Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 04 DECEMBRE 2018
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/24891 - N° Portalis 35L7-V-B7A-B2GIA
Décision déférée à la Cour : Sentence du 09 Novembre 2016 rendu par le Tribunal arbitral de PARIS (Commission arbitrale des journalistes)
DEMANDERESSE AU RECOURS :
Organisme AGENCE FRANCE PRESSE (AFP)
prise en la personne de ses représentants légaux
[...]
représentée par Me Jean-Claude X..., avocat postulant du barreau de PARIS, toque : D0945
assistée de Me Romain Y..., avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P171
DÉFENDEUR AU RECOURS :
Monsieur Patrick Z...
comparant
[...]
représenté et assisté par Me Emmanuel A... de la SELARL CABINET A..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0166
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 novembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:
Mme Dominique GUIHAL, présidente de chambre
Mme Anne BEAUVOIS, présidente
M. Jean LECAROZ, conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Dominique GUIHAL, présidente de chambre et par Mélanie PATE, greffière présente lors du prononcé.
M. Patrick Z... a été engagé le 29 juillet 1981 par l'Agence France Presse (AFP) en qualité de journaliste rédacteur stagiaire et 'titularisé' le 1er février 1982.
A la suite d'une altercation avec un cadre de l'agence le 22 mars 2011, il a été licencié pour faute grave le 14 avril 2011. Il a saisi le conseil des prud'hommes de Paris qui, par un jugement du 27 janvier 2015, a déclaré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, lui a alloué à ce titre une indemnité de 22.000 euros, ainsi qu'une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité de congés payés. L'AFP s'est désistée de l'appel qu'elle avait interjeté de ce jugement.
Le 28 août 2012, M. Z... a saisi la Commission arbitrale des journalistes.
Par une sentence du 9 novembre 2016, celle-ci s'est déclarée compétente pour statuer sur la demande et a condamné l'AFP à payer la somme de 200.000 euros à titre d'indemnité de licenciement sur laquelle 192.803,66 euros ont été versés à la CARPA le 22 décembre 2016.
Le 12 décembre 2016, l'AFP a formé un recours contre la sentence.
Par des conclusions notifiées le 26 septembre 2018, elle en demande l'annulation, motif pris de l'incompétence de la Commission arbitrale des journalistes, et la condamnation de la partie adverse à lui rembourser les sommes versées, ainsi qu'à lui payer la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par des conclusions notifiées le 4 octobre 2018, M. Z... demande à la cour de juger que la Commission arbitrale des journalistes est compétente, de rejeter la demande d'annulation de la sentence, de dire qu'il est en droit de conserver les sommes versées et de condamner l'AFP à lui payer la somme de 7.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR QUOI :
Sur le moyen d'annulation tiré de l'incompétence de la juridiction arbitrale (article 1492, 1° du code de procédure civile) :
L'AFP soutient que l'article L 7112-4 du code du travail, qui donne compétence à une commission arbitrale pour déterminer l'indemnité de licenciement due à un journaliste dont l'ancienneté est supérieure à 15 ans ou qui a été licencié pour faute grave, a, comme l'article L 7112-2 relatif au préavis, un domaine limité aux entreprises de journaux et périodiques et ne s'applique pas aux agences de presse.
M. Z... réplique, en premier lieu, que l'AFP a initialement reconnu la compétence de la Commission arbitrale dès lors qu'elle a accepté de participer à la désignation des arbitres. Il fait valoir, en deuxième lieu, que la Fédération française des agences de presse (FFAP) à laquelle l'AFP est adhérente, reconnaît également cette compétence puisqu'elle est signataire, d'une part, de la convention collective nationale des journalistes dont l'article 44 consacre cette compétence, d'autre part, du règlement intérieur de la Commission arbitrale, et, qu'en l'espèce, c'est elle qui a désigné les deux arbitres patronaux. Enfin, M. Z... soutient qu'il ne résulte nullement des termes de l'article L 7112-4 du code du travail que son champ d'application serait limité aux entreprises de journaux et périodiques et que juger en ce sens créerait une inégalité de traitement avec les journalistes travaillant dans des agences de presse ou dans l'audiovisuel.
Considérant que le livre Ier de la septième partie du code du travail est relatif aux 'Journalistes professionnels, professions du spectacle, de la publicité et de la mode'; qu'au sein du titre Ier 'Journalistes professionnels', dans le chapitre 2 consacré au 'Contrat de travail',
l'article L 7112-3 dispose :
'Si l'employeur est à l'initiative de la rupture, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d'année de collaboration, des derniers appointements. Le maximum des mensualités est fixé à quinze.';
Que l'article L 7112-4 prévoit :
'Lorsque l'ancienneté excède quinze années, une commission arbitrale est saisie pour déterminer l'indemnité due.
Cette commission est composée paritairement d'arbitres désignés par les organisations professionnelles d'employeurs et de salariés. Elle est présidée par un fonctionnaire ou par un magistrat en activité ou retraité.
Si les parties ou l'une d'elles ne désignent pas d'arbitres, ceux-ci sont nommés par le président du tribunal de grande instance, dans des conditions déterminées par voie réglementaire.
Si les arbitres désignés par les parties ne s'entendent pas pour désigner le président de la commission arbitrale, celui-ci est désigné à la requête de la partie la plus diligente par le président du tribunal de grande instance.
En cas de faute grave ou de fautes répétées, l'indemnité peut être réduite dans une proportion qui est arbitrée par la commission ou même supprimée.
La décision de la commission arbitrale est obligatoire et ne peut être frappée d'appel.';
Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que prétend M. Z..., la circonstance que l'AFP ait confié à son organisation professionnelle, la FFAP le soin de désigner les arbitres patronaux, et que cette fédération ait, de fait, procédé à la nomination, n'emportait pas renonciation au droit d'invoquer l'incompétence de la Commission arbitrale, cette juridiction étant juge de sa propre compétence et l'AFP lui ayant effectivement soumis le moyen tiré de l'inapplication de l'article L 7112-4 du code du travail aux agences de presse;
Considérant, en second lieu, que les articles L 7112-3 et L 7112-4 précités, issus de la scission de l'ancien article L 761-5 du code du travail après sa recodification, ne prévoient pas expressément que leur champ d'application serait limité aux entreprises de journaux et périodiques; que si une telle restriction apparaît dans l'article L 7112-2 relatif au préavis, et dans l'article L 7112-5 relatif à la rupture à l'initiative du journaliste, - et à supposer qu'elle doive s'interpréter comme excluant les agences de presse - , elle ne saurait, en toute hypothèse, être étendue aux articles L 7112-3 et L 7112-4 alors que l'article L 7111-3, qui fixe le champ d'application des dispositions du code du travail particulières aux journalistes professionnels, définit ceux-ci comme 'toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes ou périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.';
Considérant qu'il convient, par conséquent, d'écarter le moyen tiré de l'incompétence de la Commission arbitrale des journalistes et de rejeter la demande d'annulation de la sentence; qu'il en va de même, par voie de conséquence, de la demande de restitution des sommes versées à M. Z...;
Considérant que l'AFP, qui succombe, ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et sera condamnée sur ce fondement à payer à M. Z... la somme de 7.000 euros;
PAR CES MOTIFS :
Rejette l'ensemble des demandes de l'Agence France Presse.
Dit que M. Z... est fondé à conserver la somme de192.803,66 euros versée en exécution de la sentence.
Condamne l'Agence France Presse aux dépens et au paiement à M. Z... de la somme de 7.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE