Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 15 JANVIER 2019
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/05205 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5H3C
Décision déférée à la Cour : Par jugement rendu le 19 octobre 2010 le tribunal de grande instance de Bobigny s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Créteil.
Jugement du 8 novembre 2011 rendu par ce dernier tribunal confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 octobre 2012.
Par un jugement du 18 septembre 2015, la nouvelle action déclaratoire de nationalité française a été déclarée irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt définitif de la cour d'appel de Paris du 16 octobre 2012.
L'appel interjeté par M. X... a été déclaré irrecevable par cette cour selon un arrêt rendu le 18 octobre 2016.
La 2e chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé cette décision par arrêt du 11 janvier 2018 (pourvoi n°F 16-27.945)
APPELANT
Monsieur Y... X... né [...] à Illitene Ain el Hammam (Algérie)
[...]
représenté par Me Marianne Z..., avocat postulant du barreau de PARIS, toque : E1203
assisté par Me Séverine A..., avocat plaidant du barreau de MARSEILLE
INTIME
LE MINISTERE PUBLIC agissant en la personne de MADAME LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL
[...]
représenté à l'audience par Monsieur STEFF, substitut général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 novembre 2018, en audience publique, l'avocat de l'appelant et le ministère public ne s'y étant pas opposé, devant Mme Anne BEAUVOIS, présidente, et M. Jean LECAROZ, conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Anne BEAUVOIS, présidente
M. Jean LECAROZ, conseiller
Mme Sophie AZRIA, conseillère, appelée à compléter la cour conformément aux dispositions de l'ordonnance de roulement portant organisation des services rendue par Madame le premier président, le 31 août 2018
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Anne BEAUVOIS, présidente et par Mélanie PATE, greffière présente lors du prononcé.
Selon acte du 17 novembre 2005, M. Y... X..., a assigné le ministère public devant le tribunal de grande instance de Bobigny pour voir juger qu'il est français. Par jugement rendu le 19 octobre 2010, le tribunal de grande instance de Bobigny s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Créteil. La demande a été rejetée selon un jugement du 8 novembre 2011 par ce dernier tribunal ayant retenu comme non probant son acte de naissance. Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 octobre 2012.
M. Y... X..., par acte du 14 octobre 2014, a assigné le procureur de la République aux mêmes fins devant le tribunal de grande instance de Paris. Par un jugement du 18 septembre 2015, la nouvelle action déclaratoire de nationalité française ainsi engagée a été déclarée irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt définitif de la cour d'appel de Paris du 16 octobre 2012. L'appel interjeté par M. X... a été déclaré irrecevable par cette cour selon un arrêt rendu le 18 octobre 2016.
M. X... ayant formé un recours en cassation, la 2e chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé cette décision par arrêt du 11 janvier 2018 (pourvoi n°F 16-27.945) aux motifs suivants:
«Vu les articles 543 et 564 du code de procédure civile ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l'appel interjeté par M. X..., l'arrêt retient que la production de nouvelles pièces pour réparer l'insuffisance des éléments de preuve d'une situation antérieure à l'arrêt du 16 octobre 2012 ne saurait permettre d'écarter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la recevabilité de l'appel n'est pas subordonnée à celle des demandes de l'appelant, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;»
M. X... a saisi cette cour selon déclaration du 9 mars 2018.
Dans ses conclusions notifiées le 15 octobre 2018, M. X... demande à la cour d'infirmer le jugement rendu le 18 septembre 2015 par le tribunal de grande instance de Paris, de dire qu'il est français et d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.
Il soutient que l'autorité de la chose jugée résultant du jugement du 8 novembre 2011, confirmé le 16 octobre 2012, ne peut lui être opposée en raison d'un événement postérieur consistant dans la production d'un jugement collectif des naissances du 24 février 1954 dont il a obtenu la copie complète le 26 février 2013, soit postérieurement à l'arrêt du 16 octobre 2012.
Au fond, il affirme qu'en qualité de petit-fils de Mohand Akli X..., admis au statut civil de droit commun par jugement du tribunal de Tizi-Ouzou du 30 octobre 1929, il est de nationalité française.
Dans ses conclusions notifiées le 19 novembre 2018, le ministère public demande à la cour de constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, de confirmer le jugement rendu le 18 septembre 2015 et d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.
Il soutient que la production par M. X... d'un jugement collectif des naissances rendu le 24 février 1954 ne constitue pas un événement postérieur venu modifier la situation antérieurement reconnue en justice.
Au fond, le ministère public soutient que la preuve d'un lien de filiation entre M. X... et son père revendiqué, ainsi que le lien de filiation entre ce dernier et Mohand Akli X..., n'est pas rapportée.
SUR QUOI,
Sur la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile
Le ministère public ne conteste plus, dans ses dernières conclusions, que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, de sorte que la déclaration de saisine après cassation n'est pas caduque et que les conclusions de M. Y... X... sont recevables.
Sur la recevabilité des demandes de M. Y... X...
Le ministère public soutient que par arrêt du 16 octobre 2012, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement rendu le 8 novembre 2011 par le tribunal de grande instance de Paris qui a constaté l'extranéité de M. Y... X... et que l'autorité de la chose jugée s'attache à ces décisions. Il oppose donc aux demandes de M. Y... X... la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée.
M. Y... X... prétend que l'autorité de la chose jugée ne peut lui être opposée en raison d'un événement postérieur constitué par la production du jugement collectif des actes de naissance établi le 15 janvier 2012 dont il n'a obtenu une copie qu'après les décisions en cause.
En vertu de l'article 1351, devenu l'article 1355, du code civil, «L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité».
En application de ce texte, l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice.
M. Y... X... indique que, lors de sa première action déclaratoire de nationalité française, la cour d'appel a retenu dans son arrêt du 16 octobre 2012 qu'il avait versé aux débats un simple extrait du jugement collectif des naissances du 24 janvier 1954, délivré non par le greffier de la juridiction mais par un officier d'état civil, que cet extrait n'était pas nominatif et qu'il n'était pas accompagné de ses nécessaires annexes comprenant le procès-verbal dressé le 6 octobre 1953 par le juge de paix et la liste des personnes omises dans l'état civil de la commune mixte de Djudjura (Algérie).
Au soutien de sa seconde action déclaratoire, il verse aux débats deux documents postérieurs à l'arrêt rendu le 16 octobre 2012 dont il soutient qu'ils constituent des événements postérieurs modifiant sa situation antérieurement reconnue en justice, à savoir:
- une retranscription manuscrite du jugement collectif des naissances dans son intégralité avec en annexe la copie de son acte de naissance n°90 délivrée le 26 février 2013,
- la photocopie certifiée conforme délivrée en septembre 2015 du jugement collectif des naissances du 24 février 1954 avec en annexe un cadre portant la mention n°90, son nom, l'identité de ses parents et l'année de sa naissance.
Cependant, la production d'une pièce nouvelle ou la présentation d'un nouveau moyen de preuve n'empêche pas une nouvelle demande de se heurter à l'autorité de la chose jugée d'une première décision. Le caractère nouveau de l'événement permettant d'écarter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée ne peut résulter de ce que la partie qui l'invoque a négligé d'accomplir une diligence en temps utile.
Les pièces nouvelles obtenues et datées des mois de février 2013 et de septembre 2015 ne modifient en rien la situation antérieurement reconnue en justice. Elles ne consistent que dans la production de nouveaux éléments probatoires destinés à établir que le jugement collectif des naissances du 24 janvier 1954 était applicable à M. Y... X..., lequel se prévalait déjà de cette décision lors de sa première action déclaratoire de nationalité française. L'intéressé ne peut donc prétendre qu'il se prévaut d'une situation juridique nouvelle.
De plus, l'allégation de M. Y... X... selon laquelle il serait très difficile voire impossible pour tout intéressé de récupérer en Algérie des documents d'état civil aussi anciens est démentie par la production de ces pièces, de sorte qu'il doit être considéré que l'intéressé a négligé d'accomplir les diligences probatoires qui reposaient sur lui en temps utile.
Ayant présenté les mêmes demandes fondées sur les mêmes moyens devant le ministère public, lesquelles ont été rejetées par cette cour selon un arrêt du 16 octobre 2012, la demande de M. Y... X..., qui ne se prévaut pas d'une situation juridique nouvelle, doit être déclarée irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée.
Le jugement est donc confirmé.
Succombant à l'instance, M. Y... X... est condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS,
Déclare que la déclaration de saisine après cassation n'est pas caduque et que les conclusions de M. Y... X... sont recevables.
Confirme le jugement,
Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,
Condamne M. Y... X... aux dépens.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE