Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRÊT DU 17 AVRIL 2019
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/11572 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3JJC
Décisions déférées à la Cour :
Arrêt du 11 Mai 2016 - Cour de cassation - Arrêt n°487 F-D
Arrêt du 02 Mai 2014 - Cour d'appel de SAINT-DENIS - RG n°12/00999
Jugement du 24 Avril 2012 - Tribunal de Grande Instance de SAINT DENIS - RG n° 08/03864
APPELANTE
Madame [R], [J], [C] [V] épouse [U]
née le [Date naissance 1] 1955 à SAINT-DENIS (RÉUNION - 97)
[Adresse 1]
[Adresse 2]
représentée et ayant pour avocat plaidant Me Laurent MEILLET, avocat au barreau de PARIS, toque : A0428
INTIME
Monsieur [I], [F], [Q] [V]
né le [Date naissance 2] 1951 à SAINT-DENIS (RÉUNION - 97)
Le [Adresse 3]
[Adresse 4])
représenté et ayant pour avocat plaidant Me David FREREJACQUE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0162
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 Mars 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Dorothée DARD, Président
Mme Madeleine HUBERTY, Conseiller
Mme Catherine GONZALEZ, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Dorothée DARD dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Dorothée DARD, Président et par Mme Emilie POMPON, Greffier présent lors de la mise à disposition.
***
Marie [O] [G] veuve [V] est décédée le [Date décès 1] 2007, à [Localité 1], laissant pour lui succéder ses deux enfants issus de son union avec [Q] [V], pré-décédé, M. [I] [V] et Mme [R] [V] épouse [U].
Les époux [V], mariés sous le régime de la séparation de biens, avaient consenti une donation partage à leurs enfants le 19 décembre 1978.
Chacun des enfants avait ainsi reçu des biens immobiliers estimés à l'époque à 1.160.000 francs, les donateurs s'étant toutefois réservés l'usufruit des biens donnés pendant leur vie durant et celle du survivant d'eux.
Par jugement du 23 juillet 1996, Marie [O] [V] a été placée sous tutelle, dont l'exercice avait été confié à L'UDAF.
Mettant en cause l'absence de transparence de la gestion des biens de sa mère à laquelle son frère M [I] [V] avait participé, les avantages indirects et donations déguisées dont il avait bénéficié ainsi que la nécessité des rapports qui en résultait, et stigmatisant un déséquilibre de la donation partage du 19 décembre 1978, Mme [R] [V] épouse [U] a, par acte d'huissier en date du 24 septembre 2008, fait assigner M [I] [V] afin de voir notamment ordonner l'ouverture des opérations de comptes liquidation partage de la succession de Mme Marie [O] [V], et une expertise pour évaluer les biens objets de la donation partage sus évoquée.
Par jugement en date du 24 avril 2012, le tribunal de grande instance de Saint Denis a dit que la masse successorale laissée par Mme [O] [V] au jour de son décès était uniquement constituée, d'une part des immeubles situés à [Adresse 5] et d'autre part des 1 460 actions de la Banque de la Réunion, à l'exclusion des biens objets de la donation partage du 19 décembre 1978, des travaux d'extension de l'immeuble de Saint Paul, de la piscine de Bellepierre, des sommes versées par l'UDAF, d'une libéralité du 10 septembre 1979 (dont le tribunal a estimé qu'elle n'était pas établie) et de tout autre bien.
Il a également rouvert les débats et invité les parties à conclure sur son éventuelle incompétence en matière de partage d'un immeuble situé à l'étranger.
Par déclaration au greffe en date du 13 juin 2012 Mme [V] épouse [U] a interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt avant dire droit en date du novembre 2013, la cour d'appel de Saint-Denis, constatant que Mme [V] avait la double nationalité franco-mauricienne, que sa succession n'était composée en matière immobilière que d'un immeuble se situant à l'lle Maurice et qu'elle y était décédée, a soulevé le moyen tiré de son incompétence territoriale pour statuer, tant sur la demande d'ouverture des opérations de compte liquidation partage de la succession de Mme [V], que sur celles portant sur la remise en cause de la donation partage intervenue le 19 décembre 1978 alors que l'examen du bien fondé ou non de l'action en réduction formalisée en définitive par Mme [U] ne pourrait intervenir qu'après que la liquidation de la succession de Mme [V] soit intervenue.
Puis le 2 mai 2014, ladite cour a rendu un arrêt dans les termes suivants :
'CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la masse successorale laissée par Mme [O] [V] au jour de son décès était uniquement constituée, d'une part de l'immeuble située à [Adresse 5] et d'autre part des 1 460 actions Banque de la Réunion, à l'exclusion des biens objets de la donation partage du 19 décembre 1978, des travaux d'extension de l'immeuble de Saint Paul, de la piscine de Bellepierre, des sommes versées par l'UDAF, d'une libéralité du 10 septembre 1979 et de tout autre bien.
DÉBOUTE Mme [U] de toutes ses demandes de rapport et de celle tendant à remettre en cause la donation partage du 19 décembre 1978.
INFIRME ce jugement en ses autres dispositions et STATUANT à nouveau et y AJOUTANT :
DIT et JUGE recevable l'action en réduction de Mme [U] et RENVOIE au notaire l'examen de son bien fondé en l'attente de l'évaluation de la masse de réserve de l'article 922 du code civil, les biens objets de la donation partage devant, quant à eux, être évalués en application de l'article 1078 du même code soit au jour de la donation partage et non au jour du partage, l'indemnité de réduction devant être évaluée conformément aux dispositions de l'article 924-2 du même code.
ORDONNE l'ouverture des opérations de compte liquidation partage de la succession de Mme [V] ainsi composée en terme d'actifs.
COMMET pour y procéder M le président de la chambre des notaires ou son délégataire ainsi que le magistrat du tribunal de grande instance de Saint Denis chargé de ce contrôle pour les surveiller.
DIT qu'en cas d'empêchement du notaire commis, il sera procédé à son remplacement par le président de la chambre des notaires.
CONSTATE que la succession à liquider comporte un immeuble situé [Adresse 5] à l'lle Maurice et que sa dévolution et son partage sont soumis à la loi mauricienne et RENVOIE le notaire saisi à agir en conséquence et à saisir un notaire mauricien, les dispositions de la loi mauricienne à cet égard étant apparemment semblables à celles de la loi française.
DIT que le notaire saisi devra dans le délai d'un an de sa désignation sauf à en solliciter la suspension du fait de la saisine d'un notaire mauricien dresser un état liquidatif établissant les comptes entre les copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir.
FIXE en l'état à 2 000 euros la somme à prélever en l'état sur l'actif successoral pour faire face aux frais de l'état liquidatif.
DIT que pour l'évaluation du bien immobilier le notaire liquidateur se reportera aux éléments fournis par le notaire mauricien et que si la valeur ou la consistance des biens le justifient le notaire pourra se faire assister d'un expert désigné en accord entre les parties et à défaut par le juge commissaire.
DIT qu'en application des articles 842 du code civil et 1372 du code de procédure civile si un acte de partage amiable est établi le notaire en informera le juge commis qui constatera la clôture de la procédure.
DIT qu'en cas de désaccord des copartageants sur le projet d'état liquidatif dressé par le notaire sur des questions relevant de l'appréciation souveraine du juge du fond, le notaire établira, en application de l'article 1373 du code de procédure civile, un procès verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d'état liquidatif et le transmettra au juge commis pour surveiller les opérations de partage.
DÉBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes.
ORDONNE l'emploi des dépens et des honoraires du notaire en frais privilégiés de partage.'
Par arrêt du 11 mai 2016, la première chambre civile de la cour de cassation a cassé et annulé ledit arrêt, 'mais seulement en ce qu'il renvoie au notaire liquidateur l'examen du bien-fondé de la demande de Mme [U] tendant à la réduction de la donation partage du 19 décembre 1978 et en ce qu'il ordonne l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [M] [V] en incluant l'immeuble situé à [Localité 1] et renvoie le notaire commis à saisir un notaire mauricien, les dispositions de la loi mauricienne à cet égard étant apparemment semblables à celles de la loi française '.
Par déclaration du 10 mai 2017, M. [V] a saisi la présente cour devant laquelle la cause et les parties avaient été renvoyées par l'arrêt de la Cour de cassation.
Aux termes de ses dernières conclusions du 18 février 2019, M. [I] [V] demande à la cour de :
Vu l'arrêt rendu le 11 mai 2016 par la 1ère Chambre civile la Cour de cassation,
Vu le jugement du 24 avril 2012 du tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion,
Vu l'arrêt du 2 mai 2014 de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion dans les dispositions qui sont devenues définitives conformément à l'arrêt de la Cour suprême précité,
Vu les dispositions de l'article 56 du code de procédure civile,
Vu les dispositions de l'article 44 du code de procédure civile,
Vu les dispositions de l'article 146 du code de procédure civile,
Vu les dispositions de l'article 3 du code civil et 3 du code civil mauricien
Vu celles des articles 720, 889, 920, 1075-3, 1077-1et suivants et 1078 du code civil, 1134 ancien du code civil, 1103 et 1104,
Concernant l'action en réduction de la donation-partage du 19 décembre 1978,
- confirmer le jugement du 24 avril 2012 en ce qu'il avait jugé dans ses motifs l'absence de toute atteinte à la réserve par la donation-partage du 19 décembre 1978 ;
En conséquence,
- débouter Madame [R] [U] de sa demande d'expertise des biens objets de la donation-partage du 19 décembre 1978 ;
- dire que l'action en réduction de la donation-partage du 19 décembre 1978 est mal fondée faute pour Mme [R] [U] de démontrer la moindre atteinte à la réserve au regard de la valeur des lots qui lui ont été attribués et celle des lots qui ont été attribués à M. [I] [V] au sens de l'article 1077-1 du code civil ;
- en conséquence, juger que Mme [R] [U] sera déboutée de son action en réduction de la donation-partage avec toutes conséquences de droit ;
Concernant la propriété de l'immeuble de [Adresse 6].
- constater que l'immeuble de [Adresse 5] est la propriété de M. et Mme [I] [V] en vertu de deux actes notariés mauriciens établis le 7 novembre 1997 ;
- dire et juger que les juridictions françaises sont incompétentes pour statuer sur la propriété de l'immeuble de [Adresse 7] que Mme [U] conteste en sollicitant son intégration à la masse successorale laissée par Marie [O] [V] ;
- débouter Mme [R] [U] de sa demande tendant à faire juger que l'immeuble de [Localité 1] doit être intégré dans la masse successorale des biens appartenant à Marie [O] [V] ;
- Subsidiairement, et si par extraordinaire la Cour se déclarait compétente pour statuer sur la propriété de l'immeuble de [Localité 1], juger que celui-ci a été acquis par M. et Mme [I] [V] en vertu de deux actes notariés mauriciens établis le 7 novembre 1997 dont une déclaration de command de Mme Marie [O] [V] faite par son mandataire habilité en vertu d'une procuration spéciale signée par le Juge des tutelles et le tuteur dans le cadre de la mesure de protection dont la mandante faisait l'objet ;
- dire et juger alors que M. et Mme [I] [V] démontrent avoir payé le terrain et les frais de constructions de la maison sur leurs deniers personnels ;
- débouter Mme [R] [U] de sa demande tendant à faire juger que l'immeuble de [Localité 1] doit être intégré dans la masse successorale des biens appartenant à Marie [O] [V] ;
Concernant la masse successorale laissée par Marie [O] [V],
- infirmer le Jugement du 24 avril 2012 concernant les seuls motifs qui ne sont pas devenus définitifs en vertu de l'arrêt de la Cour de [Localité 2] de la Réunion du 2 mai 2014 et statuant à nouveau ;
- constater que le prix des 1.460 actions de la Banque de la Réunion a été partagé entre les parties;
- constater, en conséquence, que la masse successorale laissée par [M] [V] n'est constituée que par les sommes d'argent qui se trouvent entre les mains du Notaire chargé de la succession de Marie [O] [V] ;
- débouter Mme [R] [U] de sa demande d'expertise concernant les autres biens de la succession autres que ceux de la donation-partage du 19 décembre 1978, cette mesure d'instruction n'étant pas utile ou pertinente compte tenu de la nature des biens composant la masse successorale laissée par Madame Marie [O] [V] ;
- subsidiairement, si par extraordinaire le bien de [Localité 1] était intégré à la masse successorale laissée par Mme Marie [O] [V], dire et juger que c'est la loi mauricienne qui trouvera application conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation depuis l'arrêt Stewart concernant les immeubles successoraux ;
- En tant que de besoin désigner le Président de la Chambre des Notaires de Saint-Denis de la Réunion avec faculté de délégation ainsi que le magistrat du Tribunal de Grande Instance de Saint-Denis de la Réunion chargé de ce contrôle pour surveiller les opérations de compte, liquidation et partage ;
- débouter Mme [R] [U] de l'ensemble de ses autres demandes, fins et conclusions ;
- condamner Madame [R] [U] à payer à Monsieur [I] [V] la somme de 35.000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; - la condamner aux dépens de la présente instance dont distraction est requise au profit de Me David Frèrejacque, avocat inscrit au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, M. [V] fait valoir que :
s'agissant de la demande de réduction de la donation-partage,
- pour apprécier l'atteinte à la réserve, il n'y a lieu de prendre en compte que les biens ayant fait l'objet de la donation-partage, à leur valeur au jour de la donation ;
- la déclaration de sincérité de la valeur des biens, figurant à l'acte, empêche Mme [U] de remettre en cause leur évaluation au jour de l'acte ;
- Mme [U] n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause les estimations, ni établir l'atteinte à sa réserve, et l'expertise sollicitée n'a pour objet que de pallier sa carence dans l'administration de la preuve ;
- des estimations de 2008 ne peuvent servir à remettre en cause l'évaluation de biens en 1978;
s'agissant de l'immeuble sis à [Localité 1],
- lui-même et son épouse en sont propriétaires en vertu de deux actes notariés du 7 novembre 1997 ;
- en tout état de cause, les juridictions mauriciennes sont seules compétentes pour trancher le litige relatif à la propriété de cet immeuble ;
- il est donc impossible pour la cour d'intégrer cet immeuble à la masse partageable, sans statuer préalablement sur la question de sa propriété qui ne relève pas de sa compétence et qui au surplus concerne son épouse qui n'est pas dans la cause ;
- en réalité, sa mère, qui était alors seule à posséder la nationalité mauricienne nécessaire à une telle opération immobilière, lui a servi de prête-nom ainsi qu'à son épouse, pour acquérir un terrain puis y faire édifier une construction, dont ils ont financé le tout, la situation ayant été régularisée, une fois qu'il a acquis lui-même la nationalité mauricienne, par une déclaration de command, signée le 7 novembre 1997, par le mandataire de [M] [V], avec l'autorisation du tuteur et du juge des tutelles qui ont signé la procuration donnée à ce mandataire;
- d'ailleurs, le notaire désigné pour procéder aux opérations de comptes, liquidation, et partage, a rendu compte au 'juge de l'exécution' de la difficulté qu'il rencontrait en présence des actes notariés mauriciens du 7 novembre 1997 selon lesquels l'immeuble en cause était sa propriété et celle de son épouse ;
sur la loi successorale applicable à l'immeuble :
- ce n'est pas la loi successorale applicable qui peut autoriser une juridiction française à déterminer la propriété de l'immeuble se trouvant à [Localité 1] au mépris des actes notariés de ce pays souverain ;
- [M] [V] étant décédée avant le [Date décès 2] 2015, les biens immeubles sont régis par la loi de leur lieu de situation, le code civil mauricien rappelant en son article 3 que 'les immeubles, même ceux possédés par des étrangers, sont soumis à la loi mauricienne' ;
sur la demande d'expertise des autres biens dépendant de la succession :
- la succession ne comprenant plus, eu égard aux dispositions définitives de l'arrêt de la cour de Saint Denis de la Réunion, que le produit de la cession des titres de la Banque de la Réunion et des liquidités, il n'y a pas lieu à expertise.
Aux termes de ses dernières conclusions du 15 février 2019, Mme [U] demande à la cour,
Vu les articles 108-3, 720 et suivants et 1077-1 et suivants du code civil français,
Vu les dispositions de l'article 110 du code civil mauricien,
de :
- confirmer le jugement rendu le 24 avril 2012 en ce qu'il a dit que la masse successorale était constituée d'une part de l'immeuble situé à [Adresse 5]» à [Localité 1] et d'autre part des 1.460 actions de la Banque de la Réunion,
- infirmer le jugement pour le surplus,
- déclarer recevable et bien fondée Madame [U] en son action en réduction et d'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de sa mère eu égard (sic) sous l'autorité de la Cour d'Appel de Paris,
- déclarer Madame Marie [O] [G] veuve [V] valablement domiciliée en France au jour de son décès,
- ordonner une mesure d'expertise pour évaluer les biens composant la succession au jour du décès mais également ceux objets de la donation-partage du 19 décembre 1978, avec mission habituelle en pareille matière, afin de calculer la part réservataire,
- désigner le Président de la Chambre Interdépartementale des Notaires de Paris avec faculté de délégation avec renvoi devant le Tribunal de Grande Instance de Paris pour la décision d'un juge-commis et d'un commissaire-priseur si besoin est,
- déclarer incorporés dans les actifs successoraux tous ceux qui seront fournis par les parties et notamment ceux visés dans l'exploit introductif d'instance du 24 septembre 2008 qui reste d'actualité,
- débouter M. [I] [V] de toutes ses demandes plus amples ou contraires,
- condamner Monsieur [I] [V] à verser à Madame [U] la somme de 15.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Laurent Meillet, avocat constitué aux offres de droit qui le requiert, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, Mme [U] fait valoir que :
- la succession comprend outre les biens ayant fait l'objet de la donation-partage du 19 décembre 1978,
' l'immeuble de [Adresse 5],
' les 1.460 actions de la Banque de la Réunion,
' le profit subsistant de la construction d'une piscine dans l'un des biens objets de la donation-partage au profit de M. [I] [V],
' le profit subsistant de l'extension de la propriété de [Localité 3],
' une pension servie par L'UDAF à M. [I] [V] à concurrence de 98.200 € ;
- les biens dont elle a été allotie par la donation-partage sont insuffisants dès lors que d'après les calculs réalisés par Maître [N], notaire, en avril 2008, elle n'a pas reçu un montant équivalent à sa part de réserve (soit 1.033.000 €), mais seulement des biens d'une valeur de 717.000 € ;
- la loi mauricienne renvoie le règlement de la succession à la loi du dernier domicile du défunt, qui était la loi française, puisque [M] [V] était domiciliée en France chez son tuteur ;
- si le code civil mauricien dispose que les immeubles, même possédés par des étrangers, sont régis par la loi mauricienne, l'article 110 du même code dispose que le lieu d'ouverture de la succession sera déterminé par le domicile du défunt ;
- la loi mauricienne applicable aux biens immobiliers renvoie à la loi française comme loi nationale du défunt ;
- les juridictions françaises sont compétentes pour régler l'ensemble des opérations de liquidation et de partage comportant un immeuble situé à [Localité 1], à l'exception des formalités découlant de la loi de situation de l'immeuble ;
- le renvoi à la loi française du défunt est admis lorsqu'il assure l'unité successorale et l'application d'une même loi aux meubles et immeubles.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
sur la composition de la masse successorale et du solde à partager :
Considérant que la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ayant estimé que la dévolution de l'immeuble de [Adresse 5] situé à [Localité 1] et son partage étaient soumis à la loi mauricienne, la Cour de cassation a, dans son arrêt du 2 mai 2016, cassé l'arrêt d'appel en ce qu'il avait ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [M] [V] en incluant cet immeuble, et renvoyé le notaire commis à saisir un notaire mauricien, les dispositions de la loi mauricienne à cet égard étant apparemment semblables à celles de la loi française ;
Considérant que devant la présente cour, Mme [U] demande la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que la masse successorale comprenait ledit immeuble ;
Que s'agissant de M. [V], il demande simultanément à titre principal que
- il soit constaté que l'immeuble en cause est sa propriété et celle de son épouse en vertu de deux actes notariés mauriciens établis le 7 novembre 1997,
- il soit dit et jugé que les juridictions françaises sont incompétentes pour statuer sur la propriété de cet immeuble,
- Mme [U] soit déboutée de sa demande tendant à faire juger que cet immeuble doit être intégré à la masse successorale ;
Considérant que M. [V] ne peut à la fois demander à la cour de constater son droit de propriété et celui de son épouse sur l'immeuble en cause, et dénier à la juridiction française la compétence pour statuer sur ce droit de propriété ;
Qu'en tout état de cause, la question de la propriété de l'immeuble n'a d'intérêt dans le cadre du présent litige que pour autant que la loi française soit susceptible d'être le cas échéant appliquée à la dévolution successorale d'un immeuble situé à [Localité 1] ;
Considérant que [M] [V], dont il n'est pas contesté qu'elle avait la nationalité franco-mauricienne, est décédée le [Date décès 1] 2007 à [Localité 1] ;
Qu'en droit français (article 108-3 du code civil), comme en droit mauricien (article 108-2 du code civil), le majeur sous tutelle est domicilié au domicile de son tuteur ;
Qu'en droit français (article 720 du code civil), comme en droit mauricien (article 110 du code civil), la succession s'ouvre au lieu du dernier domicile du défunt ;
Qu'en droit français (article 3 du code civil), comme en droit mauricien (même article), c'est la loi de l'Etat qui s'applique aux immeubles, même possédés par les étrangers ;
Considérant qu'en vertu des règles françaises de droit international privé, la dévolution successorale d'un immeuble situé à l'étranger ne peut relever de la loi française que si la loi de l'Etat où est situé ledit immeuble y renvoie ; que contrairement à ce qu'affirme, sans référence textuelle Mme [U], tel n'est pas le cas de la loi mauricienne ;
Qu'ainsi que le confirme l'arrêt Austin/Bailey, qu'invoque à tort Mme [U] pour prétendre le contraire, la loi mauricienne comprend bien, comme la loi française un système dualiste, soumettant la succession mobilière à la loi du domicile du défunt, et la succession immobilière à la loi du lieu de situation de l'immeuble, puisqu'il y est énoncé que :
- la juridicition saisie devait 's'inspirer des règles françaises du droit international privé' (page 2 de la traduction) ;
- 'la validité des stipulations dans le testament de la testatrice concernant la disposition de sa succession est régie dans le cadre de ses biens meubles par la lex domicilii et dans le cas de ses biens mobiliers par la lex situs' (page 2 de la traduction) ;
qu'en conséquence,
- la loi française ne peut s'appliquer qu'à la succession mobilière de [M] [V], la défunte ne disposant d'aucuns immeubles en France,
- les opérations de comptes, liquidation, partage dont l'ouverture a d'ores et déjà été ordonnée par l'arrêt de la cour d'appel de Saint Denis de la Réunion, ne peuvent donc concerner l'immeuble situé à [Localité 1]
- la présente cour n'a donc pas à s'interroger sur la propriété de l'immeuble situé à [Localité 1], ni à déterminer la juridiction compétente pour statuer sur cette question ;
- le jugement sera infirmé en ce qu'il a inclus cet immeuble dans la masse successorale ;
Considérant que dans son arrêt du 2 mai 2016, la Cour de cassation n'a pas cassé l'arrêt de la cour d'appel de St Denis de la Réunion, en ce qu'il avait confirmé le jugement ayant notamment exclu de la masse successorale les biens objets de la donation partage du 19 décembre 1978, les travaux d'extension de l'immeuble de Saint Paul et de construction la piscine de Bellepierre, les sommes versées par l'UDAF ;
Que cette disposition étant définitive, ainsi que le relève M. [I] [V], Mme [U] est mal fondée à prétendre vouloir faire juger à nouveau que ces biens seraient inclus dans la masse successorale ;
Considérant qu'il n'est justifié d'aucun autre bien que
- le produit de la vente au mois de juin 2015, des 1460 actions de la Banque de la Réunion, qui, selon un courrier du 2 septembre 2015 émanant du notaire désigné par la Chambre des Notaires de la Réunion, a d'ores et déjà été partagé entre les parties (pièce 96 de M. [V]);
- des liquidités, dont le montant s'élevait au 19 avril 2010, selon le compte de Maître [N], notaire anciennement en charge de la succession, à une somme de 203.155,52 € (pièce 77 de M. [V]) ;
Qu'il n'y a donc pas d'autres biens à intégrer à la masse successorale ni lieu d'ordonner une expertise sur les biens à partager ;
sur le bien-fondé de l'action en réduction de la donation-partage :
Considérant qu'ainsi que le fait valoir M. [I] [V], il a été définitivement statué par l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, sur la recevabilité de cette action ;
Considérant que M. [I] [V] et Mme [R] [U] sont les deux seuls héritiers réservataires de [Q] et [M] [V] et qu'ils ont expressément accepté la donation-partage qui leur a été faite le 19 décembre 1978, laquelle ne prévoyait ni réserve d'usufruit portant sur une somme d'argent, ni dérogation à l'article 1078 du code civil ;
Qu'en vertu de ce texte, les biens objets de la donation-partage sont évalués au jour de celle-ci pour l'imputation et le calcul de la réserve ;
Qu'aux termes de la donation-partage du 19 décembre 1978,
- M. [V] a reçu une propriété sise à Bellepierre, estimée à l'époque à 600.000 F, et des biens et droits immobiliers sis à [Adresse 8], estimés à l'époque à 560.000 F;
- Mme [U] s'est vue attribuer une propriété à St [Localité 4] les [Localité 5], pour 440.000 F, des biens et droits sis à [Adresse 9] pour 480.000 F, et des biens et droits sis [Adresse 8] pour une valeur de 240.000 F,
étant précisé qu'en fin d'acte, les parties ont affirmé qu'il exprimait bien la valeur des biens donnés ;
Que Mme [U] ne peut prétendre remettre en cause cette valorisation, en fonction d'une estimation qui en a été faite près de 30 ans plus tard et qu'une expertise ne peut être ordonnée pour pallier la carence des parties dans l'administration de la preuve ;
Considérant en conséquence, qu'ainsi que stipulé à l'acte, les parties doivent être réputées avoir reçu à l'époque des lots équivalents ;
Qu'il ne ressort pas de l'acte, que les biens aient été donnés hors part, de sorte qu'ils s'imputent pour chaque partie sur sa part de réserve ;
Considérant que la valeur des actions de la Banque de la Réunion au jour du décès n'est pas connue de la cour, de sorte qu'il n'est pas possible de procéder au calcul de la quotité disponible et de la réserve, selon les dispositions de l'article 922 du code civil ;
Que cependant, dans la mesure où, s'agissant de la succession dont la loi française a à connaître, il n'est justifié d'aucune autre libéralité que la donation-partage (la cour d'appel de Saint Denis de la Réunion, comme le tribunal, ayant estimé que la donation supposée consentie par [Q] [V] à M. [I] [V] le 10 septembre 1979 n'était pas établie), et où celle-ci a été faite à égalité et en avancement de part pour les deux héritiers réservataires que sont les parties, cette donation-partage ne peut avoir eu pour effet de porter atteinte aux droits d'héritière réservataire de Mme [U] ;
Que Mme [U] sera donc déboutée de sa demande en réduction de la donation-partage ;
sur les autres demandes :
Considérant que Mme [U] ne peut demander à la cour de désigner le président de la Chambre Interdépartementale des Notaires de Paris, avec faculté de délégation 'avec renvoi devant le Tribunal de Grande Instance de Paris pour la décision du juge-commis et d'un commissaire-priseur si besoin est', dès lors que par des dispositions qui sont définitives, la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion a déjà commis, pour procéder aux opérations de compte, liquidation partage de la succession de [M] [V], le président de la chambre des notaires ou son délégataire, et le magistrat du tribunal de grande instance de Saint-Denis, chargé de ce contrôle, pour les surveiller ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement en ce qu'il a dit que la masse successorale laissée par [O] [Q] au jour de son décès comprenait les immeubles situés à [Adresse 10] (Ile Maurice) ;
Déboute Mme [U] de sa demande d'expertise ;
Déboute Mme [U] de sa demande en réduction de la donation-partage du 19 septembre 1978 ;
Constate que le prix des 1460 actions de la Banque de la Réunion, a été partagé entre les parties ;
Constate en conséquence, que le notaire liquidateur n'a plus qu'à partager le solde des liquidités, initialement détenues par Maître [N], notaire à [Localité 2] ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [U] à payer à M. [I] [V] la somme de 10.000 € et rejette la demande par elle formée de ce chef ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne Mme [U] aux dépens avec distraction au profit de Maître FrereJacque, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,