Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 25 MARS 2019
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/21596 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4QTI
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Octobre 2017 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2015048356
APPELANT
Monsieur [A] [W]
Demeurant [Adresse 1]
[Adresse 1]
né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 1]
Représenté par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Représenté par Mme Florence AMSLER, avocate au barreau de LYON
INTIMEE
SA LES HOTELS DE PARIS
Ayant son siège social [Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : 388 083 016
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Représentée par Me Cédric de KERVENOAËL, avocat au barreau de PARIS, toque : E833
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 28 Janvier 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Edouard LOOS dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Cyrielle BURBAN, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La société Hôtels de Paris, alors dénommée Gestimmo a, dans les années 1990, lancé plusieurs programmes hôteliers parisiens en faisant appel à des investisseurs privés. Le montage de ces opérations permettait à ces investisseurs de bénéficier d'un régime fiscal favorable en leur permettant de déduire un déficit foncier de leur impôt sur le revenu.
Le montage s'articulait autour de trois sociétés :
- une société en participation ('SEP'), maître d'ouvrage des travaux, elle finançait l'opération par un emprunt. Société au statut fiscal particulier car considérée comme occulte, elle permettait aux investisseurs de se partager directement les pertes au prorata de leurs apports,
- une SARL, transformée ensuite en SA, qui assurait la gérance de la SEP,
- une société civile qui gérait les apports des associés, apports investis dans un contrat d`assurance vie. Ce contrat était nanti pour garantir l'emprunt souscrit pour la construction de l'hôtel.
Les investisseurs achetaient des parts de la SEP, de la SARL et de la SCI. Aprés avoir concrétisé un déficit foncier, ils devaient soit revendre les parts de l'hôtel financé, soit vendre le bien immobilier et dissoudre la SEP avec une plus value escomptée.
M [W] a ainsi participé à l'opération de rénovation d'un hôtel parisien situé [Localité 2] en 1997, opération '[Localité 2]' en souscrivant pour un montant de 260 000 francs (39 636,74 euros) :
- 2 parts de la SEP Paris Porte d'Italie ,
- 20 parts de la société civile Paris Porte d'Italie,
- 20 parts de la SA issue de la transformation de la SARL Paris Porte d'Italie en SA,
La société Hotels de Paris avec laquelle M [W] était en relation lors de ses souscriptions a assuré l'organisation commerciale et administrative d'exploitation hôtelière prés de la SA et a ainsi conclu un contrat de franchise de prestations de services avec cette dernière.
Le comité d'actionnaires de la SA Paris Porte d 'Italie a préconisé la suppression de la SEP en 2006 et la vente ou la fusion absorption des Hotels, objets des différents montages. en 2007.
Pour éviter que les investisseurs ne soient soumis à l'imposition de la plus value résultant de la différence de prix entre le montant de la revente de leurs parts et celui de leur souscription, imposition qui se serait conjuguée avec la reprise des déficits fonciers précédemment actés, il a été décidé de :
- l'absorption de la SEP parla SA,
- la fusion de la SA avec la société Hotels de Paris,
Les expertises des hôtels menées dans le cadre de ces opérations financières conduisaient les investisseurs privés à céder leurs actions issues de ces opérations pour un prix inférieur à celui de leur souscription. M [W] enregistrait ainsi une moins value de 20 à 25 % selon les propositions reçues sur son prix de souscription et ce avant la prise en compte des déficits fiscaux.
M [W] a refusé de céder ses titres dans ces conditions qu'il jugeait désavantageuses.
En novembre 2010, la société Paris Porte d'ltalie a été fusionnée avec 7 autres sociétés porteuses d'opérations de rénovation hôtelière avec la Compagnie Financiére du Trocadéro. Dans ce cadre 204 investisseurs sur 225 ont cédé leurs titres à un prix correspondant au montant initial de leurs investissements diminué d'une partie du déficit fiscal dont ils avaient bénéficié depuis 1997.
Les valorisations retenues dans le cadre de cette fusion sont alors à l'origine, selon M [N], d'une moins value de 68 % par rapport à son investissement initial.
La société résultant de cette fusion, la Compagnie Financiere du Trocadéro a été absorbée par la SA Les Hotels de Paris le 31 décembre 2012.
Au final, M [W] qui avait initialement investi 39 636,74 euros détient 1 386 actions de la société Hotels de Paris, société cotée, soit au titre du cours du 30 avril 2015 une somme de 4 573,80 euros.
Considérant ne pas avoir participé aux perspectives favorables liées à l'exploitation des hôtels, par acte du 4 août 2015 M. [W] a saisi le tribunal de commerce en indemnisation de son préjudice
* * *
Vu le jugement prononcé le 20 octobre 2017 par le tribunal de commerce de paris qui a :
- déclaré irrecevable car prescrite l'action intentée par M. [W] ,
- condamné M. [W] à verser à la SA Les Hôtels de Paris 500 euros au titre de l'art 700 du code de procédure civile , déboutant pour le surplus,
- condamné M. [W] aux dépens,
Vu l'appel de M. [W] le 23 novembre 2017 ,
Vu les conclusions signifiées le 19 décembre 2018 par M. [W],
Vu les conclusions signifiées le 11 janvier 2019 par la société Les Hôtels de Paris
M. [W] demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :
Vu les articles 1134, 1135, 1137, 1154 du Code Civil,
- Dire et juger recevable et non prescrite l'action engagée par M. [W] à l'encontre de la société Les Hôtels de Paris,
- En conséquence, réformer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 20 octobre 2017 en toutes ses dispositions,
- juger que la société Les Hôtels de Paris a commis une faute constituée par un manquement à son obligation de loyauté et de bonne foi envers les investisseurs de l'hôtel Paris Porte d'Italie dont M. [W],
- juger que M. [W] a subi un préjudice constitué par la perte de chance de pouvoir sortir de l'investissement en réalisant une plus value significative,
- Condamner la société Les Hôtels de Paris à payer à M. [W] :
* 39 636,74 euros correspondant à son investissement d'origine,
* 33 691,23 euros à titre de dommages et intérêts,
- Dire et juger que le montant de ces condamnations portera intérêts au taux légal à
compter de l'assignation du 4 août 2015,
- Ordonner la capitalisation des intérêts,
- Condamner la société Les Hôtels de Paris à payer à M. [W] la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC,
- Condamner la même aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SCP d'avocat, Pellerin de Maria Guerre.
La société Les Hôtels de Paris demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :
Vu les articles 1134, 1135, 1137 et 1380 du code civil,
Vu l'article 122 du Code de procédure civile,
Vu la plaquette de présentation du projet [Localité 3] Les Hôtels de Paris [Localité 2],
Vu les pièces et faits de la cause,
Il est demandé à la Cour de :
In limine litis,
Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré l'action intentée par M. [W] prescrite,
Subsidiairement,
Déclarer recevables les conclusions de la société Les Hôtels de Paris et la déclarant bien
fondée,
Constater que la société Les Hôtels de Paris n'est tenue à aucune obligation de conseil à
l'égard de M. [W],
Constater que la société Les Hôtels de Paris n'a jamais contracté la moindre obligation de
rachat des titres de M. [W], ni la moindre obligation de sortie en réalisant une plus-value,
Constater que la société Les Hôtels de Paris n'a commis aucune faute,
juger que le préjudice dont se prévaut M.[W] est inexistant,
En conséquence :
Débouter M. [W] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
Le condamner au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'instance, distraits au profit de Me Jeanne Baechlin , avocat sur son affirmation de droit.
SUR CE,
a) Sur la prescription
Considérant qu'en application de l'article 2224 du code civil dans sa version issue de la loi du 18 juin 2008 les actions personnelles mobilières se prescrivent par cinq ans à
compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ;
Considérant que la société Hôtel de Paris soutient que l'action intentée par M. [W] est prescrite puisqu'il a été informé de l'absence de rentabilité escomptée dès 2006 et avec certitude le 11 mai 2007, ayant eu connaissance à cette date de la proposition de rachat des titres de la société Paris Porte d'Italie par la société Compagnie Financière ; que par courrier du 05 juillet 2007 il a reçu une proposition de cession de ses titres par le groupe Les Hôtels de Paris; qu'il devait donc agir au plus tard le 18 juin 2013, son action engagée le 4 août 2015 étant dès lors prescrite ;
Mais considérant que M. [W] peut utilement soutenir que c'est uniquement à l'occasion de la première fusion absorption du 26 novembre 2010 qu'il a été informé de la valorisation de l'action de la SA Paris Porte d'Italie à 626,03 euros , la valorisation lors de son investissement initial se chiffrant à 1 982 euros ; que l'action le concernant n'est pas prescrite ;
b) Sur le fond
Considérant que M. [W] expose que la plus-value de sortie était tout aussi importante que la défiscalisation, le projet d'investissement présenté par la société les Hôtels de Paris étant qualifié de sûr et permettant une sortie dans les meilleures conditions, sans évoquer un risque de moins value ; qu'il affirme qu'ayant réalisé l'opération de construction d'origine et étant restée pilote de l'exploitation de l'hôtel, la société Les hôtels de Paris ainsi que les sociétés de son groupe ont conclu des conventions de trésorerie pour des flux très importants avec la SA Paris Opéra Drouot et qu'en 2010 et 2012, elle a réalisé les fusions des sociétés du groupe ; qu' il en déduit que, du fait de son engagement initial et de sa gestion de l'opération, la société Les Hôtels de Paris demeure débitrice de l'obligation de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour permettre aux investisseurs de disposer d'un produit générant la plus-value promise, ajoutant qu'elle s'est présentée comme un conseiller en investissement financier, qu'elle a conçu le produit et qu'elle a seule rédigée les plaquettes de présentation du projet, ne faisant apparaître aucun aléa ; qu'il ajoute que la société Les hôtels de Paris a été déloyale dans la gestions de son investissement, privilégiant ses intérêts en proposant le rachat de ses parts pour un montant de 29 450 euros alors qu'il les avait acquises en 1997 pour une somme de 39 636,74 soit une moins value de 10 186,74 euros alors qu'il était fondée à attendre de cette société, en qualité de conseil en investissement et de pilote de l'opération, qu'elle agisse au mieux de ses intérêts ; qu'il relève sa déloyauté à l'occasion de la fusion de la SA Paris Opéra Drouot, le 26 novembre 2010, emportant une perte conséquente de 61 % par rapport à son investissement initial ; que s'agissant de son préjudice il affirme l'existence d'un manque à gagner certain, ne pouvant céder ses actions en bourse qu'à un prix dérisoire ; qu' il réclame l'allocation, en réparation de la perte de chance d'une sortie en réalisation une plus-value significative, d'une somme égale à la valeur de leur investissement ainsi qu'un préjudice financier correspondant aux intérêts des emprunts réalisés pour investir et à la perte de chance d'une rentabilité performante, évaluée à 5 % de son investissement par an pendant quinze ans ;
Mais considérant que la société Les Hôtels de Paris est bien fondée à s'opposer à ces demandes ;
Considérant en effet que que M. [W] a souscrit à l'opération de défiscalisation présentée par la société Gestimmo Finance devenue ensuite la société les Hôtels de Paris par l'intermédiaire de la société Audit Patrimoine Conseil, conseiller en gestion de patrimoine; que cette dernière était seule débitrice de l'obligation de conseil préalablement aux souscriptions conclues entre M.[W] et la société Gestimmo Conseil, rédactrice du dossier de présentation ; que lors de la signature du bulletin de souscription du 24 octobre 1997 avec la société Gestimmo Finance, M. [W] a reconnu d'une part, avoir pris connaissance du dossier de présentation de la SEP Paris Porte d'Italie et d'autre part, avoir été informée que les coûts et les résultats prévisionnels avaient été établis sur des bases raisonnables mais sans garantie ; qu'il a reconnu être informé que des dépenses supérieures ou des recettes inférieures aux prévisions étaient susceptibles d'augmenter les engagements financiers des associés ;
Considérant que si la documentation remise aux investisseurs mentionne les avantages fiscaux de l'opération dont a bénéficié M. [W], elle ne comporte aucun engagement quant aux modalités de sortie de l'opération dès lors que leur présentation était introduite par une phrase au conditionnel (la sortie de l'opération pourrait se réaliser de deux manières) ; que la société Les Hôtels de Paris n'a pris aucun engagement au titre des modalités de sortie et n'est dés lors débitrice d''aucune obligation de résultat ;
Considérant que la sortie de l'opération a été présentée aux actionnaires par le biais d'un comité d'actionnaires tenus en 2016 et 2007, avec préconisations de maître [I], avocat fiscaliste ; que la société Les Hôtels de Paris a offert aux investisseurs de racheter leur participation dans les trois sociétés pour un prix finalement équivalent au montant de leurs investissements ; qu'ensuite était présentée une proposition de rachat au travers de la société Compagnie financière du Trocadéro ; que M. [W] n'y a pas donné suite ;
Considérant enfin , sur l'opération de fusion intervenue le 26 novembre 2010 entre la Compagnie Financière du Trocadéro et la société Paris Opéra Drouot suivie de l'absorption le 31 décembre 2012 de la compagnie Financière du Trocadéro par la société Les Hôtels de Paris que la valorisation des actifs dans le cadre de ses opérations à leur valeur comptable était imposée par les règles comptables ;que la régularité de ces opérations n'a par ailleurs pas été contestée ;
Considérant qu'il se déduit de ce qui précède que la faute reprochée à la société les hôtels de Paris n'est pas caractérisée ; que le préjudice allégué ne l'est pas plus puisque M. [W] est toujours titulaire de ses titres dont la valeur liquidative est susceptible de variation à la hausse ou à la baisse donnant au préjudice allégué un caractère incertain ;
PAR CES MOTIFS :
La cour,
INFIRME le jugement déféré ;
Statuant a nouveau :
DIT non prescrite l'action engagée par M. [W] ;
DÉBOUTE M. [W] de ses demandes;
CONDAMNE M. [W] à verser à la SA Les Hôtels de Paris la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'art 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes autres demandes ;
CONDAMNE M. [W] aux dépens et accorde à maître Jeanne Baechlin, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS