RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 10 Mai 2019
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/09776 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3ZJD
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Mai 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de MELUN RG n° 14/00948
APPELANTE
SA EVERITE
[...]
représentée par Me Benoît CHAROT, avocat au barreau de PARIS, toque : J097 substitué par Me Olivier RIVOAL, avocat au barreau de PARIS, toque : J097
INTIMES
Madame Y... A... veuve E..., ayant droit de monsieur E...
née le [...] à Melun
[...]
représentée par Me Elisabeth LEROUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P 0268
Monsieur S... E... (fils de madame A... veuve E... et ayant de monsieur E...)
né le [...] à Melun
[...]
représenté par Me Elisabeth LEROUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P 0268
Monsieur V... E... (fils de madame A... veuve E... et ayant de monsieur E...)
né le [...] à Melun
[...]
représenté par Me Elisabeth LEROUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P 0268
CPAM 77 - SEINE ET MARNE [...]
[...]
[...]
représenté par Mme H... en vertu d'un pouvoir général
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[...]
avisé - non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Février 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Claire CHAUX, Présidente de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Claire CHAUX, présidente de chambre
Madame Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, conseillère
Monsieur Lionel LAFON, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Venusia DAMPIERRE, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par madame Claire CHAUX, présidente de chambre et par Mme Venusia DAMPIERRE, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la société EVERITE d'un jugement rendu le 24 mai 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de MELUN dans un litige l'opposant à Mme Y... A... Veuve E... , M. E... S..., M. E... V..., le FIVA en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine et Marne.
FAITS , PROCEDURE , PRETENTIONS DES PARTIES
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard .
Il suffit de rappeler que M. B... E... a été salarié de la société EVERITE (ci -après la société ) en qualité d'agent d'essai du 6 novembre 1961 au 31 juillet 1969.
Le 8 avril 2014, Mme Y... E... a complété pour son mari une déclaration de maladie professionnelle accompagnée d'un certificat médical du 21 mars 2014 faisant état d'une " exposition à l'amiante - biopsies pleurales, mésothéliome malin diffus sarcomatoïde et focalement fusiforme. "
B... E... est décédé le [...] d'un mésothéliome.
Après avoir diligenté une enquête, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne ( ci - après la caisse ), par décision du 25 juillet 2014, a pris en charge la maladie du 21 mars 2014, mésothéliome malin primitif de la plèvre inscrite au tableau 30 des maladies professionnelles relatif aux affections professionnelles consécutives à l'inhalation de la poussière d'amiante.
Le même jour, la caisse a notifié à la société sa décision de prise en charge du décès de M. E... au titre de la législation professionnelle.
Par courriers du 25 septembre 2014, la société a contesté l'opposabilité des décisions de prise en charge de la maladie et du décès de M. E... au titre de la législation professionnelle devant la commission de recours amiable.
En l'absence de décision de la commission, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Melun aux mêmes fins.
Parallèlement, les ayants droit de M. E..., Mme Y... E... , sa veuve et ses enfants S... et V... E... ont saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Melun d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société EVERITE à l'origine de la maladie de leur mari et père.
Par jugement du 24 mai 2017, ce tribunal a ordonné la jonction des recours,
- dit que la maladie de B... E... est dûe à la faute inexcusable de son employeur la société EVERITE,
- alloué au titre de l'action successorale, l'allocation forfaitaire prévue à l'article L 452 -3 du code de la sécurité sociale,
- fixé au maximum le montant de la majoration de la rente versée à Mme Y... E...
- fixé, dans le cadre de l'action successorale , la réparation des préjudices subis par B... E... résultant de la maladie professionnelle due à la faute inexcusable de la société Everite comme suit:
* 80 000€ au titre des souffrances endurées,
* 5 000€ au titre du préjudice esthétique,
soit la somme de 85 000€
- fixé le préjudice personnel de Mme Y... E... à la somme de 30 000€
- fixé le préjudice personnel de M. S... E... à la somme de 15 000€
- fixé le préjudice personnel de M. V... E... à la somme de 15 000€
- dit que la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne devra faire l'avance de ces sommes,
- dit que les décisions de prise en charge de la maladie et du décès de B... E... sont opposables à la société EVERITE
- donné acte à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne qu'elle se réserve le droit de récupérer auprès de la société EVERITE le montant des sommes allouées,
- condamné la société EVERITE à payer à Mme Y... E..., M. S... E... et M. V... E... la somme de 700€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
La société EVERITE fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions écrites aux termes desquelles elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de faire droit à l'intégralité de ses demandes et statuant à nouveau,
-constater que la caisse primaire n'a pas respecté les dispositions légales et réglementaires de prise en charge, au titre de la législation relative aux risques professionnels , de la maladie et du décès de B... E...,
En conséquence,
- lui dire inopposables les décisions de la caisse primaire d'assurance maladie ayant reconnu le caractère professionnel de la maladie et du décès de B... E... ainsi que toutes décisions subséquentes,
- dire que les conséquences financières afférentes tant à la maladie et au décès de M. E... qu'à la faute inexcusable de la société EVERITE ne pourront être récupérées en aucune manière sur la société EVERITE,
Quoi qu'il en soit,
- dire que n'est pas démontrée l'existence d'un lien de causalité entre la maladie de M. E... et son activité professionnelle au sein de la société EVERITE,
- dire que les ayants droit de M. E... sont mal fondés , la société n'ayant commis aucune faute inexcusable à l'égard de M. E...,
En conséquence,
- débouter les ayants droit de M. E... de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société EVERITE,
A défaut,
- les débouter de l'ensemble de leurs demandes, tant au titre des préjudices de M. E... qu'en leur nom propre ou à tout le moins les ramener à de plus justes proportions.
Mme Y... A... veuve E..., M. S... E..., M. V... E..., fils de B... E... ( ci - après les consorts E... ) font déposer et soutenir oralement par leur conseil des conclusions écrites aux termes desquelles ils demandent à la cour:
De confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- déclaré leur action recevable et non prescrite,
- dit que la maladie professionnelle dont est décédé B... E... est la conséquence de la faute inexcusable de son employeur la société EVERITE,
- accordé aux ayants droit de B... E... le versement de l'allocation forfaitaire prévue à l'article L 452 - 3 du code de la sécurité sociale, au titre de l'action successorale,
- fixé la majoration de la rente perçue par Mme veuve E... à son taux maximum,
- indemnisé au titre de l'action successorale le préjudice esthétique de B... E... à hauteur de 5000€ ,
Statuant à nouveau,
- fixer l'indemnisation des préjudices complémentaires selon les modalités suivantes:
Au titre de l'action successorale:
- réparation de la souffrance physique : 50 000€
- réparation de la souffrance morale : 50 000€
- réparation du préjudice d'agrément: 30 000€
En leur nom propre:
- 50 000€ au titre de la réparation du préjudice moral de Mme E...
- 25 000€ au titre de la réparation du préjudice moral de M. V... E...
- 25 000€ au titre de la réparation du préjudice moral de M. S... E...
- Condamner en outre la société EVERITE à leur verser la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions invitant la cour à:
- INFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a alloué l'indemnité forfaitaire,
- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les consorts E... de leurs demandes d'indemnisation du préjudice d'agrément, des souffrances morales au titre de l'action successorale et en ce qu'il a justement apprécié le quantum des préjudices personnels des ayants droit ,
- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré opposable à la société EVERITE la prise en charge de la maladie et du décès au titre de la législation professionnelle,
- CONDAMNER la société EVERITE à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne les sommes dont elle devra faire l'avance en application de l'article L 452 - 3 du code de la sécurité sociale.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions .
SUR CE , LA COUR ,
Sur l'opposabilité de la décision ayant reconnu le caractère professionnel de la maladie et du décès de M. E... :
La société EVERITE fait valoir que les conditions du tableau N° 30 ne sont pas remplies en ce que le délai de prise en charge de 40 ans n'est pas respecté à son égard dans la mesure où, lorsque la maladie de M. E... a été médicalement constatée le 24 février 2014, il avait cessé d'être exposé au risque depuis plus de 40 ans, ayant quitté la société le 31 juillet 1969, de sorte que la maladie professionnelle ne pouvait pas être considérée comme étant en relation avec son activité professionnelle au sein d'EVERITE sans qu'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ne statue sur cette question.
Elle ajoute que même si la caisse est en droit de retenir que le délai de prise en charge est respecté lorsque le salarié a été exposé dans le délai imparti, il n'en demeure pas moins que la maladie ne peut pas être imputée à un employeur si les conditions du tableau visé ne sont pas remplies à son égard, qu'en conséquence, la décision de la caisse reconnaissant le caractère professionnel de cette maladie doit être lui être déclaré inopposable et par suite la décision de prise en charge du décès. Elle rappelle que la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie est un préalable à la reconnaissance du caractère professionnel du décès.
La caisse réplique que le délai de première constatation médicale de la maladie retenue par le service médical est le 24 février 2014, qu'après reconstitution de la carrière de M.E..., il s'avère qu'il a été exposé au risque " amiante" jusqu'au 16 janvier 1992, de sorte que le délai prise en charge est respecté, qu'elle n'avait donc pas à saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles en application des alinéas 3 et 5 de l'article L 461 - 1 du code de la sécurité sociale.
La caisse ajoute que la maladie n'a jamais été imputée au compte de la société EVERITE mais au compte spécial pour multi exposition.
Le délai de prise en charge est le délai écoulé entre la date de première constatation médicale de la maladie et la date de cessation d'exposition au risque. Il est constant que la première constatation médicale de la maladie exigée au cours du délai de prise en charge écoulé depuis la fin de l'exposition au risque concerne toute manifestation de nature à révéler l'existence de cette maladie.
Il n'est pas contesté que la date de première constatation médicale est le 24 février 2014 .La reconstitution de la carrière de M. E... révèle qu'il a été exposé au risque amiante au sein de la société EVERITE du 6 novembre 1961 au 31 juillet 1969 puis du 1er août 1969 au 16 janvier 1992, au sein de l'entreprise Renou Dardel .
C'est donc à la date du 16 janvier 1992 que B... E... a cessé d'être exposé au risque.Entre le 16 janvier 1992 et le 24 février 2014 , vingt deux années se sont écoulées.
C'est à tort que la société EVERITE allègue que ce délai n'est pas respecté à son égard en ce qu'elle considère que la date de cessation de l'exposition au risque est le 31 juillet 1969 , date à laquelle B... E... a quitté la société.
En effet, le délai de prise en charge ne s'apprécie pas au regard d'une société en particulier mais par rapport à une date de fin d'exposition au risque , laquelle se situe en l'espèce au 16 janvier 1992 .
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que la condition tenant au délai de prise en charge était respecté, 22 années s'étant écoulées entre le 16 janvier 1992 et le 24 février 2014.
Les autres conditions du tableau 30 ne sont pas contestées.
La maladie de B... E... ayant été contractée dans les conditions prévues au tableau N° 30, cette maladie est présumée imputable à son activité professionnelle. La caisse n'avait donc pas à établir l'existence d'un lien de causalité entre la maladie et l' activité professionnelle. C'est à l'employeur qu'il appartenait de détruire cette présomption d'imputabilité en rapportant la preuve d'une cause totalement étrangère au travail. A défaut d'une telle preuve, la décision de prise en charge s'impose à lui.
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont déclaré la décision de prise en charge de la maladie et du décès de B... E... opposable à la société EVERITE.
Sur la faute inexcusable :
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat notamment pour ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié, du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise . Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
La société EVERITE fait valoir qu'au cours de la période durant laquelle M. E... a travaillé pour elle, aucune réglementation spécifique n'existait sur le contrôle de l'empoussièrement dans les industries utilisant de l'amiante, cette réglementation n'ayant été édictée que le 17 août 1977 mais qu'elle a installé tout au long de l'exploitation de son usine de [...] et du déroulement de la carrière de M. E... des équipements destinés à éviter les émissions de poussières et à permettre le dépoussiérage des postes de travail , qu'elle a continué après la parution du décret de 1977, à procéder dans ce domaine à des investissements importants, qu'il ne peut être contesté qu'à l'époque des faits, elle a pris des mesures qui lui permettaient de considérer, compte tenu de l'état des connaissances scientifiques et de ce qui était à son niveau diffusé, qu'elles étaient de nature à éviter un quelconque dommage.
Il ressort de l'enquête diligentée par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne que l'usine de [...] , créée en 1924, fabriquait des tuyaux, des plaques et des accessoires en fibres d'amiante et ciment.
B... E... était agent d'essais - Usine pilote.
Les attestations de M. G... et M. F... relatent que B... E... était responsable du laboratoire amiante, qu'il effectuait lui - même du défibrage d'amiante sans protection, qu'il a inhalé de grandes quantités d'amiante pendant cette période, qu'il recherchait des échantillons des différentes amiantes dans les salles de décompactage de l'usine voisine, où les fibres les enveloppaient, formant un brouillard et ce sans aucune protection, qu'il faisait également du découpage de plaques d'amiante- ciment pour faire des éprouvettes d'essais mécaniques.
Ainsi, il est établi que B... E... était exposé à l'amiante et qu'aucune mesure de protection individuelle ou collective n'avait été prise par l'employeur pour le préserver des risques inhérents à l'inhalation de ces poussières.
La société EVERITE ne peut sérieusement soutenir que pendant la période durant laquelle B... E... se trouvait à son service de 1961 à 1969, elle ignorait le danger auquel il était exposé.
En effet, les effets nocifs de la poussière d'amiante étaient déjà connus avant que le salarié ait été recruté. A cette époque, plusieurs maladies consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante étaient déjà inscrites au tableau des maladies professionnelles . Par ailleurs, le risque inhérent à la propagation de poussières en général était connu dès la fin du XIX ème siècle et a depuis lors fait l'objet d'une réglementation de plus en plus protectrice des salariés.
En outre, compte tenu de la taille de l'entreprise et de la nature de son activité , elle avait nécessairement accès aux enquêtes scientifiques sur les risques générés par l'amiante.
En dépit de cette connaissance du danger auquel étaient exposés ses salariés au contact de la poussière d'amiante, il est établi, au vu des attestations produites, que B... E... travaillait sans aucune protection individuelle ou collective , voir même dans " un brouillard de poussière d'amiante" établissant ainsi que la société EVERITE n'a pas pris toutes les précautions nécessaires pour préserver la santé de B... E....
Il convient donc, au regard de ces éléments et à l'instar des premiers juges , de dire que la maladie professionnelle de B... E... est due à la faute inexcusable de la société EVERITE.
Sur les conséquences de la faute inexcusable:
Sur le versement de l'allocation forfaitaire:
Aux termes de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale, si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100% , il lui est alloué une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.
La caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne fait valoir que les consorts E... ne pouvaient prétendre à l'allocation de l'indemnité forfaitaire en l'absence de constatation de la consolidation de l'état de santé de M. E... et d'évaluation de son taux d'incapacité permanente . Elle demande donc l'infirmation du jugement déféré de ce chef.
Les consorts E... s'opposent à cette demande faisant valoir que les dispositions susvisées n'exigent pas que le taux d'IPP ait été fixé par une décision et qu'au regard de la gravité de la pathologie de B... E... et de la prise en charge de son décès par la caisse, il est incontestable qu'il était atteint d'un taux d'incapacité permanente partielle de 100%.
Il est constant que seule la décision de la caisse ou de la juridiction du contentieux de l'incapacité fixe le taux d'incapacité permanente partielle et permet d'octroyer ou pas l'indemnité forfaitaire.
En l'espèce, en l'absence de décision fixant le taux d'incapacité de B... E..., il convient de rejeter la demande d'allocation forfaitaire .
Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef.
Sur la majoration de rente de conjoint survivant :
En l'absence de contestation, les dispositions relatives à la majoration au maximum du montant de la rente de conjoint survivant seront confirmées.
Sur les prejudices
Au titre de l'action successorale:
Les consorts E... demandent la confirmation du jugement déféré prévoyant une indemnisation du préjudice esthétique de B... E... à hauteur de 5000€.
La société EVERITE conclut au rejet de cette demande ou à tout le moins que l'indemnisation soit ramenée à de plus justes proportions .
Les premiers juges ont fait une exacte appréciation des éléments qui leur étaient soumis.
Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef de préjudice.
Les consorts E... demandent que les souffrances endurées par B... E... soient indemnisées par l'allocation d'une somme de 50 000€ au titre des souffrances physiques et 50 000€ au titre des souffrances morales faisant valoir que les indemnisations allouées sont inférieures à celles accordées par le FIVA , que leur mari et père s'est senti victime d'une terrible injustice après tant d'années de travail pénible et alors qu'il se projetait pour ses années de retraite au sein de sa famille, qu'il a tenté de se battre contre la maladie dont l' évolution a été fulgurante de sorte que les souffrances physiques et morales par lui subies ont été particulièrement importantes.
La société EVERITE demande que ce préjudice fasse l'objet d'une indemnisation globale et non différenciée conformément aux dispositions de l'article L 452 - 3 du code de la sécurité sociale. La caisse n'a pas conclu sur ce point.
Aux termes de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale, les souffrances physiques et morales sont indemnisées de façon globale et non différenciée
C'est par une juste appréciation des éléments qui leur ont été soumis que les premiers juges ont fixé l'indemnisation des souffrances endurées par B... E... à la somme de 80 000€. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Les consorts E... demandent que soit allouée une somme de 30 000€ en réparation du préjudice d'agrément subi par B... E... qui, dès l'apparition de sa maladie professionnelle, n'a pu continuer à pratiquer les activités de loisirs et notamment vélo et jardinage qu' il pratiquait antérieurement et qui participaient à son équilibre de vie.
La société EVERITE et la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne s'opposent à cette demande, les consorts E... ne justifiant pas de l'impossibilité pour B... E... de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir.
Le préjudice d'agrément au sens de l'article L 452 - 3 du code de la sécurité sociale est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir. Il appartient à la victime qui sollicite la réparation d'un tel préjudice de démontrer qu'elle pratiquait régulièrement l'activité considérée avant la maladie et que cette pratique lui est désormais impossible.
C'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que les pièces produites ne démontraient pas que le vélo ou le jardinage constituaient une activité spécifique pour B... E....
Cette demande sera donc, par voie de confirmation, rejetée.
Sur le préjudice moral subi par les ayants droits:
Ceux ci demandent que l'indemnisation de leur préjudice moral soit portée à la somme de 50 000€ pour Mme Y... A... veuve E... et à 25 000€ pour chacun des enfants S... et V... E....
La société EVERITE demande à la cour de rejeter cette demande ou à tout le moins de la ramener à de plus justes proportions . La caisse demande la confirmation du jugement entrepris;
C'est par de justes motifs que la cour adopte que les premiers juges ont indemnisé le préjudice moral de Mme Veuve E... à la somme de 30 000 € et celui subi par chacun des enfants S... et V... à la somme de 15 000€ . Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.
Sur l'action récursoire de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne:
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit que la caisse fera l'avance des sommes allouées qu'elle en récupérera le montant auprès de la société EVERITE dont la faute inexcusable à l'origine de la maladie et du décès de B... E... a été reconnue.
Sur l'article 700 du code de procédure civile:
L'équité commande d'allouer aux consorts E... la somme complémentaire de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile dont le paiement sera mis à la charge de la société EVERITE.
La société EVERITE qui succombe supportera les dépens de l'instance d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a
- dit les décisions de prise en charge de la maladie et du décès de B... E... opposables à la société EVERITE,
- dit que la maladie professionnelle de B... E... était due à la faute inexcusable de la société EVERITE,
- fixé au maximum le montant de la majoration de rente versée à Mme Y... A... veuve E...
- fixé dans le cadre de l'action successorale la réparation des préjudices subis par B... E... résultant de la maladie professionnelle due à la faute inexcusable de la société Everite comme suit:
* souffrances endurées : 80 000€
* préjudice esthétique : 5 000€
- rejeté l'indemnisation du préjudice d'agrément
- fixé le préjudice personnel de Mme Y... E... à la somme de 30 000€
- fixé le préjudice personnel de M. S... E... à la somme de 15 000€
- fixé le préjudice personnel de M. V... E... à la somme de 15 000€
- dit que la caisse primaire d'assurance maladie fera l'avance des sommes ainsi allouées et qu'elle en récupérera le montant auprès de la société EVERITE dont la faute inexcusable à l'origine de la maladie et du décès de B... E... a été reconnue,
- condamné la société EVERITE à payer à Mme Y... E..., M. S... E... et M. V... E... la somme de 700€ chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- alloué au titre de l'action successorale l'allocation forfaitaire prévue à l'article L 452 - 3 du code de la sécurité sociale.
Statuant à nouveau,
Rejette la demande d'allocation forfaitaire ,
Condamne la société EVERITE à payer la somme totale de 2000 € à Mme Y... veuve E... M. S... E... , M.V... E... au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société EVERITE aux dépens de l'instance d'appel.
La Greffière La présidente