Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 11 FÉVRIER 2019
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/17287 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4CMY
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Novembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 15/13066
APPELANTS
Monsieur [G] [H]
Demeurant [Adresse 2]
[Adresse 6]
né le [Date naissance 1] 1952 à Arménie
Madame [N] [M] épouse [H]
Demeurant [Adresse 2]
[Adresse 6]
née le [Date naissance 4] 1955 à [Localité 7]
Représenté-es par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Représenté-es par Me Christophe MOREL, avocat au barreau de GRASSE, substitué par Me Marc PHILIPS, avocat au barreau de GRASSE
INTIME
MONSIEUR LE DIRECTEUR GÉNÉRAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS
Pôle Fis
Ayant ses bureaux [Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Guillaume MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430
Représenté par M. [T] [I], inspecteur des finances publiques, en vertu d'un pouvoir spécial
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 Décembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère
qui en ont délibéré,
un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Edouard LOOS dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Cyrielle BURBAN, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
M. et Mme [H] résident [Adresse 2].
Ils sont non résidents au sens de la législation fiscale. Ils ont souscrit une déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en France concernant leurs actifs détenus en France au titre de l'année 2012 par lettre du 12 septembre 2012. Ils se sont acquittés de l'ISF 2012 le 12 septembre 2012 sur le compte bancaire du service des impôts des particuliers des non-résidents pour le montant de 142 872 euros.
La recette des impôts des non résidents a émis un avis de mise en recouvrement du 15 février 2013 faisant état d'une créance en matière d'ISF de 142 872 euros en droits et de 29 145 euros de pénalités, soit un montant total de 172 017 euros.
Par réclamation contentieuse en date du 23 décembre 2014 reçue le 29 décembre 2014, M. et Mme [H] ont sollicité de 1'administration fiscale l'annulation de l'avis de mise en recouvrement du 15 février 2013, le remboursement de l'ISF 2012 et de la CEF 2012 acquittés 1e 12 septembre 2012 pour un montant total de 437 683 euros ainsi que le bénéfice du sursis de paiement jusqu'a l'obtention d'une décision définitive à concurrence des majorations appliquées de 29 145 euros au titre de l'avis de mise en recouvrement susvisé.
M. et Mme [H] n'ont pas reçu de réponse dans le délai de six mois à compter de leur réclamation contentieuse.
Par acte du 19 octobre 2015, les M. et Mme [H] ont fait assigner la direction générale des finances publiques en contestation et remboursement de l'ISF qu'ils ont acquitté .
* * *
Vu le jugement prononcé le 17 novembre 2016 par le tribunal de grande instance de Bobigny qui a :
- Annulé l'avis de mise en recouvrement N° B314A05 2 45474 31/01/2013 05137 en ce qui concerne les droits dus an titre de l'ISF 2012 pour le montant de 142 872 euros ;
- Débouté M. et Mme [H] de leurs autres demandes ;
- Condamné la Direction générale des finances publiques à payer à M. et Mme [H] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné 1a Direction générale des finances publiques aux dépens.
Vu l'appel de M. et Mme [H] le 11 septembre 2017,
Vu les conclusions conclusions signifiées le 6 novembre 2018 par M. et Mme [H],
Vu les conclusions signifiées le 12 novembre 2018, par directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de Paris (DRFIP)
Les époux [H] demandent à la cour de statuer ainsi qu'il suit :
- Réformer le jugement du 17 novembre 2016 en ce qu'il a jugé les dispositions de l'article
885 T ter du code général des impôts CGI conformes aux dispositions du traité instituant la communauté européenne ;
- Statuant à nouveau, dire et juger que les dispositions de l'article 885 T ter du CGI sont non conformes aux dispositions du traité instituant la communauté européenne dans la mesure où elles constituent une restriction aux mouvements de capitaux en provenance d'Etats tiers ;
- Ordonner en conséquence le dégrèvement et le remboursement de l'ISF acquitté à tort par
Monsieur et Madame [H] au titre de l'année 2012 et la contribution exceptionnelle 2012 pour un montant total de 437 683 euros et le dégrèvement des majorations correspondantes ;
- Condamner la Direction générale des Finances Publiques, Direction des résidents à l'étranger et des services généraux à payer à Monsieur et Madame [H] la somme de 3 000,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner la Direction générale des Finances Publiques, Direction des résidents à l'étranger et des services généraux aux entiers dépens.
Le DRFIP demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :
- Dire et juger M et Mme [H] mal fondés en leur appel du jugement rendu le 17 novembre 2016 par le Tribunal de grande instance de Bobigny,
- Les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- Condamner M et Mme [H] aux entiers dépens de l'instance,
- Rejeter la demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
SUR CE,
Considérant que l'article 885 T Ter du Code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'espèce dispose que :
« Les créances détenues, directement ou par l'intermédiaire d'une ou plusieurs sociétés interposées, par des personnes n'ayant pas leur domicile fiscal en France, sur une société à prépondérance immobilière mentionnée au 2° du I de l'article 726, ne sont pas déduites pour la détermination de la valeur des parts que les personnes détiennent dans la société » ;
Que l'article 63 (ex article 56 TCE) du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dispose que :
« 1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites » ;
Que l'article 65 (ex-article 58 TCE) du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dispose que :
« L'article 63 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les États membres :
a) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis ;
b) de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale ou en matière de contrôle prudentiel des établissements financiers, de prévoir des procédures de déclaration des mouvements de capitaux à des fins d'information administrative ou statistique ou de prendre des mesures justifiées par des motifs liés à l'ordre public ou à la sécurité publique ».
Considérant que M. et Mme [H] prétendent que les dispositions de l'article 885 T ter du Code général des impôts seraient contraires au principe de libre circulation des capitaux comme créant une distinction entre les résidents et non-résidents victimes d'une discrimination; que les résidents, pour évaluer la valeur vénale des titres d'une société à prépondérance immobilière, peuvent déduire de l'actif la totalité des créances que les associés détiennent sur la société alors que les non-résidents ne peuvent pas prendre en compte ces créances ; qu'ils soutiennent que cette différence de traitement ne pourrait être justifiée par l'objectif de lutte contre l'évasion fiscale étant donné que la restriction à la libre circulation des capitaux serait disproportionnée par rapport à cet objectif , peu important que les non-résidents puissent être favorisé dans d'autres circonstances notamment par le fait que les placements financiers des non-résidents ne rentrent pas dans l'assiette de l'ISF ; qu'en l'absence de cette différence de traitement la valeur des parts sociales détenues qu'ils détiennent aurait été nulle alors qu'elles ont été évaluées à la somme de 28 634 314 euros au 1er janvier 2012 ;
Mais considérant que la DRFIP est bien fondée à s'opposer à cette demande ;
Considérant en effet que l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit que des dérogations à la libre circulation des capitaux peuvent être opérées, si les contribuables sont dans des situations objectivement différentes, ou encore si la dérogation est fondée sur un objectif légitime avec une restriction disproportionnée ;
Considérant que, par de justes motifs que la cour adopte, les premiers ont considéré que l'article 885 T ter du CGI était conforme aux dispositions du traité instituant la communauté européenne ; que, dans la présente espèce, les contribuables résidents ou non résidents se trouvent dans des situations objectivement différentes ; qu'en effet si une personne non résidente ne peut déduire les créances qu'elle détient dans une société à prépondérance immobilière, cette créance n'est pas dans l'assiette de son ISF, en tant que placement financier au sens de l'article 885 L du CGI qui dispose que 'Les personnes physiques qui n'ont pas en France leur domicile fiscal ne sont pas imposables sur leurs placements financiers' ; qu'en revanche, pour un résident , cette créance sera comprise dans l'assiette de son ISF ; qu'il s'en déduit qu'à situation identique un non résident n'est pas plus imposé à l'ISF qu'une personne résidente ; que l'administration fiscale précise que cette différence de traitement s'inscrit dans la lutte contre les schémas d'optimisation fiscale, l'article 885 T ter du CGI poursuivant ainsi un but légitime en conformité avec les dispositions de l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
Considérant que le jugement déféré doit ainsi être confirmé y compris en ce qu'il a annulé l'avis de mise en recouvrement N° B314A05 2 45474 31/01/2013 05137 en ce qui concerne les droits dus au titre de l'ISF 2012 pour le montant de 142 872 euros puisque cette partie du jugement n'est pas contesté par l'administration fiscale qui sollicite la confirmation du jugement en son entier ;
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
REJETTE toutes autres demandes y comprise celle présentée par les époux [H] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE solidairement les époux [H] aux dépens.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS