RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRÊT DU 04 Avril 2019
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/10212 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6KPA
Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 19 Juillet 2018 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - RG n° R 18/00668
APPELANT
M. [N] [S]
[Adresse 1]
[Localité 1]
représenté par Me Christine SARAZIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0286
INTIMEE
SA LSN ASSURANCES
N° SIRET : 388 123 069
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Pierre CHEVALIER de la SELARL MCM AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0228, substitué par Me Antoine DUMOND
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 février 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Mariella LUXARDO, Président, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:
Madame Mariella LUXARDO, Président
Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller
Madame Monique CHAULET, Conseiller
GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Mariella LUXARDO, Président et par Madame FOULON, Greffier.
**********
Vu l'ordonnance de référé rendue le 19 juillet 2018 par le conseil de prud'hommes de Paris qui a :
Constaté l'existence d'une contestation sérieuse,
Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de M. [S],
Rejeté les demandes reconventionnelles de la société LSN Assurances,
Condamné M. [S] aux dépens ;
Vu l'appel interjeté le 17 août 2018 par M. [S] ;
Vu ses dernières conclusions signifiées le 2 octobre 2018 aux fins de voir :
Infirmer l'ordonnance du 19 juillet 2018,
La réformant,
Condamner la société LSN Assurances à lui payer les sommes suivantes :
* 1.754,10 euros pour Takeda au titre des commissions du 4ème trimestre 2017 pour le contrat Takeda
* 5.694 euros au titre des commissions du 2ème trimestre 2017 pour les contrats LLD
* 2.062,06 euros par mois au titre des commissions de 2018 à compter de janvier jusqu'à la date de la décision à intervenir
Ordonner l'établissement des bulletins de salaire des mois de décembre 2017 et ceux de 2018 jusqu'à la date de la décision à intervenir accompagnés des détails des commissions versées, et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard,
Condamner la société LSN Assurances à payer la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Vu les conclusions signifiées le 19 octobre 2018 par la société LSN Assurances aux fins de voir :
Confirmer l'ordonnance du 19 juillet 2018,
Constater l'absence de contrat de travail s'exécutant entre les parties,
Dire que la contestation de la compétence du conseil de prud'hommes présentée par la société LSN Assurances est fondée,
Dire que c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes a relevé l'existence d'une contestation sérieuse,
Dire n'y avoir lieu à référé,
Débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes,
Condamner M. [S] au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 18 janvier 2019 ;
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le bien fondé des demandes en paiement de M. [S]
A l'appui de son appel, M. [S] fait valoir que son contrat de travail du 26 juillet 1965 a prévu le versement de commissions après son départ en retraite, transmissibles sous conditions à son épouse après son décès ; que ces commissions lui ont été réglées par la société LSN Assurances depuis 2001, lorsqu'il a fait valoir ses droits à la retraite, et jusqu'à novembre 2017, date à laquelle la société a décidé de cesser ces paiements au motif erroné que son inscription à l'Orias était nécessaire.
La société LSN Assurances soutient en réplique les demandes de M. [S] se heurtent à une contestation sérieuse sur la compétence du conseil de prud'hommes puisque les commissions versées par la société jusqu'à novembre 2017 ne peuvent recevoir la qualification de salaire, en l'absence d'une prestation de travail accomplie par M. [S], d'une rémunération et d'une subordination juridique ; qu'il n'est pas soumis au pouvoir disciplinaire de la société qu'il ne représente plus ; que le paiement de commissions est interdit s'il n'est pas justifié de l'inscription à l'Orias, registre des intermédiaires d'assurances, ce que M. [S] refuse de régulariser ; que le contrat de travail a pris fin avec le départ à la retraite de M. [S], que la société ne peut pas maintenir une rémunération anachronique alors que la réglementation dans ce secteur d'activité a évolué, et que le défaut d'immatriculation à l'Oris est sanctionné pénalement.
En application des articles R. 1455-5 et R. 1455-6 du code du travail, dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence du conseil de prud'hommes, ordonner toute mesure qui ne se heurte à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ; que même en présence d'une contestation sérieuse, elle peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'en outre, selon l'article R. 1455-7 du même code, dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
L'octroi d'une provision au titre de l'exécution du contrat de travail, doit être ordonné dès lors que l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable au vu des documents contractuels et des pièces produites par les parties.
A titre préalable, il sera rappelé que M. [S] a été engagé le 26 juillet 1965 par le cabinet de courtage d'assurances Moyse Frères, absorbé par la société La Sécurité Nouvelle devenue LSN Assurances, en qualité de chargé d'affaires statut cadre.
M. [S] a quitté l'entreprise en 2001 après avoir fait valoir ses droits à la retraite.
Il a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Paris le 29 mai 2018 d'une demande en paiement de commissions devant être versées tous les mois sur le fondement de son contrat de travail, ces paiement ayant cessé fin 2017.
Par ordonnance du 19 juillet 2018, la formation de référé a estimé qu'il existait une contestation sérieuse sur la compétence du conseil de prud'hommes en raison de l'interprétation devant être donnée à la clause contractuelle qui a fondé le paiement de sommes qui doivent être qualifiées juridiquement.
Or il n'existe aucune contestation entre les parties sur le fait que M. [S] a reçu entre 2001 et novembre 2017, le paiement par la société LSN Assurances, de sommes en exécution du contrat de travail consenti le 26 juillet 1965, au titre de l'article 9 de ce contrat, qui dispose que les affaires réalisées par le salarié seront la propriété de son employeur, et commissionnées au taux de 25%.
Le paragraphe b) de l'article 9 précise qu'en cas de départ ou de licenciement, ces affaires resteront acquises à la société qui versera sur chaque police, une commission égale à la moitié de celle perçue par M. [S] en activité ; que ce droit sera supprimé en cas de licenciement pour faute lourde.
La compétence du conseil de prud'hommes ne fait aucun doute sur le fondement de l'article L.1411-1 du code du travail, dès lors que le litige qui oppose les parties est relatif à l'exécution d'une clause figurant dans un contrat de travail, sans qu'il soit nécessaire de procéder à l'interprétation de ce contrat ni à la qualification des sommes versées en exécution du contrat.
L'argumentation de la société LSN Assurances qui conteste la qualité de salarié de M. [S], au titre des conditions relatives à l'existence d'une relation de travail dans ses trois composantes définies par la jurisprudence, est dépourvue d'intérêt puisqu'il n'est pas contesté que cette relation de travail a été effective de 1965 à 2001 et que des paiements ont été effectués par l'ancien employeur de M. [S] entre 2001 et novembre 2017 en application de l'article 9 du contrat de travail.
M. [S] est donc en droit de saisir la formation de référé du conseil dès lors qu'il ne reçoit plus le paiement de sommes fixées par son contrat de travail, peu important qu'il se trouve à la retraite depuis plusieurs années.
Pour s'opposer à la poursuite des paiements effectués jusqu'en novembre 2017, la société LSN Assurances soutient que les dispositions contractuelles sont anachroniques et que le versement de commissions suppose une inscription au registre de l'Orias.
Or ces moyens ne sont pas sérieux puisque les dispositions claires et précises d'un contrat ne peuvent pas cesser de produire leurs effets par l'écoulement du temps, comme le soutient la société LSN Assurances, et que l'inscription au registre de l'Orias n'est requise que pour les intermédiaires d'assurance qui perçoivent des commissions au titre de leur activité.
Tel n'est pas le cas de M. [S] qui a perçu ces sommes en application de son contrat de travail.
Le document communiqué par la société LSN Assurances précise d'ailleurs que cette immatriculation de concerne pas les salariés d'un intermédiaire, mais seulement leur employeur.
Le refus de la société LSN Assurances de poursuivre les paiements et d'établir les bulletins de paie correspondants, est donc totalement dépourvu de fondement.
L'ordonnance rendue le 19 juillet 2018 sera infirmée en totalité et faute de contestation sur le calcul des sommes réclamées par M. [S], il sera fait droit à ses demandes.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Compte tenu de la solution du litige, la société LSN Assurances devra payer à M. [S] la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme l'ordonnance du 19 juillet 2018 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Condamne la société LSN Assurances à payer à M. [S] les sommes provisionnelles suivantes :
* 1.754,10 euros au titre des commissions du 4ème trimestre 2017 pour le contrat Takeda
* 5.694 euros au titre des commissions du 2ème trimestre 2017 pour les contrats LLD
* 24.744,74 euros par mois au titre des commissions de 2018
Rappelle que ces sommes produisent des intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation de la société LSN Assurances devant le conseil de prud'hommes pour les sommes dues au titre de l'année 2017, et pour les sommes dues au titre de l'année 2018 à compter de la signification des conclusions du 2 octobre 2018,
Enjoint à la société LSN Assurances de remettre à M. [S] les bulletins de paie relatifs à ces paiements sous astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard constaté 15 jours après la signification de l'arrêt par M. [S], et ce pour une période de 60 jours,
Rejette les autres demandes des parties,
Condamne la société LSN Assurances à payer à M. [S] la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux entiers dépens de l'instance en référé.
LE GREFFIER LE PRESIDENT