Copies exécutoires transmises
aux avocats le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRÊT DU 14 Novembre 2018
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/07192 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BY2YI
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Avril 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 14/02342
APPELANTE
Madame [M] [B]
[Adresse 2]
[Localité 4]
née le [Date naissance 1] 1954
comparante en personne, assistée de Me Michèle ARNAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : A0177
INTIMÉE
Société BARNES
[Adresse 3]
[Localité 5]
N° SIREN : 414 057 992
représentée par Me Thierry ROMAND, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN701 substitué par Me Romain RAPHAEL, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Septembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Aline DELIERE, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente de chambre
Mme Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère
Mme Aline DELIERE, Conseillère
Greffier : Mme Clémence UEHLI, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente et par Madame Clémence UEHLI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Le 6 octobre 2009 Mme [M] [B] et la société Barnes ont conclu un contrat de prestation de services ayant pour objet « la recherche de vendeurs, d'acheteurs et de propriétaires pour le compte du client et l'obtention de la signature des mandats et des compromis de vente ».
Le 14 juin 2012 la société Barnes a résilié le contrat de travail par courrier recommandé avec effet un mois après la date de première présentation du courrier.
Le 17 décembre 2012 Mme [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande de requalification du contrat en contrat de travail, en paiement d'indemnités pour licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 28 mai 2013 le conseil de prud'hommes a rejeté la demande de requalification du contrat en contrat de travail et s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Nanterre pour statuer sur les demandes de Mme [B].
Le 23 janvier 2014 la cour d'appel de Paris a requalifié les relations entre les parties d'octobre 2009 à juin 2012 en contrat de travail, infirmé le jugement et renvoyé l'affaire devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes de Paris, compétent pour connaître de la procédure. Le 22 septembre 2015 la cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre cet arrêt.
Par jugement du 15 avril 2016 le conseil de prud'hommes de Paris a :
- fixé le salaire de référence de Mme [B] à 15 209 euros par mois,
- condamné la société Barnes à lui payer les sommes suivantes :
* 110 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 10 773,04 euros d'indemnité de licenciement,
* 30 418 euros d'indemnité de préavis, outre 3041 euros au titre des congés payés afférents,
* 31 038 euros à titre de rappel de congés payés du 6 octobre 2009 au 12 juin 2012,
* 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamné la société Barnes à la remise des bulletins de paye, du certificat de travail et de l'attestation Pôle emploi conformes au jugement,
- débouté Mme [B] du surplus de ses demandes.
La société Barnes a fait appel le 14 mai 2016 et Mme [B] le 17 mai 2016. Les procédures ont été jointes le 17 septembre 2018.
La société Barnes expose ses moyens et ses demandes dans ses conclusions déposées et visées par le greffe le 19 septembre 2018, reprises à l'audience, auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.
Elle conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a fait droit à une partie des demandes et demande à la cour de :
- fixer le salaire mensuel brut de référence de Mme [B] à 8396,74 euros, et subsidiairement à 12 703,11 euros,
- rejeter la demande d'indemnité compensatrice de congés payés, et subsidiairement la fixer à 10 076 euros, sinon à 15 243,73 euros,
- limiter l'indemnité compensatrice de préavis à un mois de salaire,
- limiter l'indemnité de licenciement à 5947,69 euros, sinon à 8998 euros,
- rejeter la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et subsidiairement en limiter le montant,
- rejeter la demande au titre de la remise des documents de fin de contrat, et subsidiairement dire que les bulletins de paye ne peuvent pas mentionner un précompte de cotisations et de contributions sociales et que les cadres 7.1 et 7.2 de l'attestation Pôle emploi ne peuvent être complétés, et sinon ordonner à Mme [B] de lui payer les cotisations et contributions sociales qui doivent être versées à l'Urssaf calculées d'après les honoraires nets qu'elle a perçus.
Elle conclut à la confirmation du jugement pour avoir rejeté les autres demandes de Mme [B] et demande à la cour de la condamner à lui rembourser la somme de 177 692,41 euros versée au titre de l'exécution provisoire. Elle réclame la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [B] expose ses moyens et ses demandes dans ses conclusions déposées et visées par le greffe le 19 septembre 2018, reprises à l'audience, auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.
Elle conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a fixé son salaire de référence à 15 209 euros, considéré le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société Barnes à lui payer 10 773,04 euros à titre d'indemnité de licenciement, 30 418 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 3 041 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et 31 038 euros au titre des rappels de congés payés du 6 octobre 2009 au 12 juin 2012.
Elle conclut à son infirmation pour le surplus et réclame le paiement des sommes suivantes :
* 273 762 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 91 254 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
* 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle demande à la cour de débouter la société Barnes de ses demandes reconventionnelles.
MOTIFS DE L'ARRÊT
1) Sur le salaire de référence
Il y a lieu de retenir le montant des sommes effectivement perçues par Mme [B] pendant les 12 mois antérieurs au 14 juin 2012, date à laquelle la société Barnes a mis fin à ses relations contractuelles avec elle, donc la somme de 182 315 euros dont le montant de la TVA, que Mme [B] a reversé au Trésor public et qu'elle n'a pas perçue, sera déduit.
Il n'y a pas lieu de réduire ce montant au motif que le taux de commission qui a été appliqué, en exécution du contrat de prestation de services, est supérieur au taux de commission perçu par un employé VRP négociateur en immobilier, la société Barnes ayant choisi de s'engager avec Mme [B] dans le cadre d'un contrat de prestation de services et lui ayant payé des honoraires dont elle ne peut plus contester le montant aujourd'hui.
Le jugement sera donc infirmé et le montant du salaire mensuel brut de référence de Mme [B] sera fixé à la somme de 12 703,11 euros.
2) Sur l'indemnité de congés payés
Aux termes de la convention collective les congés sont acquis sur la base de 2,5 jours ouvrables par mois de travail effectif pendant la période de référence fixée légalement du 1er juin de l'année précédente au 31 mai de l'année au cours de laquelle s'exerce le droit à congés.
L'article 21-4 de la convention collective de l'immobilier précise que pendant la période des congés payés, le salarié reçoit, en règle générale (règle du salaire maintenu), le salaire global brut mensuel contractuel qu'il aurait reçu en activité, sauf application de la règle du dixième (art. L3141-22 du code du travail), si ce mode de calcul est plus favorable et qu'il ne peut y avoir indemnité de congés non pris qu'en cas de rupture du contrat de travail.
La société Barnes ne démontre pas qu'elle a mis Mme [B] en mesure d'exercer effectivement son droit à congé ni que celle-ci a pris des congés. La demande en paiement d'une indemnité de congés payés est donc bien fondée et il y sera fait droit, dans les mêmes conditions que celles applicables à tout salarié.
L'article 21-2 de la convention collective dispose qu'il ne peut y avoir de report de congé au delà de l'année de référence suivant celle justifiant les droits acquis.
En conséquence, après infirmation du jugement, il sera fait droit à la demande à hauteur de la somme de 15 243,73 euros, soit 10 % d'une année de salaire.
3) Sur l'indemnité compensatrice de préavis
Un préavis de deux mois était applicable à la rupture du contrat de travail de Mme [B] compte-tenu de l'ancienneté de celle-ci, supérieure à deux ans, et de son statut de négociateur.
Dans la lettre du 14 juin 2012 mettant fin au contrat de travail la société Barnes donne à Mme [B] un préavis d'un mois.
Mme [B] soutient qu'elle n'a pas pu exécuter ce préavis parce que son employeur l'a privée de ses moyens matériels de travail mais elle ne le démontre pas.
En conséquence, après infirmation du jugement, il sera fait droit à sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis à hauteur d'un mois de salaire, soit 12 703,11 euros, majorée de 1270,31 euros au titre des congés payés afférents.
4) Sur l'indemnité de licenciement
En application de l'article 33 de la convention collective le montant de l'indemnité de licenciement due à Mme [B] est équivalent à un quart du salaire global mensuel par année d'ancienneté.
Mme [B] compte 2 ans et 10 mois d'ancienneté et après infirmation du jugement il lui sera alloué la somme de 7674,79 euros à titre d'indemnité de licenciement.
5) Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Aux termes de l'article L1232-6 du code du travail, lorsqu'un employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception et cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.
Le courrier recommandé avec avis de réception du 4 juin 2012 par lequel la société Barnes a résilié le contrat de prestation de services conclu le 6 octobre 2009 avec Mme [B] vaut lettre de licenciement. Il ne précise pas les motifs pour lesquels la société Barnes entend se séparer de Mme [B].
En l'absence d'énonciation des motifs il y a lieu de juger que le licenciement de Mme [B] est sans cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit besoin de statuer sur les motifs invoqués postérieurement par la société Barnes dans le cadre de la présente procédure.
L'article L 1235-3 du code du travail dispose : « Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L1234-9. »
Mme [B] était âgée de 57 ans quand elle a été licenciée le 14 juin 2012 après 2 ans et 10 mois d'ancienneté. Entre son licenciement et la signature d'un contrat de travail le 6 novembre 2013 comme négociatrice en immobilier VRP pour la société Agence Vanneau elle n'a pas perçu d'indemnité de chômage, compte-tenu de son statut avant son licenciement.
En 2013 elle a perçu 2351 euros de revenus d'activité salariée. Elle a continué d'exercer son activité pour différentes agences immobilières, ainsi qu'il ressort des annonces produites par la société Barnes, où figurent les coordonnées de Mme [B], et ne justifie pas de ses revenus à ce titre à compter du 3 octobre 2013.
En 2014 elle a perçu 13 770 euros de salaire et à compter de la rupture de son contrat de travail et du 13 octobre 2014 elle a été indemnisée par Pôle emploi et a perçu une allocation de 38,55 euros bruts par jour jusqu'au 7 juillet 2015. Elle n'était plus inscrite comme demandeur d'emploi à compter du 11 septembre 2015 et ne justifie pas de sa situation et de ses revenus à compter de cette date. Ultérieurement elle a perçu des allocations de chômage de 13 980,36 euros nets pour la période du 1er décembre 2016 au 26 novembre 2017.
Au regard du montant de ses revenus avant son licenciement, de son âge et de ses difficultés à retrouver un emploi et des éléments rappelés ci-dessus, il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges qui lui ont alloué la somme de 110 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
6) Sur la demande d'indemnité au titre du travail dissimulé
Aux termes de l'article L8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. La dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
Le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule circonstance que le contrat de travail qui liait les parties a été requalifié en contrat de travail, d'autant qu'en l'espèce la société Barnes démontre que le travail de Mme [B] dans le cadre du contrat de prestation de services avait un coût plus élevé que si elle avait travaillé comme salariée.
Le jugement sera donc confirmé pour avoir rejeté la demande de Mme [B] au titre du travail dissimulé.
7) Sur la demande au titre des bulletins de paye et des documents de fin de contrat
La société Barnes conclut au rejet de la demande de remise d'un certificat de travail, des bulletins de salaire et de l'attestation destinée à Pôle emploi au motif que Mme [B] ne peut être affiliée rétroactivement au régime social des salariés.
Mais la demande de Mme [B] porte seulement sur la remise des bulletins de paye et des documents de fin de contrat et non sur son affiliation rétroactive au régime social des salariés. La remise des documents visés par la demande ne peut avoir pour effet l'affiliation de Mme [B] au régime social des salariés car elle a déjà cotisé au régime social des indépendants (RSI).
Le jugement sera donc confirmé pour avoir ordonné la remise des bulletins de paye, du certificat de travail et de l'attestation Pôle emploi à Mme [B].
Mme [B] ayant déjà cotisé au RSI jusqu'en 2013, il sera fait droit à la demande de la société Barnes quant au contenu de ces pièces, qui ne devront pas mentionner de précompte de cotisations et de contributions sociales, ni de précompte d'assurance chômage.
8) Sur la demande de remboursement de la somme versée au titre de l'exécution provisoire
L'obligation de rembourser des sommes versées en exécution d'une décision assortie de l'exécution provisoire résulte de plein droit de la réformation de cette décision.
La demande de la société Barnes de remboursement de la somme de 177 692,41 euros est donc sans objet.
9) Sur le remboursement des indemnités de chômage
En application de l'article L1235-4 du code du travail il y a lieu d'ordonner à la société Barnes, qui a licencié à tort Mme [B], de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à celle-ci, dans la limite de six mois d'indemnisation.
10) Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
Le jugement sera confirmé pour avoir mis les dépens de première instance à la charge de la société Barnes et avoir alloué à Mme [B] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Chaque partie ayant partiellement échoué en appel, elles garderont à leur charge les dépens d'appel qu'elles ont exposés et leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement rendu le 15 avril 2016 par le conseil de prud'hommes de Paris sauf en ce qu'il a condamné la société Barnes à payer une indemnité de 110 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens et en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [B] au titre du travail dissimulé,
Statuant à nouveau,
Fixe le salaire mensuel de référence de Mme [B] à la somme de 12 703,11 euros nets,
Condamne la société Barnes à payer à Mme [B] les sommes suivantes :
- 12 703,11 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1270,31 euros au titre des congés payés afférents.
- 15 243,73 euros à titre de rappel de congés payés au 12 juin 2012,
- 7674,79 euros à titre d'indemnité de licenciement,
Condamne la société Barnes à remettre à Mme [B] les bulletins de paye, le certificat de travail et l'attestation Pôle emploi conformes à la présente décision, sans mention de précompte de cotisations, de contributions sociales et d'assurance chômage,
Dit que la demande de remboursement de la somme de 177 692,41 euros versée au titre de l'exécution provisoire du jugement est sans objet,
Ordonne à la société Barnes de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Mme [B], dans la limite de six mois d'indemnités,
Dit que chaque partie gardera à sa charge les dépens qu'elle a exposés en appel et rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT