La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/02/2019 | FRANCE | N°18/10296

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 13 février 2019, 18/10296


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 13 Février 2019

(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/10296 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6LHC



Décision déférée à la Cour : sur renvoi après cassation par arrêt en date du 21 juin 2018, d'un arrêt rendu le 07 décembre 2016 par la Cour d'Appel de PARIS (RG n°16/09517), statuant sur l'omission de statuer dans un arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 mai 2016,

sur jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 05 février 2014





APPELANT



Monsieur [C] [H]

né le [Date naissance 1] 1953 ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 13 Février 2019

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/10296 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6LHC

Décision déférée à la Cour : sur renvoi après cassation par arrêt en date du 21 juin 2018, d'un arrêt rendu le 07 décembre 2016 par la Cour d'Appel de PARIS (RG n°16/09517), statuant sur l'omission de statuer dans un arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 mai 2016, sur jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 05 février 2014

APPELANT

Monsieur [C] [H]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1]

demeurant au [Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Julie GUYON, avocate au barreau de PARIS, toque : C0414

INTIMÉE

Société EUROPE NEWS Agissant poursuite et diligences de son Co-Gérant domicilié en cette qualité audit siège

Prise en son établissement secondaire situé [Adresse 2]

sise [Adresse 3]

[Adresse 3]

N° SIRET : 343 508 750

représentée par Me Franck BLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168 substitué par Me Sébastien LEROY, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Décembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Olivier MANSION, conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bruno BLANC, président

Mme Soleine HUNTER-FALCK, conseillère

M. Olivier MANSION, conseiller

Greffière : Mme Clémentine VANHEE, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Bruno BLANC, Président et par Clémentine VANHEE, greffière présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [H] (le salarié) a été engagé à compter du 1er septembre 1999 par contrat à durée indéterminée en qualité de chroniqueur radio par la société Europe news (l'employeur).

Il a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur le 31 mai 2012.

Le salarié a saisi le conseil de prud'hommes qui, par jugement du 21 octobre 2013 a rejeté toutes ses demandes.

Ce jugement a été confirmé par arrêt du 23 mai 2016.

Sur requête en omission de statuer, la cour d'appel a, par arrêt du 7 décembre 2016, rejeté cette requête.

Cet arrêt a été cassé en toutes ses dispositions par arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 21 juin 2018.

Le salarié a saisi la cour d'appel de renvoi le 11 septembre 2018.

Il demande, au regard d'une omission de statuer de l'arrêt du 23 mai 2016, et de la nullité de la convention de forfait, paiement des sommes de :

- 58 473 € de rappel d'heures supplémentaires du 1er juin 2007 au 31 décembre 2007,

- 5 847 € de congés payés afférents,

- 112 642,51 € de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2008,

- 11 264 € de congés payés afférents,

- 101 989,53 € de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2009,

- 10 198 € de congés payés afférents,

- 101 922,55 € de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2010,

- 10 192 de congés payés afférents,

- 92 157,60 € de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2011,

- 9 215 € de congés payés afférents,

- 28 183,08 € de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2012,

- 2 818 € de congés payés afférents,

- 53 804 € d'indemnité pour travail dissimulé,

- 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

et réclame la délivrance des bulletins de salaire correspondants.

L'employeur conclut à la confirmation du jugement et sollicite paiement de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, il demande le rejet des prétentions adverses ou, à titre infiniment subsidiaire, la réduction des demandes à la somme de 329 152,66 €, avec édition d'un seul bulletin de salaire récapitulatif et soutient n'avoir jamais eu l'intention de dissimuler les heures supplémentaires réalisées par le salarié.

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties du 17 décembre 2018.

MOTIFS :

Sur l'omission de statuer :

La procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile s'applique lorsque en dépit d'une formule générale du dispositif d'une décision portant rejet des demandes, il résulte des motifs de cette décision qu'une ou plusieurs demandes n'ont pas été examinées.

En l'espèce, la salarié dans ses conclusions devant la cour d'appel demandait, pages 61 et 62, notamment de : 'constater que l'accord de réduction du temps de travail de l'UES Europe News ne répond pas aux prescriptions imposées relatives au temps de repos, aux multiples horaires et la charge de travail...de reconnaître la caractère nul de la convention de forfait imposée à M. [H] et de condamner Euro News à lui payer...un rappel d'heures supplémentaires, à titre principal et à titre subsidiaire ainsi qu'une indemnité pour travail dissimulée...'.

Dans son arrêt du 23 mai 2016, la cour d'appel, dans le dispositif, confirme le jugement en toutes ses dispositions.

Le jugement du 21 octobre 2013, saisi de ces demandes, a 'débouté' M. [H] de l'intégralité de celles-ci.

L'arrêt du 23 mai 2016 a donc rejeté les demandes du salarié sur ce point.

Il convient de rechercher si la cour a motivé ce rejet.

Il sera indiqué, d'abord, que le 'constat' demandé sur l'accord de réduction ne constitue pas une demande au sens des articles 30, 31 et 53 du code de procédure civile, de sorte que la cour n'avait pas à statuer sur ce point et que le salarié ne peut demander dans le dispositif de ses conclusions visées le 17 décembre 2018 de : 'juger que l'accord de réduction du temps de travail de l'UES Europe News ne répond pas aux prescriptions imposées relatives aux temps de repos, aux amplitudes horaires et la charge de travail', ce qui constitue une nouvelle demande.

Elle était, en revanche, saisie d'une demande de nullité de la convention de forfait signée par la salariée et de ses conséquences sur le paiement d'un rappel d'heures supplémentaires et d'une indemnité pour travail dissimulé, demandes reprises dans les conclusions précitées du 17 décembre 2018.

Il y a lieu de préciser que le conseil de prud'hommes n'a pas statué sur ces demandes dont il était pourtant saisi.

L'employeur soutient qu'il n'y a pas omission de statuer dès lors que la cour d'appel a indiqué, page 6 de son arrêt : 'que le statut de cadre autonome de ce dernier résultant de la convention individuelle de forfait qu'il a signée le 2 janvier 2001 conformément à l'accord d'entreprise du 22 décembre 2000 pris en application de l'article L. 3121-19 du code du travail prévoyait 206 jours de travail par an et l'organisation d'entretiens annuels d'évaluation ; que le statut de M. [H], qui n'était pas tenu au respect d'un horaire collectif et organisait son travail sans recevoir de consigné d'exécution, était indiscutablement en adéquation avec l'autonomie dont disposait le chroniqueur judiciaire dans le cadre de l'organisation générale de l'entreprise'.

Il en résulte que si la condition de cadre autonome a été retenue, la cour ne s'est pas prononcée sur la validité de la convention de forfait notamment au regard des règles gouvernant cette convention notamment au regard de la jurisprudence énoncée pages 44 à 49 des conclusions, la seule référence à l'accord d'entreprise pris en application de l'article L. 3121-19 ne valant pas analyse de la conformité de cette convention.

En conséquence, l'omission de statuer doit être constatée.

Sur la nullité alléguée de la convention de forfait :

Le salarié invoque cette nullité à la fois pour non-respect du cadre légal et jurisprudentiel et en raison de l'absence d'autonomie.

Sur le premier point, il sera relevé que les conventions de forfait, en heures ou en jours, doit être établi par un accord collectif et doit assurer la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires.

La carence de l'accord de branche peut être compensée par un accord'entreprise et vice versa.

De plus, l'accord doit prévoir un dispositif de suivi régulier et de contrôle.

L'accord collectif invalide entraîne la nullité de la convention de forfait.

Le non-respect par l'employeur des accords réguliers rend sans effet la convention de forfait.

En l'espèce, la cour rappelle qu'elle n'était pas saisie d'une demande d'invalidation de l'accord de réduction du temps de travail.

Cet accord signé le 22 décembre 2000 (pièce n°H1) prévoit en son article 10 la situation particulière des cadres qui font l'objet d'une convention de forfait et d'un avenant à leur contrat de travail : 'dont la conclusion sera une condition nécessaire à l'appréhension de la situation globale de la collaboration de l'entreprise et du salarié concerné'.

Cet accord a été complété par un avenant du 6 avril 2011 (pièce n°H2) dont l'article 3-2 stipule que, pour les cadres autonomes, le temps de travail annuel ne peut excéder 216 jours une fois déduits les jours de repos hebdomadaires, les jours de congés payés, les jours fériés et les jours ARTT.

Cet article ajoute que le repos hebdomadaire a une durée de deux jours et que les cadres autonomes doivent en tout état de cause respecter le repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures consécutives, sauf dérogation.

Ce forfait s'accompagne d'un contrôle du nombre de jours travaillés et la comptabilisation des journées d'absence lesquelles sont déclarées par chaque salarié et validées par les supérieurs hiérarchiques.

L'article 3-4 de cet avenant ajoute qu'en application de l'article L. 3121-46 du code du travail, pour tous les salariés en forfait jour sur l'année, un entretien annuel d'évaluation est organisé par l'employeur et porte sur : la charge de travail, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle du salarié, la rémunération du salarié.

En l'espèce, le salarié précise qu'il n'a participé à aucun entretien d'évaluation de 2005 à 2009, sachant que cet entretien n'a été mis en place qu'en 2011 pour un accord conclu en 2000.

Pour la période considérée, l'employeur ne justifie que des entretiens pour 2004, 2010 et 2011 (pièces n°22, 23 et 24).

Il en résulte un manquement de l'employeur à ses obligations légales et conventionnelles pour s'assurer, de façon effective et concrète, du temps de travail effectué par le salarié.

Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen, il convient de retenir que la convention de forfait jour est privée d'effet, ce qui rend recevable la demande d'heures supplémentaires.

Sur les heures supplémentaires :

L'article L. 3171-4 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre des heures supplémentaires, l'employeur fournit au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui des sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il appartient donc au salarié d'apporter préalablement des éléments de nature à étayer un décompte précis, à l'employeur d'y répondre, au besoin, en les contestant par des éléments probants.

En l'espèce, le salarié se réfère à un décompte, page 20 des conclusions, et renvoie à une pièce H8 indiqué 'retiré' sur le bordereau de communication de pièces.

Cependant, il précise dans une annexe sa méthodologie de chiffrage (pièce n°H6), un chiffrage des heures supplémentaires selon les pièces adverses (pièce n°H7) et un relevé des jours d'audience couverts entre janvier 2007 et mai 2012 (pièce n°H9). Cette dernière pièce étaye la demande.

L'employeur fournit une liste de jours non travaillés sur la période 2007/2012 (pièce n°54), détaille les heures supplémentaires réclamées au regard des absences et congés non déduits (pièce n°53), d'où le chiffrage de la somme admise à titre infiniment subsidiaire (pièce n°55).

Il se réfère également à l'attestation de M. [A] (pièce n°37), chef du service police/justice, qui retrace une journée de travail du salarié.

Toutefois, cette attestation ne permet pas d'exclure l'existence d'heures supplémentaires, tout comme la liste des interventions du salarié à l'antenne (pièce n°38), ou encore le planning des services d'octobre 2008 à mai 2012 (pièce n°48).

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que le salarié, sur la période correspondant à ses demandes, a effectué des heures supplémentaires mais dans une proportion moindre que celle résultant de son décompte forfaitaire.

Il sera donc alloué à l'intéressé la somme de 350 000 €, outre 35 000 € de congés payés afférents.

Sur les autres demandes :

1°) L'employeur remettra au salarié un bulletin de paie récapitulatif des heures supplémentaires accordées sur la période du 1er juin 2007 au 31 décembre 2012.

2°) L'intention de l'employeur de se soustraire aux dispositions légales sur le temps de travail n'étant pas établie, la demande d'indemnité pour travail dissimulée ne peut prospérer.

3°) La cour d'appel a déjà statué sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens, de sorte que ces demandes seront rejetées.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par décision contradictoire et dans les limites de l'omission de statuer :

Vu l'arrêt du 23 mai 2016,

- Dit que l'omission de statuer ne porte que sur les demandes de M. [H] en annulation de la convention de forfait, en paiement d'heures supplémentaires et des congés payés afférents et en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé ;

- Infirme le jugement du 21 octobre 2013 en ce qu'il a rejeté ces demandes ;

Statuant à nouveau sur ces chefs :

- Dit que la convention de forfait signée par M. [H] est dépourvue d'effet ;

- Condamne la société Europe News à payer à M. [H] la somme de 350 000 (trois cent cinquante mille) € pour les heures supplémentaires dues du 1er juin 2007 au 31 décembre 2012 et celle de 35 000 (trente-cinq mille) € au titre des congés payés afférents ;

- Rejette la demande de M. [H] en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé ;

- Dit que la société Europe News remettra à M. [H] un bulletin de paie récapitulatif portant sur le paiement des heures supplémentaires et les congés payés afférents sur la période du 1er juin 2007 au 31 décembre 2012 ;

Y ajoutant :

- Rappelle que la cour a déjà statué sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 18/10296
Date de la décision : 13/02/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°18/10296 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-13;18.10296 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award