Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 8
ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2018
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/10302 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5X6P
Décision déférée à la cour : jugement du 22 mai 2018 -juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris - RG n° 18/80483
APPELANTE
Société Heerema Zwijndrecht Bv, société de droit néerlandais, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 2] (Pays Bas)
représentée par Me Aude Gonthier de la Scp Reynaud Associés, avocat au barreau de Paris
ayant pour avocat plaidant Me Stéphane Bonifassi, avocat au barreau de Paris, substitué à l'audience par Me Nevena Ivanova, avocat au barreau de Paris
INTIMÉES
Société Montana Management Inc, société de droit panaméen
C/o Morgan & Morgan Attorneys, [Adresse 4] (Panama)
représentée par Me Martin Tomasi, avocat au barreau de Paris, toque : D0979
Sa Bnp Paribas Securities Services, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 552 108 011 00065
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Julien Martinet du Partnerships Hogan Lovells (PARIS) LLP, avocat au barreau de Paris, toque : T04
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 novembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle Lebée, présidente, et M. Gilles Malfre, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Emmanuelle Lebée, présidente
M. Gilles Malfre, conseiller, chargé du rapport
Mme Fabienne Trouiller, conseillère
Greffier, lors des débats : M. Sébastien Sabathé
ARRÊT : - contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Emmanuelle Lebée, présidente et par M. Sébastien Sabathé, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La société Heerema Zwinjndrecht Bv (la société Heerema) est créancière de l'État d'Irak et de la Banque Centrale d'Irak en vertu d'un arrêt de la cour d'appel de La Haye du 31 octobre 2000,'déclaré exécutoire par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris du 31 août 2011, ordonnance confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 19 décembre 2017 sur renvoi après cassation.
En vertu de cet arrêt du 31 octobre 2000, la société Heerema a fait signifier le 3 novembre 2016, entre les mains de Bnp Paribas Securities Services, à son agence à [Localité 6], une saisie conservatoire de créances, une saisie conservatoire de droits d'associés et valeurs mobilières et un nantissement judiciaire provisoire de valeurs mobilières, à l'encontre de l'État Irakien et des entités dont les fonds appartiennent à l'Irak en vertu de résolutions de l'ONU, à savoir ceux de la société Montana Management Inc (la société Montana), pour garantie d'une créance en principal de 6 948 958 euros. Ces saisies conservatoires ont été dénoncées à l'État de l'Irak et à la société Montana.
Par jugement du 22 mai 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris a déclaré l'intervention volontaire de Bnp Paribas Securities Services et les demandes de la société Montana recevables et a ordonné mainlevée des mesures conservatoires du 3 novembre 2016, au motif que la saisissante n'alléguait aucune menace dans le recouvrement de sa créance.
La société Heerema a relevé appel de ce jugement, selon déclaration du 29 mai 2018.
Dans ses conclusions du 10 juillet 2018, elle poursuit, à titre principal, l'annulation du jugement et, statuant à nouveau, entend que la société Montana soit jugée irrecevable en son action en mainlevée et, par conséquent, soit déboutée de toutes ses prétentions. Subsidiairement, elle demande à la cour de constater que les mesures conservatoires du 3 novembre 2016 sont valides.
À titre plus subsidiaire, elle sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a jugé recevable les demandes de la société Montana et ordonné la mainlevée des mesures conservatoires. Elle demande par ailleurs à la cour de condamner la société Montana à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions du 31 juillet 2018, la société Montana demande à la cour, à titre principal, de confirmer le jugement, subsidiairement, d'ordonner mainlevée partielle des mesures conservatoires à hauteur de la somme de 4 391 351,69 euros. Dans tous les cas, elle entend que l'appelante soit condamnée à lui payer la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Par conclusions du 20 septembre 2018, elle sollicite le renvoi de cette affaire, aux fins de jonction avec l'appel enregistré sous le numéro 18-17226, plaidé à l'audience du 30 janvier 2019, les moyens invoqués par les parties dans ces deux affaires étant largement communs.
Bnp Paribas Securities Services a constitué avocat mais n'a pas conclu.
SUR CE
Sur la demande de renvoi aux fins de jonction :
Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de renvoi de l'affaire aux fins de jonction, le présent appel étant en état d'être jugé.
Sur la demande d'annulation du jugement :
L'appelante fait valoir, à l'appui de sa demande d'annulation, que le moyen retenu par le juge de l'exécution pour rendre sa décision, l'absence de démonstration de menaces sur le recouvrement de sa créance, n'a été soulevé par aucune des parties à l'audience pas plus que par le juge.
En application de l'article L. 512-1 du code des procédures civiles d'exécution, même lorsqu'une autorisation préalable n'est pas requise, le juge de l'exécution peut donner mainlevée d'une mesure conservatoire si les conditions prescrites à l'article L. 511-1 du même code ne sont pas remplies. Le juge peut donc vérifier, même d'office, lors de la contestation d'une mesure conservatoire pratiquée sans autorisation judiciaire, que le bénéficiaire de la mesure justifie de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance. Pour autant, ce moyen doit être soumis à la contradiction, en particulier pour que le bénéficiaire de la mesure conservatoire puisse y répliquer.
Il convient donc d'annuler le jugement, la cour évoquant l'entier litige, l'annulation prononcée ne résultant pas d'une irrégularité dans la saisine du premier juge.
Sur la recevabilité de la demande de mainlevée des mesures conservatoires par la société Montana :
La société Heerema soutient que la société Montana n'est pas propriétaire des fonds saisis et est donc irrecevable, pour défaut d'intérêt et de qualité à agir, à solliciter mainlevée des mesures conservatoires, rappelant que les actifs saisis appartiennent à l'État Irakien depuis la mesure de gel résultant de la résolution n°1483 du 22 mai 2003 du Conseil de sécurité de l'ONU.
Sur cette irrecevabilité, la société Montana souligne que si le compte sur lequel sont déposés les fonds litigieux est ouvert au nom d'une banque de correspondant étrangère, dont la cour comprend qu'il s'agirait de l'Arab Bank, et non au nom de la société Montana, il n'en reste pas moins que cette banque les détient pour le compte de la société Montana, celle-ci en étant l'ayant-droit économique, même si cette dernière n'en détient pas la propriété juridique. Elle estime dès lors que les actifs saisis ne lui appartiennent pas mais sont la propriété de la banque étrangère. Elle précise à cet égard que compte tenu de l'effet novatoire attaché au fonctionnement d'un compte bancaire, la créance entrée en compte perd ses attributs propres et est incorporée au solde, lequel peut seulement donner lieu à une action au profit du titulaire, et que dès lors, les fonds que l'appelante pense avoir saisis constituent une créance du titulaire du compte à l'encontre de la Bnp, ce titulaire étant lui même débiteur de la société Montana puisqu'il détient les fonds pour le compte de cette dernière. Elle en conclut qu'aucun des actifs saisis ne sont la propriété de la société Montana.
Elle conteste par ailleurs que ces actifs seraient la propriété de l'État irakien, estimant que la mesure de gel n'emporte pas transfert de propriété au profit de cet État. S'il était cependant retenu que ce gel emporte transfert de propriété, elle considère que ces actifs ont vocation à être transférés au Fonds de développement pour l'Irak, fonds remplacé en 2011 par des «'mécanismes successeurs'» et que, du fait de ce transfert, les actifs deviennent la propriété de la Banque Centrale d'Irak, personne juridique distincte de l'État d'Irak non visée dans les mesures conservatoires litigieuses.
Par conséquent, dans ses écritures, que ce soit à titre principal ou à titre subsidiaire, écritures que la cour ne saurait dénaturer, la société Montana soutient ne pas être propriétaire des fonds saisis par les mesures conservatoires. Alors que son intérêt à agir est contesté par l'appelante, elle ne précise pas à quel titre elle serait, dès lors, fondée à poursuivre la mainlevée de ces mesures.
Le seul fait qu'il soit mentionné dans les procès-verbaux des mesures conservatoires que ces mesures portent sur les fonds de la société Montana, dont la saisissante estime qu'ils appartiennent à l'État d'Irak, ne saurait reconnaître à la société Montana un intérêt à agir.
Il en résulte que la société Montana ne peut qu'être déclarée irrecevable en sa contestation des mesures conservatoires. Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions et les mesures conservatoires du 3 novembre 2016 validées.
Sur les autres demandes :
Au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, la société Montana sera condamnée au paiement de la somme de 10 000 euros.
PAR CES MOTIFS
Déboute la société de droit panaméen Montana Management Inc en sa demande de renvoi aux fins de jonction ;
Annule le jugement ;
Évoquant et statuant à nouveau ;
Dit la société de droit panaméen Montana Management Inc irrecevable en sa contestation de la saisie conservatoire de créances, de la saisie conservatoire de droits d'associés et valeurs mobilières et du nantissement judiciaire provisoire de valeurs mobilières pratiqués le 3 novembre 2016, par la société de droit néerlandais Heerema Zwinjndrecht Bv, entre les mains de Bnp Paribas Securities Services ;
Valide ces mesures conservatoires ;
Condamne la société de droit panaméen Montana Management Inc à payer à la société de droit néerlandais Heerema Zwinjndrecht Bv la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société de droit panaméen Montana Management Inc aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE