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19/12/2018 | FRANCE | N°16/24008

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 2, 19 décembre 2018, 16/24008


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 2



ARRÊT DU 19 DÉCEMBRE 2018



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/24008 - N° Portalis 35L7-V-B7A-B2DSE



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Novembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de MELUN - RG n° 15/00762





APPELANTE



SCI ENERSUD prise en la personne de son représentant

légal domicilié [...]



Représentée par Me Francine X..., avocat au barreau de PARIS, toque : D1250







INTIMES



Monsieur Mohamed Y...

né le [...] à BEYROUTH

27 Rampe Sa...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 2

ARRÊT DU 19 DÉCEMBRE 2018

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/24008 - N° Portalis 35L7-V-B7A-B2DSE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Novembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de MELUN - RG n° 15/00762

APPELANTE

SCI ENERSUD prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

Représentée par Me Francine X..., avocat au barreau de PARIS, toque : D1250

INTIMES

Monsieur Mohamed Y...

né le [...] à BEYROUTH

27 Rampe Saint Syllas

[...]

Madame Noura Z... épouse Y...

née [...] 0967 à TRIPOLI

27 rampe Saint Syllas

[...]

Représentés par Me Laurent A..., avocat au barreau de MELUN

Maître François B... es qualites de mandataire judiciaire de la SARL MCA BATIMENT

[...]

Défaillant

Monsieur Eric C...

[...]

06110 LE CANET

Représenté par Me Christine D..., ayant pour avocat plaidant Me Sébastien E... de la F..., avocats au barreau de MELUN, toque : M 68

Monsieur Olivier G... exploitant de l'entreprise LOCA 2 F 6

[...]

Défaillant

Assignation devant la Cour d'Appel de PARIS, en date du 10 mars 2017 , par procès verbal de recherches infructueuses, conformément à l'article 659 du code de procédure civile.

Maître Didier H... es qualites de mandataire liquidateur de la SARL BRF

[...]

Défaillant

Assignation devant la Cour d'Appel de PARIS, en date du 03 mars 2017, déposée à l'Etude d'Huissier de justice conformément aux articles 656 et 658 du code de procédure civile

Monsieur Jérôme I...

37, Rampe Saint Syllas

[...]

Défaillant

Assignation devant la Cour d'Appel de PARIS, en date du 07 mars 2017, déposée à l'Etude d'Huissier de justice conformément aux articles 656 et 658 du code de procédure civile

SAS GROUPEMENT LOCAL D'ENFOUISSEMENT DE MATERIAUX - GL EM prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

N° SIRET : 432 227 270

Défaillant

Assignation devant la Cour d'Appel de PARIS, en date 22 mars 2017, remise à personne morale.

SA SMA SA ANCIENNEMENT DENOMMEE SAGENA prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés [...]

Représentée par Me Patricia J... de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Ayant pour avocat plaidant Me Laurence K... de la L... avocat au barreau de PARIS, toque: G762

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Octobre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Frédéric ARBELLOT, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre

M. Frédéric ARBELLOT, Conseiller

Mme Muriel PAGE, Conseillère

Greffier, lors des débats : M. Amédée TOUKO-TOMTA

ARRÊT : PAR DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Jean-Loup CARRIERE , Président de chambre et par Amédée TOUKO-TOMTA, Greffier présent lors de la mise à disposition.

***

FAITS & PROCÉDURE

M. et Mme Y... sont propriétaires de la parcelle cadastrée section [...] à Provins (77160), voisine de celle de la SCI Enersud.

Des fissures sont apparues sur ce mur séparant les deux fonds qui sert de soutènement au fonds appartenant à la SCI Enersud.

M. et Mme Y... ont obtenu la désignation d'un expert en la personne de M. M... par jugement du tribunal d'instance de Provins du 29 juin 2006, au contradictoire de la SCI Enersud. Aux termes de plusieurs décisions, les opérations d'expertises ont été rendues communes à la société MCA Bâtiment, à la société Générale d'assurances (la Sagena), à la société Glem, représentée par son gérant en exercice M. G..., exerçant sous l'enseigne LOCA 2 F 6, à M. C..., ancien propriétaire des parcelles devenues tant la propriété de M. et Mme Y... que celle de la SCI Enersud, à M. I..., à M. H..., mandataire judiciaire, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société BRF, ayant réalisé les travaux du mur litigieux, et à la société Allianz Iard, assureur de la société BRF.

L'expert a déposé son rapport le 16 décembre 2009.

Par un jugement du 8 mars 2011, rectifié par un jugement du 20 décembre 2012, le tribunal d'instance de Melun (devenu compétent à la suite de la suppression du tribunal d'instance de Provins) s'est déclaré incompétent et a renvoyé les parties devant le tribunal de grande instance de Melun.

Par jugement réputé contradictoire du 22 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Melun a :

- prononcé la mise hors de cause de la société Allianz Iard ;

- autorisé M. et Mme Y... à faire procéder aux travaux préconisés par l'expert judiciaire en page 26 de son rapport et nécessaires à ce qu'il soit mis fin aux troubles anormaux de voisinage sur la propriété de la SCI Enersud soit :

+ la démolition du mur séparatif sur toute sa longueur, ce qui implique l'enlèvement d'une partie des remblais,

+ la construction d'un véritable mur de soutènement calculé en fonction des charges et contraintes qu'il aura à encaisser,

- la mise en état après travaux des prestations actuelles : pelouse pour M. et Mme Y..., reconstitution de la rampe côté de la SCI Enersud,

+ la mise en place d'un dispositif de sécurité empêchant une voiture de tomber accidentellement dans le jardin de M. et Mme Y... ;

- condamné la SCI Enersud à payer à M. et Mme Y... la somme de 100 000 euros pour la prise en charge de ces travaux ;

- condamné la SCI Enersud à payer à M. et Mme Y... la somme de 1 620 euros en réparation de leur préjudice de jouissance ;

- débouté la SCI Enersud de sa demande de garantie par M. C... ;

- condamné la SCI Enersud aux dépens qui comprendront les dépens de la procédure devant le tribunal d'instance et les frais de l'expertise judiciaire, ainsi qu'à payer à M. et Mme Y... la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la société Allianz Iard de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI Enersud a relevé appel de ce jugement à l'encontre de M. et Mme Y..., le liquidateur judiciaire de la société MCA Bâtiment, la Sagena, M. C..., M. G..., le liquidateur judiciaire de la société BRF, la société Allianz Iard et M. I... par déclaration remise au greffe le 28 novembre 2016.

M. G..., auquel la déclaration d'appel a été signifiée le 12 janvier 2017 en application de l'article 659 du code de procédure civile, n'a pas constitué avocat.

M. H..., pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société BRF, auquel la déclaration d'appel a été signifiée le 16 janvier 2017 à étude, n'a pas constitué avocat.

M. I..., auquel la déclaration d'appel a été signifiée le 20 janvier 2017 à étude, n'a pas constitué avocat, de sorte que l'arrêt sera rendu par défaut.

Par ailleurs, la société MCA Bâtiment étant mise en liquidation judiciaire depuis un jugement du 17 avril 2008, la déclaration d'appel ne lui a pas été signifiée.

Par une ordonnance du 8 mars 2017, le conseiller de la mise en état a constaté l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la cour à l'égard de la Société Allianz Iard et dit que l'instance se poursuit à l'égard des autres parties.

La procédure devant la cour a été clôturée le 26 septembre 2018.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions signifiées le 27 avril 2017, la SCI Enersud, appelante, invite la cour à :

- infirmer le jugement en ce qu'll l'a déboutée de sa demande de garantie par M. C... ;

- condamner M. C... à la garantir à hauteur de 85 % et la société Glem à hauteur de 3 % de l'ensemble des condamnations qui ont été fixées en première instance et qui seront confirmées en voie d'appel, à savoir :

+ la somme de 100 000 euros pour la prise en charge des travaux,

+ la somme de 1 620 euros en réparation du préjudice de jouissance,

+ les dépens de procédure du tribunal d'instance et les frais d'expertise judiciaire,

+ les dépens d'appel, outre les indemnités allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel ;

- confirmer le jugement déféré pour le surplus ;

- débouter les parties intimées de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires aux présentes ;

- condamner M. C... aux dépens, ainsi qu'à lui payer la somme de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Par conclusions signifiées le 2 mars 2017, M. et Mme Y..., intimés, demandent à la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf celle afférente au préjudice de jouissance ;

- déclarer la SCI Enersud seule responsable des désordres affectant le mur litigieux ;

subsidiairement,

- déclarer la SCI Enersud et M. C... responsables des désordres affectant le mur litigieux;

- les autoriser à faire procéder à la réalisation des travaux préconisés par l'expert judiciaire dans son rapport du 16 décembre 2009 et, ces travaux devant avoir lieu sur la propriété de la SCI Enersud ;

- les autoriser à y accéder à charge pour eux de prévenir la SCI Enersud leur exécution trois semaines avant le début des travaux ;

- condamner la SCI Enersud à leur payer la somme de 100 000 euros correspondant au montant des travaux de remise en état préconisés par l'expert ;

subsidiairement,

- condamner in solidum la SCI Enersud et M. C... à leur payer la somme de 100 000 euros correspondant au montant des travaux de remise en état préconisés par l'expert ;

de manière infiniment subsidiaire,

- condamner in solidum la SCI Enersud et M. C... à leur payer la somme de 100 000 euros correspondant au montant des travaux de remise en état préconisés par l'expert, dans la proportion de 85 % à la charge de M. C... et de 15 % à la charge de la SCI Enersud ;

subsidiairement,

- condamner la SCI Enersud à exécuter les travaux de remise en état, préconisés par l'expert dans son rapport du 16 décembre 2009, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du premier jour du 2ème mois suivant la date de signification de l'arrêt à intervenir;

- condamner la la SCI Enersud à leur payer la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance ;

subsidiairement,

- condamner in solidum la SCI Enersud et M. C... à leur payer la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance ;

de manière infiniment subsidiaire,

- condamner in solidum la SCI Enersud et M. C... à leur payer la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance, dans la proportion de 85 % à la charge de M. C... et de 15 % à la charge de la SCI Enersud ;

- condamner la SCI Enersud à leur payer la somme de 7 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

subsidiairement,

- condamner in solidum la SCI Enersud et M. C... à leur payer la somme de 7 000 par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SCI Enersud aux dépens, en ce compris le coût du constat d'huissier de justice du 3 janvier 2006, le coût de l'expertise judiciaire et des dépens devant le tribunal d'instance de Provins.

Par conclusions signifiées le 14 avril 2017, M. C..., intimé, demande à la cour de :

à titre principal, sur la demande de la SCI Enersud à être relevée et garantie par lui,

- constater que l'action en responsabilité à l'encontre du constructeur-vendeur est prescrite;

- constater qu'aucune cause d'exonération sur le fondement des troubles anormaux de voisinage ne peut lui être imputée ;

- débouter la SCI Enersud de sa demande à être relevée et garantie par lui ;

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement ;

à titre subsidiaire, sur l'appel en garantie de la société BRF, société constructrice et de son assureur la société AGF, devenue la société Allianz Iard,

si par extraordinaire, il est fait droit à la demande de la SCI Enersud tendant à être relevée et garantie, en condamnant M. C... à hauteur de 85 % de l'ensemble des condamnations qui ont été fixées en première instance, celui-ci sera relevé et garantie par la garantie décennale de la société BRF en sa qualité de constructeur de l'ouvrage, souscrite auprès de la compagnie d'assurance AGF devenue Allianz Iard de l'ensemble de ses condamnations, à savoir :

+ la somme de 100 000 euros pour la prise en charge des travaux,

+ la somme de 1 620 euros en réparation du préjudice de jouissance,

+ les dépens de procédure du tribunal d'instance et les frais d'expertise judiciaire,

+ les dépens d'appel, outre les indemnités allouées au titre de l'article 700 du code de procéduer civile en première instance et en appel ;

- constater que d'après les éléments de l'acte notarié, qui est un acte authentique, la société BRF est intervenue en qualité de constructeur de l'ouvrage ;

- dire qu'il sera garantie par la garantie décennale de la société BRF en sa qualité de constructeur d'ouvrage ;

en tout état de cause,

- condamner la SCI Enersud aux dépens, ainsi qu'à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et d'appel ;

Par conclusions signifiées le 25 avril 2017, la société Générale d'assurances (la Sagena), devenue la SMA, intimée, demande à la cour de :

- dire que la SMA, venant aux droits de la Sagena, n'est pas l'assureur de la société MCA Bâtiment, dont la police a été résiliée pour non-paiement des primes à effet du 16 septembre 2003, et qu'au surplus d'une part, l'intervention de la société MCA Bâtiment est postérieure à la résiliation et, d'autre part, l'expert judiciaire n'a retenu aucune responsabilité à l'encontre de la société MCA Bâtiment ;

- dire qu'aucune demande n'a été formulée à l'encontre de la SMA, venant aux droits de la Sagena, dans le cadre de la procédure de première instance ;

- dire que le jugement du 22 novembre 2016 n'a prononcé aucune condamnation à l'encontre de société SMA, venant aux droits de la Sagena ;

- dire qu'aucune demande n'est formulée à l'encontre de la SMA, venant aux droits de la Sagena, dans le cadre de la présente procédure d'appel ;

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

- prononcer la mise hors de cause pure et simple de la SMA, venant aux droits de la Sagena;

- débouter l'ensemble des autres parties de leurs demandes, fins, conclusions et appels en garantie dirigés contre la SMA, venant aux droits de la Sagena ;

- dire que la présente procédure d'appel diligentée à l'initiative de la SCI Enersud à l'encontre de la SMA, venant aux droits de la Sagena, est manifestement abusive et dilatoire;

- condamner la SCI Enersud à payer à la SMA, venant aux droits de la Sagena, la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la Selarl 2H.

SUR CE,

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;

Sur la mise hors de cause de la société Générale d'assurances (la Sagena), devenue la SMA

Il est établi que la société Générale d'assurances (la Sagena), devenue la SMA, n'était plus l'assureur de la société MCA Bâtiment, la police ayant été résiliée à effet du 16 septembre 2003, lors des travaux réalisés par cette société (désormais en liquidation judiciaire depuis un jugement du 17 avril 2008) au début de l'année 2005 pour le compte de M. C... avant la vente de la parcelle, objet des désordres, à M. et Mme Y... le 15 avril 2005 ;

En outre, il ressort des écritures des parties en appel qu'aucune demande n'a été dirigée à l'encontre de la société Générale d'assurances (la Sagena), devenue la SMA ;

Il résulte de ces éléments qu'il convient de prononcer la mise hors de cause de cette société dans la présente instance ;

Sur les demandes de M. et Mme Y... dirigées à l'encontre de la SCI Enersud

Aux termes de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements ; ce droit pour un propriétaire de jouir de son bien de la manière la plus absolue est cependant limité par l'obligation de ne causer à la propriété d'autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux de voisinage ; le dommage causé à un voisin qui excède les inconvénients normaux du voisinage oblige l'auteur du trouble à le réparer, quand bien même aucune faute ne pourrait être reprochée à celui qui le cause ;

Les désordres affectant un fonds en provenance d'un fonds voisin peuvent constituer un trouble anormal du voisinage ;

Outre des dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice subi, le juge peut ordonner toute mesure de nature à faire cesser Ie trouble ;

Il est constant qu'un mur de soutènement appartient à celui dont il soutient les terres ;

En l'espèce, dans leur assignation du 15 février 2006 (pièce n° 13 de l'appelante) M. et Mme Y..., se fondant sur la théorie des troubles anormaux de voisinage (p. 2-3), demandent la réfection du mur de soutènement qui est aujourd'hui la propriété de la SCI Enersud ;

ll ressort du rapport d'expertise judiciaire de M. M... du 16 décembre 2009 (p. 16) que le mur de soutènement litigieux, qui appartient à la SCI Enersud, présente plusieurs désordres, de sorte que 'le danger d'éboulement accidentel du mur est réel' et qu'il existe en outre un risque de chute des véhicules se trouvant sur la propriété de cette société (id.);

D'ailleurs pour faire face à ces dangers, l'expert a préconisé à titre préventif pendant les opérations d'expertise (rapport, p. 16) que M. et Mme Y... installent sur leur terrain une clôture légère afin d'interdire à leurs enfants une bande de 5 mètres parallèlement au mur, ce qu'ils ont fait réaliser ;

Il en résulte que le danger présenté par le mur de soutènement litigieux prive ainsi concrètement M. et Mme Y... de la jouissance d'une partie de leur parcelle, ce qui caractérise en l'espèce un trouble anormal de voisinage qu'il convient de faire cesser et de réparer ;

La SCI Enersud, propriétaire du mur, doit seule mettre fin à ce trouble anormal occasionnant les désordres sur le fonds appartenant à M. et Mme Y... ;

La SCI Enersud, qui ne dénie pas sa responsabilité sur le fondement du trouble anormal du voisinage, ne conteste pas davantage les demandes de M. et Mme Y... tenant tant à faire procéder aux travaux nécessaires préconisés par l'expert judiciaire dans son rapport (p. 26) pour faire cesser les désordres sur leur parcelle qu'à obtenir une indemnisation de ceux-ci à concurrence de 100 000 euros, telle que retenue par l'expert dans son rapport ;

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a :

- prononcé la mise hors de cause de la société Allianz Iard ;

- autorisé M. et Mme Y... à faire procéder aux travaux préconisés par l'expert judiciaire en page 26 de son rapport et nécessaires à ce qu'il soit mis fin aux troubles anormaux de voisinage sur la propriété de la SCI Enersud soit :

+ la démolition du mur séparatif sur toute sa longueur, ce qui implique l'enlèvement d'une partie des remblais,

+ la construction d'un véritable mur de soutènement calculé en fonction des charges et contraintes qu'il aura à encaisser,

- la mise en état après travaux des prestations actuelles : pelouse pour M. et Mme Y..., reconstitution de la rampe côté de la SCI Enersud,

+ la mise en place d'un dispositif de sécurité empêchant une voiture de tomber accidentellement dans le jardin de M. et Mme Y... ;

- condamné la SCI Enersud à payer à M. et Mme Y... la somme de 100 000 euros pour la prise en charge de ces travaux ;

S'agissant de l'indemnisation du préjudice de jouissance de leur parcelle subi par M. et Mme Y..., selon l'expert judiciaire (rapport, p. 27), le préjudice lié à cette perte de jouissance partielle de leur parcelle est certain, dès lors qu'il est établi qu'ils ont été privés de l'usage d'une partie de leur terrain depuis octobre 2007 jusqu'à aujourd'hui afin d'assurer notamment la sécurité de leurs enfants, l'expert évaluant ce chef de préjudice à la somme de 15 euros par mois depuis octobre 2007 que la cour retient à son tour ;

Il convient de préciser que l'exécution provisoire du jugement déféré n'ayant pas été prononcée en première instance, ces travaux n'ont toujours pas été exécutés, de sorte que le préjudice de jouissance subi par M. et Mme Y..., qui court à compter d'octobre 2007 jusqu'au prononcé du présent arrêt (le 19 décembre 2018), correspond à la somme totale de 2 004, 30 euros (soit 15 euros par mois x 133, 62 mois) ;

En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré sur la période allant d'octobre 2007 jusqu'au 22 novembre 2016, date de ce jugement, en ce qu'il a condamné la SCI Enersud à payer à M. et Mme Y... la somme de 1 620 euros en réparation de leur préjudice de jouissance ;

Y ajoutant, il convient de condamner la SCI Enersud à payer à M. et Mme Y... la somme de 390 euros (134 mois x 15 - 1620 = 390 euros) en réparation de leur préjudice de jouissance sur la période allant du 22 novembre 2016 au 19 décembre 2018 ;

Sur la demande en garantie de la SCI Enersud dirigée à l'encontre de M. C... et de la société Glem

La SCI Enersud demande à la cour de condamner M. C... à la garantir à concurrence de 85 % et la société Glem à hauteur de 3 % de l'ensemble des condamnations qui ont été fixées en première instance et qui seront confirmées en voie d'appel ;

Elle soutient qu'en page 23 du rapport d'expertise judiciaire, l'expert mentionne que M. C... a fait construire au début de l'année 2005, avant la vente de la parcelle à M. et Mme Y... le 15 avril 2005, le mur de soutènement litigieux sur lesquels sont adossés des contreforts remblayant les deux fonds dominants (I... et SCI Enersud) à un niveau médian et propose, quant à la limite de propriété entre les fonds Y... ' SCI Enersud, de voir engager la responsabilité de M. C... à concurrence de 85%, et 15% pour la SCI Enersud, auxquels il convient de déduire 3% de responsabilité attribuée à la société Glem qui a réalisé des travaux d'aménagement d'une rampe d'accès se situant sur le fonds dominant le mur litigieux ;

Il résulte des pièces versées aux débats en appel et notamment du rapport d'expertise que le délai de garantie décennale n'a pas expiré en ce que son point de départ est l'acte de vente entre M. C... et la SCI Enersud ; en effet, M. C... est constructeur au sens de l'article 1792-1 du code civil, car, en vendant le mur qu'il a fait construire, il l'a réceptionné tacitement, de sorte que le délai de la garantie décennale n'est pas expiré (il a eu des assignations et décisions interruptives de cette prescription), et l'ouvrage (le mur de soutènement) est impropre à sa destination (les malfaçons lors de sa construction sont à l'origine des désordres dont se plaignent M. et Mme Y...) ;

En conséquence, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a rejeté la demande en garantie de la SCI Enersud dirigée à l'encontre de M. C... et il convient en appel de condamner M. C... à la garantir, à hauteur de 85 %, et la société Glem, à hauteur de 3 %, de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre au titre de la présente procédure ;

Par ailleurs, il résulte du rapport d'expertise (p. 19 à 25) que l'expert a finalement conclu à la responsabilité de M. C... à concurrence de 85%, et 15% pour la SCI Enersud, auxquels il convient de déduire 3% de responsabilité attribuée à la société Glem qui a réalisé des travaux d'aménagement d'une rampe d'accès se situant sur le fonds dominant le mur litigieux étant précisé en outre que l'expert n'a pas retenu de part de responsabilité à l'encontre de la société BRF par ailleurs en liquidation judiciaire et représentée par Maître H... ;

Enfin, il convient de rappeler que, par une ordonnance du 8 mars 2017, le conseiller de la mise en état a constaté l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la cour à l'égard de la Société Allianz Iard et dit que l'instance se poursuit à l'égard des autres parties ;

Il résulte de ces éléments qu'il convient de rejeter la demande d'appel en garantie de M. C... dirigée à l'égard de la société BRF et de son assureur, la société Allianz Iard ;

Il convient de rejeter toute demande contraire émise par M. C... de ces chefs ;

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

La SCI Enersud et M. C..., parties perdantes, doivent être condamnés aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer les sommes suivantes par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel :

- 2 000 euros à M. et Mme Y... ;

- 1 500 euros à la société Générale d'assurances (la Sagena), devenue la SMA ;

Enfin, il convient de rejeter les demandes tant de la SCI Enersud que de M. C... présentées sur ce fondement ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement ;

Prononce la mise hors de cause de la société Générale d'assurances (la Sagena), devenue la SMA, dans la présente instance ;

Infirme le jugement déféré mais seulement en ce qu'il a débouté la SCI Enersud de sa demande en garantie dirigée à l'encontre de M. C... ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SCI Enersud à payer à M. et Mme Y... la somme supplémentaire de 390 euros en réparation de leur préjudice de jouissance sur la période allant du 22 novembre 2016 au 19 décembre 2018 ;

Condamne M. C... à garantir la SCI Enersud , à hauteur de 85 %, et la société Glem, à hauteur de 3 %, de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre au titre de la présente procédure ;

Condamne in solidum La SCI Enersud et M. C... aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à les sommes supplémentaires suivantes par application de l'article 700 du même code en cause d'appel :

- à M. et Mme Y... : 2.000 €,

- à la SMA : 1.500 € ;

Rejette toute autre demande ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 16/24008
Date de la décision : 19/12/2018

Références :

Cour d'appel de Paris G2, arrêt n°16/24008 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-19;16.24008 ?
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