RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 19 Février 2019
(n° , 04 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/00090 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2KAQ
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Décembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LONGJUMEAU RG n° F15/00979
APPELANTE
SAS BOUCHERIE BARAKA
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
N° SIRET : 789 121 316
représentée par Me Mohamed DIARRA, avocat au barreau d'ESSONNE
INTIME
Monsieur [T] [Z]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 1]
représenté par Me Philippe MIALET, avocat au barreau d'ESSONNE substitué par Me Maria-Claudia VARELA, avocat au barreau D'ESSONNE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Décembre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence SINQUIN, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de chambre
Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère
Madame Laurence SINQUIN, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Valérie LETOURNEUR, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Valérie LETOURNEUR, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [T] [Z] a été associé et a travaillé au sein de la société BOUCHERIE BARAKA, à compter du novembre 2012 en qualité de boucher. Il considère avoir obtenu un statut salarié à compter du 9 mai 2013, au salaire mensuel brut de 1445,42 euros, a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 8 juin 2015 et a saisi le conseil de prud'hommes.
La lettre de rupture est rédigée dans les termes suivants : « Je suis salarié dans la société SAS Boucherie Baraka en qualité de boucher depuis le 9 mai 2013.
Vous ne m'avez pas payer les salaires qui me sont dus depuis janvier 2014 à l'exception du salaire du mois de juillet 2014.
J'ai réclamé à multiples reprises mes salaires. Comme vous pouvez l'imaginer, cette situation me met dans une situation financière difficile.
J'ai cessé de travailler dans l'entreprise, à compter du 29 septembre 2014 puisque vous ne me payez pas.
Je prends acte de la rupture exclusive à vos torts et griefs à compter de ce jour et je saisis le conseil des prud'hommes de cette rupture qui s'analyse en un licenciement' »
Par jugement du 2 décembre 2016, le conseil de prud'hommes de Longjumeau a considéré que la prise d'acte s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société au paiement de :
' 5769,80 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
' 385,36 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
' 1445,42 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents,
' 4336,26 euros à titre de rappel de salaire pour la période de décembre 2014 et les congés payés afférents,
' 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les intérêts capitalisés et les dépens. Il a également ordonné la remise des documents sociaux conformes, l'exécution provisoire et a débouté les parties pour le surplus.
La société BOUCHERIE BARAKA a relevé appel de cette décision.
Par conclusions récapitulatives auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société BOUCHERIE BARAKA, considérant que Monsieur [Z] n'avait pas le statut de salarié, demande à la Cour l'infirmation du jugement sauf en ce qu'il a débouté la partie adverse de sa demande au titre des rappels d'heures supplémentaires et de travail dissimulé. Il conclut au rejet des demandes de Monsieur [Z] et à sa condamnation à 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, Monsieur [Z] sollicite la confirmation du jugement sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'indemnité légale, le préavis, les congés payés sur préavis et les rappels de salaire. Il réclame en outre la condamnation en paiement de la société à hauteur de :
' 482,33 euros de rappel de salaire pour le 2 mai 2013,
' 8653,68 euros de rappel de salaire de juin 2013 à juin 2014,
' 1445,42 euros à titre de rappel de salaire pour septembre 2014,
' 1058,14 euros au titre des congés payés afférents,
' 8384 euros d'heures supplémentaires sur la période du mois de mai 2013 à septembre 2014 et les congés payés afférents,
' 8243,45 euros de repos compensateurs,
' 2000 euros pour défaut de remise des feuilles de paye et des documents de rupture,
' 8672,52 euros d'indemnité pour travail dissimulé,
' 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les intérêts de droit capitalisés et les dépens.
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
MOTIFS
Sur le contrat de travail
Le contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée la prestation de travail. Il suppose l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. C'est à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence Il en va autrement en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient alors à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve : c'est-à-dire, concrètement, de ce que l'intéressé exerce ses fonctions en dehors de tout lien de subordination.
Lorsque le salarié détient un mandat social ( de droit ou de fait) la délivrance de bulletins de paie ne suffit pas à constituer un contrat de travail apparent. Le cumul entre mandat social et contrat de travail est possible à la condition que le contrat de travail corresponde à un emploi effectif. Il faut :
- que les fonctions salariées soient nettement distinctes de celles de mandataire,
- que l'intéressé se trouve dans une situation de subordination juridique vis-à-vis de la société,
- qu'une rémunération spécifique soit versée au titre du contrat de travail.
A l'appui de sa demande Monsieur [Z] produit des bulletins de salaire depuis le 9 mai 2013 au mois de mars 2015, une déclaration d'accident du travail, des attestations de clients ou collègues, une attestation de non salaire du 30 janvier 2013 et une déclaration unique d'embauche du 9 mai 2013. Ces éléments qui supposent l'existence d'un contrat de travail apparent sont valablement contredits par les pièces et explications adverses.
En effet, la société BOUCHERIE BARAKA produit les statuts de la société, les éléments d'une procédure arbitrale devant le tribunal de commerce d'Evry qui attestent de ce que Monsieur [Z] était associé à 50% dans la société, que des dissensions sont nés en octobre 2014 entre associés alors que Monsieur [X] en assurait la présidence tournante et que de ce conflit est né une demande d'arbitrage de Monsieur [Z] en décembre 2014.
La sentence arbitrale ne fait pas état d'une revendication de Monsieur [Z] du statut de salarié. Tout au plus considère-t-elle que Monsieur Monsieur [Z] se plaint d'être évincé des activités sociales mais indique que 's'agissant d'une relation entre associés, ce possible rapport d'influence n'apparaît pas clairement dolosif'.
Elle conclut que sur ce conflit, «Monsieur [Z] entend porter ce volet de la mésentente sur un terrain prud'homal... »
Les éléments produits par Monsieur [Z] démontrent l'existence d'une prestation de travail.
Toutefois, aucune des attestations produites ne permet de distinguer si le service rendu l'a été en qualité de salarié ou de cogérant de la société.
Le statut même de Monsieur [Z] lui permettait d'accéder aux services de la comptabilité et à ce titre pouvait obtenir des bulletins de salaire et une déclaration unique d'embauche et transmettre sa déclaration d'accident du travail avec le tampon de la société.
Ainsi, le seul critère susceptible de démontrer l'existence d'un contrat de travail reste le lien de subordination.
Aucun des éléments produits par Monsieur [Z] ne l'établit. Les pièces produites par la société BOUCHERIE BARAKA démontrent au contraire que dans le cadre de la relation de travail, Monsieur [Z] n'exécutait pas sa prestation sous l'autorité de Monsieur [X] et il n'est à aucun moment prouvé que ce dernier avait le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, de contrôler l'exécution de son travail et de sanctionner ses manquements.
Pour des raisons fiscales ou comptables qui ne sont pas expliquées, Monsieur [Z] associé, Monsieur [X] président, et Monsieur [U] second boucher, ont tous fait l'objet d'une déclaration unique d'embauche. Dans ces circonstances, cette démarche ne suffit pas à justifier de la réalité de la relation de travail salariée.
Dès lors que le contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée la prestation de travail, l'absence de toute relation de subordination démontrée entre les parties ne permet pas la qualifier de salariée.
Dans ces circonstances, les demandes relatives à la prise d'acte doivent être rejetés comme celles relatives au temps de travail et au travail dissimulé. S'agissant des demandes de rappels de salaire, la Cour statuant sur appel d'une décision prud'hommale n'a pas compétence pour statuer sur des dettes entre associés.
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement ;
DIT que la relation de travail entre Monsieur [Z] et la société BOUCHERIE BARAKA n'est pas une relation de travail salariée ;
REJETTE l'ensemble des demandes formés par Monsieur [Z] à l'encontre de la société BOUCHERIE BARAKA ;
VU l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties du surplus des demandes ;
CONDAMNE Monsieur [Z] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT