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26/02/2019 | FRANCE | N°13/10869

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 26 février 2019, 13/10869


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 26 Février 2019

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 13/10869 - N° Portalis 35L7-V-B65-BSVDA



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Juin 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/09862





APPELANT

Monsieur [U] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de M

e Laure DENERVAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0013





INTIMÉE

SARL SGE sous le nom commercial [Adresse 3]

[Adresse 4]

[Adresse 5]

représentée par Me Henri ROUCH, avo...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 26 Février 2019

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 13/10869 - N° Portalis 35L7-V-B65-BSVDA

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Juin 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/09862

APPELANT

Monsieur [U] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Laure DENERVAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0013

INTIMÉE

SARL SGE sous le nom commercial [Adresse 3]

[Adresse 4]

[Adresse 5]

représentée par Me Henri ROUCH, avocat au barreau de PARIS, toque : P0335

substitué par Me Soizic NADAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0452

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mai 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benoît DEVIGNOT, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine BEZIO, président

Madame Patricia DUFOUR, conseiller

Monsieur Benoît DEVIGNOT, conseiller

Greffier : Mme Anna TCHADJA-ADJE, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, prorogé ce jour.

- signé pour le Président empêché par Monsieur Benoît DEVIGNOT, Conseiller et par Madame Anna TCHADJA-ADJE, Greffier présent lors de la mise à disposition.

VU le jugement prononcé le 12 juin 2013 par la formation paritaire de la section commerce du conseil de prud'hommes de Paris qui a débouté [U] [K] de l'ensemble de ses demandes ;

VU l'appel interjeté par l'avocat de [U] [K] selon courrier posté le 13 novembre 2013, soit dans le délai légal d'un mois à compter de la notification du 08 novembre 2013;

VU les conclusions déposées à l'audience du 22 mai 2018, visées par le greffier et soutenues oralement, par lesquelles [U] [K] requiert la cour de :

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, laquelle résiliation emportera les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- fixer la rémunération du salarié à la somme de 4062 euros brut ;

- condamner, en conséquence, la S.A.R.L. SGE (sous le nom commercial « Les Chandelles ») à lui payer la somme de 11064 euros d'indemnité de congés payés, la somme de 5994,71 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement, la somme de 8299,87 euros de préavis, la somme de 829,99 euros de congés payés sur préavis, la somme de 96000 euros net de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 20000 euros net au titre de l'exécution fautive et déloyale du contrat de travail, la somme de 2000 euros au titre de la violation de la vie privée du fait de la présence non préalablement déclarée de caméras, la somme de 24451 euros net de préjudice subi en raison du défaut de cotisation à l'assurance chômage, la somme de 222600 euros de préjudice subi en raison du défaut de cotisation à l'assurance retraite, la somme de 23412 euros de rappel de salaire pour la période allant de septembre 2012 à mi-août 2013, la somme de 2341 euros de congés payés y afférents, la somme de 24764,15 euros d'heures supplémentaires, la somme de 2476,41 euros de congés payés y afférents, la somme de 7236,62 euros au titre des heures travaillées pendant les jours fériés, la somme de 723,66 euros de congés payés y afférents, la somme de 4650 euros au titre de la sixième semaine de congés payés, la somme de 1500 euros de préjudice subi en raison de l'absence de formation, ainsi que la somme de 24000 euros net pour travail dissimulé ;

- à titre subsidiaire, dire le licenciement nul et de nul effet ;

- à titre infiniment subsidiaire, dire que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse;

- condamner la S.A.R.L. SGE (sous le nom commercial « Les Chandelles ») à lui payer la somme de 11064 euros de congés payés, la somme de 5994,71 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement, la somme de 8299,87 euros au titre du préavis, la somme de 829,99 euros de congés payés y afférents, la somme de 4026 euros au titre de l'irrégularité de la procédure, la somme de 96000 euros net d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que la somme de 30000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- en toute hypothèse, condamner la S.A.R.L. SGE (sous le nom commercial « Les Chandelles ») à lui payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

VU les conclusions déposées à l'audience du 22 mai 2018, visées par le greffier et soutenues oralement, par lesquelles la S.A.R.L. SGE (sous le nom commercial « Les Chandelles ») sollicite que la cour :

- dise prescrite la contestation du licenciement ;

- dise que le licenciement repose sur une faute grave ;

- déboute, en conséquence, [U] [K] de l'ensemble de ses prétentions ;

- condamne [U] [K] au paiement de la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

VU le procès-verbal de l'audience du 22 mai 2018 en formation de conseiller rapporteur, les deux parties présentes ou représentées ;

VU les autres pièces de la procédure et celles produites par les parties ;

VU les articles L.1121-1, L.1152-1 et suivants, L.1154, L.1222-1, L.1232-1 et suivants, L.1234-1 et suivants, L. 1235-1 et suivants, L.3121-11 et suivants, L.3122-42, L.3141-22, L.3171-4, L.6321-1, L.8223-1, L.8225-1 et R.1452-1 du code du travail, ainsi que l'article 1184 du code civil, dans leur rédaction alors applicable ;

Considérant que [U] [K] a été embauché, sans contrat écrit, à compter du 10 novembre 1999 par la S.A.R.L. SGE (sous le nom commercial « Les Chandelles »), club privé libertin sis à [Localité 1] ;

Que, selon avenant du 1er mai 2007, la durée du travail du salarié a été fixée à 39 heures et la rémunération portée à un montant de 2106,84 euros brut par mois, outre les repas ;

Qu'à la lecture des bulletins de salaire à compter du 1er janvier 2011, [U] [K] a occupé un emploi d'animateur au sein de l'établissement ;

Que la convention collective applicable à la relation de travail a été celle des hôtels, cafés et restaurants ;

Que, dans le courant de l'année 2011, [U] [K] a refusé d'accepter un avenant définissant plus précisément ses tâches et ses horaires de travail, ainsi que réduisant la durée du travail à 151,67 heures ;

Considérant qu'à la suite d'une enquête de police et par décision du 23 janvier 2012 du Préfet de police de [Localité 1], l'établissement « Les Chandelles » a fait l'objet d'une fermeture administrative d'une durée de trente jours, motif pris de l'existence d'une activité prostitutionnelle organisée dans cet établissement par trois mis en cause, un homme et deux recruteuses, qui présentaient des prostituées à des clients au sein du club, en échange de commissions variant de 100 à 200 euros par escorte ou par soirée, étant, par ailleurs, souligné que le personnel n'ignorait pas l'existence de ces prostituées et tolérait leur présence, les employés ayant indiqué que les jeunes femmes permettaient d'assurer une fréquentation soutenue du lieu ;

Considérant que, précédemment, par courrier du 09 janvier 2012, la gérante de la S.A.R.L. SGE avait demandé à [U] [K] une explication par écrit et notamment s'il était au courant des faits ;

Que, par une note du 22 février 2012, la gérante a enjoint au personnel de l'informer par écrit de toute anomalie constatée, en particulier en cas de venue d'une prostituée ;

Considérant que, par courrier du 10 juillet 2012, [U] [K] s'est plaint à son employeur de ses conditions de travail, notamment du caractère éprouvant de l'enquête de police et de sa convocation, du manque de soutien de la gérante qui cherchait, selon lui, à se dédouaner, de l'absence de contrat de travail écrit, de la dégradation de son moral et de sa santé, ainsi que de l'obligation de prendre quinze jours de congé sans solde ;

Que, dans le même courrier, [U] [K] a sollicité l'annulation du congé sans solde, le bénéfice d'un suivi médical renforcé, l'annulation d'un avertissement du 19 juillet 2011 pour retards, l'officialisation ou le retrait de la caméra installée au-dessus du restaurant, le recrutement de plusieurs extras pour le mois d'août, ainsi que la fin de la pratique consistant à ne pas déclarer la moitié de sa rémunération ;

Que, par lettre du 06 août 2012, la direction a répondu au salarié être particulièrement satisfaite de son travail ;

Considérant que, le 06 septembre 2012, [U] [K] a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail ;

Considérant que, par courrier du 20 novembre 2012, [U] [K] s'est plaint auprès de sa direction d'une dégradation très sensible de ses conditions de travail depuis l'introduction de la procédure judiciaire avec pour conséquence l'aggravation de son état psychologique et de son état de santé en général ;

Que, par lettre du 27 décembre 2012, la gérante a indiqué à [U] [K] avoir eu particulièrement confiance en lui, mais être désormais déçue, son comportement ayant changé ;

Considérant que, par courrier du 25 juillet 2013, la S.A.R.L. SGE (sous le nom commercial « Les Chandelles ») a convoqué [U] [K] le 02 août 2013 à un entretien préalable au licenciement ;

Que, par lettre du 07 août 2013, [U] [K] a été licencié pour faute grave, pour les motifs suivants :

« (') 1-refus des instructions

Pendant la procédure, nous avions communiqué un certain nombre d'attestations non seulement de vos collègues mais également de clients de notre établissement par lequel il résultait de votre part que vous refusiez de vous rendre dans les salons et les sanitaires et que le barman était obligé de vous suppléer, que vous aviez un comportement totalement détaché en ne saluant quasiment plus la clientèle, en n'assurant plus la sécurité de la clientèle.

A plusieurs reprises, nous vous avons demandé de modifier votre attitude en vous rappelant les obligations qui sont les vôtres dans le cadre de votre contrat de travail.

Or, force est de constater qu'aujourd'hui :

- vous ne montez plus à l'accueil pour voir si l'on a besoin de vous,

- vous ne vous occupez plus du tout du bien être dans les salons,

- vous entassez la vaisselle au bar en ne la montant pas au restaurant,

- vous restez adossé au mur pratiquement toute la soirée entre l'espace buffet et l'espace salons,

- vous ignorez le client,

- en un mot : « Vous faites le minimum du minimum ».

Il est manifeste que vous avez une attitude provocante refusant de suivre les instructions que nous vous donnons.

2 ' Dénigrement

Plusieurs clients de notre établissement nous ont indiqué à plusieurs reprises que vous aviez dénigré ironiquement le club et la clientèle et ce, plus grave pendant votre travail.

3-Menaces (')

Il est bien évident que l'ensemble de ces faits contraires à l'éthique de la Société ne permet pas de vous conserver au sein de notre entreprise. (') « ;

1°/ Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

Considérant que le salarié peut obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail lorsque l'employeur ne respecte pas ses obligations contractuelles et que le manquement commis par celui-ci est suffisamment grave pour rendre impossible la poursuite de l'exécution du contrat ;

Considérant que, lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande en résiliation du contrat était justifiée ;

Considérant qu'en l'espèce, au soutien de sa demande, [U] [K] affirme, en premier lieu, avoir perçu, comme le reste du personnel, la somme en espèces de 1420 euros par mois, en plus de son salaire déclaré d'un montant de 2106,85 euros brut ;

Qu'il ajoute que cette part de rémunération en espèces a été supprimée le concernant à compter du mois de septembre 2012 ;

Considérant que l'employeur conteste ces faits ;

Considérant que [U] [K] verse aux débats diverses attestations dont il ressort qu'il percevait habituellement la moitié de sa rémunération en espèces (attestations [G], [Y], [I], [W], [P] et [H]) ;

Que, si deux de ces témoins ([Y] et [H]) ont été ou sont en litige avec la S.A.R.L. SGE (sous le nom commercial « Les Chandelles »), force est de constater que leurs attestations ne sont pas isolées ;

Que, dans une autre attestation, [W] [J] rapporte que la gérante de l'établissement se vantait souvent d'avoir privé [U] [K] d'une partie de sa rémunération, à savoir la fraction non déclarée d'un montant de 1400 euros ;

Considérant que, toutefois, l'employeur produit des attestations tout aussi nombreuses, selon lesquelles les salariés de l'entreprise ne percevaient pas de rémunération cachée et [U] [K] n'aurait jamais rien évoqué de tel (attestations [U], [E], [V], [R], [C], [S] et [M]) ;

Que, si [U] [K] justifie avoir déposé plainte pour diffamation, le 03 avril 2017, dénonçant « les attestations mensongères du personnel encore présent dans l'établissement qui atteste de leur rémunération uniquement par chèque sachant que le travail dissimulé touchait l'ensemble des salariés », il n'est justifié d'aucune suite pénale et notamment d'aucune condamnation qui donnerait crédit à sa plainte ;

Considérant que, par ailleurs, [U] [K] produit un procès-verbal de constat d'huissier du 08 avril 2013 consistant en la retranscription de trois conversations enregistrées entre prétendument la gérante de l'établissement et [E] [C] ;

Qu'en l'absence totale de garanties sur la légalité de l'enregistrement et l'identité des protagonistes, il n'y a pas lieu d'en tenir compte ;

Considérant que [U] [K] produit aussi copie d'une plainte de l'année 2014 adressée au procureur de la République à l'encontre de son employeur, ainsi que de son audition subséquente du 19 mai 2015 au commissariat de [Localité 2] ;

Que [U] [K] établit que son ancien collègue, [F] [Y], et lui-même ont déposé plainte avec constitution de partie civile respectivement les 24 février 2017 et 06 septembre 2016 devant le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Paris, notamment à l'encontre de la S.A.R.L. SGE, pour des faits de travail dissimulé et de harcèlement moral ;

Que, toutefois, l'appelant ne justifie d'aucune suite donnée à ces plaintes ;

Considérant qu'en définitive, [U] [K] ne rapporte pas la preuve du premier grief;

Considérant qu'en second lieu, [U] [K] expose avoir subi divers actes qui avaient pour objet une dégradation volontaire de ses conditions de travail ;

Considérant que l'appelant soutient ainsi que :

- l'envoi d'une lettre du 09 janvier 2012 visait à le contraindre à violer le secret de l'enquête pénale; - la procédure et l'enquête pénales n'ont donné lieu à aucun soutien ni mesure d'accompagnement ;

- il n'y avait pas de consignes relatives à la présence d' « escortes girls » au sein de l'établissement ;

- la gérante a tenté de transférer aux salariés la responsabilité de l'infraction de proxénétisme ;

Que, cependant, ces manquements de l'employeur, à les supposer établis, n'étaient pas de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail ;

Que, d'ailleurs, le salarié n'a adressé aucun courrier de protestation avant le 10 juillet 2012 ni saisi la juridiction prud'homale avant le 06 septembre 2012, soit sept à neuf mois après les faits concernés ;

Considérant que [U] [K] souligne avoir été obligé de poser des jours de congé pendant la fermeture administrative de l'établissement ;

Que, toutefois, il ressort du courrier du 06 août 2012 de la S.A.R.L. SGE (sous le nom commercial « Les Chandelles ») que la période de fermeture administrative n'a finalement pas été déduite des congés ;

Considérant que [U] [K] ne rapporte pas la preuve de menaces sérieuses de l'employeur d'engager des enquêteurs privés pour espionner la vie privée des salariés de l'établissement ;

Considérant que l'attestation [Y] ne donne qu'un exemple non daté de provocation psychologique et de propos vexants tenus par la gérante à l'égard de [U] [K] ' et encore ceux-ci n'apparaissent pas particulièrement caractérisés (« [Z] range et nettoie les sanitaires », « [Z], change les boîtes de kleenex ») ;

Que l'impartialité de l'attestation est, au demeurant, limitée par le fait que [F] [Y] est lui aussi en litige avec la S.A.R.L. SGE, son ancien employeur ;

Que [W] [J] - qui indique avoir travaillé dans l'établissement de février 2013 à août 2013- précise notamment s'agissant de [U] [K] :

«(...) J'ai été impressionné par son calme face à la pression et le harcèlement que Madame [D] exerçait sur lui.

Elle le provoquait, n'hésitait pas à le ridiculiser devant les clients, elle tapait dans ses mains pour lui ordonner de faire telle ou telle chose, à chaque fois [Z] s'exécutait sans contester son autorité. Tous les employés et moi-même savions qu'elle cherchait par tous les moyens à le faire craquer(...) »

Que, cependant, les trois attestations de [W] [J] ' qui ont été établies quatre années après les faits - ne donnent aucun exemple précis et daté du harcèlement et des provocations subies par [U] [K] ;

Que, certes, une cliente (pièce n°35 de l'appelant) expose que, le 26 janvier 2013, la gérante est arrivée, a jeté son sac et son manteau au sol et a menacé [U] [K] de lui « faire la peau », car il l'aurait dénoncée ;

Que cette cliente ajoute que, plus tard dans la soirée, la gérante s'est approchée de [U] [K] et, méprisante, lui a dit « Toi, tu débarrasseras le salon et magne-toi »;

Que cet incident demeure toutefois isolé, à défaut de preuve contraire ;

Qu'en outre, il doit être mis en parallèle avec une dégradation de l'attitude du salarié, comme le montrent diverses attestations produites par la S.A.R.L. SGE (sous le nom commercial « Les Chandelles ») ;

Considérant que l'appelant n'établit pas la présence de caméras et de micros permettant l'enregistrement de conversations entre les salariés et les clients ;

Considérant que, si regrettable soit-elle, l'absence de suivi médical, n'a pas empêché la poursuite de la relation de travail pendant plus de dix années ;

Considérant que [U] [K] ne justifie pas avoir été brutalement cantonné principalement à des fonctions de nettoyage de la salle et des toilettes ;

Qu'il ne justifie même pas que ces fonctions ne faisaient par partie de celles pour lesquelles il a été embauché ;

Considérant que le licenciement de [U] [K] n'a pas été abusif (voir ci-dessous) ;

Considérant qu'en résumé, le second grief n'apparaît pas davantage caractérisé que le premier ;

Qu'il s'ensuit que la demande en résiliation judiciaire doit être écartée ;

2°/ Sur la prescription de la contestation du licenciement :

Considérant que la S.A.R.L. SGE (sous le nom commercial « Les Chandelles ») soutient que, depuis la loi du 14 juin 2013, un salarié dispose d'un délai de deux ans pour contester son licenciement ;

Qu'elle prétend qu'en l'espèce, [U] [K] a attendu le 12 mai 2016 pour ce faire, soit presque trois ans après la notification de la mesure ;

Considérant que, si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut pas s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail ;

Considérant que l'action en résiliation judiciaire et celle en contestation du licenciement portent sur le même contrat de travail liant la S.A.R.L. SGE (sous le nom commercial « Les Chandelles »)et [U] [K] ;

Qu'il n'y a donc pas prescription ;

Que la fin de non-recevoir est, par conséquent, écartée ;

3°/ Sur la nullité du licenciement pour harcèlement moral :

Considérant qu'aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits ou à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Qu'il appartient, dans un premier temps, au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement ;

Qu'au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Considérant qu'en l'espèce, au soutien de sa demande en nullité du licenciement, l'appelant rappelle les griefs de la lettre de licenciement, ses dates de congés, la qualité de son travail qui donnait, selon lui, pleinement satisfaction à son employeur, ainsi que la concomitance entre la décision de première instance et le licenciement ;

Que, toutefois, il ne détaille pas les éléments qui laisseraient présumer un harcèlement moral ;

Qu'il n'appartient pas à la cour de se substituer à l'appelant pour ce faire ;

Que la demande en nullité du licenciement est donc rejetée ;

4°/ Sur le licenciement pour faute grave :

Considérant que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ;

Que la charge de la preuve en incombe dans tous les cas à l'employeur ;

Considérant qu'en l'espèce, le fait que les documents de fin de contrat aient été établis dès le 1er août 2013, soit la veille de l'entretien préalable, ne suffit pas à démontrer que le licenciement aurait un caractère abusif ;

Considérant qu'il résulte d'attestations précises et concordantes produites par la S.A.R.L. SGE (sous le nom commercial « Les Chandelles ») qu'à partir du mois de mai/juin 2013, voire antérieurement, le comportement au travail de [U] [K] s'est dégradé (cf. attestations [R], [Z] et [T]), celui-ci restant adossé au mur (attestations [F], de [O] et [Q]), ne saluant presque plus ou refusant d'accomplir son travail (attestation [X]) ;

Que le salarié dénigrait aussi la clientèle (attestation [L]), parfois en des termes vulgaires (attestation [A]) ;

Considérant que le salarié produit de nombreuses attestations qui démontrent son bon comportement d'une façon générale, mais sans évoquer spécifiquement la période écoulée à compter du mois de mai 2013, à l'exception des attestations [J] qui mentionnent que [U] [K] ne montrait rien à la clientèle de la pression qu'il subissait et était même aimable avec tout le monde (pièce n°83a de l'appelant), étant toutefois souligné que ces attestations [J] restent isolées pour les mois en question ;

Considérant qu'il n'est pas établi que [U] [K] ait été l'investigateur des menaces formulées le 13 juillet 2013 à l'encontre de la gérante ;

Considérant qu'en résumé, le licenciement de [U] [K] a une cause réelle et sérieuse;

Qu'en revanche, eu égard à l'ancienneté importante du salarié dans l'entreprise et à son bon comportement antérieur à la période litigieuse, il n'y a pas lieu de retenir une faute grave;

5°/ Sur les indemnités de rupture, ainsi que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Considérant que le licenciement pour faute grave ayant été requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse, [U] [K] doit se voir allouer des indemnités de rupture calculées conformément à son salaire contractuel ;

Que la S.A.R.L. SGE (sous le nom commercial « Les Chandelles ») est ainsi condamnée à payer à [U] [K] la somme de 4213,70 euros d'indemnité compensatrice de préavis, la somme de 421,37 euros de congés payés y afférents, ainsi que la somme de 3043,41 euros d'indemnité de licenciement ;

Considérant qu'en revanche, [U] [K] est débouté de sa demande en indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

6°/ Sur la demande en indemnisation de l'irrégularité de la procédure :

Considérant que la demande en indemnisation de l'irrégularité de la procédure est rejetée, à défaut de moyen d'appel présenté à son soutien ;

7°/ Sur les demandes tendant à voir fixer le salaire à un montant mensuel de 4062 euros brut, en indemnité de congés payés, en indemnité pour défaut de cotisations à l'assurance chômage, en indemnité pour défaut de cotisations à l'assurance retraite, en rappel de salaire pour la période allant du mois de septembre 2012 au mois d'août 2013, ainsi qu'en congés payés y afférents :

Considérant que la réalité d'une part non déclarée de rémunération n'ayant pas été établie, il y a lieu de rejeter les demandes subséquentes tendant à voir fixer le salaire mensuel à un montant de 4062 euros brut, en indemnité de congés payés, en indemnité pour défaut de cotisations à l'assurance chômage, en indemnité pour défaut de cotisations à l'assurance retraite, en rappel de salaire pour la période allant du mois de septembre 2012 au mois d'août 2013, ainsi qu'en congés payés y afférents ;

8°/ Sur la demande en indemnité pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail :

Considérant que la bonne foi se présume ;

Considérant qu'en l'espèce, [U] [K] expose que la particularité du dossier et les man'uvres engagées à son encontre justifieraient l'octroi d'une indemnisation distincte ;

Considérant que le peu de précisions apportées au soutien de la demande et l'absence de man'uvres prouvées commandent de rejeter cette prétention ;

9°/ Sur la demande en indemnisation pour violation de la vie privée du fait de la présence non préalablement déclarée de caméras :

Considérant qu'il résulte de l'écran de contrôle (pièce n°20 de l'appelant) que l'établissement était équipé de quatre caméras de vidéosurveillance en fonctionnement ;

Considérant que, pour deux d'entre elles, la S.A.R.L. SGE justifie d'une autorisation du 29 septembre 2008 de la Préfecture de police de [Localité 1] ;

Considérant que, pour les deux autres, l'employeur soutient, sans élément pour le contredire, qu'elles filmaient des locaux non accessibles au public, à savoir le bureau de la gérante et la blanchisserie ;

Qu'en tout état de cause, [U] [K] n'établit pas que ses fonctions l'amenaient à se rendre dans ces deux pièces et qu'il y subissait ainsi une atteinte au respect de sa vie privée;

Considérant qu'en conséquence, la demande en indemnisation doit être rejetée ;

10°/ Sur les demandes en rappel d'heures supplémentaires, en congés payés y afférents, en heures travaillées pendant les jours fériés, en congés payés y afférents et en sixième semaine de congés payés :

Considérant que l'appelant n'expose aucun moyen d'appel au soutien des demandes en rappel d'heures supplémentaires, en congés payés y afférents, en heures travaillées pendant les jours fériés, en congés payés y afférents et en sixième semaine de congés payés ;

Que ces cinq demandes sont donc écartées ;

11°/ Sur la demande en indemnisation du préjudice résultant du défaut de formation:

Considérant que [U] [K] ne justifie d'aucun préjudice particulier découlant de son prétendu défaut de formation ;

Que sa demande en indemnisation à ce titre est donc rejetée ;

12°/ Sur l'indemnité pour travail dissimulé :

Considérant qu'en cas de rupture de la relation de travail, lorsqu'il y a eu travail dissimulé caractérisé par une volonté manifeste de l'employeur de frauder, le salarié a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ;

Considérant qu'en l'espèce, n'étant prouvées ni l'existence d'une part non déclarée de rémunération ni la réalité d'heures supplémentaires ni la réalité d'heures travaillées non rémunérées les jours fériés, la demande en indemnité pour travail dissimulé ne peut qu'être rejetée ;

13°/ Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Considérant que les parties sont déboutées de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

14°/ Sur les dépens :

Considérant que [U] [K] est condamné aux dépens de première instance (au sujet desquels le conseil de prud'hommes a omis de statuer) ;

Qu'en revanche, chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, SAUF en ce qu'il a débouté [U] [K] de sa demande en indemnité compensatrice de préavis, en congés payés y afférents et en indemnité de licenciement ;

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

ECARTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en contestation du licenciement ;

DIT que le licenciement de [U] [K] repose sur une cause réelle et sérieuse (et non une faute grave) ;

CONDAMNE, en conséquence, la S.A.R.L. SGE (sous le nom commercial « Les Chandelles ») à payer à [U] [K] :

- la somme de 4213,70 euros d'indemnité compensatrice de préavis ;

- la somme de 421,37 euros de congés payés y afférents ;

- la somme de 3043,41 euros d'indemnité de licenciement ;

DEBOUTE les parties des autres demandes nouvelles présentées en cause d'appel ;

CONDAMNE [U] [K] aux dépens de première instance, mais laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens d'appel.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

P/ LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 13/10869
Date de la décision : 26/02/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°13/10869 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-26;13.10869 ?
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