Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 24 MAI 2019
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/20831 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4OD4
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Novembre 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/12546
APPELANTE
SARL ATEVIM
[Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : 479 014 284 00018
Représentée par Me Frédéric ENSLEN, avocat postulant et plaidant, avocat au barreau de PARIS, toque : E1350
INTIMES
Monsieur [V] [N]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 2]
Et
Madame [P] [B] épouse [N]
née le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 3]
demeurant ensemble [Adresse 2]
Représentés tous deux par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Ayant pour avocat plaidant Me Guilhem AFFRE, avocat au barreau de PARIS, toque : R016
Madame [U] [S] [E] [Z]
née le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 3]
[Localité 5]
Madame [B] [J] [Z]
née le [Date naissance 4] 1958 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 4]
[Localité 1]
Madame [W] [H] [Z]
née le [Date naissance 5] 1960 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 5]
[Localité 1]
Madame [I] [N] [Z]
née le [Date naissance 6] 1966 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 6]
[Localité 1]
Tous représentés par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Avril 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Christine BARBEROT, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Claude CRETON, Président
Mme Christine BARBEROT, Conseillère
M. Dominique GILLES, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Thi Bich Lien PHAM
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Claude CRETON, Président et par Mme Thi Bich Lien PHAM, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte authentique du 11 février 2016, Mmes [U], [B], [W] et [I] [Z] (les consorts [Z]) ont promis de vendre à M. [V] [N] et Mme [P] [B], épouse [N] (les époux [N]), qui se sont réservés la faculté d'acquérir les lots 235 et 293 de l'état de division d'un immeuble en copropriété sis [Adresse 7], soit respectivement, une cave et un appartement au prix de 1 380 000 € financé à hauteur de 727 600 € par les deniers personnels des bénéficiaires et à hauteur de 800 000 € à l'aide d'un prêt. La promesse était consentie jusqu'au 29 avril 2016. L'indemnité d'immobilisation était fixée à la somme de 69 000 € dont le montant a été séquestré par les bénéficiaires en l'étude du notaire. L'acte authentique n'a pas été signé. Par acte extra judiciaire du 18 juillet 2016, les consorts [Z] ont assigné les époux [N] en paiement de la somme de 69 000 €. Par acte extra-judiciaire du 22 juillet 2016, les époux [N] ont assigné les consorts [Z] en vente forcée et en restitution de la somme de 69 000 €. Les instances ont été jointes. La SARL Atevim, agent immobilier par l'intermédiaire duquel la promesse avait été conclue, est intervenue volontairement à l'instance.
C'est dans ces conditions que, par jugement du 7 novembre 2017, le tribunal de grande instance de Paris a :
- condamné les époux [N] à payer aux consorts [Z] la somme de 69 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2017,
- rejeté les autres demandes,
- condamné les époux [N] aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire.
Par dernières conclusions du 16 janvier 2018, la SARL Atevim, appelante, demande à la cour de :
- vu les articles 815 et suivants, 1589 et 1134 du code civil,
- dire les consorts [Z] irrecevables en leurs demandes,
- condamner solidairement les consorts [Z] et les époux [N] à lui payer la somme de 60 000 € de dommages-intérêts,
- condamner solidairement les mêmes à lui verser la somme de 10 000 € de dommages-intérêts pour résistance abusive et celle de 10 000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 20 mars 2019, les époux [N] prient la cour de:
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les consorts [Z] de leur demande de dommages-intérêts formée contre eux et débouté la société Atevim de ses demandes dirigées contre eux,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la caducité de la promesse et les a condamnés à payer aux consorts [Z] la somme de 69 000 € à titre d'indemnité d'occupation avec intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2017,
- statuant à nouveau :
- condamner les consorts [Z] à leur restituer la somme de 69 000 € à titre d'indemnité d'immobilisation avec intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2017,
- condamner les consorts [Z] à leur payer la somme de 281 245 € de dommages-intérêts,
- débouter les consorts [Z] de leurs plus amples demandes,
- débouter la société Atevim de leurs demandes dirigées contre eux,
- condamner les consorts [Z] à leur payer la somme de 10 000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 22 juin 2018, les consorts [Z] prient la cour de :
- vu les articles 1134 et suivants, 1178 et suivants du code civil devenus, respectivement, les articles 1103 et 1304-3 du même code,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux [N] et l'agent immobilier de leurs demandes, condamné les époux [N] à leur payer la somme de 69 000 € avec intérêts au taux légal ,
- l'infirmer pour le reste et statuant à nouveau :
- condamner les époux [N] à leur payer la somme de 50 000 € de dommages-intérêts, la procédure en réalisation forcée de la vente ayant rendu impossible la vente du bien leur appartenant,
- dire que sur simple notification de la décision à intervenir, le séquestre pourra se dessaisir des fonds en procédant à leur versement entre leurs mains,
- en tout état de cause,
- rejeter l'ensemble des demandes des époux [N] et de l'agent immobilier,
- condamner solidairement les époux [N] et l'agent immobilier à leur payer la somme de 10 000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.
SUR CE, LA COUR
La société Atevim, qui n'est pas membre de l'indivision constituée de Mmes [U], [B], [W] et [I] [Z], n'a pas qualité à invoquer l'irrecevabilité de leurs demandes aux motifs que Mme [U] [Z] ne serait pas partie à l'instance engagée par ses soeurs en paiement de l'indemnité d'immobilisation, étant observé que la société Atevim ne verse pas aux débats l'assignation introductive de cette instance du 22 juillet 2016, que le tribunal, répondant aux demandes des consorts [Z], a condamné les époux [N] à payer à Mmes [U], [B], [W] et [I] [Z] l'indemnité d'immobilisation et qu'en cause d'appel, Mmes [U], [B], [W] et [I] [Z] concluent à la confirmation du jugement de ce chef.
En conséquence, l'irrecevabilité invoquée par la société Atevim doit être rejetée.
Aux termes de la promesse unilatérale de vente du 11 février 2016, les parties ont stipulé que la somme de 69 000 € versée par les bénéficiaires resterait 'acquise définitivement au promettant à titre d'indemnité d'immobilisation fixée conventionnellement entre les parties, si le bénéficiaire ne demande pas l'exécution de la présente promesse dans les délais et conditions convenus, malgré la réalisation des conditions suspensives ci-dessus stipulées'.
Au chapitre 'Durée et mode de réalisation de la promesse', ce contrat énonçait que la réalisation pourrait être demandée par le bénéficiaire jusqu'au 29 avril 2016 inclusivement, que le bénéficiaire pourrait lever l'option soit par exploit d'huissier soit par lettre recommandée avec demande d'avis de réception soit par écrit remis contre récépissé, précision étant fait que 'la levée d'option pourra résulter également de la régularisation de l'acte authentique de vente dans le délai susvisé. Quel que soit le mode employé, la volonté d'acquérir devra parvenir à l'étude du notaire soussigné, au plus tard et à peine de forclusion, dans la journée de l'expiration du délai sus indiqué. En outre, cette levée d'option, soit donc la déclaration d'intention d'acquérir, devra être accompagnée de la consignation par le bénéficiaire entre les mains du notaire soussigné, chargé de dresser l'acte authentique de la vente projetée, dans les cinq jours de la levée d'option, à savoir : - de l'entier prix de vente, déduction faite éventuellement du ou des prêts accordés et acceptés par le bénéficiaire en vue de l'acquisition, - et de la provision suffisante pour les frais de vente et d'emprunt éventuel, sauf à parfaire ou à diminuer. En ce qui concerne la partie éventuellement financée à l'aide de prêts, le bénéficiaire devra produire, en même temps que le versement ci-dessus prévu, toute attestation bancaire certifiant de la disponibilité immédiate des fonds prêtés et destinés au financement de l'acquisition.'
Par lettre recommandée du 26 avril 2016 reçue le 27 avril 2016 par le notaire des consorts [Z], les époux [N] ont déclaré lever l'option, confirmant que la condition suspensive relative au financement était levée. Si les époux [N] n'ont pu confirmer le rendez-vous de signature fixé au 3 mai 2016 par le notaire des promettantes, c'est parce que le prêteur n'avait pu rédiger le contrat de prêt pour cette date, ainsi qu'en atteste son courriel du 26 avril 2016 adressé au notaire des bénéficiaires dans lequel il indique que 'la date proposée est trop courte compte tenu des différentes formalités nécessaires à la mise en place du financement pour cette acquisition et nos services sont de plus en sous effectif en cette période de vacances scolaires'. Le prêteur 'confirme, cependant, que les actes sont en cours de rédaction chez nous et que nous faisons au mieux pour être prêt à signer dans le courant de la semaine du 8 ou 17 mai idéalement'. Les relevés de compte des bénéficiaires prouvent la disponibilité en mai 2016 des fonds non empruntés. D'ailleurs, dans leur lettre non datée de refus de report de la date de signature de l'acte authentique, les consorts [Z] ne reprochent pas aux époux [N] de ne pas avoir fait l'évidence des fonds, mais de ne pas avoir respecté les dates, indiquant avoir 'pris d'autres engagements liés à la réalisation de cette promesse'. Or le report de quinze jours sollicité par les bénéficiaires s'inscrivait dans le délai de même durée prévu par la promesse dans l'attente de toutes les pièces nécessaires à la réalisation, dont 'les éventuels dossiers de prêts'. De surcroît, les promettantes ne prouvent pas que ce faible retard leur aurait fait perdre la chance de signer un acte de vente au profit d'un tiers avant l'expiration de ce délai. Par suite, les époux [N] ayant sollicité l'exécution de la promesse et la caducité de celle-ci ne leur étant pas imputable, l'indemnité d'immobilisation n'est pas due.
En conséquence, les consorts [Z] doivent être déboutés de leurs demandes, le jugement entrepris étant infirmé en ce qu'il y a fait droit. Les consorts [Z] doivent être condamnés à restituer aux époux [N] la somme de 69 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2017 comme le demandent ces derniers bien que la demande de restitution figure déjà dans leur assignation du 22 juillet 2016.
Les époux [N], qui ont renoncé à l'exécution forcée de la vente, ne sont pas en droit de réclamer la réparation d'un préjudice qu'ils décrivent comme 'la perte de chance d'acquérir le bien litigieux' qu'ils évaluent 'par le différentiel existant entre le prix (qu'ils) auraient dû payer au jour de leur acquisition et celui constaté' à la date de leurs dernières écritures, soit la somme de 281 245,77 €. N'établissant pas qu'ils n'auraient pu acquérir en mai 2016 un autre bien présentant les mêmes caractéristiques que celui dont ils ont été privés, les époux [N] peuvent seulement se prévaloir du préjudice né de la déconvenue de n'avoir pu acquérir le bien qu'ils convoitaient, préjudice qui doit être évalué à la somme de 60 000 € au paiement de laquelle il y a lieu de condamner in solidum les consorts [Z].
S'agissant de la demande de la société Atevim, la promesse unilatérale de vente du 11 février 2016 n'est pas constitutive du seul acte écrit contenant l'engagement des parties au sens de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970. Le droit à commission n'étant pas né, aucune faute n'a privé l'agent immobilier de son montant.
La société Atevim doit donc être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 60 000 € à titre de dommages-intérêts.
Les consorts [Z] seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande qu'il soit fait droit à la demande des époux [N] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile comme il est dit dans le dispositif du présent arrêt.
L'issue donnée au litige implique le rejet des demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile des consorts [Z] et de la société Atevim.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement,
Rejette l'irrecevabilité invoquée par la SARL Atevim ;
Infirme le jugement entrepris, mais seulement en ce qu'il a :
- condamné M. [V] [N] et Mme [P] [B], épouse [N], à payer à Mmes [U], [B], [W] et [I] [Z] la somme de 69 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2017,
- débouté M. [V] [N] et Mme [P] [B], épouse [N], de leur demande de dommages-intérêts,
- condamné M. [V] [N] et Mme [P] [B], épouse [N], aux dépens ;
Statuant à nouveau :
Déboute Mmes [U], [B], [W] et [I] [Z] de toutes leurs demandes ;
Condamne in solidum Mmes [U], [B], [W] et [I] [Z] à restituer à M. [V] [N] et Mme [P] [B], épouse [N], la somme de 69 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2017 et à leur payer la somme de 60 000 € à titre de dommages-intérêts ;
Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;
Y ajoutant :
Déboute la SARL Atevim de toutes ses demandes ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne in solidum Mmes [U], [B], [W] et [I] [Z] aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum Mmes [U], [B], [W] et [I] [Z] à payer à M. [V] [N] et Mme [P] [B], épouse [N], la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière Le Président