Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 10 AVRIL 2019
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/11550 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BY4RW
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Avril 2016 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n°
APPELANTE
SARL B HOME agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de CRETEIL sous le numéro 502 418 254
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334, avocat postulant
Assistée de Me Stephen MONTRAVERS de la SELEURL JUDIJURISOL, avocat au barreau de PARIS, toque : J074, avocat plaidant
INTIMÉE
SCI GESBAC agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié audit siège en cette qualité
immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 397 939 257
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Christian FOURN, avocat au barreau de PARIS, toque : J064
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 04 Décembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre
Madame Sandrine GIL, conseillère
Madame Françoise BARUTEL-NAULLEAU, conseillère
qui en ont délibéré,
un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre et par Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.
*****
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 31 juillet 2003 la société Vincennes Revert, aux droits de laquelle se trouve la société GESBAC a consenti à M. et Mme [R] le renouvellement d'un bail commercial portant sur des locaux situés [Adresse 1] pour une durée de 9 années à compter du 1er octobre 2002 moyennant un loyer annuel hors taxes hors charges de 26 115 euros. L'activité contractuelle est celle de 'bar, restaurant sans établir de billard ni donner de bal public, étant précisé que le bar devra rester accessoire et complémentaire de l'activité principale de restaurant à l'exclusion de toute autre utilisation des lieux'.
Par acte sous seing privé en date du 3 novembre 2008, M. et Mme [R] ont cédé leur fonds de commerce de bar-restaurant à la société B HOME qui exploite les locaux à usage de restauration.
Par acte d'huissier de justice du 16 mars 2011, la bailleresse a notifié à la locataire un congé avec offre de renouvellement au 30 septembre 2011 moyennant un loyer de 78.000 euros par an.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 mars 2011, la locataire a accepté le principe du renouvellement mais a refusé le montant du loyer.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 novembre 2011, la bailleresse lui a notifié un mémoire préalable sollicitant le déplafonnement du loyer en raison de la modification notable des caractéristiques des locaux loués.
Par acte du 15 mars 2012, elle a fait assigner la société B HOME devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de CRETEIL reprenant les termes du mémoire afin de voir fixer le montant du loyer renouvelé à la somme de 89 029 euros en principal.
Par jugement du 9 octobre 2012, le juge des loyers commerciaux de Créteil a notamment :
- commis en qualité d'expert M. [Y] avec mission de donner toutes informations utiles pour permettre au juge des loyers commerciaux de déterminer l'existence ou non d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L145-33 du code de commerce et de fixer la valeur locative des locaux au 1er octobre 2011,
- fixé le montant du loyer provisionnel pendant la durée de l'instance au montant du dernier loyer actuel,
- Sursis à statuer sur les autres demandes,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement
- renvoyé l'affaire à l'audience de la 3ème chambre du 15 janvier 2013 pour vérification du versement de la consignation.
L'expert judiciaire désigné, M. [Y], a déposé son rapport au greffe du tribunal le 3 novembre 2014.
Par jugement du 12 avril 2016, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de CRETEIL a :
- fixé le loyer du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2011 à la somme de 69.100 euros par an en principal ;
- dit que la société B HOME devra payer à la société GESBAC les intérêts au taux légal sur les compléments de loyer à compter du 25 janvier 2016 ;
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes ;
- dit que les dépens, qui comprendront les frais d'expertise, seront supportés par moitié par chacune des parties.
Par déclaration du 25 mai 2016, la SARL B HOME a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusion notifiées par le RPVA le 4 octobre 2018, la société B HOME, SARL, demande à la cour de :
- Statuant sur l'appel incident formé par GESBAC en ce qui concerne le point de départ des intérêts sur les rappels de loyers,
- Débouter la SCI GESBAC de l'ensemble de ses demandes.
- Recevant la SARL B.HOME en son appel et l'y disant bien fondé,
Vu les articles 12 et 16 du Code de Procédure Civile,
Vu la Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, 25
Vu les termes du Congé délivré le 16 mars 2011 par le SCI GESBAC,
Vu les articles L 145-9 alinéa 5, R 145-7, L 145-33, L145-34 et L 145-60 du Code de Commerce,
Vu les articles 386 et suivants du Code de Procédure Civile,
Vu les présentes écritures et les pièces versées aux débats,
Vu la Jurisprudence citée,
Vu les jugements rendus les 09 octobre 2012 et 12 avril 2016 par le Tribunal de Grande Instance de CRETEIL,
Entrant en voie de réformation de la décision rendue le 12 avril 2016 par le Tribunal de Grande instance de Créteil :
- dire et juger nul et de nul effet le congé délivré le 16 mars 2011 par la SCI GESBAC et prononcer la nullité de toute la procédure subséquente,
- dire et juger éteinte depuis le 9 octobre 2014 par l'effet de la péremption l'instance introduite le 15 mars 2012 par la SCI GESBAC et prononcer la nullité du jugement rendu le 12 avril 2016 par le tribunal de grande instance de Créteil
- dire et juger prescrite depuis le 9 octobre 2014 l'action introduite par la SCI GESBAC, et réformer le jugement entrepris en la déboutant de toutes ses demandes formulées contre la SARL B.HOME,
- dire et juger contraire à la loi applicable la décision rendue par le tribunal de grande instance de Créteil le 12 avril 2016, pour défaut d'application des dispositions de l'article L145-34, pour défaut d'application des dispositions de l'article L.145-34 issues de la loi du 18 juin 2014 et gouvernant la limitation du déplafonnement et dire que l'augmentation de loyer qui pourrait être due par la SARL B.HOME au titre du bail dont il serait prononcé le renouvellement à effet rétroactif du premier octobre 2011 ne pourra excéder 10% du loyer acquitté par la SARL B.HOME entre le premier octobre 2010 et le 30 septembre 2011.
- dire et juger que les termes du bail renouvelé en 2003 ne prévoient l'accession du propriétaire qu'à la fin du bail et constatant que la jouissance du preneur B HOME s'est poursuivie,
- débouter purement et simplement GESBAC de toutes ses demandes en déplafonnement,
- subsidiairement dire et juger que la demande de déplafonnement présentée par la SCI GESBAC ne pourra s'appliquer qu'à compter du deuxième renouvellement après les travaux effectués par B HOME soit celui du premier octobre 2020 et débouter GESBAC de toutes ses demandes,
Réformant de plus fort la décision entreprise :
- Fixer à la somme de TRENTE SIX MILLE CINQ CENTS EUROS (36.500 €) par an en principal le montant du loyer du bail renouvelé à effet rétroactif du 1er octobre 2011, des locaux situés à [Adresse 1], en application des règles du plafonnement de l'article L 145-34 du code de Commerce, les autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées, sauf celles contraires aux dispositions impératives en matière de Baux Commerciaux issues de la Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014,
- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où par impossible, la Cour d'Appel estimerait devoir faire droit à la demande de déplafonnement de la SCI GESBAC :
- Constater que les travaux réalisés par la société B HOME ne peuvent être pris en compte pour la détermination du prix du loyer qu'à l'occasion du prochain renouvellement de bail, conformément aux dispositions de l'article R.145-8 du Code de commerce, soit au premier octobre 2020,
- Fixer, dès lors, à la somme de TRENTE SIX MILLE CINQ CENTS EUROS (36.500 €), par an en principal le montant du loyer du bail renouvelé à effet rétroactif du 1er octobre 2011, des locaux susvisés.
A titre infiniment subsidiaire et pour le cas où par extraordinaire, la Cour d'Appel estimerait devoir retenir le déplafonnement du loyer et considérerait, au surplus, que doivent être pris en compte, à l'occasion du présent bail, les travaux d'amélioration et de mises aux normes réalisés par la locataire,
- Fixer, en ce cas, le loyer à la somme de TRENTE SEPT MILLE CENT TRENTE ET UN EUROS (37.131€), par an en principal le montant du loyer du bail renouvelé à effet du 1er octobre 2011, des locaux susvisés.
En tout état de cause,
- Dire que les intérêts qui pourraient être dus sur les arriérés de loyers depuis la date du renouvellement, courront à compter du jour du prononcé de l'arrêt à intervenir.
- Débouter la SCI GESBAC de l'ensemble de ses demandes plus amples et contraires.
- Condamner la SCI GESBAC à verser à la SARL B.HOME la somme de 15.000€ en exécution des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et condamner la SCI GESBAC aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le montant pourra être recouvré par Maître Jacques BELLICHACH, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 29 novembre 2018, la SCI GESBAC demande à la cour de :
- Déclarer la société B HOME mal fondée en son appel et l'en débouter ;
- Confirmer le jugement du 12 avril 2016 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit que les intérêts sur les compléments de loyer seront payés qu'à compter du 25 janvier 2016 ;
Statuant à nouveau ;
- Dire que la société B HOME devra payer à la SCI GESBAC les intérêts au taux légal sur les compléments de loyers à compter de la notification du mémoire préalable, soit le 25 novembre 2011 ;
- Condamner la société B HOME à payer à la SCI GESBAC la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la nullité du congé délivré le 16 mars 2011
L'appelante soutient que le congé délivré par la SCI GESBAC est nul pour absence de motivation ; que c'est de mauvaise foi que la bailleresse s'est dispensée de préciser les motifs de déplafonnement qu'elle n'a développés que plus tard à l'appui du mémoire du 25 novembre 2011. L'intimée soutient qu'il n'existe aucune obligation de motiver le congé.
La cour rappelle qu'aux termes l'article L145-11 du code de commerce, 'Le bailleur qui, sans être opposé au principe du renouvellement, désire obtenir une modification du prix du bail doit, dans le congé prévu à l'article L. 145-9 ou dans la réponse à la demande de renouvellement prévue à l'article L. 145-10, faire connaître le loyer qu'il propose, faute de quoi le nouveau prix n'est dû qu'à compter de la demande qui en est faite ultérieurement suivant des modalités définies par décret en Conseil d'Etat.'.
Il résulte de la lecture combinée des dispositions de l'article L 145-9 et L145-11 du code de commerce qu'il n'y a aucune obligation de motiver le congé en précisant les motifs du déplafonnement ; que le congé comportant offre de renouvellement et mentionnant le prix du bail renouvelé proposé par le bailleur est suffisamment motivé au regard des dispositions des articles L145-11 et L145-9 du code de commerce.
La bailleresse n'ayant pas l'obligation de mentionner les motifs du déplafonnement, la locataire ne démontre pas la mauvaise foi alléguée dans la délivrance du congé.
Par conséquent, la société B HOME sera déboutée de sa demande formée en cause d'appel de voir déclarer le congé de nul et de nul effet et de voir prononcer la nullité de la procédure subséquente.
Sur la péremption d'instance et la prescription de l'action
L'appelante prétend que l'action de la bailleresse est éteinte par l'effet de la péremption à compter du 9 octobre 2014, soit deux ans après le jugement du 9 octobre 2012 qui a sursis à statuer sans préciser que le sursis était ordonné en l'attente du dépôt du rapport d'expertise ; que ce jugement n'a donc pas reporté le point de départ de la péremption ; que l'instance étant périmée, le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Créteil du 12 avril 2016 est nul ; qu'il incombait au juge de première instance de relever d'office cette péremption.
L'intimée soutient que le jugement ordonnant une expertise judiciaire et ordonnant le sursis à statuer sur les demandes des parties a interrompu l'instance ; que le dépôt du rapport d'expertise le 3 novembre 2014 a fait courir un nouveau délai de péremption; qu'elle a déposé un mémoire le 5 mars 2015 de sorte que l'instance n'est pas périmée ; que le juge de première instance n'avait pas l'obligation de relever d'office la péremption alors qu'aucune des parties n'avait fait de demande en ce sens.
Il résulte des articles 386 et 392 du code de procédure civile que l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans et que l'interruption de l'instance emporte celle du délai de péremption.
Une diligence émanant des parties ne peut interrompre la péremption que s'il est constaté qu'elle est de nature à faire progresser l'affaire.
Par application de l'article 392 du code de procédure civile, lorsque la suspension du délai de péremption est la conséquence d'une décision de sursis à statuer jusqu'à la survenance d'un événement déterminé, un nouveau délai court à compter de la réalisation de cet événement.
Contrairement à ce que prétend l'appelante, le juge n'a pas l'obligation de relever d'office la péremption si aucune des parties n'a formé de demande en ce sens.
Par jugement en date du 9 octobre 2012, le juge des loyers commerciaux de Créteil a commis un expert judiciaire afin de donner toutes informations utiles pour lui permettre de fixer la valeur locative et il a ensuite sursis à statuer sur les demandes des parties, qui au vu du dispositif repris par le jugement de leurs mémoires respectifs, ont trait à la fixation du loyer, à la somme de 38 250 euros pour la société B HOME et à la somme de 89 029 euros pour la SCI GESBAC.
Il résulte du dispositif du jugement précité que le sursis à statuer sur les demandes des parties a été ordonné consécutivement à l'institution de l'expertise judiciaire ; que par conséquent, le délai de péremption est suspendu jusqu'au dépôt du rapport d'expertise judiciaire.
Le rapport d'expertise judiciaire ayant été déposé le 3 novembre 2014, un nouveau délai de deux ans à couru à compter de cette date et la SCI GESBAC a régularisé un mémoire le 5 mars 2015 en ouverture de rapport. Dans ces conditions, l'instance n'est pas périmée.
Sur la prescription de l'action de la SCI GESBAC
La société B HOME prétend que l'action de la SCI GESBAC serait prescrite faute d'avoir réitéré ses demandes devant le tribunal dans le délai de deux ans suivant le jugement du 9 octobre 2012 alors que l'action se prescrit par deux ans ; que le sursis à statuer n'a pas d'effet suspensif de prescription faute de préciser qu'il est ordonné en l'attente de l'expertise.
L'intimée soutient que le sursis à statuer prononcé le 9 octobre 2012 n'emporte pas dessaisissement du juge en application de l'article 379 du code de procédure civile ; que la prescription est interrompue depuis la saisine du juge.
La cour rappelle que par application de l'article L145-60 du code de commerce, l'action en fixation du loyer se prescrit par deux ans.
La prescription peut être opposée en tout état de cause, même devant la cour d'appel.
Selon l'article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Aux termes de l'article 2242 du code civil, l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.
La SCI GESBAC a fait assigner la société B HOME par acte d'huissier de justice du 15 mars 2012 devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de CRETEIL après lui avoir notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 novembre 2011 un mémoire préalable aux fins de fixation du loyer du bail renouvelé.
Le jugement du 9 octobre 2012 ayant commis un expert afin de donner toutes informations utiles pour permettre au juge des loyers commerciaux de fixer la valeur locative, sursis à statuer sur les demandes des parties qui sollicitaient la fixation du loyer renouvelé et renvoyé l'affaire à la mise en état n'a pas mis fin à l'instance par application de l'article 379 du code de procédure civile, le sursis à statuer n'emportant pas dessaisissement du juge et l'affaire ayant été renvoyée à la mise en état.
Il s'ensuit que l'action en fixation du loyer introduite par la SCI GESBAC le 15 mars 2012 n'était pas prescrite, lorsque après le dépôt du rapport d'expertise judiciaire le 3 novembre 2014, la SCI GESBAC a régularisé le 5 mars 2015 un mémoire en ouverture de rapport devant le juge des loyers commerciaux de Créteil aux fins de fixation du loyer du bail renouvelé.
Par conséquent, la société B HOME sera déboutée de sa demande de prescription.
Sur l'application de la loi du 18 juin 2014
La société B HOME soutient que les nouvelles dispositions de l'article L145-34 issues de la loi du 18 juin 2014 prévoyant la limitation du déplafonnement s'appliquent dès lors que la décision fixant le loyer du bail renouvelé intervient postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi de sorte que le bail ne peut être considéré comme étant renouvelé avant la décision définitive fixant judiciairement le loyer.
La cour rappelle que les nouvelles dispositions de l'article L145-34 du code civil introduites par la loi du 18 juin 2014 sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014 ; que le bail s'est trouvé renouvelé par l'effet du congé délivré par la SCI GESBAC par acte d'huissier du 16 mars 2011 à compter du 1er octobre 2011.
Le bail étant renouvelé à compter du 1er octobre 2011, les dispositions nouvelles de l'article L145-34 du code de commerce introduites par la loi du 18 juin 2014 ne sont pas applicables. L'appelante sera donc déboutée de sa demande.
Sur la fixation du loyer du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2011
La société B HOME conteste la qualification des travaux retenus par le jugement entrepris faisant valoir avoir effectué des travaux importants de mise aux normes et d'adaptation des locaux à son activité en 2008-2009 qui étaient indispensables pour l'exploitation des locaux et qui ne peuvent donner lieu à déplafonnement ; que les autres travaux sont des travaux d'amélioration dont la bailleresse ne peut se prévaloir s'agissant d'un premier renouvellement. Elle ajoute qu'en tout état de cause, lorsque les travaux peuvent être qualifiés de modifications notables des caractéristiques des locaux et d'amélioration alors c'est le régime des améliorations qui prévaut. Elle conteste toute participation du bailleur aux travaux faisant valoir que les travaux touchant à la structure de l'immeuble ont été rendus nécessaires par la vétusté du plancher haut ; qu'il est normal que le bailleur ait pris en charge ces travaux décidés par la copropriété, travaux qui relevaient de l'obligation de délivrance à son égard tout comme ceux relatifs aux issues de secours ou au désamientage. Elle ajoute qu'en toute hypothèse, elle a procédé à 700 000 euros de travaux ; que la bailleresse n'y aurait contribué qu'à hauteur de 34 852 eutros, ce qui est dérisoire et ne peut entraîner un déplafonnement lors du 1er renouvellement. Enfin elle fait valoir qu'en tout état de cause aucune accession des modifications et des améliorations n'a pu avoir lieu en l'espèce, la fin du bail visée par la clause d'accession s'interprétant comme signifiant la fin des relations contractuelles, ce qui n'est pas le cas en l'espèce le bail s'étant renouvelé ; de sorte qu'aucun déplafonnement ne peut intervenir.
La SCI GESBAC expose que la création au rez-de-chaussée d'une salle arrière de 45m² sur une partie de la cour-terrasse ; la transformation du logement du 1er étage en une partie commerciale et la redistribution des surfaces ont augmenté les surfaces accessibles à la clientèle et constituent une modification notable des caractéristiques entraînant le déplafonnement qui l'emporte sur d'éventuelles améliorations. Elle précise avoir en outre contribué aux travaux en prenant en charge les travaux de flocage, de désamientage et de création de deux issues de secours rendues nécessaires en raison des travaux de la locataire qui ont agrandi les locaux et augmenté la surface accessible à la clientèle ainsi que les travaux de renforcement du plancher haut également nécessaires en raison des travaux de la locataire du 1er étage. La SCI GESBAC considère que lorsque le locataire entreprend d'importants travaux modifiant les caractéristiques des locaux, ces travaux sont généralement accompagnés d'amélioration mais qu'il n'y a pas lieu de les privilégier alors que des surfaces importantes ont été créées, soit par création de plancher soit par changement d'affectation. Enfin, elle soutient que le bail prévoit l'accession des travaux en fin de bail et non en fin de jouissance ; que lorsque le bail se renouvelle , le précédent bail prend fin et un nouveau bail prend effet ; que la clause d'accession a donc joué.
La cour rappelle qu'aux termes des articles L 145-33 et L 145-34 du code de commerce dans leur version applicable à l'espèce, le montant des loyers des baux à renouveler doit correspondre à la valeur locative.
A défaut d'accord entre les parties, la valeur locative est déterminée d'après :
1/ les caractéristiques du local considéré,
2/ la destination des lieux,
3/ les obligations respectives des parties,
4/ les facteurs locaux de commercialité,
5/ les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
A moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° , le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction publié par l'INSEE intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré.
Il résulte des dispositions des articles R145-3 et R145-4 du code de commerce relatifs aux caractéristiques propres au local et de l'article R. 145-8 concernant les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail que :
- lorsque les travaux réalisés par le locataire ont modifié notablement les caractéristiques des locaux, le déplafonnement est possible au premier renouvellement suivant leur réalisation, sous peine de déchéance du bailleur du droit de s'en prévaloir pour les renouvellements ultérieurs,
- les travaux d'amélioration réalisés en cours de bail par le locataire qui en a assumé la charge financière exclusive, n'ouvriront droit à déplafonnement que lors du second renouvellement suivant leur accomplissement,
- une mise en conformité tout comme l'adaptation des locaux à leur destination contractuelle ne constituent pas une amélioration.
Quand des travaux modifient notablement les caractéristiques des lieux loués mais améliorent aussi ces mêmes locaux, la qualification qui prime est celle de travaux d'amélioration.
La participation du bailleur aux travaux d'amélioration doit être notable pour justifier le déplafonnement lors du 1er renouvellement.
Il n'est pas discuté que les travaux dont s'agit ont été effectués au cours du bail expiré avec l'accord de la bailleresse.
L'expert judiciaire a conclu que d'importants travaux ont été réalisés au cours du bail expiré entraînant une modification notable des caractéristiques propres des locaux ; que ces travaux peuvent également être considérés en grande partie comme des travaux d'amélioration.
En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise judiciaire et des plans des locaux avant et après travaux que la société B HOME a effectué des travaux consistant essentiellement en :
- l'agrandissement des locaux bâtis du rez-de-chaussée avec la création d'une salle arrière de restaurant de 45 m² sur une partie cour-terrasse existante,
- la création d'une terrasse de 74m² au 1er étage,
- la transformation de la partie logement du 1er étage en une partie commerciale partiellement accessible à la clientèle, avec une sortie de secours vers le rez-de-chaussée,
- la création d'une issue de secours vers une cour contiguë,
- la redistribution des surfaces avec la suppression de piliers porteurs, de parties de murs porteurs et déplacement de l'escalier vers le 1er étage,
- la rénovation des locaux avec changement des sols et nouvelle décoration,
- le changement des appareils (chambres froides, cuisines) et du mobilier.
Contrairement à ce que prétend la société B HOME, il ne s'agit pas de travaux d'adaptation à l'activité exercée dans les locaux conformément à la destination contractuelle alors que le fonds de commerce était précédemment déjà exploité à usage de restaurant. En revanche certains travaux relèvent de la mise en conformité avec la législation en matière d'hygiène, de sécurité et d'incendie (chambres froides, issues de secours, remise aux normes de l'électricité, désamientage) de sorte qu'ils ne peuvent donner lieu à déplafonnement. Il s'ensuit que le fait que le bailleur ait participé financièrement à une partie des travaux portant sur les issues de secours, le désamientage et le déflocage (pour la somme de 10 830 euros) ne peut être considéré comme une participation indirecte au financement des travaux susceptible d'entraîner, si les travaux étaient qualifiés d'amélioration, un déplafonnement lors du 1er renouvellement même si la création de deux issues de secours était le cas échéant liée à l'agrandissement des locaux.
L'agrandissement du rez-de-chaussée a permis d'augmenter la surface commerciale pouvant être exploitée en toute saison, puisque là où se trouvait une terrasse accessible à la clientèle se trouve désormais une salle de restaurant close et utilisable tout au long de l'année et en outre au vu des photographies et des plans, la surface restante de la partie extérieure a été aménagée, suite à la destruction de la remise, en terrasse. Il s'agit à la fois d'une modification notable des caractéristiques des locaux puisque la superficie des locaux bâtis destinée à la clientèle du restaurant s'est accrue et d'une amélioration des conditions d'exploitation du commerce qui ont été optimisés pour accueillir davantage de clients tout au long de l'année tout en maintenant l'offre d'une terrasse extérieure.
L'aménagement d'une terrasse au 1er étage constitue une amélioration des conditions d'exploitation puisque si cet aménagement n'a pas vocation à accueillir la clientèle en toute saison, elle permet d'offrir aux beaux jours un cadre extérieur et une modification notable des caractéristiques du bail puisque cette terrasse n'existait pas et constitue des m² supplémentaires accessibles à la clientèle.
La redistribution des surfaces a permis un meilleur aménagement des locaux, notamment par la création d'une cuisine au 1er étage desservant ainsi la partie restauration du 1er étage en lieu et place de pièces d'habitation et le changement de position de l'escalier.
Enfin les locaux ont été entièrement rénovés (sols, peinture, mobiliers).
Il s'ensuit que les travaux ont tout à la fois modifié notablement les caractéristiques des locaux et amélioré l'utilisation commerciale du fonds, de sorte qu'il convient de faire prévaloir le régime des améliorations.
L'expert a chiffré à environ 520 000 euros le montant des travaux effectués par la locataire dans les locaux.
La bailleresse a assumé pour un montant de 36 612 euros la charge des travaux de réfection du plancher entre le rez-de-chaussée et le 1er étage, travaux réalisés par la copropriété.
Le bail du 31 juillet 2003 met à la charge de la locataire les travaux dépendant de l'article 606 du code civil (sauf la réfection des couvertures du bâtiment central) mais il ne transfère pas sur la locataire les travaux issus de la vétusté.
Il résulte du rapport technique du bureau d'études mandaté par la copropriété portant sur le plancher haut du restaurant que certaines solives sont vermoulues ; qu'une poutre présente des fers plats en plateaux rouillés ou inexistants ; que les poutres de reprise de la façade doivent être changées et sont en partie attaquées par les xylophages. Si le rapport indique que les solives situées sur la zone de la cuisine ne sont pas suffisantes pour reprendre les surcharges d'exploitation, il est précisé que leur mauvais état ne permet pas de les renforcer. Il s'ensuit qu'il ne peut être imputé à la société B HOME la nécessité de la réfection du plancher haut dont le mauvais état résulte de sa vétusté.
Dans ces conditions la prise en charge des travaux du plancher haut relève de l'obligation de délivrance de la bailleresse en raison de sa vétusté et ne saurait constituer un financement des travaux de la locataire ouvrant droit au déplafonnement lors du 1er renouvellement.
Enfin, la cour relève que le bail comporte les dispositions suivante :
' De ne pouvoir toucher aux gros murs qu'avec l'autorisation expresse et par écrit du bailleur, et sous la direction et la surveillance de son architecte, dont les honoraires seront payés par le preneur.
De laisser à la fin du bail ces modifications ou améliorations au bailleur sans indemnité, à moins que celui-ci ne préfère le rétablissement des lieux loués dans leur état primitif'.
Lorsque le bailleur dispose comme en l'espèce d'une option lui permettant de demander la remise des lieux dans leur état primitif, l'accession ne joue qu'au départ du locataire, à la fin des relations contractuelles, puisque ce n'est pas à l'occasion d'un renouvellement que les locaux doivent être remis dans leur état d'origine.
Il s'ensuit que les travaux effectués par la locataire portant modification des locaux, comprenant la suppression de piliers porteurs, de parties de murs porteurs, et /ou améliorations ne sont en tout état de cause pas susceptibles d'entraîner le déplafonnement du bail puisqu'ils ne peuvent devenir la propriété de la bailleresse qu'à la fin des relations contractuelles entre les parties et non en cas de renouvellement du bail.
Par conséquent la SCI GESBAC sera déboutée de sa demande de voir déplafonner le loyer en raison des travaux effectués dans les locaux donnés à bail par la société B HOME.
Il convient par conséquent d'infirmer le jugement de première instance et de fixer le loyer du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2011 au montant du loyer plafonné.
L'expert judiciaire a proposé deux méthodes de calcul indiciaire pour évaluer le loyer plafonné aboutissant à :
- un loyer de 35 015 euros HT/HC, soit en fonction du dernier indice paru à la date du renouvellement et de l'indice paru 9 ans avant : 26 115 euros x 1554/1159,
- un loyer de 36 499 euros HT/HC, soit en fonction de l'indice figurant au bail pour les révisions de loyers et de l'indice paru 9 ans après : 26 115 euros x 1638/1172.
Les parties n'ont pas fait d'observations sur le calcul du loyer plafonné.
La locataire sollicitant la fixation du prix du loyer plafonné au 1er octobre 2011 à la somme de 36 500 euros en principal, ce qui correspond à la somme arrondie du loyer proposé par l'expert judiciaire à hauteur de 36 499 euros, il convient de fixer le loyer du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2011 à la somme de 36 500 euros.
Il y a lieu de dire que les intérêts qui pourraient être dus sur les compléments de loyers éventuels courront à compter du 25 novembre 2011, date du mémoire préalable du bailleur.
Sur les demandes accessoires
Il convient de confirmer le jugement de première instance qui a débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 et qui a partagé les dépens en ce que compris les frais d'expertise, expertise qui s'est avérée nécessaire pour fixer le loyer.
En cause d'appel, il n'est pas inéquitable de condamner la SCI GESBAC à régler la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
La SCI GESBAC qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel dont distraction au profit de l'avocat postulant conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 et dit que les dépens, qui comprendront les frais d'expertise, seront supportés par moitié par chacune des parties,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute la société B HOME de sa demande formée en cause d'appel de voir déclarer le congé nul et de nul effet et de voir prononcer la nullité de la procédure subséquente,
Déboute la société B HOME de sa demande de voir déclarer l'instance introduite le 15 mars 2012 par la SCI GESBAC, éteinte depuis le 9 octobre 2014 par l'effet de la péremption d'instance et de voir prononcer la nullité du jugement rendu le 12 avril 2016 par le tribunal de grande instance de Créteil,
Déboute la société B HOME de sa demande de voir dire prescrite depuis le 9 octobre 2014 l'action introduite par la SCI GESBAC,
Déboute la société B HOME de sa demande de voir dire contraire à la loi applicable la décision rendue par le tribunal de grande instance de Créteil le 12 avril 2016 pour défaut d'application des dispositions de l'article L.145-34 issues de la loi du 18 juin 2014 et sollicitant d'en faire application,
Déboute la SCI GESBAC de sa demande de déplafonnement du loyer du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2011,
Fixe à la somme de 36.500 euros par hors taxes et hors charges le montant du loyer du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2011 des locaux situés à [Adresse 1]
Dit que les intérêts qui pourraient être dus sur les compléments de loyers éventuels courront à compter du 25 novembre 2011, date du mémoire préalable du bailleur.
Condamne la SCI GESBAC à régler à la société B HOME la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la SCI GESBAC aux dépens d'appel dont distraction au profit de l'avocat postulant conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE