RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 08 Mars 2019
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 15/02086 - N° Portalis 35L7-V-B67-BVYFQ
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Juillet 2014 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL RG n° 13-01183
APPELANTE
CPAM des [Localité 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Elise GUILLON, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
INTIMEE
SAS BOTTE FONDATIONS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Philippe ROZEC, avocat au barreau de PARIS, toque : R045 substitué par Me Katia CHEBBAH, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 3]
[Adresse 3]
avisé - non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Janvier 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Claire CHAUX, présidente de chambre
Madame Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, conseillère
Monsieur Lionel LAFON, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Venusia DAMPIERRE, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par madame Claire CHAUX, présidente de chambre et par Mme Venusia DAMPIERRE, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 1] du jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil en date du 2 juillet 2014 dans un litige l'opposant à la SAS Botte Fondations.
EXPOSE DU LITIGE
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard .
Il suffit de rappeler que M. [T], salarié de la SAS Botte Fondations, a été victime d'un accident le 24 août 2012 déclaré à la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 1] (ci - après la caisse ) .
Après envoi de questionnaires, la caisse a pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle.
Contestant l'opposabilité de la décision, la société Botte Fondations a saisi la commission de recours amiable, laquelle a rejeté sa requête le 5 septembre 2013. Puis, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil le 5 novembre 2013.
Par jugement rendu le 2 juillet 2014, ce tribunal a déclaré inopposable à la société Botte Fondations la décision de prise en charge de la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 1] du 5 juin 2013 et dit que la prise en charge ne pourra être imputée sur le compte employeur.
La caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 1] a interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt du 8 juin 2018, la présente cour a ordonné la réouverture des débats au motif que l'accusé de réception de la convocation de la SAS Botte Fondations à l'audience du 28 mars 2018 n'était pas daté . Afin de respecter le principe du contradictoire , l'affaire a été renvoyée à l'audience du 11 janvier 2019.
Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 1] demande à la cour d' infirmer le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
- d'écarter des débats les attestations de M. [H] et M.[D],
- de confirmer la décision prise le 5 septembre 2013 par la commission de recours amiable,
- en conséquence, de déclarer opposable à la société Botte Fondations l'accident du travail survenu le 24 août 2012 à M. [T].
Elle fait valoir que les délais d'instruction ont été respectés, que la jurisprudence n'a jamais sanctionné le non-respect des délais d'instruction par l'inopposabilité de la décision de prise en charge, que l'intimée ne conteste plus l'absence de motivation de la décision de prise en charge, que la présomption d'imputabilité de l'article L.411-1 du code de sécurité sociale s'applique aux accidents survenus au cours d'une mission, pendant tout le temps de la mission, sauf à l'employeur à démontrer l'interruption de cette mission pour un caractère personnel, qu'en l'espèce, le salarié était en mission et logeait à l'hôtel, que le 24 août, à 2 h du matin, il s'est levé et a trébuché dans les valises posées à côté de son lit avant de tomber par la fenêtre ouverte, que le certificat médical initial du 30 août constate une fracture, que la matérialité de l'accident est établie, le caractère professionnel aussi même si la journée de travail était terminée , que l'hôtel ne pouvait pas être considéré comme son domicile, que même s'il a pu souffrir de somnanbulisme, il n'est pas démontré qu'il ait commis une faute, que même s'il s'était "trouvé dans un état d'alcoolisme avancé", cela n'exclurait pas l'accident du travail, que les photographies versées aux débats ne remettent pas en cause la présomption d'imputabilité, que la tardiveté de la déclaration d'accident du travail s'explique par le refus de l'employeur de l'établir .
Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la SAS Botte Fondations demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter la caisse de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et de la condamner aux dépens.
Elle expose que la procédure d'instruction a débuté le 15 février 2013, date de la déclaration d'accident du travail, qu'un délai complémentaire a été notifié plus d'un mois après, que la réception du certificat médical initial importe peu, que la journée de travail de M. [T] était terminée et il n'était plus sous la subordination de son employeur, qu'il était en situation de grand déplacement à titre permanent, que l'hôtel correspondant à son domicile habituel, que la chute soit due à une crise de sommanbulisme et/ou à un état d'ébriété, il s'agit d'une cause étrangère et que l'accident n'est donc pas en lien avec son travail, que les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité, que la société a été informée le 24 août 2012 de l'absence de M. [T] du chantier et de son hospitalisation et n'a reçu que 8 mois après des arrêts de maladie, qu'elle a appris par la caisse l'existence d'une déclaration d'accident du travail, que les déclarations de M. [T] sont incohérentes et fantaisistes.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.
SUR CE, LA COUR,
Sur le dépassement des délais d'instruction
En application de l'article R 441-10 du code de sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, la caisse dispose d'un délai de 30 jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d'accident et le certificat médical initial ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration de maladie professionnelle et le certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie .
L'article R 441-14, dans sa version applicable au litige , ajoute que lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R 441- 10 par lettre recommandée avec accusé de réception. A l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accident ou trois mois en matière de maladies professionnelles, à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.
Il ressort des pièces produites que la caisse primaire n'a reçu le certificat médical intial que le 9 avril 2013 de sorte que le premier délai d'instruction d'un mois prévu à l'article R 441- 10 expirait le 9 mai 2013 . Par courrier du 2 mai 2013 , réceptionné le 6 mai 2013 , l'employeur a été informé de la nécessité de recourir à un délai supplémentaire d'instruction ne pouvant dépasser deux mois en application de l'article R 441- 14 du code de la sécurité sociale . La décision de prise en charge de la caisse ayant été notifiée le 5 juin 2013 , ce nouveau délai d'instruction a bien été respecté .
A titre surabondant, il convient d'ajouter que le non respect des délais d'instruction n'est pas sanctionné par l'inopposabilité de la décision de prise en charge.
Sur la tardiveté de la déclaration d'accident du travail
L'article R.441-2 du code de sécurité sociale , dans sa version applicable au litige, dispose que la victime d'un accident du travail est tenue de le déclarer dans la journée où l'accident se produit ou au plus tard dans les 24 heures. Toutefois, il ne prévoit aucune sanction de la violation de ce délai.
Il en résulte que la seule sanction applicable est celle tirée de l'article L.431-2 du code de sécurité sociale qui stipule que les droits de la victime(...) aux prestations et indemnités se prescrivent par 2 ans, à compter du jour de l'accident ou de la date de cessation de paiement des indemnités journalières.
Il ne peut donc être tiré aucune conséquence juridique de la tardiveté de la déclaration de l'accident du 24 août 2012 faite par M. [T] le 6 février 2013.
Sur le caractère professionnel de l'accident
En vertu de l'article L 411-1 du code de sécurité sociale, pour bénéficier de la présomption d'origine professionnelle, il appartient au salarié d'apporter la preuve que l'accident non seulement s'est réellement produit mais encore qu'il est survenu par le fait ou à l'occasion du travail.
Il appartient alors dans un deuxième temps à l'employeur de détruire la présomption d'origine professionnelle qui en découle en apportant la preuve que cette lésion a une cause totalement étrangère au travail. Une faute du salarié n'est donc pas nécessaire.
En l'espèce, une déclaration d'accident du travail a été établie par M. [T], foreur pour la société Botte Fondations, le 6 février 2013,suivant laquelle le 24 août 2012 vers 2 h, hébergé dans un Hôtel, il s'est levé pour aller aux toilettes, et a trébuché dans les valises entreposées à côté de son lit et est tombé par la fenêtre ouverte à cause de la chaleur. Il citait deux témoins en la personne de Ms [H] et [D].
Un certificat médical initial rédigé le 30 août 2012 constatait une fracture de L1 opérée et un bulletin de situation faisait état d'une hospitalisation du 24 au 30 août 2012.
Des renseignements recueillis, il résultait que M. [T] qui résidait dans les [Localité 1] était en déplacement professionnel pour un chantier en région parisienne et était hébergé dans un hôtel.
Peu importe que M. [T] soit en mission ou en grand déplacement dès lors qu'il ne pouvait, compte tenu de l'éloignement du chantier, rentrer à son domicile chaque soir, la présomption posée par les dispositions susvisées devant s'appliquer , sauf à l'employeur à démontrer une interruption de la mission pour un motif purement personnel ou une cause totalement étrangère au travail de la lésion.
Si la caisse conteste la régularité formelle des attestations de M. [H] et [D], il convient de rappeler que l'article 202 du code de procédure civile n'en fait pas une cause de nullité et ces documents doivent être apprécier au regard des garanties qu'ils apportent.
En l'espèce, M. [H] et [D], tous deux collègues de M. [T] et cités par lui comme témoins dans sa déclaration d'accident du travail, indiquent la même chose, à savoir, que M. [T] leur a indiqué avoir été victime d'une crise de somnanbulisme, comme il en avait déjà eu, le premier précisant que "se croyant aux toilettes, il est monté sur le rebord de la fenêtre pour uriner".
A l'évidence, il s'agit d'un état sans rapport avec les conditions de travail et qui constitue une cause totalement étrangère à celles-ci.
En conséquence, c'est à juste titre que le tribunal a déclaré cet accident inopposable à l'employeur et le jugement entrepris sera confirmé.
La caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 1] qui succombe supportera les dépens
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris,
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 1] aux dépens .
La GreffièreLa présidente