantes demandent l'annulation des opérations de visite domiciliaire et de l'ensemble des saisies qui se sont déroulées le 14 mai 2002 et qui ont été constatées dans les procès-verbaux des 14 et 15 mai 2002, en raison du non respect des principes des droits de la défense et du secret professionnel.
Elles soutiennent, que les correspondances et les consultations émanant d'un avocat sont protégées par le secret professionnel et ne peuvent, par conséquent, faire l'objet d'une saisie.
Il s'agit d'après la société Vestel :
- de copies du règlement CEE n°955/66 de la Commission sur le classement tarifaire des chassis de TVA envoyé par le cabinet [U] et [Z],
- d'une télécopie émise par la SCP [L] reçu par fax le 16 juin 2000, valant consultation juridique de [T] [B] concernant les téléviseurs fabriqués en Turquie et les droits anti-dumping applicables aux tubes.
Elles soutiennent que la saisie de pièce protégées par le secret professionnel entraîne la nullité de l'entière procédure.
L'administration réplique que s'agissant du document reçu par fax le 16 juin 2000, celui-ci est intitulé « Consultation on the turkish made television and the cathod-ray tubes anti-dumping », rédigé sur papier libre, et que rien n'indique qu'il vient d'un cabinet d'avocat ; la signature ne portant aucune mention de la qualité d'avocat de l'auteur du document ; que s'il existait une page d'envoi mentionnant la qualité d'avocat de l'expéditeur, rien ne prouve qu'au moment de la saisie, cette page ait été agrafée à la consultation ; que s'agissant du document reçu par fax le 3 mai 2001, est une télécopie émanant de [U] et [Z] qui ne mentionne pas la qualité d'avocat ; qu'aucune information confidentielle n'est contenue dans ce document et que ces pièces n'ont aucune conséquence sur l'exigibilité des droits et taxes effectivement dus par les trois sociétés appelantes et donc sur le bien-fondé de l'avis de mise en recouvrement émis par l'administration des douanes, ce qui est l'objet principal de la présente procédure.
Ceci étant exposé, les inspecteurs des douanes ont reçu l'autorisation, par ordonnance du premier vice-président du tribunal de grande instance de Paris du 13 mai 2002, de mener des opérations de visite domiciliaire dans les locaux professionnels de la société Vestel France [Adresse 8]. Il n'est pas contesté que le bureau n° 4 fait partie des locaux professionnels de l'entreprise. Il importe peu dès lors que ce bureau aurait été mis à la disposition d'un consultant indépendant M. [N] dès lors qu'il est situé dans les locaux professionnels de l'entreprise à l'adresse indiquée par l'ordonnance d'autorisation de la visite et qu'il n'est pas justifié que ce bureau soit un domicile privé dans lequel Monsieur [N] aurait exercé une activité personnelle et indépendante de celle de la société Vestel. Il est ajouté que la présence de documents concernant la société Vestel dans le bureau démontre une absence d'indépendance.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a écarté le moyen tiré de la nullité de la visite domiciliaire.
Ainsi que l'a relevé le tribunal les deux documents saisis, à savoir les copies du règlement CEE n° 955/66 de la Commission sur le classement tarifaire des châssis de TVA envoyées par le cabinet [U] et [Z] et la télécopie émise par la SCP [B] [Y] reçue le 16 juin 2000 valant consultation juridique de [T] [B] concernant les téléviseurs fabriqués en Turquie et les droits anti-dumping applicables aux tubes cathodiques sont des documents identifiables comme provenant de cabinets d'avocats puisqu'il y est fait référence dans le procès-verbal d'infraction du 25 avril 2007. Ces documents sont donc protégés par le secret professionnel et sont insusceptibles d'être saisis par les enquêteurs des services douaniers qui ne peuvent au surplus en tirer des conclusions sur la connaissance par la société Vestel de la réglementation applicable.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il annulé la saisie de ces pièces (cotées A 18 à A 20 dans le procès-verbal du 14 mai 2002 et cotées G 1 à G 5 dans le même procès-verbal) et en ce qu'il a cancellé les mentions relatives à ces documents figurant sur le procès-verbal du 14 mai 2012 et celles figurant sur le procès-verbal du 25 avril 2007, soit les paragraphes suivants « « La télécopie du cabinet [U] et [Z] ' au questionnaire de la Commission » (folio 15) et « Enfin le document sous forme de mémento ' cela n'avait pas fait débat au sein de la société » (folio 15 et 16), et enfin, en ce qu'il a refusé d'annuler l'ensemble de la procédure, estimant à juste titre que la procédure douanière ne se fondait pas que sur ces deux pièces.
- sur la nullité de l'enquête des douanes pour violation des droits de la défense
La société Vestel soutient que, dans le cadre de la procédure d'enquête, les droits de la défense et le principe du contradictoire n'ont pas été respectés par l'administration ce qui ne lui a pas permis de faire part de ses observations.
Elle invoque le droit d'être entendu prévu par les articles 67 A à 67 D du code des douanes.
Elle soutient que c'est au jour de la notification d'infractions que la Douane se fondait sur les conclusions de l'enquête menée par l'OLAF pour remettre en cause l'origine des marchandises.
L'administration souligne que cette procédure est entrée en vigueur au 1er janvier 2010, donc après les présentes notifications d'infraction établies en 2007; que néanmoins, elle démontre qu'en l'espèce, les droits de la défense et le principe du contradictoire ont été respectés.
Elle rappelle que c'est le respect effectif et concret de ses droits de la défense qui importe; que dès lors que le redevable a pu effectivement et concrètement présenter ses observations avant la délivrance de l'avis de mise en recouvrement, ses droits de la défense sont regardés comme respectés ; qu'en l'espèce, les opérations de contrôle se sont déroulées de 2002 à 2007 ; que M. [F] a été entendu à trois reprises et les douanes se sont déplacées à sept reprises dans les locaux de la société Vestel ; que M. [F] a communiqué divers documents utiles au contrôle douanier et dépourvus d'équivoques au regard de l'objet du contrôle et a été mis en mesure de formuler d'éventuelles observations ou réserves ; que le procès-verbal en date du 4 mai 2007 (« procès verbal de modification du procès-verbal de notification d'infraction n°10 du 25 avril 2007 ») ne fait que rectifier une erreur matérielle qui s'était glissée dans le PV de notification, erreur consistant à avoir indiqué « euros » au lieu de « francs » pour six lignes, modifiant ainsi le montant des droits antidumping ; qu'ainsi, la notification de l'infraction a eu lieu le 25 avril 2007 et le document émis le même jour ; qu'en conséquence, le délai de 30 jours prévus par l'article 67 A du code des douanes pendant lequel l'intéressé a la possibilité à de faire connaître ses observations a été respecté et, en l'occurrence, mis à profit puisque Vestel a fait des observations par l'intermédiaire de son conseil.
S'agissant de la communication des documents relatifs à l'enquête OLAF, il convient de constater que l'ensemble des documents servant à l'enquête OLAF a été communiqué par les sociétés Vestel et notamment par « la maison mère » de Vestel France et que seuls les documents concernant la société Vestel lui ont été transmis en raison du respect de l'obligation du secret professionnel et du secret en matière industrielle et commerciale s'imposant à l'administration au regard des autres sociétés impliquées dans l'enquête ; que les données issues du rapport ont été transmises à la société Vestel France par PV du 2/06/2004, M. [F] ayant été auditionné sur ces fichiers.
La société Vestel ne communique pas le moindre élément tendant à justifier qu'elle aurait fait des observations ou même sollicité des documents quant à l'enquête menée par l'OLAF et ne peut lui reprocher de ne pas avoir tenu compte de ses observations, se fondant en outre sur des dispositions non applicables à l'époque des faits, dès lors qu'elle ne justifie pas en avoir fait.
Ceci étant exposé, il convient de rappeler que les articles 67 à 67 D du code des douanes prévoyant un délai de 30 jours pendant lequel l'intéressé a la possibilité de faire connaître ses observations avant la mise en recouvrement n'étaient pas entrées en vigueur lors de la procédure en cause puisqu'elles ne sont applicables que depuis le 1er janvier 2010.
En tout état de cause, c'est par des motifs appropriés que la cour adopte que le tribunal a relevé que la notification des infractions avait eu lieu le 25avril 2017 pour la société Vestel France et que l'AMR était intervenu le 24 mai 2007, soit près de trente jours plus tard ; que le délai accordé à la société Vestel lui laissait la possibilité de faire valoir ses observations de sorte que les droits de la défense ont été respectés.
Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la nullité.
- Sur la nullité de la communication des droits
La société Vestel et les deux commissionnaires font valoir que, l'administration des douanes ne rapportent pas la preuve que la dette a été prise en compte avant la notification des droits et que le procès-verbal de notification d'infraction du 25 avril 2007 serait nul et non interruptif de prescription.
L'administration des douanes rappelle que selon l'article 338 du code des douanes, les tribunaux ne peuvent admettre contre les procès-verbaux de douane d'autres nullités que celles résultant de l'omission des formalités prescrites par l'article 323-1, 324 à 332 et 334 dudit code et que la nullité soulevée n'est pas visée par l'article 338 du code des douanes ; qu'en tout état de cause, la prise en compte de la créance a été effectuée le 8 mai 2007 comme le démontre le document INFOCOM extrait du logiciel comptable interne à l'administration, soit antérieurement à l'émission de l'avis de mise en recouvrement en date du 24 mai 2007 qui constitue indéniablement une communication des droits au débiteur ; que si la cour devait considérer que le procès-verbal du 25 avril 2007 était l'acte par lequel la dette avait été communiquée à la société, et cela de façon irrégulière car antérieurement à la prise en compte de la créance, elle ne pourrait que constater qu'une nouvelle communication régulière, car postérieure à la prise en compte, a été effectuée par la notification de l'AMR et cela dans le délai de 3 ans.
Ceci étant exposé, l'article 217-1 du code des douanes communautaire prévoit que « tout montant des droits à l'importation ou à l'exportation qui résulté d'une dette douanière (') doit faire l'objet d'une inscription dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu » et l'article 121 du même code dispose que « le montant des droits doit être communiqué au débiteur selon des modalités appropriées dès qu'il a été pris en compte. », de sorte que la prise en compte du montant des droits recouvrés doit s'effectuer antérieurement à a communication au débiteur.
Ainsi que le relève le tribunal, l'administration des douanes rapporte la preuve que la créance douanière a été prise en compte le 8 mai 2007 par la production du document INFOCOM extrait du logiciel comptable interne à l'administration, soit antérieurement à l'AMF du 24 mai 2007 qui constitue la communication des droits au débiteur. Et non le procès-verbal de notification d'infraction comme le soutient la société Vestel France.
Le moyen tiré de la nullité du procès-verbal d'infraction sera rejeté.
Sur la prescription des droits:
Les sociétés appelantes soutiennent que la Douane était prescrite lorsqu'elle a communiqué les droits prétendument éludés ; que l'article 354 alinéa 2 du CDN n'est pas applicable (effet interruptif des PV) dès lors qu'il ne peut s'appliquer qu'aux taxes nationales. Elle soutient que les procès-verbaux ne sont pas des actes interruptifs du droit de reprise des droits de douane ; que l'article 221 (3) du code des douanes communautaire qui prévoie que l'action de reprise de l'administration pour communiquer le montant des droits est de 3 ans ne prévoit aucun acte d'interruption de prescription mais seulement des actes de suspension.
Elles proposent à la cour de poser une question préjudicielle à la CJUE sur l'interprétation de l'article 221-3 du code des douanes communautaire. Ceci étant exposé et ainsi que le soutient l'administration des douanes, l'effet interruptif de prescription qui s'attache, à l'égard de toutes les parties, aux procès-verbaux des douanes, en application de l'article 354 du code des douanes n'est pas contraire à l'article 221 du code des douanes communautaire et ne porte pas atteinte aux principes essentiels communautaires.
Aucune prescription n'est donc encourue, les procès-verbaux des douanes ayant valablement interrompu celle-ci et il n'y a pas lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne.
Sur le fond:
- sur la provenance turque des téléviseurs
Il doit être préalablement rappelé que les parties ne contestent pas que les appareils récepteurs de télévision en couleurs exportés vers la Communauté entre le 1er juillet 1999 et le 30 juin 2000 (ci-après dénommée "période d'enquête") étaient d'une origine autre que turque ; les téléviseurs importés par la société Vestel contenant des tubes cathodiques provenant de Chine ou de Corée et qu'ils avaient donc en réalité une origine Chinoise ou Coréenne.
Les sociétés appelantes soutiennent qu'elles n'ont commis aucune fausse déclaration sur l'origine puisque celle-ci est inopérante dans le cadre de la libre circulation entre la Turquie et l'UE. Elles développent des arguments ayant trait à la libre circulation des marchandises et aux certificats ATR.
L'administration des douanes réplique que la provenance turque des marchandises n'est pas en cause contrairement à l'origine et que les notions ne sauraient se confondre ; que l'origine des marchandises ne peut plus aujourd'hui donner lieu à discussion, celle-ci étant avérée comme étant coréenne et chinoise. Elle précise que les certificats de circulation ATR n'attestent pas du caractère originaire des produits qu'ils couvrent mais simplement de la mise en libre pratique des marchandises en Turquie, c'est à dire de l'acquittement des droits de douane.
La décision n° 1/95 du Conseil d'association CE/Turquie fixe les dispositions relatives à la mise en place de l'union douanière entre la Turquie et la Communauté et instaure la libre circulation des marchandises échangées entre les deux parties. Le bénéfice de cette libre circulation est accordé sur présentation d'un titre justificatif, le certificat de circulation ATR. Néanmoins, cette même décision n'exclut pas que la Communauté conserve la possibilité d'utiliser ses instruments de défense commerciale à l'égard de la Turquie, notamment les mesures anti-dumping, ni même de vérifier l'origine des marchandises pour l'application éventuelle de droits anti-dumping si l'origine déclarée se révèle au surplus fausse.
- sur le caractère discriminatoire des droits anti-dumping sur des produits fabriqués en Turquie
La société Vestel et les deux commissionnaires invoquent les dispositions prévoyant «l'élimination des restrictions quantitatives ou des mesures d'effet équivalent » prévues par la décision n°1/95.
Elles demandent à la cour de saisir la CJUE d'une question préjudicielle suivante :
« Le règlement n°710/95 du 27 mars 1995, modifié par le Règlement n°2584/98 du 27 novembre 1998, est-il contraire au principe de non-discrimination prévu dans l'Accord d'Union douanière entre l'Union européenne et la Turquie du 12 septembre 1963 et la décision n°1/95 ' » Ainsi que le soutient l'administration des douanes, cette décision n'exclut pas que la Communauté conserve la possibilité d'utiliser ses instruments de défense commerciale à l'égard de la Turquie, notamment les mesures anti-dumping ; qu'il ne peut donc être déduit des dispositions de l'accord [Localité 7] ou de la décision de base que les mesures anti-dumping prises en l'espèce seraient discriminatoires dans la mesure où ces décisions prévoient la possibilité d'y avoir recours dans les circonstances de l'espèce, mais surtout, dès lors que les marchandises étaient originaires de Chine ou de Corée, elles relevaient du règlement CE 2584/98. En outre, il n'appartient pas au juge national de remettre en cause la validité des règlements pris par la Commission européenne ayant institué un droit antidumping sur les appareils TVCS originaire de Chine et de Corée .
- sur l'application des certificats ATR et l'impossibilité de remettre en cause l'origine déclarée
Les appelantes prétendent que la remise en cause de l'origine certifiée par les certificats ATR et de la libre circulation des marchandises en exonération de droits n'est pas fondée; que les autorités turques contestaient cette remise en cause de l'origine lors de l'enquête OLAF et que les autorités françaises ne pouvaient la remettre en cause sans saisir le Comité de coopération douanière.
Elles se fondent pour cela sur les articles 15 et suivants de la décision n°1/200 du Comité de coopération douanière CE-Turquie du 28/03/2001.
L'administration des douanes précisent que ces articles traitent du contrôle a posteriori des certificats ATR dont l'article 16 qui définit les modalités d'assistance mutuelle entre les administrations douanières des Etats membres, d'une part, et la Turquie, d'autre part, en vue de contrôler a posteriori l'authenticité et la régularité des certificats de circulation ATR; qu'en l'espèce la société Vestel confond la procédure de contrôle des certificats d'origine de celle des certificats ATR qui n'attestent aucunement de l'origine des produits mais simplement de la mise en libre pratique des marchandises en Turquie.
Ceci étant exposé, l'accord d'association [Localité 7] du 12 septembre 1963 qui prévoit la réalisation d'une union douanière entre la Communautaire européenne et la Turquie et la phase définitive de l'Union douanière est définie par la décision n° 1/95 du conseil d'association du 22 décembre 1995. Il en résulte une libre circulation ente les deux parties de l'union douanière en ce qui concerne les marchandises qui sont mises en libre pratique, soit en Turquie, soit dans l'Union après leur importation dans de pays tiers. C'est par des motifs tout à fait appropriés que la cour adopte que le tribunal a jugé que cette décision ne concernait que la libre circulation des marchandises et ne faisait pas obstacle aux règles posées en matière d'origine de ces marchandises. Les certificats de circulation ATR n'attestent pas du caractère originaire des produits mais simplement de la mise en libre pratique des produits en provenance de Turquie et leur permettent de bénéficier d'une libre circulation exempte de droits de douane. Les dispositions anti-dumping prises par la Commission européenne sont donc applicables aux produits importés dans l'Union, même s'ils sont mis en libre pratique en Turquie
En outre, l'article 44 de la décision n° 1/95 prévoit que « une partie contractante qui a pris ou qui prend des mesures antidumping ou tout autre mesure au titre des instruments de défense commerciale visés à l'article 44 dans ses relations avec l'autre partie ou avec des pays tiers, peut soumettre les importations de produits concernés en provenance du territoire de l'autre partie à ces mesures. »
C'est dont à bon droit que le tribunal a estimé que l'Union européenne pouvait donc remettre en cause l'origine déclarée des produits sans contrevenir au principe de libre circulation des marchandises que pose cet accord
- sur la nullité du règlement anti-dumping du fait de l'entente sur les prix
Les sociétés appelantes invoquent la nullité du Règlement antidumping du fait de l'entente sur les prix de plusieurs sociétés dans le secteur des tubes cathodiques.
Elles demandent à la cour de transmettre à la CJUE une deuxième question préjudicielle:
Le Règlement n°710/95 du 27 mars 1995 est-il valide « dans la mesure où des sociétés à l'origine de la plainte antidumping et des demandes de réexamen ont été parties à une entente dont l'objet consistait notamment à :
- fixer les prix des tubes cathodiques qui déterminent celui des téléviseurs ;
- et à limiter leur production,
dans le même temps où elles fournissaient des éléments de prix de leurs téléviseurs et des éléments sur le préjudice subi par l'industrie communautaire, qui ont permis de déterminer l'existence de dumping et de préjudice pour aboutir à la fixation des droits antidumping '»
L'administration des douanes relève que cet argument est nouveau en cause d'appel et doit être écarté.
Elle fait valoir que les sociétés appelantes sollicitent la nullité du Règlement de 1995 modifié par celui de 1998 alors même que l'entente dont il est question est postérieure à la mise en 'uvre de droits anti-dumping sur les importations de récepteurs de télévision originaires de Chine et de Corée : qu'il est indiqué au considérant (12) du Règlement 2584/98 que « l'enquête relative aux pratiques de dumping a couvert la période comprise entre le 1er janvier 1994 et le 31 mars 1995. L'examen du préjudice a couvert la période comprise entre le 1er janvier 1991 et le 31 mars 1995. »
Ceci étant exposé, l'article 564 du code de procédure civile dispose qu'est irrecevable une demande nouvelle formée en cause d'appel « si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ». L'article 564 du même code dispose que « ne sont pas nouvelles (les demandes qui) tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. »
En l'espèce, les appelantes sollicitent la nullité du règlement anti-dumping du fait de l'entente sur les prix et demandent à la cour de transmettre à la CJUE une question préjudicielle relative à sa validité. Ces demandes sont nouvelles en cause d'appel et donc irrecevables.
- sur les principes de proportionnalité et d'effectivité qui entraîneraient la limitation des droits anti-dumping
Les sociétés Vestel, TPS et WMS soutiennent que les droits antidumping généraux de 15,1% pour les TVCs d'origine Corée et 44,6 % pour ceux d'origine Chine ne seraient pas applicables aux TVCs exportés de Turquie par la société Vestel car contraires aux principes de proportionnalité et d'effectivité du droit communautaire.
Elles se prévalent de la possibilité offerte par l'article 11-8 du règlement de base 384/96 du conseil du 22/12/1995 pour les importateurs de demander le remboursement des droits perçus lorsqu'il est démontré que la marge de dumping sur la base de laquelle les droits ont été acquittés a été éliminée ou réduite à un niveau inférieur au niveau du droit en vigueur.
L'administration des douanes réplique que c'est en vain que ces sociétés invoquent ces principes alors même que la perception des droits est due au titre du non-respect de la réglementation communautaire et que la société Vestel n'a formé aucune demande de réexamen du taux d'élimination du préjudice. Elle précise que la société Vestel pouvait déposer auprès de la Commission une demande de remboursement dûment étayée dans les six mois suivant l'importation des marchandises afin de solliciter le remboursement prévu par l'article 11-8 du Règlement 384/96 du conseil du 22/12/1995 ; que contrairement à ce que prétendent les sociétés appelantes, cette possibilité ne s'applique pas seulement aux droits antidumping provisoires; que dans l'hypothèse où les droits antidumping définitifs sont établis, cela peut donner lieu à l'ouverture d'un réexamen intermédiaire, avant l'expiration du délai de cinq ans (article 11, considérant n° 8 dernier paragraphe) et qu'aucune demande n'a été formée en temps et en heure par la société Vestel.
Ceci étant exposé, ainsi que l'a relevé le premier juge, il n'appartient pas au juge national de remettre en cause la validité des règlements pris par la Commission mais seulement d'en faire application et qu'en outre, la société Vestel pouvait présenter une demande en remboursement sur la base de l'article 11-8 du règlement de base 384/96 du Conseil du 22 décembre 1995 dans les six mois devant la commission de sorte que la contestation devant le juge national est mal orientée.
- sur la limitation des droits sur les produits considérés par la douane comme originaire de Chine
La société Vestel soutient qu'il existe une différence de taxation antidumping entre le Règlement (CE) n° 2584 du 27/11/1998 et le règlement (CE) n° 1531/2002 du 14 août 2002, ce dernier prévoyant un droit individuel de 24,5% tandis que le premier prévoit l'application d'un droit résiduel de 44,6 % pour les produits fabriqués par toutes les sociétés en Chine et qu'elle devrait supporter un taux de droits de 24,5 % sur lequel devrait se fonder la liquidation.
L'administration des douanes réplique qu'il convient de se reporter à la date d'entrée en vigueur du (Règlement CE n° 2584 du 27/11/1998 pour déterminer le taux du droit antidumping applicable aux marchandises concernées ; qu'en l'espèce, le taux de 24,5% ne peut être retenu dès lors qu'il est entré en vigueur le 30/08/2002 (article 5 du Règlement : « Le présent règlement entre en vigueur le jour suivant celui de sa publication au JOCE »), qu'il n'a pas d'effet rétroactif, qu'il ne concerne que les TVC's montés par Vestel à partir de tubes cathodiques originaires de Chine et que dans la mesure où les AMR portent sur des déclarations réalisées en 2000 et 2001, seul le taux en vigueur alors est applicable, soit le taux de 44,6% à l'époque des faits
Ceci étant exposé, les AMR portent sur des déclarations réalisées en 2000 et en 2001 et le taux en vigueur pour les produits originaires de Chine n'était pas de 24,5 % mais de 44,6 %. en application du règlement n° 2584/98 du 27 novembre 1998. Le règlement n° 1531/2002 du 14 août 2002 fixant un taux de 24,5 % n'était donc pas entré en vigueur et ne pouvait donc pas s'appliquer en l'espèce.
La société Vestel sera déboutée de toutes ses demandes visant à voir poser à la Cour de justice de L'Unin européenne des questions préjudicielles.
Sur l'article 220-2 b du code des douanes communautaire:
Les sociétés appelantes soutiennent que la Commission Européenne, les autorités turques et les autorités françaises ont appliqué de manière erronée la réglementation ; que la Commission a commis une première erreur en n'appliquant pas correctement les règles d'origine avant 2002 en considérant lors de la première enquête anti-dumping que les TVCs produits par Vestel étaient d'origine turque.
Elles s'appuient pour cela sur le règlement n° 2376/94 et notamment son considérant 31 qui indique : « En Turquie, une seule des cinq entreprises ayant coopéré exportait des TVC originaires de ce pays. La quasi-totalité de la production de trois sociétés était originaire de Corée, alors que la production de la dernière n'était pas originaire d'un pays faisant l'objet de la plainte ou de la procédure. »
La seconde erreur invoquée par les trois sociétés consiste en l'absence de notification par la Commission aux autorités turques de la prise de mesures antidumping, en vertu de l'article 46 de la décision 1/95.
Les appelantes soutiennent également que les autorités turques ont commis une erreur en considérant qu'à défaut de notification conforme à l'article 46 de la décision 1/95, aucun droit anti-dumping ne pouvait être appliqué. Elles invoquent une erreur commise par les autorités françaises, à savoir l'absence de remise en cause de l'origine des TV.
L'administration des douanes réplique que rien ne permet de dire, à la lecture de ce considérant, que la seule société qui exportait bien des téléviseurs originaires de Turquie, au sens douanier du terme, était la société Vestel et qu'en tout état de cause, les conclusions de cette enquête valables du 01/07/1991 au 30/06/1992 sont inopérantes quant au présent litige qui porte sur les années 2000, 2001 et 2002 ; que la société Vestel ne peut donc soutenir que la Commission aurait pris une position nouvelle ; qu'aucune erreur n'a donc été commise.
Elle souligne que la Commission a, par lettre du 8 octobre 1996, informé les autorités turques « des mesures anti-dumping appliquées par la Communauté ».
Elle soutient que la prétendue erreur commise par les autorités turques ne constitue pas une erreur au sens de l'article 220, paragraphe 2, point b) dans la mesure où l'erreur doit avoir été commise par une autorité compétente, c'est-à-dire par une autorité qui, dans le cadre de ses compétences, fournit des éléments entrant en ligne de compte pour le recouvrement des droits de douane et peut ainsi susciter la confiance légitime du redevable alors qu'en l'espèce, ni l'application du règlement (CE) n° 710/95 du Conseil ni l'interprétation des règles d'origine non préférentielle contenues dans la législation communautaire ne sont de la compétence des autorités turques et qu'il appartient uniquement aux autorités douanières communautaires d'établir l'origine non préférentielle des marchandises et d'appliquer la législation pertinente, telle que publiée au Journal Officiel.
Elle fait valoir que le contrôle documentaire effectué sur les déclarations ne mettait en évidence aucune contradiction sur les mentions relatives à l'origine ; qu'il en est de même concernant le contrôle a posteriori effectué uniquement sur une base documentaire (les marchandises ayant été libérées).
Elle ajoute que la réglementation douanière concernant l'origine n'est pas si complexe qu'un importateur et deux sociétés déclarantes en douane, n'aient été en mesure de déceler une erreur ; qu'en outre les sociétés appelantes sont expérimentées, l'activité principale de Vestel France étant l'importation et la commercialisation de téléviseurs ; qu'en tant que filiale de la société turque Vestel Dis Ticaret, la société Vestel France ne pouvait ignorer la première enquête antidumping diligentée par les services de la Commission et partant, la réglementation applicable qu'elles n'ont pas été suffisamment diligentes ; qu'enfin, de nombreux éléments relevés au cours de l'enquête démontrent la parfaite mauvaise foi de la société Vestel.
Ceci étant exposé, selon l'article 220-2b du code des douanes communautaire «hormis les cas visés à l'article 217, paragraphe 1, deuxième et troisième alinéas, il n'est pas procédé à une prise en compte a posteriori lorsque le montant des droits légalement dus n'avait pas été pris en compte par suite d'une erreur des autorités douanières elles-mêmes, qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane ».
Les quatre conditions posées par cet article sont une erreur des autorités douanières, qui ne pouvait pas raisonnablement être décelée par le redevable qui a agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane, ces conditions étant cumulatives.
Le caractère décelable d'une erreur commise par les autorités douanières compétentes doit être apprécié en tenant compte de la nature de l'erreur, de l'expérience professionnelle des opérateurs intéressés et de la diligence dont ces derniers ont fait preuve.
Ainsi que l'a relevé le premier juge, la société Vestel ne rapporte pas la preuve que la Commission européenne qui avait retenu, à la suite d'une enquête visant une détermination provisoire du dumping, qu'une seule sur cinq sociétés produisait des télévisions originaires de Turquie, qu'il s'agissait de la société Vestel.
La notification des mesures anti-dumping, prévue par l'article 46 de la décision n° 1/95 est intervenue le 8 octobre 1996.
L'erreur invoquée des autorités turques est inopérante dans la mesure où ces dernières ne peuvent pas être considérées comme une autorité « compétente » au sens de l'article 220-2-b du code des douanes communautaire ayant à se prononcer sur l'application des mesures prises par la Commission européenne.
Le fait pour les autorités françaises de ne pas remettre en cause l'origine d'un produit avant tout contrôle approfondi n'est pas une erreur puisque la contradiction avec l'origine réelle ne peut être révélée qu'au terme d'une enquête.
C'est également fort justement que le tribunal a estimé que l'opérateur ne pouvait pas ignorer les règles en la matière au regard de son expérience professionnelle, de la constance de la réglementation en la matière puisque dès le règlement n° 2632/70 du 23 décembre 1979, la Commission européenne posait la règle de la détermination de l'origine par la valeur acquise du fait du montage si elle « représente au moins 45 % du prix départ usine des appareils » ou par celle des « des pièces dont le prix départ usine représente plus de 35 % du prix départ usine des appareils », règle confirmée par règlement n° 2454/93 du 2 juillet 1993 ; qu'il incombait à la société Vestel France d'obtenir auprès de la société mère implantée en Turquie les informations nécessaires sur l'origine des composants des téléviseurs qu'elle commercialisait afin d'en déterminer l'origine et qu'elle ne pouvait pas se prévaloir de sa bonne foi.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a estimé que les conditions d'application de l'article 220-2-b n'étaient pas réunies.
Sur l'article 239 du code des douanes communautaire:
La société Vestel invoque les dispositions de l'article 239 du code des douanes communautaire qui permettent d'obtenir une remise des droits à l'importation, s'il est avéré que l'opérateur se trouve dans une situation particulière et qu'il n'a commis ni man'uvre, ni négligence manifeste.
L'administration des douanes réplique que cet argument doit être écarté dans la mesure où les autorités communautaires n'ont à aucun moment changé leur pratique quant à la détermination de l'origine des TV ; les divers règlements relatifs aux droits antidumping renvoyant systématiquement aux dispositions générales de détermination de l'origine douanière non préférentielle.
Ceci étant exposé, l'article 239 du code des douanes communautaire dispose que les droits à l'importation ou à l'exportation peuvent être remboursés ou remis dans des situations particulières qui résultent de circonstances n'impliquant ni man'uvre ni négligence manifeste de l'intéressé.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a estimé que ces dispositions ne pouvaient s'appliquer en raison de la négligence manifeste de la société Vestel, ci-dessus exposée.
Sur les moyens soulevés par la société Exel Freight:
- sur l'irrégularité de la procédure de redressement
La société Exel Freight soutient qu'elle n'a pas été en mesure de faire valoir ses droits et observations et que la procédure est irrégulière car elle se fonde sur une série de documents et d.'actes d'enquête qui n'ont jamais été portes a sa connaissance et que l'administration des douanes ne lui a jamais communiqué le dossier qu'elle lui réclamait.
L'administration des douanes réplique que la société Exel Freight a été régulièrement convoquée par courrier du 4/07/2007 (AR du 10/07) afin de procéder à la rédaction du procès-verbal de signification d'infractions et qu'étaient joints à ces courriers les relevés des importations concernées ; qu'aucune suite n'a été donnée à ce courrier et aucun représentant légal ou personne dûment mandatée de la société Exel ne s'est présenté ; qu'en outre, la procédure spécifique de recouvrement des dettes douanières n'organise pas d'échange contradictoire entre, d'une part, la date de notification de l'infraction douanière et des droits à l'issue de l'enquête douanière et, d'autre part la date de délivrance de l'avis de mise en recouvrement.
Elle ajoute que la société Exel Freight a fait valoir ses observations dans sa réclamation motivée du 10 aout 2010, dont le rejet l'a conduit à assigner l'administration des douanes.
Ceci étant exposé, c'est par des motifs appropriés que la cour adopte que le tribunal a relevé que la notification des infractions avait eu lieu pour les sociétés Worms Service Maritimes et Tier Port Services, les 31 juillet 2007 et le 1er août 2001 et les AMR le 13 août 2007 ; que ces dernières ont formé des contestations les 14 et 16 août 2007, soit postérieurement à l'AMR mais que l'administration des douanes avait accepté d'examiner leurs moyens et rendu une décision de rejet détaillée le 4 août 2008 de sorte que les droits de la défense avaient été respectés.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
- sur la prescription de la créance de l'administration
Le tribunal a constaté, dans son jugement en date du 26 février 2013, la prescription triennale de la créance à l'égard des sociétés Europa SCA Express et Exel Freight.
La société Exel Freight soutient que l'action en recouvrement de l'administration des douanes est prescrite tant sur le fondement de l'article 221 du code des douanes communautaire que des articles 3-1 § 1 et 3-1 § 4 du Règlement Euratom n° 2988/95 puisque que la notification de la dette douanière est intervenue à son encontre le 31 juillet 2007, soit plus de 6 années après la souscription de la dernière déclaration en douane de la société Exel Freight -MSAS entre le 28 janvier 2000 et le 23 juillet 2001 en cause et qu'aucun acte de notification ni acte porté à sa connaissance émanant de l'administration des douanes n'a été réalisé avant le 31 juillet 2007, date de la notification de la dette douanière.
L'administration des douanes expose que si la prescription a couru à compter de chacune des déclarations souscrites par les sociétés Exel Freight et Europa SCA Express, celle-ci a été interrompue par les procès-verbaux établis dans cette procédure, et cela conformément à l'alinéa 2 de l'article 354 du code des douanes qui dispose que 'la prescription est interrompue par la notification d'un procès-verbal de douane' ; qu'en l'espèce, de nombreux procès-verbaux ont été établis, comme cela est rappelé dans les procès-verbaux de notification d'infraction dressés à l'encontre des sociétés Exel Freight et Europa SCA Express en date du 31 juillet 2007 et 1er août 2007 (folio 2) qui visaient à la fois à établir l'existence d'une infraction et à savoir l'assiette des droits à recouvrer et cela en vue d'établir les infractions ultérieurement notifiées par un autre procès-verbal ; qu'en tout état de cause, la prescription est, en l'espèce, trentenaire.
Elle ajoute que l'article 221.4 du code des douanes communautaire prévoit que «lorsque la dette douanière résulte d'un acte qui était, au moment où il a été commis, passible de poursuites judiciaires répressives, la communication des droits au débiteur peut, dans les conditions prévues par les dispositions en vigueur, être effectuée après l'expiration du délai de trois ans prévu au paragraphe 3 ».
Elle invoque l'article 355 du code des douanes qui prévoit :
« 1. Les prescriptions visées par les articles 352, 353 et 354 ci-dessus n'ont pas lieu et deviennent trentenaires quand il y a, avant les termes prévus, demande formée en justice, condamnation, promesse, convention ou obligation particulière et spéciale relative à l'objet qui est répété.
2. Il en est de même à l'égard de la prescription visée à l'article 354 lorsque c'est par un acte frauduleux du redevable que l'administration a ignoré l'existence du fait générateur de son droit et n'a pu exercer l'action qui lui compétait pour en poursuivre l'exécution. »
Elle soutient qu'il n'est pas contestable que c'est par un acte frauduleux que l'administration des douanes a ignoré l'existence du fait générateur.
Elle soutient que le Règlement CE Euratom n°2988/95 du Conseil du 18/12/2005 n'est pas applicable en l'espèce puisqu'il organise le régime de la prescription des sanctions « administratives » communautaire et que l'administration des douanes ne poursuit pas ici l'exécution d'une sanction administrative mais le recouvrement de droits de douane.
La société Exel réplique que dès le 13 mai 2002, l'administration des douanes n'a pas ignoré l'existence du fait générateur de son droit puisque des déclarations en douane ont été régulièrement souscrites et qu'il résulte du procès-verbal du 31 juillet 2007 que, dès le 13 mai 2002, elle avait sollicité une autorisation du président du tribunal de grande instance de Paris de pratiquer une visite domiciliaire chez la société Vestel.
Ceci étant exposé, l'article 354 du code des douanes prévoit que le droit de reprise de l'administration s'exerce pendant un délai de trois ans à compter du fait générateur, à l'exclusion des droits communiqués en application de l'alinéa 3 de l'article 221 du code des douanes communautaire et que la prescription est interrompue par la notification d'un procès-verbal de douane.
En l'espèce il n'est pas contesté que la prescription a commencé à courir à compte de chacune des déclarations de la société Exel Freight sur la période du 28 janvier 2000 au 23 juillet 2001 et qu'aucun acte de l'enquête ne lui a été notifié avant notification du procès-verbal d'infractions intervenu le 1er août 2007.
L'administration des douanes est mal fondée à invoquer l'article 355 du code des douanes et le fait que c'est par un acte frauduleux du redevable qu'elle a ignoré l'existence du fait générateur de son droit et n'a pu exercer l'action pour en poursuivre l'exécution dès lors qu'il résulte du procès-verbal du 31 juillet 2007 que, dès le 13 mai 2002, elle avait sollicité une autorisation du président du tribunal de grande instance de Paris de pratiquer une visite domiciliaire chez la société Vestel.
Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a dit acquise la prescription triennale et annulé les AMR du 13 août 2007.
Les demandes au fond de la société Exel Freight concernant la créance douanière et celle de remise de droits sont donc sans objet.
Concernant la société Europa SCA Express:
La société Europa SCA Express a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire en date du 2 octobre 2012 puis d'une clôture pour insuffisance d'actif par jugement du 22 septembre 2014.
L'administration des douanes ne forme aucune demande concernant cette société.
Sur les dépens et l'indemnité de procédure:
Il n'y a pas lieu à condamnation aux dépens en application de l'article 367 du code des douanes.
Les sociétés Vestel, Tier Port Services et Worms Services Maritimes seront déboutées de leur demande d'indemnité de procédure et condamnées in solidum, sur ce même fondement, à payer à l'administration des douanes la somme de 7 000 euros.
L'administration des douanes sera condamnée à payer à la société Exel Freignt une indemnité de procédure de 3 000 euros.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
CONFIRME le jugement rendu par le tribunal d'instance de Paris du 11ème arrondissement le 26 février 2013 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
DECLARE irrecevables les demandes de nullité du règlement anti-dumping et de question préjudicielle ;
REJETTE l'exception de prescription ;
DEBOUTE la société Vestel de ses demandes visant à voir poser à la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles ;
DEBOUTE les sociétés Vestel, Tier Port Services et Worms Services Maritimes de leur demande d'indemnité de procédure ;
CONDAMNE in solidum les sociétés Vestel, Tier Port Services et Worms Services Maritimes à payer à l'administration des douanes prise en la personne du directeur de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE l'administration des douanes prise en la personne du directeur de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières,à payer à la société Exel Freight la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile .
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS