RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 12 Mars 2019
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/03653 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B23OZ
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Février 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F15/09637
APPELANTES
Madame [J] [B]
[Adresse 1]
[Localité 1]
née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 2]
représentée par Me Emilie DURVIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R222
Syndicat CFDT RESTAURATION FERROVIAIRE TRAINS DE NUIT
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Emilie DURVIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R222
INTIMEE
SASU CREMONINI RESTAURATION SAS
[Adresse 3]
[Localité 4]
N° SIRET : 424 987 626
représentée par Me Nathalie MAIRE de l'AARPI NMCG AARPI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0007 substituée par Me Elsa GUILBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0007
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Janvier 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Roselyne NEMOZ-BENILAN, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de Chambre
Madame Roselyne NEMOZ-BENILAN, Conseillère
Madame Laurence SINQUIN, Conseillère
Greffier : Mme Sylvie FARHI, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de Chambre et par Madame Sylvie FARHI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Madame [J] [B] a été embauchée le 1er avril 1989 en tant que chef de bord dans la restauration ferroviaire. En 2008, elle a été promue formateur interne, statut cadre. Le 1er mars 2009, son contrat de travail a été transféré à la société CREMONINI RESTAURATION et le 3 novembre 2013, à la société NEWREST WAGON LITS.
Le 30 juillet 2015, madame [B] a saisi le Conseil de Prud'hommes des demandes, dirigées contre la société CREMONINI RESTAURATION, de rappel de salaires et de dommages et intérêts pour non palment des sommes dues. Le Syndicat CFDT RESTAURATION FERROVIAIRE est intervenu dans la procédure et a sollicité des dommages et intérêts pour atteinte aux intérêts de la profession.
Par jugement du 15 février 2017, le Conseil de Prud'hommes a dit que les demandes relatives à des périodes antérieures à juillet 2010 étaient prescrites et débouté madame [B] du surplus de ses demandes.
Le 8 mars 2017, madame [B] et le Syndicat CFDT RESTAURATION FERROVIAIRE ont interjeté appel de cette décision.
Par leurs dernières conclusions communiquées par le RPVA le 4 décembre 2018 auxquelles il est expressément renvoyé en ce qui concerne leurs moyens, madame [B] et le Syndicat CFDT RESTAURATION FERROVIAIRE demandent à la cour de condamner la société CREMONINI RESTAURATION à payer à madame [B] :
- 4.390,27 Euros à titre de rappel de salaires au titre de l'ancienneté et les congés payés afférents ;
- 1.626,79 Euros à titre d rappel de part variable, subsidiairement 219,51 Euros et les congés payés afférents ;
- 2.000 E à titre de dommages et intérêts pour défaut de paiement des sommes dues à échéance ;
- 2500 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Madame [B] demande la délivrance de bulletin de paie conformes sous astreinte.
Le Syndicat CFDT RESTAURATION FERROVIAIRE sollicite l'allocation d'une somme de 3.000 Euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte aux intérêts de la profession et 2.500 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile
Par ses dernières conclusions communiquées par le RPVA le 17 décembre 2018 auxquelles il est expressément renvoyé en ce qui concerne ses moyens, la société CREMONINI RESTAURATION demande à la cour de dire irrecevables les pièces de madame [B] et du Syndicat CFDT RESTAURATION FERROVIAIRE visées au bordereau communiqué le 4 mai 2017 par RPVA, de confirmer le jugement, de débouter madame [B] et le Syndicat CFDT RESTAURATION FERROVIAIRE de leurs demandes et de les condamner à lui payer chacun 800 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS
Sur la demande de rejet de pièces des appelants
Selon les dispositions des articles 906,908 et 961 du Code de Procédure Civile, dans leur rédaction en vigueur à la date à laquelle madame [B] et le Syndicat CFDT RESTAURATION FERROVIAIRE ont interjeté appel, l'appelant dispose d'un délai de 3 mois à compter de la déclaration d'appel pour conclure et les conclusions et pièces sont communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie dans la forme des notifications entre avocats ;
En l'espèce, il est constant que l'intimée, à laquelle les appelants avaient communiqué leurs pièces le 6 juillet 2017, a conclu en réponse le 29 novembre 2018 ; elle a donc pu prendre connaissance et s'expliquer en temps utile sur ces pièces, même si elles ont été transmises après les conclusions d'appel ; le principe du contradictoire ayant été respecté, il n'y a pas lieu de déclarer ces pièces irrecevables et de les écarter des débats ;
Sur le salaire contractuel
Il ressort des bulletins de salaire versés aux débats qu'en mars 2008, madame [B] percevait une rémunération globale de référence de 2.097,90 Euros à laquelle s'ajoutait une prime d'ancienneté, soit un total de 2.360,79 Euros ; en avril 2008, lors de son intégration statut cadre, sa rémunération a été portée à 2.450 Euros sans distinction de l'ancienneté ; contrairement à ce que prétendent les appelants, elle a signé un avenant à son contrat de travail prévoyant expressément une reprise de la totalité de son ancienneté, avec une rémunération brute annuelle de 31.850 Euros répartie sur 13 mois, (2.450 Euros par mois) outre une partie variable, et donc incluant la prime d'ancienneté ;
Sur le respect du salaire minimum conventionnel
En mars 2009, lors du transfert au sein de la société CREMONINI RESTAURATION, le salaire forfaitaire de madame [B] était de 2.536,49 Euros, et les parties s'accordent pour dire qu'à la même époque, le salaire minimum conventionnel était, sur 13 mois de 30.982,69 Euros soit 2.383,28 Euros par mois ; pour les appelants, ce salaire minimum s'entend hors prime d'ancienneté, en sorte que la rémunération de madame [B] serait inférieure au minimum, alors que pour la société CREMONINI RESTAURATION, ce salaire minimum doit s'entendre prime d'ancienneté incluse ;
Sauf disposition expresse de la convention collective, la prime d'ancienneté, qui rémunère la présence dans l'entreprise ne doit pas être prise en compte pour vérifier si le minimum conventionnel est respecté ;
En l'espèce, la convention collective applicable à la relation de travail est celle de la restauration ferroviaire, laquelle prévoit qu'une prime d'ancienneté s'ajoute au salaire brut mensuel de référence (c'est-à -dire hors primes, indemnités, allocations, participations, remboursement de frais etc...) selon des pourcentages qui vont de 1% entre 2 et 5 ans à 12 % pour une ancienneté de 20 ans et plus ;
L'accord nouvelle restauration ferroviaire (NRF) du 21 décembre 2000 distingue, pour le personnel logistique, d'une part le salaire de base (article 5.3.1 de l'accord) ainsi défini pour les cadres : 'salaire payé sur 13 mois : les cadres dont la rémunération est annualisée et individualisée ne pourront avoir un salaire annuel inférieur à 27.135,93 Euros' (dont il est n'est pas contesté qu'il correspond au salaire minimum mentionné ci-dessus), outre une part variable en fonction de l'atteinte d'objectifs ; et d'autre part l'ancienneté (article 5.3.2 : 'La prime d'ancienneté s'ajoute au salaire de base dans les conditions prévues à l'article 8.2 de la convention collective. Pour les cadres l'évolution du salaire ne pourra pas être inférieure à l'évolution prévue au titre de l'ancienneté par la convention collective' ;
La commission de suivi du 18 juin 2003, à laquelle se réfèrent les deux parties précise quant à elle que, 'en application de la convention collective tous les salariés ont droit à une prime d'ancienneté qui s'ajoute au salaire de base selon les critères définis à l'article 8.2, les principes suivants étant arrêtés : les cadres ont droit à l'ancienneté selon les barèmes de la convention collective ; l'ancienneté reste intégrée au salaire de base (pas de ligne d'ancienneté sur le bulletin de paie) ; le salaire minimum cadre s'entend sans ancienneté pour des embauches externes ; le salaire minimum des cadres 'régularisés' c'est-à -dire dont le salaire de base avant annualisation était inférieur à 178.000 F (27.135,93 Euros) s'entend maintenant quant à lui ancienneté incluse si ancien salaire + ancienneté était encore inférieur à 178.000 F ';
La société CREMONINI RESTAURATION se fonde sur le deuxième et le dernier principe qui démontrent, selon elle, que la comparaison avec le salaire minimum doit se faire ancienneté incluse ; toutefois, ces mentions de la commission de suivi relatives à l'absence de ligne d'ancienneté sur le bulletin de paie et aux salariés 'régularisés' ne constituent pas des dispositions expresses d'inclusion de la prime d'ancienneté dans le salaire minimum conventionnel ; comme madame [B] le fait valoir à juste titre, le salaire minimum étant le salaire sans ancienneté pour des embauches externes, la prime d'ancienneté doit nécessairement s'y ajouter pour les embauches internes, sauf à ne pas rémunérer la présence du salarié dans l'entreprise ;
La non prise en compte de l'ancienneté dans le salaire minimum conventionnel est conforme aux dispositions de l'accord du 21 septembre 2000 qui distingue, ainsi qu'il a été vu ci-dessus d'une part le salaire de base qui ne peut être inférieur au minimum conventionnel, et d'autre part l'ancienneté qui s'ajoute au salaire de base ;
En conséquence, il sera fait droit à la demande de rappel de salaires, calculée après comparaison des salaires perçus sur 13 mois et des minima conventionnels augmentés de la prime d'ancienneté sur 13 mois, sans prise en compte de la partie variable (article 5.3.1 de l'accord) et dans les limites de la prescription soit sur la période de juillet 2010 octobre 2013, la somme de 4.390,27 Euros et les congés payés afférents ;
Sur le rappel de part variable
Une part variable 'pouvant atteindre 5% de la rémunération annuelle en fonction de l'atteinte des objectifs qui seront fixés annuellement ' était prévue par le contrat de travail ;
madame [B] sollicite un rappel pour les années 2010 à 2013, aux motifs qu'elle n'a pas eu d'entretien sur l'exercice 2010 ni en fin d'exercice 2013 et qu'elle a atteint ses objectifs 2011 et 2012 à 100% ;
Il ressort des pièces produites par la société CREMONINI RESTAURATION que madame [B] a eu des entretiens avec détermination des objectifs, en 2010, 2012 et 2013 ; la part variable perçue, sur la basse de ces entretiens, était de 3% en 2011, 3,5% en 2012 et 5% en 2013 ; la société CREMONINI RESTAURATION fait valoir que la salariée ne faisait plus partie de ses effectifs en novembre 2013 et que la partie variable lui a néanmoins été versée à hauteur de 4,75% si bien qu'elle a été réglée au-delà de ses droits ;
Il n'en demeure pas moins, à la lecture des trois entretiens d'évaluation, qu'il n'existe aucun motif objectif pour que madame [B] n'ait pas perçu l'intégralité de sa rémunération variable au titre des années 2011 et 2012, l'employeur faisant état d''objectifs CREMONINI' à hauteur de 25% sans produire aucun élément pour justifier de leur non réalisation ; il convient d'allouer à madame [B] une somme de 1.102 à titre de rappel de rémunération variable, outre les congés payés afférents ;
Sur les dommages et intérêts
Madame [B] n'ayant pas été intégralement réglée de ses salaires à leur date d'échéance, en dépit de la contestation de son solde de tout compte, elle a subi un préjudice que les intérêts de retard qui courent à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes ne suffisent pas à réparer ; il convient de lui allouer une somme de 100 Euros à titre de dommages et intérêts ;
Sur la demande du Syndicat CFDT RESTAURATION FERROVIAIRE
Le Syndicat CFDT RESTAURATION FERROVIAIRE est recevable à intervenir auprès de madame [B] pour solliciter l'application des accords collectifs au sein de la société CREMONINI RESTAURATION ; en revanche, il ne justifie pas du préjudice que ce différend au sujet de l'application de ces accords aurait causé aux intérêts de la profession, si bien qu'il convient de le débouter de sa demande de dommages et intérêts ;
La société CREMONINI RESTAURATION devra remettre à madame [B] de bulletins de salaire conformes à la présente décision, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une astreinte ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté le Syndicat CFDT RESTAURATION FERROVIAIRE de sa demande de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau ;
Condamne la société CREMONINI RESTAURATION à payer à madame [B] avec intérêts au taux légal à compter du 31 août 2015 ;
- 4.390,27 Euros à titre de rappel de salaires au titre des minimums conventionnels et 439,02 Euros pour les congés payés afférents ;
- 1.102 Euros à titre de rappel de rémunération variable et 110 Euros pour les congés payés afférents ;
Condamne la société CREMONINI RESTAURATION à payer à madame [B] 100 Euros à titre de dommages et intérêts et 1.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Condamne la société CREMONINI RESTAURATION à payer au Syndicat CFDT RESTAURATION FERROVIAIRE la somme de 1.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Dit que la société CREMONINI RESTAURATION devra remettre à madame [B] des bulletins de salaire conformes à la présente décision ;
Dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions prescrites par l'article 1343-2 du code civil ;
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, plus amples ou contraires;
Met les dépens à la charge de la société CREMONINI RESTAURATION
LE GREFFIER LE PRESIDENT