Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 04 JUIN 2019
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/07230 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3LPV
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Mai 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 15/10561
APPELANTE
SARL FIDUCIAIRE CADECO
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Albert HAMOUI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1760
INTIME
Monsieur [L] [Y]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Karen DURAND-HAKIM, avocat au barreau de PARIS, toque : G0393
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Didier MALINOSKY, Vice-président placé, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne HARTMANN, présidente
Monsieur Denis ARDISSON, président
Monsieur Didier MALINOSKY, vice-président placé
Greffier, lors des débats : Mme Frantz RONOT
ARRET :
- Contradictoire
- Mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- Signé par Madame Anne HARTMANN, présidente, et par Mme Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Le 7 février 2015, Monsieur [L] [Y] s'est porté candidat pour un emploi auprès de la Sarl Fiduciaire Cadeco lors de la présentation d'une annonce sur le portail de l'APEC.
Au terme de plusieurs entretiens, les 20 février et 6 mars 2015, il est convoqué par la Fiduciaire Cadeco pour le 30 mars 2015, pour formaliser son embauche. Il lui est demandé de se munir de sa carte d'identité et de sa carte vitale.
La date d'entrée en fonction a été fixée au 13 avril 2015, puis va faire l'objet d'un report à une date indéterminée.
Le 17 avril 2015, M. [Y] a écrit à la société pour signifier que 'promesse d'embauche vaut embauche'.
Le 29 avril 2015, un rendez vous est fixé, par la société au 5 mai 2015 à 10h00 puis annulé.
Le 5 mai 2015, M. [Y] reçoit un appel téléphonique de la société lui signifiant ne plus vouloir le recruter.
Le 21 mai 2015, M. [Y] demande confirmation de l'annulation de l'embauche par le biais d'un courrier d'avocat resté sans réponse.
La Fiduciaire Cadeco occupe à titre habituel moins de dix salariés pour les besoins de son activité.
Sollicitant la requalification de la promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée et sa non-exécution en licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [Y] a saisi le 4 septembre 2015, le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 2 mai 2017 qui a statué comme suit :
- Condamne la Sarl Fiduciaire Cadeco à verser à M. [Y] les sommes suivantes :
* 7.500 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
* 750 € au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis
avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, jusqu'au jour du paiement
- Rappelle qu'en vertu de l'article R.1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Fixe cette moyenne à la somme de 2.500 €.
* 2.728 € au titre du remboursement des frais sous réserve de fourniture des pièces
avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement, jusqu'au jour du paiement
* 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Déboute M. [Y] du surplus de ses demandes
- Déboute la Fiduciaire Cadeco de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamne au paiement des entiers dépens ».
Par déclaration du 18 mai 2017, la Fiduciaire Cadeco a interjeté appel de cette décision . M. [Y] a interjeté appel le 2 juin 2017.
Par ordonnance du 8 mars 2018, les deux affaires ont été jointes sous le numéro RG 17/07230.
Par conclusions notifiées à la cour par voie électronique le 18 décembre 2017, la Fiduciaire Cadeco demande à la cour de :
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris rendu le 02 mai 2017
- débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes
- condamner M. [Y] à verser à la Sarl Fiduciaire Cadeco les sommes suivantes :
* 2.000 € au titre de l'article 700 du CPC.
* Les entiers dépens.
Par conclusions notifiées à la cour par voie électronique le 9 février 2018, M. [Y] demande à la cour de :
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a condamné la société Fiduciaire Cadeco au paiement des sommes suivantes :
* 7.500 € buts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
* 750 € buts au titre de congés payés y afférents ;
* 2.728,01 € à titre de remboursement de frais ;
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris et condamner aux sommes suivantes :
* 7.500 € buts à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;
* 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et de carrière ;
En tout état de cause :
- condamner la société Fiduciaire Cadeco au paiement d'une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions communiquées par les parties.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 février 2019 et l'affaire plaidée le 28 mars 2019.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'existence de la relation de travail
Aux termes de l'article L 1221-1 du code du travail, le contrat de travail est soumis aux règles de droit commun. Il peut être établi dans les formes que les parties contractantes décident d'adopter.
M. [Y] soutient que la rupture de la promesse d'embauche a été faite sans motif légitime et constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il précise que la promesse d'embauche était bien existante en ce que les parties s'étaient mis d'accord sur le poste, les missions à accomplir, le lieu de travail, la date de début du contrat (lundi 13 avril 2015), la rémunération (30.000 € annuels) et que ses cartes vitale et d'identité ont été sollicitées pour finaliser son dossier.
M. [Y] indique qu'il avait accepté l'offre qui lui avait été faite et qu'il a pris un logement à [Localité 1] à cette seule fin, de sorte qu'une fois acceptée, l'offre de contrat de travail ne pouvait plus être retirée par l'employeur.
Il indique que le revirement de jurisprudence de la cour de cassation dont se prévaut la Sarl Fiduciaire Cadeco est inapplicable en ce qu'il résulte de l'ordonnance de réforme du droit des contrats du 10 février 2016, postérieure aux faits.
Pour justifier de sa demande M. [Y] produit tous les échanges par courriel entre les parties.
La Sarl Fiduciaire Cadeco soutient qu'il n'y a pas de promesse d'embauche existante, et in fine aucune rupture abusive de cette dernière. Elle fait valoir que les entretiens avec M. [Y] constituaient des pourparlers n'engageant pas l'employeur à conclure le contrat de travail. La société soutient que M. [Y] a exprimé son refus d'être subordonné à la société.
La fiduciaire Cadeco précise qu'aucune condition concernant le poste autre que celles indiqué dans l'offre adressé au public n'a été ajoutée suite aux entretiens, que le salaire est indiqué par M. [Y] lui-même dans son mail, qui n'apporte pas la preuve que la date d'entrée ait été définie ou déterminée de façon certaine, ni que la formulation employée ait été celle voulu par M. [S] non-identifié comme l'auteur du courriel. L'employeur soutient également que l'offre n'était pas ferme, mais qu'elle était assortie d'une condition tenant à l'approbation des associés et que celle-ci n'a pas été remplie, puisqu'il s'agissait d'une création de poste nécessitant une organisation particulière du fait de la petite taille de la société.
La Sarl Fiduciaire Cadeco s'appuie sur le revirement de jurisprudence opéré par la cour de cassation du 21 septembre 2017 selon lequel la promesse d'embauche ne vaut plus forcément un contrat de travail.
En l'espèce, la cour observe d'une part, que les parties ont eu trois entretiens formalisés les 20 février, 6 et 30 mars 2015, les représentants de la société étant, successivement, M. [V], chef de mission et M. [S], directeur, et d'autre part, que le rendez vous du 30 mars 2015, avait pour but, selon courriel du 25 mars 2015, (pièce 5, appelant) de « formaliser votre embauche avec Messieurs [S] et [V] » étant précisé qu'il était expressément demandé à Monsieur [Y] de se munir d'une pièce d'identité et de sa carte vitale.
La cour relève que par courriel du 2 avril 2015, adressé à Monsieur [Y] à 10 heures 33, la société Cadeco indique «Je vous confirme la date du 13 avril 2015, date de début de votre contrat. » et que, par courriel du même jour à 13 heures 39 ce dernier a répondu : « C'est bien noté. Cordialement. ».
La cour retient donc en conséquence qu'il y a en un échange de consentement entre les parties et qu'ainsi que le soutient Monsieur [Y], le contrat envisagé s'est formé.
En outre, la cour relève qu'après son courriel du 11 avril 2015, dans lequel il considérait « qu'il est inconcevable de travailler sous votre responsabilité » , M. [Y] « confirme son intérêt pour le poste » dès le 17 avril 2015 et qu'un rendez vous a été pris par la société pour le 5 mai suivant,avec M. [S].
Ainsi, la Fiduciaire Cadeco ne peut soutenir valablement que les contacts entre les parties se sont résumés en simples pourparlers et que l'assistante de direction, Mme [K], auteur des différents courriels précités au nom de la société a engagé, cette dernière, sans instruction ni consigne.
Il importe peu par ailleurs que l' accord des actionnaires pour ce contrat n'ait pas été obtenu étant observé qu'il n'a jamais été présenté comme un préalable pendant la procédure de recrutement ou que Monsieur [Y], s'impatientant légitimement en date du 11 avril 2015 lui ait indiqué par courriel ( pièce 9 salarié) « Dans ces conditions , je considère qu'il est inconcevable de travailler sous votre responsabilité » cette affirmation n'étant pas, à elle seule, en mesure de remettre en cause son engagement.
Par un courriel daté du 5 mai 2015, Monsieur [Y] faisant état d'un appel téléphonique de Monsieur [S], non contesté, au cours duquel ce dernier lui a fait part de sa décision de ne plus procéder à son recrutement, a vainement réclamé une confirmation écrite de cette décision, renouvelant cette demande par courriel du 21 mai 2015 puis par le truchement d'un conseil le 28 mai 2015.
Même si l'exécution du contrat de travail n'a pas commencé, la rupture à l'initiative de l'employeur de la relation contractuelle caractérise un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ouvre droit au paiement d'une indemnité de préavis et à des dommages et intérêts pour rupture abusive.
La cour confirme par conséquent le jugement entrepris en ce qu'il a retenu l'existence d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.
Sur les conséquences financières
Faute de justifier d'une ancienneté suffisante, Monsieur [Y] ne peut prétendre à aucune indemnité compensatrice de préavis qu'elle soit conventionnelle ou légale.
*
Monsieur [Y] réclame une somme de 7.500€ nets à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive en exposant n'avoir trouvé du travail qu'en octobre 2015 pour une durée déterminée, n'étant pas allocataire d'indemnités de chômage.
L'intéressé présentant une ancienneté de moins de deux années dans l'entreprise, l'indemnisation de son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse relève de l'article L1235-5 du code du travail dans sa version applicable au litige et en fonction du préjudice subi.
En considération des circonstances de la rupture ci-dessus évoquées et de ses conséquences, la cour par infirmation des premiers juges sur ce point, est en mesure d'évaluer son préjudice à un montant de 2.500€.
*
Par ailleurs, Monsieur [Y] réclame le remboursement des frais liés à une double résidence pour une durée de quatre mois et aux transports et voyages entre [Localité 2] et [Localité 3] pendant cette période pour un montant de 2728 €.
En l'espèce, la cour relève, que M. [Y] a incontestablement engagé des frais pour répondre rapidement à la proposition d'embauche et qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué la somme de 2.728 € au titre du remboursement des frais exposés.
*
M. [Y] sollicite pour la première fois à hauteur de cour, l'indemnisation de son préjudice moral et de carrière par l'attribution d'une somme de 5.000 €. Il soutient que la longueur de la procédure de recrutement et les revirements de la Fiduciaire Cadeco ne lui ont pas permis de rechercher un autre emploi.
En l'espèce, M. [Y] ne justifie ni d'un préjudice moral ni d'un préjudice de carrière, la longueur de la procédure de recrutement, un mois et demi, n'étant pas excessive et la carrière de M. [Y] dans la Fiduciaire Cadeco pas certaine.
Il y a lieu de débouter M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et de carrière.
Sur les autres demandes
La société fiduciaire Cadeco, qui succombe à l'instance est condamnée aux dépens d'instance et d'appel, le jugement déféré étant confirmé sur ce point ainsi qu'à payer à M. [Y], à hauteur de cour la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme s'ajoutant à celle accordée par les premiers juges, la société intimée étant quant à elle déboutée de sa demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
-Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [L] [Y] de sa demande d'indemnité pour licenciement abusif et en ce qu'il lui a accordé une indemnité compensatrice de préavis.
Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant,
-Condamne la Sarl Fiduciaire Cadeco à payer à Monsieur [L] [Y] la somme de 2.500€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
-Déboute Monsieur [L] [Y] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis.
-Déboute Monsieur [L] [Y] de sa demande d'indemnité pour préjudice moral et de carrière.
-Condamne la Sarl Fiduciaire Cadeco à payer à Monsieur [L] [Y] la somme de 2.000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
-Déboute la Sarl Fiduciaire Cadeco de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
-Condamne la Sarl Fiduciaire Cadeco aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT