Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2018
(n° 385/2018 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/24046 - N° Portalis 35L7-V-B7A-B2DVE
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Novembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/15945
APPELANT
M. [U], [H] [E]
demeurant [Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté et Assisté par Me Nicolas COHEN STEINER de la SELARL ATTIQUE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0301
INTIMÉE
SCI THABOR PARIS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
SIRET N° : 503 329 146 00032
Représentée par Me Virginie KOERFER BOULAN de la SCP BOULAN KOERFER PERRAULT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0378
Ayant pour avocat plaidant, Me Sophie SOUET, avocat au barreau de RENNES
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 Octobre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Claude CRETON, Président
Christine BARBEROT, Conseillère
Dominique GILLES, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Nadia TRIKI
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M.Claude CRETON, Président et par Mme Nadia TRIKI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS & PROCÉDURE
Par acte du 26 juin 2015, la société Thabor Paris a conclu avec M. [E] une promesse de vente d'une durée de trois mois, moyennant un prix de 366 000 euros, portant sur les lots 51, 52 et 102 d'un immeuble en copropriété situé à [Adresse 3].
L'acte stipule que le lot numéro 51, constitué par un local commercial, a été donné à bail commercial à la société Tuileries finances et que le lot numéro 52, constitué par un local d'habitation, a été donné à bail d'habitation.
Le 30 juillet 2015, le projet de vente a été signifié à la société Tuileries finances en sa qualité de locataire du lot numéro 51 afin de lui permette d'exercer le droit de préférence prévu par l'article L. 145-46-1 du code de commerce. Le prix de vente de ce lot a été fixé à 270 000 euros par la société Thabor Paris.
Le 28 août 2015, la société Tuileries finances a informé la société Thabor Paris de sa décision d'acquérir ce lot.
M. [E] souhaitant acquérir les deux autres lots, constitués par un local d'habitation et par un parking, au prix de 96 000 euros correspondant à la différence entre le prix de vente des trois lots et celui du prix de vente du lot sur lequel la société Tuileries finances a exercé son droit de préférence, a assigné la société Thabor Paris aux fins de voir constater la vente de ces deux lots, la condamner sous astreinte à signer l'acte de vente notarié et dire qu'à défaut le jugement à intervenir vaudra vente et pourra être publié au service de la publicité foncière.
Par jugement du 9 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Paris a débouté M. [E] de ses demandes et l'a condamné à payer à la société Thabor Paris la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que les dispositions de l'article L. 145-46-1 du code de commerce accordant un droit de préférence au locataire d'un bien à usage commercial ne sont pas applicables à la vente d'un ensemble plus vaste que les locaux loués et comportant à la fois des locaux commerciaux et des locaux à usage d'habitation. Il a expliqué que le bailleur n'est pas tenu de diviser son immeuble afin de purger le droit de préférence de son preneur qui ne peut préempter le bien loué que s'il est seul compris dans la vente. Il a ajouté que la vente litigieuse portant à la fois sur un local commercial, un local d'habitation et un parking à un prix global, formant en conséquence un ensemble indivisible, et la société Tuileries finance ayant acquis le local commercial pour un prix de 270 000 euros, la promesse portant sur les trois lots est devenue caduque.
M. [E] à interjeté appel de ce jugement.
Il fait d'abord valoir que le droit de préférence prévu par l'article L. 145-46-1 du code de commerce est applicable en l'espèce, ce texte ne l'excluant notamment qu'en cas de cession globale d'un immeuble comprenant des locaux commerciaux.
Il en déduit que la vente du local commercial au locataire n'entraîne pas la caducité de la promesse, aucune indivisibilité n'existant entre les trois lots.
Il ajoute qu'en tout état de cause, si ce droit de préférence n'était pas applicable à la vente litigieuse, la promesse n'encourt pas la caducité et qu'au contraire, la vente du local commercial à la société Tuileries finances a été conclue en violation de ses droits, ce qui justifie la condamnation de la société Thabor Paris à lui payer des dommages-intérêts.
Il fait également valoir que la caducité de la promesse ne peut résulter de l'exercice de son droit de préférence par le locataire puisque cette condition a été stipulée dans son seul intérêt, qu'il avait donc la faculté d'y renoncer, ce qu'il a fait par l'intermédiaire de son notaire le 25 septembre 2015, soit avant la date prévue pour la régularisation de la vente.
Il soutient qu'en outre la clause de la promesse qui prévoit la caducité en cas d'exercice du droit de préemption ne s'applique pas lorsqu'est exercé par un tiers le droit de préférence dont il est titulaire, droit de préemption et droit de préférence étant des notions différentes.
La société Thabor Paris conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il déboute M. [E] de ses demandes.
Elle soutient d'abord que les dispositions de l'article L. 145-46-1 du code de commerce sont applicables à la vente d'un local commercial en même temps que d'autres lots.
Elle fait ensuite valoir que la caducité de la promesse est encourue en raison de l'exercice par la société Tuileries finances de son droit de préférence, la condition suspensive liée à la purge du droit de préférence ayant été expressément 'stipulée dans l'intérêt des deux parties'.
Elle ajoute, que la caducité de la promesse est également encourue, comme l'a retenu le tribunal, en raison de l'indivisibilité de la vente qui portait sur plusieurs lots pour un prix global, dont l'un a été vendu à cette dernière qui a exercé son droit de préférence.
Elle forme en outre un appel incident et demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboute de sa demande de dommages-intérêts. Elle réclame en conséquence la condamnation de M. [E] à lui payer une somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts.
La société Thabor Paris réclame enfin la condamnation de M. [E] à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Attendu que selon les dispositions de l'article L. 145-46-1 du code de commerce, le droit de préférence institué par ce texte ne s'applique pas en cas de :
- cession unique de plusieurs locaux d'un ensemble commercial ;
- cession unique de locaux commerciaux distincts ;
- cession unique d'un local commercial au copropriétaire d'un ensemble commercial ;
- cession globale d'un immeuble comprenant des locaux commerciaux ;
- cession globale d'un local au conjoint du bailleur ou à un ascendant ou descendant du bailleur ou de son conjoint ;
Attendu, cependant, que la question de l'application de ce droit de préférence légal à la vente litigieuse est inopérante dès lors que la société Thabor Paris en a fait bénéficier la société Tuileries finances, fusse par erreur, sans qu'ait été réclamée la nullité de la vente à la société Tuileries finances du local commercial et alors que ni la société Thabor Paris ni M. [E] n'en contestent l'application ;
Attendu que la promesse conclue avec M. [E] a été conclue sous la condition suspensive, stipulée dans l'intérêt des deux parties, qu'aucun droit de préemption ne soit exercé ; que cette clause vise l'ensemble des droits de préemption auxquelles est soumise la vente et tout droit de préemption rapporté ci-après au chapitre 'CONDITIONS SUSPENSIVES ET RÉSERVES', lequel fait expressément référence au droit de préférence du locataire prévu par l'article L. 145-46-1 du code de commerce ; que le terme 'droit de préemption' est d'ailleurs un terme générique qui inclut les droits de préférence ; qu'en conséquence, l'exercice par la société Tuileries finances de son droit de préférence a rendu caduque la promesse de vente conclue avec M. [E] ;
Attendu qu'il convient en conséquence de le débouter de ses demandes ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les différentes demandes ;
Condamne M. [E] aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT