Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 11 DECEMBRE 2018
(n° 517 , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/03377 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2VG6
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Janvier 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/04777
APPELANTS
Monsieur Olivier X...
[...]
40150 HOSSEGOR
né le [...] à NANCY (54)
SARL OLIVIER X... représentée par son gérant domicilié [...]
40150 HOSSEGOR
N° SIRET : 399 599 406
Représentés par Me Michel Y... de la SELARL Y... ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
Ayant pour avocat plaidant Me Bénédicte Z..., avocat au barreau de CHAMBERY
INTIMEES
SELARL A... J...
34 Bis Rue de l'Université
[...]
Représentée par Me Thomas B... de la SCP B... & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0499
Ayant pour avocat plaidant Me Marie-José C... de la SCP B... & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0499
SELARL JSA anciennement dénommée SELARL GAUTHIER D... prise en la personne de son gérant domicilié [...]
N° SIRET : 330 686 676
Représentée par Me Jeanne E... de la SCP SCP Jeanne E..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Ayant pour avocat plaidant Me Guillaume F..., avocat au barreau de PARIS, toque : R044
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 Octobre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:
M. Christian HOURS, Président de chambre
Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère
Mme. Anne DE LACAUSSADE, Conseillère
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Christian HOURS dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Lydie SUEUR
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Christian HOURS, Président de chambre et par Lydie SUEUR, Greffière présent lors du prononcé.
*****
Par acte du 27 décembre 1989, M. Roger G... et Mme Evelyne H... ont acquis en indivision pour le tout et chacun à concurrence de moitié, un terrain sis [...], sur lequel ils ont ensuite fait construire une villa dénommée « Volubilis ''.
Par jugements en date du 25 octobre 1995, le tribunal de commerce de Créteil a ouvert des procédures de redressement personnel à l'égard de Mme H... et de M. G..., converties en liquidation judiciaire par jugements du 2 octobre 1996, confirmés par arrêts de la cour d'appel de Paris, du 4 mars 1997 s'agissant de M. G... et du 28 septembre 2001 pour Mme H..., Me I... étant désigné en qualité de mandataire liquidateur.
Suivant ordonnance en date du 24 janvier 2006, le juge commissaire à la liquidation judiciaire de M. G... et de Mme H... a ordonné la vente de la villa Vo1ubi1is.
M. G..., qui a formé opposition à l'encontre de cette ordonnance, en a été débouté par jugement du 12 juillet 2007 du tribunal de commerce de Créteil.
Le juge d'instance de Saint Maur des Fossés a ordonné son expulsion par ordonnance en date du 22 février 2008, confirmée par arrêt de la cour d'appel du 23 janvier 2009. M. G... a alors sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle pour faire un pourvoi en cassation contre cet arrêt.
Par jugements des 25 septembre et 6 novembre 2008, le tribunal de commerce de Créteil a nommé la Selarl Gauthier-D... en remplacement de Me I... en qualité de mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de M. G... et de Mme H....
Selon procès-verbal d'huissier établi le 9 septembre 2009, M. G... a été expulsé à cette date de la villa Volubilis.
Ce bien immobilier, vendu aux enchères le 30 mars 2010, à été adjugé à la société Olivier X..., qui exerce une activité de marchand de biens.
Le cahier des charges de la vente mentionnait seulement l'ordonnance d'expulsion de G....
Par arrêt du 25 octobre 2011, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 janvier 2009, aux motifs, d'une part, qu'il appartenait au liquidateur d'établir qu'il avait effectivement remis au débiteur la lettre de l'huissier de justice qui avait un caractère personnel et non à M. G... de prouver que la lettre avait été détournée et, d'autre part, que le dessaisissement de plein droit de l'administration et de la disposition de ses biens par M. G... en application des dispositions de l'article L. 622-9 du code de commerce n'entraînait pas la disparition de son droit de propriété sur l'immeuble indivis litigieux, de sorte que le liquidateur n'avait pas qualité pour poursuivre l'expulsion de ce dernier avant la réalisation définitive de la cession de cet immeuble.
Par arrêt du 21 mars 2013, la cour d'appel de Paris, sur renvoi, a rejeté les demandes de M. G... et confirmé l'ordonnance rendue le 22 février 2008.
M. G... a formé un nouveau pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt, qui a été rejeté par décision de la Cour de cassation du 29 septembre 2015.
Alléguant un préjudice résultant de l'impossibilité de vendre pendant ces années de procédure le bien acquis, M. Olivier X... et la Sarl Olivier X..., ont les 6 et 9 mars 2015, fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris la Selarl A... Carré et la Selarl JSA, anciennement Gauthier D..., en responsabilité et indemnisation.
Par jugement du 18 janvier 2017, le tribunal de grande instance de Paris a débouté la société Olivier X... et M. Olivier X... de l'ensemble de leurs demandes, retenant, d'une part, l'absence de preuve de manoeuvres dolosives et de manquement à son obligation de loyauté du mandataire liquidateur, la Selarl Gauthier D..., d'autre part, la faute du notaire pour avoir établi un cahier des charges incomplet quant à la situation juridique du bien mais l'absence de preuve d'un préjudice imputable à cette faute, aucune tentative de mettre le bien en vente n'étant démontrée.
La société Olivier X... et Olivier X..., qui ont interjeté appel de cette décision, demandent à la cour, aux termes de leurs dernières conclusions du 6 septembre 2017, de les déclarer recevables et bien fondés en leurs demandes, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'i1 a jugé que la Selarl A... Carré avait commis une faute, de l'infirmer pour le surplus en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :
- débouter la Selarl A... J... et la Selarl Gauthier-D..., aujourd'hui dénommée JSA, de l'intégralité de leurs demandes ;
- juger que la Selarl Gauthier-D..., aujourd'hui dénommée JSA, a manqué à son obligation de loyauté, commis une réticence dolosive ayant vicié le consentement de la société Olivier X..., manqué à son obligation de délivrance d'un bien conforme et qu'elle doit garantir la société Olivier X... au titre de1'existence potentielle d'une charge non déclarée ;
- en conséquence, condamner la Selarl A... J... et la Selarl Gauthier-D..., aujourd'hui dénommée JSA, au paiement solidaire de :
- la somme à parfaire de 317 475 euros au profit de la société Olivier X... au titre de l'ensemble des préjudices subis par celle-ci,
- la somme à parfaire de 114 325 euros au profit de M. Olivier X... au titre de l'ensemble des préjudices subis par celui-ci ;
- condamner les mêmes au paiement solidaire de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Dans ses dernières écritures du 11 juillet 2017, la société JSA anciennement dénommée Gauthier-D... demande à la cour de :
- juger la société Olivier X... et M. Olivier X... irrecevables,
- juger que les demandeurs ne rapportent pas la preuve d'une faute commise par le mandataire dans l'exercice de sa mission en lien causal avec leur préjudice indemnisable,
- en conséquence, les débouter de l'ensemble de leurs prétentions,
- reconventionnellement, les condamner à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me E..., avocat aux offres de droit.
Dans ses dernières écritures du 11 octobre 2017, la Selarl A... J..., notaires, demande à la cour de confirmer par substitution de motifs le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris du 18 janvier 2017 en ce qu'il a débouté la société Olivier X... et M. Olivier X... de toutes leurs demandes formulées à son encontre et de :
- juger que la société Olivier X... et M.Olivier X... ne peuvent se prévaloir d'aucun fait fautif qui lui soit imputable ;
- juger que les appelants ne font pas la démonstration d'un quelconque préjudice actuel et certain ayant un lien de causalité direct avec la faute qu'ils imputent à l'étude notariale ;
- en conséquence, rejeter toutes les demandes des appelants et les condamner in solidum à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
SUR CE,
Considérant que M. X... et la société X..., appelants, soutiennent que :
- le recours formé à l'encontre de l'ordonnance du 22 février 2008 ordonnant l'expulsion de M. G... est une information essentielle qui aurait dû être communiquée par la Selarl Gauthier-D..., en sa qualité de mandataire liquidateur de M. G... et de Mme H..., et par conséquent de venderesse, dans le cadre de la vente ; l'information sur ce recours était très importante puisqu'il a été suivi du pourvoi qui a entraîné la cassation de l'arrêt rendu par la cour d'appe1 de Paris ;
- la seule mention de l'ordonnance du président du tribunal d'instance de Saint-Maur des Fossés n'était pas pertinente puisqu'elle laissait présumer qu'elle était définitive, ce qui était ainsi de nature à vicier le consentement de l'acquéreur ;
- une simple demande effectuée auprès du greffe de la Cour de cassation pour obtenir un certificat de non-pourvoi, seul document de nature à justifier du caractère définitif de l'arrêt de la cour d'appel, aurait permis d'être informé de cette demande d'aide juridictionnelle et de l'intention manifeste de M. G... de former un nouveau recours ;
- la réticence de la Selarl Gauthier-D... à faire état des recours exercés par M. G... est d'autant plus inadmissible que ce dernier est particulièrement procédurier ;
- si cette information essentielle relative à une procédure en cours notamment quant à l'expulsion de l'occupant des lieux, ne lui avait pas été cachée, elle n'aurait jamais acquis ce bien et pris le risque de le voir immobilisé des années durant ;
- en cédant un bien, en réalité concerné par une procédure judiciaire ignorée de l'acquéreur, la Selarl Gauthier-D..., aujourd'hui JSA, a manqué à son obligation de délivrance conforme du bien et doit garantie au titre de cette charge inconnue lors de la vente ;
- la Selarl A... J..., en sa qualité de rédacteur du cahier des charges de l'adjudication et des actes de vente, aurait dû solliciter un certificat de non appel à l'encontre de l'ordonnance du 22 février 2008 du juge d'instance, ainsi qu'un certificat de non pourvoi à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 janvier 2009 ; elle a manqué à son obligation de conseil ;
- si dans les faits, le bien était effectivement inoccupé, l'information selon laquelle M. G... contestait son expulsion et revendiquait le droit de pouvoir l'occuper était en effet essentielle à un marchand de bien qui doit revendre dans un court laps de temps, de sorte que c'est à juste titre que le tribunal a retenu que la Selarl [...] J... avait commis un manquement à son obligation de sécuriser l'acte qu'elle instrumentait ;
- le préjudice subi par les appelants a été important car les prétentions de M. G... devant la cour d'appel de renvoi portaient, au-delà de la nullité de l'ordonnance du juge d'instance de St Maur des Fossés du 22 février 2008, sur la nullité du procès-verbal d'adjudication du 30 mars 2010, soit du titre en vertu duquel la société Olivier X... était devenue propriétaire de la maison, tandis qu'un incident d'inscription de faux relatif à cet acte a même été dénoncé à la société Olivier X..., de sorte que ces procédures ont :
- été source de stress et de dépenses pour se défendre pendant plus de 3 ans, entre la date à laquelle la société X... s'est retrouvée attraite devant cette cour et la date du dernier arrêt rendu par la Haute juridiction le 30 septembre 2015,
- interdit à la société X... de revendre ledit bien et, à tout le moins, de le revendre sans consentir une baisse de prix conséquente car personne ne peut envisager de se porter acquéreur d'une maison d'habitation d'un coût d'environ un million d'euros, alors qu'une décision de cassation est intervenue et que des recours sont encore en cours relativement au droit d'occupation du bien et même à sa propriété ; d'ailleurs, convaincue de l'impossibilité pour cette dernière de procéder à la revente du bien et donc de sa bonne foi, l'administration fiscale, qui avait initié une procédure de rectification pour la non-revente du bien dans les délais légaux, a abandonné ses réclamations sur ce point ; la société Olivier X... a dû supporter des charges matérielles indues pour 99000 euros pendant cette période et a enduré un préjudice moral de 80000 euros ;
- Olivier X... a subi personnellement un important manque à gagner puisque, durant plus de 4 années, il n'a pu se rémunérer comme les années précédentes où il percevait une rémunération annuelle de 24 000 €, ce qui représente près de 108 000 € de salaires non perçus ; il n'a pu cotiser pour son régime de retraite ce qui a généré une perte de 18 trimestres qui, selon le dispositif légal activé, se chiffre, en cas de rachat de ces trimestres, à 6 325 € ;
Considérant que la société JSA, intimée, réplique que :
- les appelants sont irrecevables à la mettre en cause à titre personnel ;
- elle n'est en rien intervenue, ni à titre personnel ni ès qualités, dans la rédaction du cahier des charges relatif à l'adjudication du 30 mars 2010, si bien qu'aucune faute ne saurait lui être reprochée à cette occasion ;
- au jour de la cession, M. G... n'avait pas encore formé de pourvoi en cassation et n'a jamais informé le liquidateur de sa volonté de le faire ;
- le cahier des charges rédigé par le notaire faisait état de l'ordonnance du 22 février 2008 ultérieurement confirmée par la cour d'appel ;
- les premiers juges ont exactement retenu que l'existence de manoeuvres dolosives de sa part n'était pas établie, alors qu'il appartenait aux appelants, qui étaient assistés de leur conseil, de poser au mandataire ou au notaire toute question par rapport à l'occupation du bien et à l'expulsion de M. G... dont le caractère procédurier s'évinçait des pièces jointes au cahier des charges ;
- la société Olivier X... ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle aurait perdu une chance de vendre la villa litigieuse ; contrairement à ce qu'affirment les demandeurs, l'expulsion de M. G... est intervenue le 9 septembre 2009, soit bien antérieurement à la cession intervenue le 30 mars 2010 ;
- M. X... ne saurait prétendre obtenir réparation d'un préjudice distinct de celui de sa société ;
Considérant que la Selarl A... Carré, notaires, fait valoir que :
- la cour ne pourra que rejeter l'argumentation des appelants, la responsabilité civile professionnelle du notaire ne pouvant être mise en cause que sur le fondement de l'article 1382 (ancien) du code civil ;
- il résulte des termes des conditions générales et des conditions particulières du cahier des charges établi par Me A... J... que :
1. l'adjudicataire s'est engagé à faire son affaire personnelle de toute revendication, réclamation qui pourrait être faite par des occupants ;
2. le bien était libre d'occupation effective : l'ordonnance de référé du 22 février 2008, eu égard à son caractère exécutoire de plein droit, a valablement été exécutée et M. G... a fait l'objet d'un procès-verbal d'expulsion le 9 septembre 2009 ;
- les parties demanderesses et appelantes ne font pas la preuve que, comme elles le prétendent, le caractère libre d'occupation aurait été une condition substantielle à l'acquisition du bien immobilier ;
- l'étude notariale n'avait ni la capacité ni le pouvoir de lever un certificat de non-appel et un certificat de non-pourvoi, ces diligences devant impérativement être effectuées par les parties à l'instance ;
- il ne saurait être reproché à l'étude notariale de ne pas avoir informé les parties demanderesses du « caractère particulièrement procédurier du comportement de M. G... », ce caractère étant parfaitement révélé par les annexes au cahier des charges ;
- la cession opérée par voie d'adjudication le 30 mars 2010 n'est aucunement contestée par M. G..., la seule procédure pendante et justifiée dans le cadre de la présente procédure étant un pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt du 31 mars 2013 ; en conséquence, il n'est pas démontré une quelconque impossibilité juridique ou matérielle de procéder à la vente dudit bien immobilier ;
- le notaire ne saurait être rendu responsable du comportement procédurier et de l'abus de droit de M. G... ;
- la faute reprochée par les demandeurs à l'encontre de l'étude notariale, consistant à ne pas les avoir informés du caractère non définitif de l'ordonnance du juge d'instance du 22 février 2008 ayant ordonné l'expulsion de M. G... n'a aucun lien de causalité direct avec les préjudices invoqués ;
- le droit de propriété de la société Olivier X... n'était aucunement contesté et ne faisait l'objet d'aucune procédure ;
- la société Olivier X... n'avait pas l'intention de revendre l'immeuble et ne justifie d'aucun préjudice matériel ni moral, tandis que M. Olivier X... est un tiers par rapport à l'étude, qui ne justifie au demeurant pas de ses conditions salariales ;
Considérant que les appelants reprochent au cahier des charges de n'avoir pas mentionné l'existence d'un recours contre l'ordonnance du juge d'instance de Saint Maur des Fossés ayant décidé l'expulsion de M. G..., possédant un caractère procédurier ;
Mais considérant que le cahier des charges n'est pas établi par le mandataire liquidateur mais par le notaire, de sorte que la Selarl Gauthier-D... ne saurait encourir aucune responsabilité professionnelle à cet égard ;
Considérant en outre qu'il n'est pas rapporté la preuve d'un dol ou d'un manque de loyauté de sa part, rien ne permettant de penser que la Selarl Gauthier-D..., ès qualités, ait été informée par M. G... de son intention d'interjeter, un an et demi après, un recours contre l'arrêt de la cour d'appel qui avait confirmé l'ordonnance mentionnée dans le cahier des charges, alors que la maison en cause était restée inoccupée ;
Considérant sur l'absence de délivrance conforme du bien alléguée seulement en cause d'appel, à raison du fait que le bien vendu ne correspondrait pas aux prévisions de l'acheteur, qu'il est possible de soulever devant la cour un nouveau moyen à l'appui de la même demande en dommages et intérêts ;
Considérant que ce grief peut être adressé à la Selarl Gauthier-D..., à titre personnel, pour un manquement reproché à la Selarl Gauthier-Sohn, ès qualités de mandataire liquidateur de M. G..., dès lors qu'il serait susceptible d'engager sa responsabilité professionnelle personnelle ;
Considérant toutefois qu'il n'est démontré aucune absence de délivrance, le bien vendu étant strictement conforme à ses caractéristiques contenues dans les actes, le fait qu'il n'ait pas été mentionné dans le cahier des charges que l'ordonnance d'expulsion de M. G... était irrévocable n'entraînant nullement un défaut de délivrance ;
Considérant en conséquence que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes dirigées contre la Selarl Gauthier-D... ;
Considérant s'agissant de l'action dirigée contre le notaire que les premiers juges ont, par des motifs pertinents que la cour fait siens, retenu, sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil, que la Selarl A... J..., en sa qualité de notaire rédacteur du cahier des charges litigieux, tenu à une obligation d'information et d'efficacité de l'acte, a commis une faute en ne mentionnant pas l'état exact de la procédure relative à l'expulsion de M. G..., dont le caractère procédurier était par ailleurs manifeste, au regard des multiples recours exercés contre toutes les décisions déjà rendues, incluant des demandes de récusation contre les différents intervenants à la procédure ; qu'elle aurait dû exiger de la Selarl Gauthier-D... qu'elle lui fournisse tous les documents nécessaires à la complète information des candidats acquéreurs ;
Considérant que quand bien-même l'immeuble acquis est resté inoccupé par M. G... qui disposait d'une résidence principale dans le Val de Marne, la société Olivier X..., adjudicataire du bien en cause, qui pour être marchand de biens n'est pas pour autant un juriste professionnel, justifie avoir recueilli des avis autorisés du Cridon, d'un cabinet d'avocats TAJ et de son propre notaire lui recommandant d'attendre la fin de l'instance en cours pour revendre la maison d'Hossegor ;
Considérant que le risque, même faible, d'une décision défavorable sur les différentes demandes de M. G... qui n'a pas craint de s'inscrire en faux contre le procès-verbal d'adjudication du bien, était manifestement de nature à faire reculer les candidats éventuels à l'achat de l'immeuble acquis par la société Olivier X... ou à en faire diminuer considérablement le prix qu'ils seraient disposés à régler en connaissance de cause ;
Considérant que l'administration fiscale, même si son analyse ne lie pas la cour, a fait droit à l'argumentation de la société Olivier X... et renoncé à la redresser du fait du retard apporté à la revente de la maison en raison précisément de l'existence des recours exercés par M. G... et de la nécessité d'attendre qu'ils soient terminés ;
Considérant que la société Olivier X... a acheté en mars 2010 la maison en cause 750000 euros avec l'intention de la revendre après la réalisation de travaux, dans un délai de 4 ans ; qu'elle n'y a jamais fixé son siège social ;
Considérant que compte tenu des aléas procéduraux précités, les travaux n'ont été finalisés, pour une somme de 180000 euros, qu'à l'automne 2016 ; qu'un compromis de vente a été en définitive signé le 2 février 2017 pour la somme de 1150 000 euros ; qu'ainsi la société Olivier X... a conservé le bien 7 ans au lieu de 4 ans au maximum et a réalisé une plus-value de 220000 euros par rapport aux sommes investies ;
Considérant que son préjudice consiste en l'immobilisation sur une période plus longue que prévue de son investissement initial, ce qui a nécessairement perturbé l'équilibre financier de cette petite structure ; qu'il n'est en revanche pas établi que le marché immobilier se soit effondré, la réalisation d'une plus-value non négligeable n'allant pas dans ce sens ; qu'elle a eu la jouissance de ce bien pendant cette période ; que la cour estime dans ces conditions le préjudice matériel subi par la société appelante à la somme de 50000 euros ;
Considérant qu'il n'est en revanche aucunement démontré l'existence d'un préjudice moral que la société Olivier X... aurait subi ; qu'elle doit être déboutée de ce chef de demande ;
Considérant qu'il n'est pas rapporté la preuve par M. Olivier X..., personnellement, qui se plaint d'une baisse de sa rémunération et d'une perte de cotisation pour son régime de retraite d'un préjudice certain en lien direct de causalité avec le manquement précité de la Selarl A... J... ; qu'il doit être débouté de cette prétention ;
Considérant que la Selarl A... J... devra verser à la société Olivier X... la somme de 5000 euros pour compenser les frais qu'elle a exposés en première instance et en cause d'appel, qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'elle devra en outre supporter les dépens de première instance et d'appel ; que les autres parties conserveront à leur charge les frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Infirme le jugement du 18 janvier 2017 du tribunal de grande instance de Paris sauf en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de la société Olivier X... et d'Olivier X... contre la Selarl Gauthier D... et les a déboutés et en ce qu'il a débouté Olivier X... de ses prétentions contre la Selarl A... J... ;
Statuant à nouveau, condamne la Selarl A... J... à verser la somme de 50000 euros à titre de dommages et intérêts à la société Olivier X... ;
Déboute la société Olivier X... du surplus de ses prétentions ;
Condamne la Selarl A... J... à verser à la société Olivier X... la somme de 5000 euros pour compenser les frais qu'elle a exposés en première instance et en cause d'appel, qui ne sont pas compris dans les dépens ;
La condamne en outre à supporter les dépens de première instance et d'appel ;
Dit que les autres parties conserveront à leur charge les frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,