Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 11 FÉVRIER 2019
(n° , 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/16755 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4AS2
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Juillet 2017 -Tribunal de Commerce de PARIS 04 - RG n° 2015037288
APPELANTE
SA SEM NIEVRE ENERGIES d'économie mixte
Ayant son siège social [Adresse 1]
[Adresse 1]
N° SIRET : 790 026 231
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Représentée par Me François MUSEREAU, avocat au barreau de POITIERS
INTIMEES
SARL ABO WIND
Ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : 441 291 432
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Société ABO WIND AG, société de droit allemand
Ayant son siège social [Adresse 3]
[Adresse 3]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Société ABO INVEST AG, société de droit allemand
Ayant son siège social [Adresse 3]
[Adresse 3]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
SAS FERME EOLIENNE DE CLAMECY
Ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : 513 060 376
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentées par Me Marie-Catherine VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
Représentées par Me Gilles GASSENBACH de la SELAS-CGR, avocat au barreau de PARIS, toque : P238
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 Décembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Cyrielle BURBAN, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La société Ferme Eolienne de Clamecy exploite un parc éolien composé de six aérogénérateurs implantés sur le territoire des communes de [Localité 1] et [Localité 2] dans la Nièvre.
Cette société a été constituée par la SARL Abo Wind et les sociétés de droit allemand Abo Wind Invest AG et Abo Wind AG.
Au cours de l'année 2011, les sociétés du groupe Abo Wind et le Syndicat Intercommunal Energie d'Equipement d'Environnement de la Nièvre (SIEEEN) puis la SEM Nièvre Energies (ci-après dénommée SEM NE), à compter de novembre 2012, constituée pour la réalisation de cette opération, ont ouvert des pourparlers en vue d'une prise de participation de la SEM NE au sein de la société Ferme Eolienne de Clamecy.
Les discussions ont été marquées dans un premier temps par un désaccord entre les souhaits de la SEM Nièvre Energies et les perspectives de rentabilité annoncées par le groupe Abo Wind.
Celui-ci a fait une proposition plus favorable par courriel du 31 mai 2013 garantissant une rentabilité annuelle de 8 %. Ces conditions ont été reprises à un « protocole d'investissement » signé les 6 et 11 juin 2014 qui comprenait des conditions suspensives qui devaient être levées au plus tard le 30 juin 2014.
Les parties ont signé un avenant le 27 juin 2014 modifiant des modalités de financement et réitéré des conditions suspensives pour les 27 et 30 juin 2014.
Les parties ne sont pas mises d'accord sur les modalités exactes du versement des fonds par la SEM Nièvre Energies et les fonds n'ont pas été déposés le 27 juin 2014.
Les parties ont durant le mois de juillet, à nouveau ajusté les conditions financières de l'accord, la SEM Nièvre Energie acceptant une nouvelle prise en charge de frais. Une nouvelle date butoir était fixée au 30 septembre 2014.
Estimant que les accords étaient devenus caducs, le groupe Abo Wind a fait une nouvelle proposition à la SEM Nièvre Energies, ramenant la garantie de rentabilité à 4 %.
Considérant que le groupe Abo Wind avait manqué à ses engagements contractuels et engagé sa responsabilité, la SEM Nièvre Energies a, par exploits d'huissier des 03 et 05 juin 2015, assigné les sociétés Abo Wind, ABo Wind AG Abo Invest AG et la SAS Ferme Eolienne de Clamecy devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir constater que les sociétés Abo Wind et Abo Wind AG avaient unilatéralement et abusivement rompu le contrat conclu les 6 et 11 juin 2014, aux fins de résolution de celui-ci en tant que de besoin et aux fins de condamnation in solidum des sociétés Abo Wind et Abo Wind AG à lui payer la somme de 2 665 377 euros à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 12 juillet 2017, le tribunal de commerce de Paris a :
- dit la SAS Ferme Eolienne de Clamecy hors de cause,
- dit que le protocole signé les 06 et 11 juin 2014 est nul,
- débouté la société anonyme d'économie mixte Nièvre Energies de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la société anonyme d'économie mixte Nièvre Energies à payer à la SARL Abo Wind la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus,
- condamné la société anonyme d'économie mixte Nièvre Energies aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 152,10 euros dont 25,13 euro de TVA.
Le Tribunal a estimé que le consentement des sociétés Abo Wind avait été extorqué par violence en raison des menaces illégitimes dont elle avait fait l'objet par courriel du 25 avril 2013 émanant du directeur général des services de la ville de [Localité 1]-Oise et courrier du 10 mai 2013 émanant du président du conseil d'administration de la société Nièvre Energies.
La SEM Nièvre Energies a relevé appel de ce jugement le 28 août 2017.
Par conclusions signifiées le 24 novembre 2017, la SEM Nièvre Energies demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en son appel, de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de débouter les sociétés Abo Wind, Abo Wind AG, Abo Wind Invest et Ferme Eolienne de Clamecy de toutes leurs demandes.
Elle prie la cour de :
- juger que la SARL Abo Wind et la société Abo Wind AG ont unilatéralement et abusivement rompu le contrat conclu avec la SEM Nièvre Energies les 06 et 11 juin 2014.
- prononcer en tant que de besoin, la résolution du contrat aux torts exclusifs de la SARL Abo Wind et de la société Abo Wind AG.
- condamner in solidum la SARL Abo Wind et la société Abo Wind AG à payer à la société Nièvre Energies la somme de 2 665 377 € à titre de dommages et intérêts.
- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans les revues « le courrier des maires et des élus locaux » et « la gazette des communes », aux frais de la SARL Abo Wind, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à la SARL Abo Wind.
Elle sollicite la condamnation in solidum de la SARL Abo Wind et la société Abo Wind AG à lui payer la somme de 60 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel et autoriser Maître Matthieu Boccon Gibod Lexavoué Paris Versailles à poursuivre directement le recouvrement des frais dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision, dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions signifiées le 16 janvier 2018, la SARL Abo Wind, la société Abo Wind AG, la SAS Ferme Eolienne de Clamecy et la société Abo Invests AG demandent à la cour, à titre principal, de confirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions et, à titre subsidiaire, si la cour considérait que leur consentement n'avait pas été vicié de :
- mettre hors de cause la société Ferme Eolienne de Clamecy,
- juger que le protocole d'investissement conclu entre les parties le 6 juin 2014 et son avant du 27 juin 2014 sont caducs en raison de la non réalisation des conditions suspensives dans les délais contractuellement prévus et juger, en conséquence, que les sociétés intimées n'ont pas rompu le contrat litigieux et ne l'ont pas davantage prorogé ;
- à titre très subsidiaire, si la cour considérait comme nulle car potestative la condition du versement des fonds de la SEM NE sur un compte bloqué, en application de l'article 6 du protocole litigieux et de ses avenants, de juger que les obligations qui la sous-tendent sont dès lors dépourvues de cause de sort que les obligations incombant aux sociétés Abo Wind sont nulles et de nul effet.
- à titre très très subsidiaire de juger que la société appelante ne justifie nullement du préjudice qu'elle allègue et de la débouter de l'ensemble de ses demandes.
Elles sollicitent, en tout état de cause, la condamnation de la société Nièvre Energies à leur payer la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction est intervenue par ordonnance du 19 novembre 2018.
SUR CE,
Sur la mise en cause de la société Ferme Eolienne de Clamecy
Le SEM NE soutient que c'est à tort que le tribunal a mis hors de cause la Ferme Eolienne de Clamecy alors que sa présence comme celle d'Abo Wind Invest est nécessaire en raison de la demande de résolution judiciaire du contrat auquel elles étaient parties.
Ceci étant exposé, si aucune demande n'est formée à l'encontre de la société Ferme Eolienne, force est de constater que sa mise en cause était nécessaire en raison de la demande de résolution judiciaire du contrat auquel elle était partie.
Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
Sur la demande de nullité du contrat
La société Nièvre Energies expose que l'accord signé par les parties prévoyait la cession à son profit des actions détenues par la SARL Abo Wind et la société Abo Wind AG dans la société Ferme Eolienne de Clamecy au prix de 700 000 euros ainsi que le prêt par la société SEM Nièvre Energies de la somme de 651 000 euros par apport en compte courant au bénéfice de la société Ferme Eolienne de Clamecy qui devait immédiatement reverser cette même somme au profit de la société SARL Abo Wind ; que cet accord était conclu sous diverses conditions suspensives.
Elle soutient que la SARL Abo Wind et la société Abo Wind AG ont refusé d'exécuter le contrat et l'ont rompu unilatéralement et de mauvaise foi de sorte qu'elle est bien fondée à être indemnisée du préjudice qu'elle a subi ; que les sociétés Abo Wind ont donné leur consentement de manière libre et éclairée dès lors qu'il n'est nullement établi qu'elles auraient subi la moindre violence de nature à vicier leur consentement.
Elle fait valoir que les courriers des 25 avril et 10 mai 2013 ne suffisent pas à établir l'existence de menaces illégitimes ayant fait craindre aux sociétés Abo Wind d'exposer leur fortune à un mal considérable et présent ; qu'ils relèvent uniquement de la négociation des modalités et du prix de cession ou de la remise en cause de la rentabilité du projet ; qu'elle avait l'obligation d'informer ses associés et que l'expression « l'ensemble des collectivités territoriales » désignait uniquement les collectivités locales et non nationale ; que les conditions financières et notamment de garantie de rendement dont les sociétés Abo Wind prétendent qu'elles leur auraient été imposées, ont été en réalité proposée par ces dernières ; que le taux de rentabilité de 8 % a été proposé par la société Abo Wind elle-même dès le 17 février 2013 et réitérée les 26 avril et 17 mai 2013 ; que ce taux a été accepté par la HSN Nordbank.
Elle soutient que la qualité de professionnel de la société Abo Wind et l'assistance de conseils financiers et juridiques excluent nécessairement l'existence d'un vice du consentement.
Les intimées soutiennent que la société Nièvre Energies les a contraintes, par le biais de menaces illégitimes contenues dans les e-mails transmis les 25 avril et 10 mai 2013 respectivement par Monsieur [K], directeur général des services de la ville de [Localité 1] et ayant agi pendant les négociations en tant que représentant de la commune de [Localité 1] et de la communauté de communes des Vaux d'Yonne, tous deux actionnaires de la SEM NE, et Monsieur [J] à savoir la menace de suspension des accords définitifs concernant les aménagements de voirie nécessaires à l'acheminement des éoliennes, autorisations indispensables à la réalisation du projet, menace qui s'apparente aux infractions de corruption passive et de trafic d'influence et celle de voir diffuser son refus de prendre en considération la contre-proposition de la société Nièvre Energies auprès de l'ensemble des collectivités territoriales, des structures impliquées dans le développement et la promotion des énergies renouvelables et citoyennes ce qui aurait porté atteinte à sa réputation par dénigrement et à obérer son activité future, la contraignant ainsi à accorder à la SEM Nièvre Energies une garantie de rentabilité de 8 % sur l'investissement qu'elles n'auraient jamais consenti, ce taux ne constituant qu'un objectif, cette dernière devant accepter le risque inhérent à la qualité d'associé.
Elle ajoute que ces courriers ne relèvent pas uniquement de la négociation des modalités et du prix de cession ou de la remise en cause de la rentabilité du projet mais de man'uvres illégitimes destinées à faire pression sur elles, voire de chantage ; que l'appelante n'avait pas le droit de communiquer sur le contenu du protocole, ce dernier contenant une clause de confidentialité.
Elles font valoir que la qualité de professionnel des sociétés Abo Wind et leur expérience de négociations ne privent pas les menaces exercées par la SEM Nièvre Energies de leur caractère déterminant dans la mesure où, sauf à exercer des recours dont la durée aurait risqué de compromettre définitivement la réalisation du parc éolien, les intimées étaient impuissantes face au pouvoir détenu par la commune de [Localité 1] d'ailleurs présente dans la SEM Nièvre Energies ; que c'est parce qu'elles sont des professionnelles du développement de parcs éoliens qu'elles savent impossible de mener des projets à terme sans l'accord et l'appui des collectivités territoriales concernées ; que c'est la communauté de communes à laquelle appartient la commune de [Localité 1] qui a accompagné le projet dans l'ensemble des démarches administratives pour créer notamment une zone de développement et une révision du POS pour en permettre la construction.
Elles indiquent qu'elles n'ont jamais envisagé, avant les pressions, de garantir à l'appelante la rentabilité du projet à hauteur de 8 % ; que ce taux a été présenté comme un objectif et non comme une garantie.
Ceci étant exposé, il y a violence selon l'article 1112 du code civil, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, lorsqu'elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable et qu'elle peut lui inspirer la crainte d'exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent.
En l'espèce, la menace d'informer « des collectivités territoriales et des structures impliquées dans le développement et la promotion des énergies renouvelables et citoyennes » contenue dans le courrier du 10 mai 2013 n'est pas constitutive de la violence telle que visée à l'article 1112 comme n'étant pas de nature à impressionner ou à faire craindre à la société, professionnelle avertie, un mal considérable de nature à vicier son consentement.
Si le courrier du 25 avril 2013 constitue une menace illégitime en ce sens qu'il conditionne les accords définitifs concernant les aménagements de voirie nécessaires à l'acheminement des éoliennes à l'accord financier et technique du projet éolien et une violence puisque, la réalisation de cette menace aurait mis le projet éolien en grande difficulté, force est de constater que d'une part, le taux de 8 % dont les intimées prétendent qu'il leur a été imposé, avait été proposé par la société Abo Wind dans son courrier du 17 février 2013 et d'autre part, le protocole les 06 et 11 juin 2014 comportant cette garantie de 8 %, dispose en son préambule, page 4 que la mise en service industriel du parc éolien est intervenue le 28 novembre 2013 et que la dernière éolienne a été raccordée au réseau de distribution public d'électricité le 6 janvier 2014, soit antérieurement à la signature dudit protocole, de sorte que la violence avait donc cessé à ce jour, la société Abo Wind n'ayant plus à craindre un refus d'autorisation puisque toutes les éoliennes avaient été acheminées.
Les intimées ne rapportent pas preuve que leur consentement a été vicié pour violence et le jugement entrepris sera dès lors infirmé en ce qu'il a annulé le protocole.
Sur la demande subsidiaire de caducité du protocole et de son avenant
L'appelante conteste la caducité des engagements et soutient que la condition relative au virement bancaire sur un compte bloqué n'est pas une condition suspensive au sens de l'article 1168 du code civile ; qu'il existe un doute impliquant que la convention doit s'interpréter contre celui qui a stipulé et que les parties ont voulu prévoir les modalités de paiement de l'obligation de la SEM Nièvre Energie. Elle fait valoir que le versement par elle du prix des actions et du prêt constitue l'objet même de son obligation de sorte que l'obligation et la prétendue condition se confondent.
Elle indique que si la clause devait être analysée comme une condition suspensive, elle ne pourrait avoir pour objet que d'imposer à la société Nièvre Energies de justifier de la disponibilité des fonds nécessaire. Elle fait valoir que sa capacité à libérer lesdits fonds n'a jamais été contestée.
Elle ajoute qu'elle ne pouvait pas être contrainte à verser les fonds sur le compte dont les références figurent à l'article 6 de l'avenant dans la mesure où il ne s'agit pas d'un compte séquestre puisque les fonds pouvaient être débloqués sur le seul accord du conseil du groupe Abo Wind.
Elle soutient, qu'à supposer que le versement du prix sur le compte bloqué constitue une condition suspensive, cette condition est purement potestative et donc nulle.
Elle soutient également que les intimées ont accepté de proroger le délai de réalisation des conditions suspensives à la date du 30 septembre 2014 et qu'elles ont été réalisées avant cette date dans la mesure où elle a procédé au paiement d'un certain nombre de factures au titre des frais juridiques pour un montant de 124 290,16 euros.
Les intimées soutiennent que la société Nièvre Energies avait jusqu'au 30 juin 2014 pour placer le montant de l'investissement sur le compte fiduciaire bloqué établi par la société Abo SARL et qu'il n'existe aucune ambiguïté sur la qualification de condition suspensive relative à ce versement.
Elles font valoir que l'obligation de la société Nièvre Energies n'est pas le versement sur un compte bloqué du montant de l'investissement mais le versement par cette dernière aux sociétés Abo SARL et Abo AG des sommes respectives de 699 999 euros et 1 euro et le versement à la société Ferme Eolienne de Clamecy de la somme de 651 000 euros à titre de prêt d'associés et que cette obligation ne se confond pas avec la condition suspensive.
Elles ajoutent que le contrat ne prévoit pas uniquement la justification de la disponibilité des fonds nécessaires par la SEM NE Nièvre Energies mais le virement de ces fonds ; qu'à supposer que l'appelante tente de soutenir qu'elle n'a pas accepté cette stipulation de l'avenant, l'article 6 du contrat initial prévoit le dépôt des fonds sur un compte fiduciaire bloqué établi par Nièvre Energies en faveur de Abo SARL et force est de constater que la société Nièvre Energie n'a pas établi un tel compte avant le 27 juin 2014, date prévue au contrat initial.
Elles indiquent qu'une telle stipulation est valable dès lors qu'elle s'apparente à une clause de réserve de propriété en ce sens que le paiement du prix (et donc de la condition suspensive de transfert de propriété) ne dépend que de la seule volonté de l'acheteur ; que si la cour considère que la condition est purement potestative, elle devra faire application de l'article 1174 du code civil et dire que c'est l'ensemble des obligations qui doivent être annulées ce qui a pour conséquence de décharger la société Abo Wind de l'ensemble des obligations qui lui incombent.
Elles indiquent que le courrier du 03 juillet 2014 émane de la seule société Abo Wind AG et que si une proposition de prorogation des conditions suspensives avait été envisagée, elle aurait nécessité l'accord de l'ensemble des parties au contrat pour être valable, conformément à l'article 6 de l'avenant.
Ceci étant exposé, il ressort des pièces produites aux débats par les parties qu'aux termes des pourparlers ouverts en 2011, les sociétés du groupe Abo Wind et la SEM Nièvre Energies ont, par acte des 6 et 11 juin 2014 modifié par avenant du 27 juin 2014, signé un protocole d'investissement qui prévoyait la cession par les sociétés Abo Xind SARL et Abo Wind AG au bénéfice de la société SEM NE de 7 000 000 actions détenues dans le capital de la société Ferme Eolienne de Clamcey au prix de 700 000 euros et un prêt par la société Nièvre Energies de la somme de 651 000 euros par apport en compte courant au bénéfice de la société Ferme Eolinenne de Clamecy afin que cette dernière puisse rembourser avec la même somme au bénéfice de la SARL Abo Wind.
Aux termes de l'article 8 du contrat, Abo Wind SARL s'est engagée à garantir à la société Nièvre Energies un taux de rendement de 8 % par an sur son investissement. La société Abo Wind AG s'est portée caution solidaire de cet engagement de rentabilité pris par sa filiale française.
Le contrat a été conclu sous diverses conditions suspensives énumérées à l'article 6 dont celle de « justificatif de la mise à disposition de l'investissement sur un compte fiduciaire (bloqué) établi par Nièvre Energies en faveur de ABO SARL pour effectuer les paiements selon article 4.2 et 4.4. à la date de la réalisation ». Il est également prévu que les conditions suspensives devaient être réalisées au plus tard le 30 juin 2014.
Contrairement à ce que soutient l'appelante, cette condition ne se confond pas avec l'obligation même du paiement des actions et du prêt puisqu'il s'agit d'une obligation préalable de justification de la mise à disposition de l'investissement sur un compte bloqué. Elle n'est pas non plus potestative dans la mesure où la réalisation de la condition dépendait non seulement de la volonté du débiteur de cette clause mais aussi de la volonté de l'organisme bancaire sollicité.
Il appartenait donc à la SEM NE de justifier de la mise à disposition de l'investissement sur un compte fiduciaire bloqué par elle-même et non pas de justifier du versement des sommes sur un compte ouvert par Abo SARL contrairement à ce que prétendent les intimées.
Par courrier du 03 juillet 2014, la société Abo Wind a informé la SEM NE de son accord de « continuer le processus » et de lui accorder l'entrée au capital « sur la base des documents existants » sous la condition de l'établissement par la SEM NE d'un compte séquestre ou autre compte fiduciaire bloqué sur lequel la somme d'investissement sera versée, le maintien du taux de rendement de 8 %, le remboursement par la SEM NE de tous les frais d'Abo Wind pour le conseil juridique CGR dans cette affaire (48 695 euros) qui incluront les frais engendrés dans le passé et ceux à venir, le remboursement des coûts de la banque HSC pour l'entrée de la SEM NE dans le capital (waiver fees entre 5 000 et 15 000 euros), le remboursement par la SEM NE des frais du conseil juridique de la banque Watson Farley en relation avec l'accord pour l'entrée de la SEM NE au capital (probablement entre 25 000 et 35 000 euros) et le paiement de la somme de 10 000 euros par mois si « Abo Wind doit toujours investir son temps dans cette affaire ».
La société Abo Wind a accepté de proroger les conditions suspensives au 30 septembre 2014.
La prise en charge des frais par la SEM NE a été ramené par Abo Wind à « environ 200 000 euros » par courriel du 16 juillet 2014.
Par courrier du 26 juillet 2014, la SEM NE a informé la poursuite de son investissement dans le parc éolien et « acté » le principe d'une prise en charge des frais listés dans la proposition d'Abo Wind à hauteur maximum de 200 000 euros ainsi que sa volonté de clore la transaction au plus tard le 31 août 201 sur la base du protocole d'investissement dans la version du 27 juin 2014 et ses pièces annexes. Elle a indiqué qu'elle allait ouvrir un compte séquestre sur lequel seront déposées la somme de 1 351 000 euros constitué du prix des actions (700 000 euros) et le financement du compte courant (651 000 euros) et la somme des frais pris en charge par la SEM NE. Elle indique la « nécessité impérieuse d'avoir pour ce faire au préalable un exemplaire signé de l'accord final de la banque HSH Nordbank AG. ».
Par courriel du 30 juillet 2014, la société Abo Wind indique à la SEM NE avoir « confiance dans la réalisation finale de votre achat, nous allons relancer les avocats et la banque pour obtenir leurs accords. Nous proposons de viser fin septembre pour la clôture. ».
Ainsi, il résulte de ces échanges que le protocole d'investissement signé les 6 et 11 juin 2014 modifié par avenant le 27 juin 2014 n'est pas caduc et que les parties ont entendu modifier l'accord originel en le soumettant à de nouvelles conditions financières et en prorogeant le délai d'expiration des conditions suspensives au 30 septembre 2014.
La demande de caducité doit être rejetée.
Sur la rupture unilatérale et abusive du contrat
L'appelante soutient que la société Abo Wind AG a rompu le protocole conclu entre les parties les 6 et 11 juin 2014 par courrier du 25 septembre 2014 au motif que compte tenu des délais imposés par la banque, la signature des actes ne pouvait avoir lieu avant le 1er octobre 2014, délai fixé pour la validité de l'offre contenue dans son e-mail du 3 juillet 2014 et qu'elle a admis que les conditions suspensives avaient été toutes réalisées.
Elle soutient que la rupture est abusive, manifestement déloyale et contraire au principe de l'exécution de bonne foi des conventions et mérite d'être sanctionnée ; que la garantie de 8 % était un élément essentiel de son consentement dans la mesure où elle visait à assurer le rendement calculé par le groupe Abo Wind qu'elle considérait comme trop élevé et non réaliste ; que le groupe Abo Wind a fait preuve de mauvaise foi en dissimulant la position de la banque quant à la structure juridique proposée initialement, en tentant de reporter la signature définitive des actes sous divers prétextes, notamment celui de la prise en charge des frais et en prétextant des difficultés matérielles pour que la signature des actes ne puisse être réalisée au 1er octobre 2014, le tout constituant des man'uvres dolosives.
Les intimées répliquent qu'aux termes du courrier du 25 septembre 2014, la société Abo Wind a uniquement indiqué que, dans la mesure où l'offre contenue dans son courrier du 2 juillet 2014 allait arriver à expiration avant que ne puissent être signés les contrats, elle consentait à émettre une nouvelle offre d'entrée au capital en précisant cependant que la garantie de rentabilité de 8 % ne pouvait être maintenue et qu'elle n'a pas admis que les conditions suspensives avaient été réalisées.
Elles soutiennent que le protocole et son avenant étant nuls ou à tout le moins caducs, aucune rupture unilatérale ne peut leur être imputée ; celles-ci ayant uniquement continué les pourparlers sur la base de nouvelles propositions.
Elles contestent le grief de mauvaise foi qui lui est opposé par l'appelante et fait valoir que le groupe Abo Win n'a été informé du refus de la banque d'accepter la structure envisagée que le 13 juin 2014, que la question de la prise en charge des frais au-delà du montant de 200 000 euros était une exigence légitime du groupe Abo Wind ; que l'impossibilité de signer les contrats au 1er octobre 2014 n'est pas imputable au groupe Abso Wind mais à l'appelante qui a mis plus de deux mois à confirmer clairement qu'elle s'engageait à assumer la totalité des frais juridiques d'une part et à la banque qui n'a pas été en mesure, suite à l'accord de la SEM NE donné le 11 septembre 2014, de fournir le « waiver » nécessaire à la finalisation du contrat avant la date butoir du 1er octobre 2014.
Elles font valoir que c'est uniquement en raison de l'incapacité de la SEM Nièvre Energies à placer les fonds de l'investissement sur un comte bloqué que le protocole et son avenant sont devenus caducs permettant au groupe Abo Wind de rétablir le rapport de force et de proposer, dans le cadre de la poursuite des pourparlers, des conditions financières réalistes qui ne figuraient pas dans les accords.
Ceci étant exposé, il résulte des différents courriels échangés par les parties que la SEM NE a confirmé officiellement son engagement à supporter les frais et réglé les premières factures qui lui ont été présentées par la société Abo Wind ; que cette dernière a invoqué des difficultés matérielles et de temps pour que la signature des actes puisse être réalisée avant le 1er octobre 2009 comme cela était prévu ; qu'en proposant de proroger à nouveau la date de signature en conditionnant ce report à la réduction du taux de rentabilité à 4 % au lieu des 8 % convenu les sociétés Abo Wind SARL et Abo Wind AG ont bouleversé l'économie du contrat, ce qu'a légitimement refusé la SEM NE pour laquelle le taux de 8 % était une condition de l'engagement de celle-ci. En renonçant à finaliser l'accord des parties, les sociétés Abo Wind SARL et Abo Wind AG ont rompu de manière abuse le contrat.
Sur les préjudices invoqués par la SEM NE Nièvre Energies
- la perte de rentabilité
L'appelante sollicite l'allocation de la somme de 2 161 600 euros en réparation du gain manqué qui équivaudrait à la garantie de 8 % sur l'investissement de 1 351 000 euros pendant 20 ans. Elle soutient qu'il n'y a pas lieu de déduire de cette somme le montant de l'investissement puisque la contrepartie de celui-ci aurait été représenté par les parts sociales acquises.
Les intimées répliquent qu'il convient de déduire de cette somme le montant de l'investissement car la propriété des parts sociales et, partant, la rentabilité y étant attachée, ne pouvait être acquise qu'en contrepartie de l'investissement d'un montant de 1 351 000 euros. Elle ajoute que compte tenu de l'endettement de la société, la valeur des parts était égale à zéro et que personne ne peut donc savoir quelle aurait pu être cette valeur dans les années futures.
Ceci étant exposé, le préjudice subi par la SEM NE ne peut être que la perte de chance de percevoir la garantie de 8 % qu'elle aurait été en droit d'obtenir sur l'investissement de 1 351 000 euros pendant 20 ans. Il n'y a pas lieu de déduire le montant de l'investissement dont la contrepartie aurait été représentée par les parts sociales.
Cette perte de chance sera évaluée à 30 % de la rentabilité, soit 30 % (1 351 000 euros x 8 % x 20), soit 30 % x 2 161 600 euros = 648 480 euros.
- les frais engagés
La SEM NE sollicite l'indemnisation des frais engagés pour la négociation de la prise de participation dans le capital se décomposant à hauteur de la somme de 123 046,03 euros.
Ceci étant exposé, les frais engagés pour la négociation du protocole sont antérieurs à la rupture du protocole par les sociétés Abo Wind et ne sauraient constituer un préjudice indemnisable ; ces derniers seraient restés à la charge de la SEM NE dans l'hypothèse de la finalisation du protocole.
- les frais liés au management du projet
La SEM NE sollicite l'indemnisation des frais liés au management du projet par la direction et les services supports SIEEEN à hauteur de 80 731,75 euros.
Les frais engagés pour la négociation du protocole sans antérieurs à la rupture du protocole par les société Abo Wind et ne sauraient constituer un préjudice indemnisable ; ces derniers seraient restés à la charge de la SEM NE dans l'hypothèse de la finalisation du protocole.
- l'atteinte à l'image
La SEN NE sollicite l'indemnisation de ce chef de préjudice à hauteur de la somme de 150 000 euros. Elle fait valoir que le parc éolien a été implanté et est exploité grâce au soutien des collectivités territoriales et associations fédérées par elle-même comme cela avait été souligné lors de l'inauguration ; que l'échec de ce projet tout à fait novateur en ce qu'il permettait d'associer des citoyens au développement d'énergies nouvelles et renouvelables aura indéniablement des répercussions sur l'image des collectivités publiques en général et de la SEM NE en particulier.
La SEN NE ne justifie pas de l'atteinte à son image qui, en l'état est hypothétique. Elle sera déboutée de cette demande.
- le coût d'immobilisation de la somme de 1 351 000 euros et la perte de la plus -value latente
La SEN NE fait valoir qu'ayant vocation de porter financièrement des projets de production d'énergie renouvelable, elle aurait eu intérêt à réaliser l'investissement fait dans le parc de [Localité 1] pour contribuer au développement d'un autre projet et poursuivre sa mission en valorisant son investissement ; qu'au vu du business plan établi par ses conseils, la Ferme Eolienne de Clamecy dégage un résultat net de 550 226 euros par an en moyenne sur les 15 premières années, soit, pour la participation de 35 % de la SEM : 192 579 euros ; que la perte de plus-value latente est au moins égale à 150 000 euros.
Ainsi que le soutiennent les intimées, la SEN NE ne rapporte pas la preuve que la non réalisation de l'accord aurait nui à ses projets futurs ni de l'impossibilité de réaliser d'autres projets.
La SEN NE ne justifie pas de l'immobilisation de la somme de 1 351 000 euros et ne peut à la fois solliciter la plus-value latente qui aurait pu résulter de la cession des parts de la Ferme Eolienne de Clamecy et la rentabilité liée à la propriété desdites parts.
Elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts présenté de ces chefs.
Sur la demande de publication
La SEN NE ne justifie pas que la publication de l'arrêt à intervenir constituerait une juste réparation du préjudice qu'elle a subi et qui sera réparé par l'allocation de dommages et intérêts. Elle sera déboutée de ce chef de demande.
Les sociétés Abo Wind SARL et Abo Wind AG, parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile seront condamnées solidairement aux dépens de première instance et d'appel et déboutées de leurs demande d'indemnité de procédure. Elles seront condamnées in solidum, sur ce fondement, à payer à la SEN NE la somme de 30 000 euros.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
INFIRME le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 12 juillet 2017 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
DEBOUTE la SARL Abo Wind, la société Abo Wind AG, la SAS Ferme Eolienne de Clamecy et la société Abo Invests AG de leur demande de nullité et de leur demande de caducité du protocole conclu avec la SEM Nièvre Energies ;
DIT que les sociétés Abo Wind SARL et Abo Wind AG ont rompu de manière abusive le contrat conclu avec la SEM Nièvre Energies ;
CONDAMNE in solidum les sociétés Abo Wind SARL et Abo Wind AG à payer à la SEM Nièvre Energies la somme de 648 480 euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
DEBOUTE la société SEM Niève Energies de sa demande de publication ;
CONDAMNE solidairement les sociétés Abo Wind SARL et Abo Wind AG aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Matthieu Bocco Gibod Lexavoué Paris Versailles, conformément aus dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la SARL Abo Wind, la société Abo Wind AG, la SAS Ferme Eolienne de Clamecy et la société Abo Invests AG de leur demande d'indemnité de procédure ;
CONDAMNE in solidum les sociétés Abo Wind SARL et Abo Wind AG à payer à la SEM Nièvre Energies la somme de 30 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS