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24/01/2019 | FRANCE | N°17/12684

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 24 janvier 2019, 17/12684


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9



ARRÊT DU 24 JANVIER 2019



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/12684 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3TLT



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Février 2017 - Tribunal de commerce de Paris - RG n° [...]





APPELANTS :



Monsieur Franck X...

né le [...] à Clamart

Deme

urant [...]





Madame Anne-Marie X...

née le [...] à Alger

Demeurant [...]





Madame Clara X...

née le [...] à Bourges

Demeurant [...]



Représentés par Me Rémi H..., avocat au barre...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 24 JANVIER 2019

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/12684 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3TLT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Février 2017 - Tribunal de commerce de Paris - RG n° [...]

APPELANTS :

Monsieur Franck X...

né le [...] à Clamart

Demeurant [...]

Madame Anne-Marie X...

née le [...] à Alger

Demeurant [...]

Madame Clara X...

née le [...] à Bourges

Demeurant [...]

Représentés par Me Rémi H..., avocat au barreau de PARIS, toque : C2156

INTIMÉS :

Monsieur Jean-François Y...

Demeurant [...]

Représenté par Me Franck I... AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1994

Monsieur Pierre Z...

Demeurant [...]

Représenté par Me Fabien A..., avocat au barreau de PARIS, toque : T10

Monsieur Thomas B...

né le [...] à PARIS

Demeurant [...]

Représenté par Me J... de la SELARL OBADIA - STASI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1986

Monsieur Nicolas C...

Demeurant [...]

Représenté par Me Arnaud D..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Monsieur Claude K...

Demeurant [...]

Représenté par Me Belgin G... G...-JUMEL AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1119

SAS QUILVEST FRANCE, pris en la personne de ses représentants légaux

Immatriculé au RCS de PARIS sous le numéro 602 034 647

[...]

Représentée par Me J... de la SELARL OBADIA - STASI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1986

SAS OMNES CAPITAL prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés

en cette qualité audit siège

Immatriculé au RCS de PARIS sous le numéro 428 711 196

[...]

Représentée par Me Frédérique E... de l'ASSOCIATION E... & CARRERE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0193

Représentée par Me Arnaud D..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article907du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Décembre 2018, en audience publique, devant Madame Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre, Madame Christine ROSSI, Conseillère et Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre

Madame Christine ROSSI, Conseillère

Mme Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Hanane AKARKACH

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre et par Madame Hanane AKARKACH, Greffière présente lors du prononcé.

*****

FAITS ET PROCÉDURE :

La société financière Solola, spécialisée dans la vente de vêtements et d'accessoires pour femmes, a été reprise en LBO au début de l'année 2003, par MM. Claude K... et Pierre Z..., soutenus par deux fonds d'investissement, Crédit Agricole Private Equity et Quilvest.

A l'initiative de son directeur général M. Y..., le groupe Solola a acquis le 6 janvier 2010 la société Col Claudine, dont le capital était détenu par les époux Franck et Anne-Marie X... et leur fille Clara X..., ci-après les consorts X..., pour un prix de 900.000 euros payable en quatre tranches sur deux ans. L'article 4.3 du protocole de cession prévoyait le nantissement de la totalité des parts sociales de la Sarl Rose Mousse, filiale à 100% de la société Financière Solola. Deux compléments de prix étaient prévus aux termes de l'article 9.3. Les consorts X... ont reçu en paiement, le jour de la signature, la première tranche du prix soit 170.000 euros, et le 2 février 2010 la somme de 165.000 euros.

La société Solola s'est engagée, aux termes de l'article 10 du protocole de cession, à conclure avec M. Franck X... un «'contrat d'accompagnement'» d'une durée de 12 mois ayant pour objet la réalisation par M. X... de deux missions à l'étranger avec pour contrepartie financière le versement de la somme de 40.000 euros HT.

Le jour de la cession, 6 janvier 2010, Mme Anne-Marie X... a été embauchée au poste de directrice générale de Col Claudine par contrat à durée indéterminée. Elle a fait l'objet le 19 février suivant d'un licenciement dont elle a contesté le bien-fondé en justice. Par un arrêt du 14 septembre 2012, la cour d'appel de Bourges a jugé irrégulier le licenciement intervenu et a alloué à Mme X... la somme de 33.000 euros dont 15.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le 24 septembre 2010, M. Y... a effectué une déclaration de cessation des paiements de toutes les sociétés du groupe Solola. La procédure de redressement judiciaire a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris du 24 février 2011.

Par actes des 21 et 22 décembre 2012, les consorts X... ont fait citer M. C..., représentant le fonds Crédit Agricole Private Equity, M. B..., représentant le fonds Quilvest, M. K..., M. Y... et M. Z... devant le tribunal correctionnel de Paris pour des faits d'escroquerie. La citation directe était fondée, notamment, sur de nombreux documents transmis à M. X... par M. F..., ancien responsable financier du groupe Solola.

Un an après cette citation, MM. C... et B... ont déposé plainte pour tentative d'escroquerie au jugement et pour faux au motif que quatre des pièces produites par les consorts X... à l'appui de leur citation auraient été falsifiées. M. X... et M. F... ont été relaxés par un jugement du 8 juillet 2015. Le tribunal a toutefois reconnu qu'il s'agissait bien de faux forgés dans l'interêt des consorts X... mais a constaté qu'il ne pouvait déterminer dans quelles conditions l'infraction avait été commisse.

Les consorts X... se sont alors, par courrier du 17 novembre 2015, désistés de leur citation directe engagée devant le tribunal correctionnel et ont formé une action civile devant le tribunal de commerce.

Par actes d'huissier de justice des 20 et 23 novembre et 1er décembre 2015, les consorts X... ont assigné la société Omnes Capital, anciennement Crédit Agricole Private Equity, la société Quilvest France, M. C..., M. B..., M. Y..., M. K... et M. Z... devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir leur condamnation solidaire à leur payer la somme de 3.896.479 euros pour les préjudices matériels et celle de 500.000 euros pour le préjudice moral sur le fondement de la responsabilité civile des dirigeants prévue par l'article L. 225-251 du code de commerce.

Par un jugement du 3 février 2017, le tribunal de commerce de Paris a dit irrecevable car prescrite l'action intentée par M. Franck X..., Mme Anne-Marie X... et Mme Clara X..., débouté les défendeurs de leur demande de dommages et intérêts, condamné in solidum M. Franck X..., Mme Anne-Marie X... et Mme Clara X... à payer à chacun des défendeurs la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts X... ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 23 juin 2017.

***

Dans leurs dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 16 octobre 2018, M. Franck X..., Mme Anne-Marie X... et Mme Clara X... demandent à la Cour, au visa des articles L.225-252 du code de commerce et 1240 du code civil, de :

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 3 février 2017 et, statuant à nouveau,

- déclarer leur action recevable,

- condamner solidairement MM. Nicolas C..., Thomas B..., Claude K..., Pierre Z..., Jean-François Y..., les sociétés Omnes Capital et Quilvest France à payer aux consorts X..., activement solidaires, en réparation des préjudices subis la somme de 3.896.479 euros pour les préjudices matériels et celle de 500.000 euros pour le préjudice moral,

- débouter les intimés de leurs demandes reconventionnelles,

- condamner solidairement MM. Nicolas C..., Thomas B..., Claude K..., Pierre Z..., Jean-François Y..., les sociétés Omnes Capital et Quilvest France à payer chacun aux consorts X..., activement solidaires, la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum MM. Nicolas C..., Thomas B..., Claude K..., Pierre Z..., Jean-François Y..., les sociétés Omnes Capital et Quilvest France aux dépens de première instance et d'appel.

***

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 2 novembre 2017, M. Pierre Z... demande à la Cour :

A titre principal,

- de constater que la prescription de l'action des consorts X... est acquise depuis le 6 janvier 2013,

- de dire que les consorts X... ne justifient pas de l'existence d'un préjudice personnel et distinct de celui subi par les autres créanciers de la procédure collective Solola,

- en conséquence, de confirmer le jugement rendu le 3 février 2017 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a dit irrecevable l'action engagée par les consorts X... par acte d'huissier du 23 novembre 2015,

A titre subsidiaire,

- de dire et juger que M. Pierre Z... n'a pas commis de faute séparable de ses fonctions susceptible d'engager sa responsabilité civile en qualité d'administrateur de la société Financière Solola ; en conséquence, de débouter les consorts X... de leurs demandes, fins et conclusions à ce titre,

A titre très subsidiaire,

- de constater l'absence de preuve du préjudice allégué et du lien de causalité entre celui-ci et les fautes de gestion des administrateurs de la société financière Solola,

- en conséquence de débouter les consorts X... de leurs demandes, fins et conclusions à ce titre,

A titre principal, subsidiaire et très subsidiaire de débouter M. Franck X..., Mme Anne-Marie X... et Mme Clara X... de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions, et de condamner les consorts X... in solidum au paiement d'une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

***

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 30 octobre 2017, M. Claude K... demande à la Cour :

A titre principal,

- de constater que la prescription de l'action des consorts X... est acquise depuis le 6 janvier 2013,

- de dire que les consorts X... ne justifient pas de l'existence d'un préjudice personnel et distinct de celui subi par les autres créanciers de la procédure collective Solola,

- en conséquence, de confirmer le jugement rendu le 3 février 2017 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a dit irrecevable l'action engagée par les consorts X... par acte d'huissier du 23 novembre 2015,

A titre subsidiaire,

- de dire et juger que M. Claude K... n'a pas commis de faute séparable de ses fonctions susceptible d'engager sa responsabilité civile en qualité d'administrateur de la société Financière Solola,

- en conséquence, de débouter les consorts X... de leurs demandes, fins et conclusions à ce titre,

A titre très subsidiaire,

- de constater l'absence de preuve du préjudice allégué et du lien de causalité entre celui-ci et les fautes de gestion des administrateurs de la société financière Solola,

- en conséquence de débouter les consorts X... de leurs demandes, fins et conclusions à ce titre,

A titre principal, subsidiaire et très subsidiaire, de débouter M. Franck X..., Mme Anne-Marie X... et Mme Clara X... de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions, et de condamner les consorts X... in solidum au paiement d'une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

***

Dans leurs dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 8 novembre 2017, la société Omnes Capital, anciennement dénommée Crédit Agricole Private Equity, et M. Nicolas C... demandent à la Cour :

A titre principal, de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit et jugé irrecevable l'action engagée par les consorts X... à l'égard de M. C... et de la société Omnes Capital pour être prescrite et en raison de l'absence de préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers du groupe Solola,

Subsidiairement, au fond,

- de dire et juger que M. C... et la société Omnes Capital n'ont commis aucune faute à l'égard des consorts X... ; débouter les consorts X... de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause, déclarer recevables les demandes reconventionnelles formées par les concluants, et y faisant droit :

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les intimées au titre de leur demande relative à l'abus d'ester en justice,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que les consorts X... ont abusé de leur droit d'ester en justice,

- dire et juger que M. C... et la société Omnes Capital justifient d'un préjudice personnel directement lié à cet abus,

En conséquence,

- condamner les consorts X... in solidum'à verser à chacun des concluants une somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, à la société Omnes Capital la somme de 60.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à M. C... la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les consorts X... aux entiers dépens.

***

Dans leurs dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 2 novembre 2017, M. Thomas B... et la société Quilvest France demandent à la Cour :

A titre principal, de :

- confirmer le jugement prononcé le 3 février 2017 par la 16ème chambre du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a jugée prescrite l'action engagée par les consorts X... à l'égard de M. Thomas B... et de la société Quilvest France ;

- confirmer le jugement prononcé le 3 février 2017 par la 16ème chambre du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a jugé que les consorts X... ne justifient pas d'un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers du groupe Solola ;

- confirmer en conséquence le jugement prononcé le 3 février 2017 par la 16ème chambre du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a déclarée irrecevable l'action introduite par les consorts X... à l'égard de M. Thomas B... et de la société Quilvest France ;

A titre subsidiaire,

- dire et juger que M. Thomas B... et la société Quilvest France n'ont commis aucune faute susceptible d'engager leur responsabilité civile en qualité d'administrateur à l'égard des consorts X... ;

- débouter les consorts X... de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

en toute hypothèse,

- infirmer le jugement prononcé le 3 février 2017 par la 16ème chambre du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a débouté M. Thomas B... et la société Quilvest de leur demande de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau, de :

- condamner solidairement M. Franck X..., Mme Anne-Marie X... et Mme Clara X... à payer à M. Thomas B... et à la société Quilvest France chacun la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner solidairement M. Franck X..., Mme Anne-Marie X... et Mme Clara X... à payer à la société Quilvest France la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

***

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 2 novembre 2017, M. Jean-François Y... demande à la Cour :

A titre principal, de :

- confirmer le jugement prononcé le 3 février 2017 par la 16ème chambre du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a jugée prescrite l'action engagée par les consorts X... à l'égard de M. Jean-François Y... ;

- confirmer le jugement prononcé le 3 février 2017 par la 16ème chambre du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a jugé que les consorts X... ne justifient pas d'un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers du groupe Solola ;

- confirmer en conséquence le jugement prononcé le 3 février 2017 par la 16ème chambre du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a déclarée irrecevable l'action introduite par les consorts X... à l'égard de M. Jean-François Y... ;

A titre subsidiaire,

- dire et juger que M. Jean-François Y... n'a commis aucune faute susceptible d'engager leur responsabilité civile en qualité d'administrateur à l'égard des consorts X...;

- débouter les consorts X... de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

En toute hypothèse,

- infirmer le jugement prononcé le 3 février 2017 par la 16ème chambre du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a débouté M. Jean-François Y... de sa demande de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau, de :

- condamner solidairement M. Franck X..., Mme Anne-Marie X... et Mme Clara X... à payer à M. Jean-François Y... la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner solidairement M. Franck X..., Mme Anne-Marie X... et Mme Clara X... à payer à M. Jean-François Y... la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

SUR CE

Sur la prescription de l'action des consorts X...

Selon les consorts X..., le délai de prescription de leur action, qui est de trois ans conformément aux dispositions de l'article L.225-254 du code de commerce, a commencé à courir le 6 octobre 2010, date du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire visant le groupe Solola, et date à laquelle ils ont su que les échéances du crédit vendeur ne seraient pas payées. Ils soutiennent que les citations directes qu'ils ont fait délivrer aux intimés en décembre 2012 ont interrompu le délai de prescription de l'action civile jusqu'à la constatation de leur désistement, par jugement du 8 décembre 2015, et qu'à compter de cette date le délai de prescription de l'action civile devant le juge civil a commencé à courir.

Les intimés soutiennent que l'action des consorts X... est prescrite depuis le 6 janvier 2013 dès lors que l'assignation a été délivrée le 23 novembre 2015, en réparation de prétendus manquements commis en 2009 et les 5 et 6 janvier 2010. Ils soutiennent que le désistement des consorts X... dans l'instance pénale ne leur permet pas de bénéficier de l'effet interruptif de la prescription dans l'instance civile aux motifs, d'une part, que celui-ci est limité au seul cas où le désistement intervient en raison de la saisine d'un juge incompétent et afin de saisir la juridiction compétente, et d'autre part, que l'instance civile intentée au visa de l'article L.225-251 du code de commerce a une cause, un fondement et un objet différents de l'action pénale.

Aux termes des dispositions de l'article L 225-254 du code de commerce 'l'action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur générale, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé, de sa révélation.(...)'.

L'article 2241 du code civil dispose que la demande en justice interrompt le délai de prescription.

Selon l'article 2242 du code civil 'L'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.'

L'article 2243 ajoute cependant que 'L'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée.'

En l'espèce, les consorts X... exposent qu'ils ont eu connaissance de la tromperie dont ils estiment avoir été victimes au plus tôt le 6 octobre 2010, date à laquelle la procédure de redressement judiciaire a été ouverte pour leur acquéreur.

Ils ont fait citer devant le tribunal correctionnel les intimés pour des faits d'escroquerie par actes d'huissiers délivrés les 18 décembre 2012, 19 décembre 2012, 24 décembre 2012, 21 décembre 2012 et 20 décembre 2012, soit dans le délai de trois ans de l'article L 225-254 précité. Cette citation a interrompu la prescription de trois ans.

La cour note que la citation directe a été délivrée dans le délai de trois ans quand bien même la date du fait générateur serait le 6 janvier 2010, date d'acquisition de la société Col Claudine, comme le soutiennent les intimés.

La citation directe avait pour finalité de faire condamner les intimés pour escroquerie lors de l'acquisition de la société Col Claudine.

La présente action a pour but de faire condamner les intimés pour un préjudice identique à celui qui serait né des faits d'escroquerie.

Dès lors, la citation directe a bien interrompu la prescription.

Par courrier en date du 17 novembre 2015 les consorts X... se sont désistés de leur action civile devant la juridiction pénale en précisant qu'ils continuaient cette action devant les juridictions civiles.

Par jugement en date du 8 décembre 2015 le tribunal correctionnel de Paris a constaté le désistement exprès des consorts X... et l'absence de reprise des poursuites par le ministère public.

Les 23 et 24 novembre 2015 et le 1er décembre 2015, les consorts X... ont saisi le tribunal de commerce aux fins de voir condamner les intimés.

S'il est constant que le désistement entraîne l'extinction de l'instance et a pour effet d'anéantir tous les actes de procédure accomplis depuis la demande et de les effacer rétroactivement, il faut cependant que le désistement soit pur et simple.

En l'espèce, il a été fait sous la réserve expresse que les consorts X... entendaient reprendre l'instance devant une autre juridiction, laissant ainsi subsister l'interruption de la prescription .

La fin de non recevoir tirée de la prescription sera en conséquence rejetée et le jugement infirmé sur ce point.

Sur l'existence d'un préjudice personnel des consorts X...

Les consorts X... soutiennent que n'est pas applicable à l'espèce la règle du non-cumul qui interdit aux créanciers, une fois la procédure ouverte, de se prévaloir des dispositions de responsabilité autres que celles relatives au comblement de passif. Ils font valoir que la liquidation judiciaire de toutes les société du groupe Solola a été clôturée au cours de l'année 2016 et qu'aucune action en comblement du passif n'a été introduite contre ses dirigeants et que leur action n'est pas fondée sur l'insuffisance d'actif, mais sur la tromperie sur la solvabilité du groupe Solola dont ils estiment avoir été victimes. Ils ajoutent que les fautes qu'ils reprochent aux dirigeants de la Financière Solola sont d'une particulière gravité et qu'ils ont subi un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers de la procédure collective dès lors qu'ils ont vendu leur propre entreprise.

Les intimés soutiennent que l'ensemble des préjudices invoqués par les consorts X... se confondent avec ceux subis par la collectivité des créanciers, et que si les appelants avaient la possibilité d'engager une action en responsabilité pour insuffisance d'actif, toute action intentée sur le fondement de la responsabilité des dirigeants leur est désormais fermée.

En l'espèce, la société Financière Solola a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bobigny en date du 6 octobre 2010. La date de cessation des paiements a été fixée au 24 septembre 2010. Le redressement judiciaire était converti en liquidation judiciaire par jugement du 24 février 2011. La liquidation judiciaire a été clôturée en 2016.

Les préjudices dont se plaignent les consorts X... résultent selon eux du défaut de paiement par la société Solola du solde du prix de cession de la société Col Claudine, des compléments de prix impayés, de la perte financière résultant des missions d'accompagnement non effectuées par monsieur X..., du licenciement de madame X... et du non paiement des loyers des locaux dans lesquels la société Col Claudine exerçait.

Ces préjudice sont nés antérieurement à l'ouverture de la procédure collective. Il est constant que l'action en responsabilité exercée à l'encontre des dirigeants ne se cumule pas avec l'action en insuffisance d'actif.

Est donc irrecevable l'action en responsabilité intentée par un créancier à l'encontre du dirigeant social lorsqu'il existe une insuffisance d'actif, comme c'est le cas en l'espèce puisque l'insuffisance d'actif étant supérieur à 11 millions selon les consorts X... eux mêmes. Peu importe qu'une action en comblement de l'insuffisance d'actif ait été engagée ou ait échouée.

Le créancier ne pourrait agir sur le fondement de l'article L 225-252 du code de commerce que si les fautes invoquées contre le dirigeant sont postérieures au jugement d'ouverture ou lorsque la procédure collective ne fait pas apparaître d'insuffisance d'actif ou s'il justifie d'un préjudice personnel distinct de celui de la collectivité des créanciers.

En l'espèce, la procédure collective a montré une insuffisance d'actif et les préjudices invoqués sont antérieurs à l'ouverture de la procédure hormis le non paiement des loyers qui est une conséquence directe de l'ouverture de la procédure. Il convient donc de déterminer si le préjudice des consorts X... est un préjudice personnel distinct.

Le préjudice invoqué résultant du non paiement du prix de cession de la société Col Claudine ainsi que des compléments de prix et le préjudice né des missions non effectuées par monsieur X... sont des préjudices qui ne sont pas distincts de celui des autres créanciers.

Le préjudice de madame X... né de son licenciement a été réparé par la cour d'appel de Bourges.

Le préjudice né du non paiement des loyers n'est pas un préjudice subi par les consorts X... mais par les Sci qui leur appartiennent et enfin le préjudice moral qu'ils invoquent est celui résultant des difficultés rencontrées du fait du non paiement des parts sociales.

Aucun de ces préjudices, hormis celui lié au licenciement de madame X..., est un préjudice distinct de celui des autres créanciers.

La cour confirmera en conséquence le jugement en ce qu'il a déclaré l'action intentée par les consorts X... irrecevable.

Sur les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive

M. Thomas B..., la société Quilvest France, M. Nicolas C..., la société Omnes Capital et M. Y... demandent la condamnation des consorts X... pour abus d'ester en justice et sollicitent, chacun, le versement d'une somme de 50.000 euros. Ils soutiennent notamment que les appelants ont porté atteinte à leur honneur et réputation en réitérant des accusations non étayées qui ont déjà justifié l'engagement d'une procédure pour faux.

Les consorts X... demandent le rejet de ces demandes au motif que les intimés ne justifient d'aucun préjudice.

La cour rappelle que le droit d'agir en justice ou d'exercer une voie de recours n'est pas absolu, qu'il dégénère en abus pouvant donner lieu à des dommages-intérêts lorsque les circonstances traduisent une intention de nuire, une légèreté blâmable ou une témérité dans l'introduction de l'action en justice ou l'exercice du droit d'appel ;

Aucune des circonstances particulières de l'espèce ne caractérise de faute imputable aux consorts X....

Les demandes seront donc rejetées.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Il n'apparaît pas inéquitable au regard des éléments de l'espèce et notamment du fait que les consorts X... n'ont pas perçu le solde du prix de cession de la société Col Claudine de laisser aux intimés la charge des frais qu'ils ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens. Les demandes seront en conséquence rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

INFIRME le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 3 février 2017 en ce qu'il a constaté la prescription de l'action intentée par Franck, Anne-Marie et Claera X...,

LE CONFIRME en ce qu'il a dit leur action irrecevable pour défaut de préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers,

REJETTE les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE in solidum Franck X..., Anne-Marie X... et Clara X... aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La Greffière La Présidente

Hanane AKARKACH Michèle PICARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 17/12684
Date de la décision : 24/01/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°17/12684 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-24;17.12684 ?
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