Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRET DU 04 JUIN 2019
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/07387 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3MEM
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Janvier 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F15/11096
APPELANT
Monsieur [F] [L]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Jessica CHUQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : E0595
Plaidé par Me Nathalie TOUATI-SITBON, avocat au barreau de PARIS, toque : C0433
INTIMEE
Société SCOR SE Société Européenne
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Bruno SERIZAY de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Avril 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Véronique PAM-TATU, président de chambre
Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller
Madame Florence OLLIVIER, Vice Président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 17 Décembre 2018
Greffier : Mme Claudia CHRISTOPHE, lors des débats
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Véronique PAMS-TATU, Président de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [L] a été embauché par la société Scor Se, suivant contrat à durée indéterminée du 23 février 2009, en qualité de chief executive officier du Hub de Paris (directeur général du Hub de Paris), statut cadre dirigeant, avec reprise d'une ancienneté de 10 ans.
Le 2 mars 2015, la société a présenté au comité d'entreprise un projet tendant à « créer une plate-forme de services commune en combinant les hubs de Paris et de Londres' ».
Les relations de travail se sont dégradées, Monsieur [L] craignant une diminution de ses responsabilités.
Il a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 24 septembre 2015 (pièce 8 récépissé de la demande par le greffe) afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, le paiement d'indemnités de rupture et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dommages et intérêts pour préjudice moral et rappels de salaire.
Par lettre datée du 24 septembre 2015 remise en main propre le 25 septembre 2015,il a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement pour faute grave, pour le 8 octobre 2015.
Il a été licencié pour fautes graves par lettre du 2 décembre 2015 pour avoir exercé sur la direction générale un chantage afin de tenter d'obtenir une indemnisation que l'entreprise ne voulait pas lui verser, et pour des attitudes répétées inadmissibles à l'égard de plusieurs collaboratrices de l'entreprise.
Par jugement du 19 janvier 2017, le conseil de prud'hommes a débouté Monsieur [L] de ses demandes.
Il a interjeté appel par voie électronique le 22 mai 2017 du jugement qui lui avait été notifié le 6 mai 2017.
Dans des dernières conclusions adressées par voie électronique, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions, il sollicite de voir :
'débouter la société de ses demandes tendant à voir déclarer caduque sa déclaration d'appel formé par lui ;
'infirmer le jugement ;
'condamner la société à lui régler :
*à titre principal, sur le fondement d'une résiliation judiciaire de son contrat, subsidiairement sur le fondement d'un licenciement nul, ou à titre infiniment subsidiaire, sur le fondement d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse :
464 324,77 euros à titre d'indemnité de licenciement conventionnelle ou subsidiairement 430 089,27 euros si le rappel de bonus 2015 n'était pas accordé
138 722,12 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis
13 872 euros bruts au titre des congés payés afférents au préavis
52 070,16 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 25 septembre 2015 au 2 décembre 2015
5207,02 euros au titre des congés payés afférents
366 141 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou licenciement nul
*au titre des demandes complémentaires liées à l'exécution de son contrat :
108 000 euros bruts à titre de rappel de salaire afférent au bonus 2015 non versé
10 800 euros bruts au titre des congés payés afférents
36 288 euros bruts à titre de rappel de salaire afférent au bonus 2014 versé en 2015
3628 euros bruts au titre des congés payés afférents
183 000 à titre de dommages-intérêts en réparation d'agissements vexatoires
*au titre des demandes indemnitaires en raison de l'inégalité de traitement dans l'attribution des AGA et stock-option :
549 816 euros à titre de dommages et intérêts
*au titre des demandes complémentaires en raison de la procédure :
15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
les intérêts légaux sur les condamnations prononcées et capitalisation des intérêts.
Dans des dernières conclusions adressées par voie électronique, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions, la société sollicite de voir :
'in limine litis : prononcer la caducité de l'appel, faute d'avoir produit des conclusions dans le délai requis, subsidiairement, confirmer le jugement ;
constater que la demande de résiliation judiciaire est irrecevable et à défaut n'est pas justifiée ;
'juger bien-fondé le licenciement pour faute grave ;
'juger que Monsieur [L] ne justifie pas d'un droit à un complément de bonus 2014 et 2015 ;
'juger que Monsieur [L] n'établit pas une quelconque discrimination de rémunération ;
'débouter Monsieur [L] de ses demandes ;
'le condamner à lui verser 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de civile.
MOTIFS
Sur la caducité de l'appel
La société soutient que Monsieur [L] n'a pas conclu dans le délai de 3 mois conformément aux dispositions de l'article 908 du code de procédure civile.
Cependant, suivant ordonnance de fixation de calendrier de procédure et de clôture du 10 juillet 2017, intervenue dans le délai de 3 mois, le président de la chambre a décidé d'appliquer la procédure prévue à l'article 905 du code de procédure civile, exclusive de celle de l'article 908.
En tout état de cause, l'ordonnance du président fixant un calendrier, est une mesure insusceptible de recours.
Enfin, compte tenu de l'agenda de la cour, l'affaire a été fixée à bref délai.
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
Il résulte du récépissé du greffe du conseil de prud'hommes de Paris que Monsieur [L] a saisi cette juridiction le 24 septembre 2015 (pièce 8). L'avocat de Monsieur [L] a informé par courriel envoyé à 12h52 le directeur des ressources humaines du groupe de la saisine de cette juridiction aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
La lettre de convocation à l'entretien préalable à son licenciement a été remise en main propre à Monsieur [L] le 25 septembre 2015 (pièce 9). Cette même lettre a été expédiée par voie postale le 24 septembre 2015 (pièce 12.1).
La demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est donc antérieure à la notification de l'engagement de la procédure de licenciement. Il convient donc de l'examiner.
Monsieur [L] invoque les manquements suivants :
-suppression de son poste de Hub CEO Paris
-poste de deputy CEO n'étant pas comparable à son poste précédent
-impossibilité de poursuivre l'exécution du contrat de travail en raison du maintien par la société d'une situation conflictuelle
-accusations publiques
Monsieur [L] a contesté la nouvelle organisation avant sa mise en 'uvre en écrivant à Monsieur [Y] le 17 mars 2015 : « La nomination de mon homologue londonien à la tête de l'entité qui combine les hubs de Paris et de Londres est dans la logique de globalisation du groupe et d'une plus claire distinction entre les fonctions groupe et les fonctions du hub. Je la comprends même si elle ne m'est pas favorable.
Je crains toutefois que mon espace de management entre mon homologue londonien devenu le n et le n-1 de l'entité combinée ne soit trop réduit et que ma fonction actuelle soit de facto sensiblement altérée ».
Cependant, il résulte des organigrammes inclus dans le document de présentation de la nouvelle organisation que les 2 membres du Hub CEO étaient Messieurs [T] et [L] (pièce 32) et que Monsieur [L] conservait la responsabilité des services du hub de Paris et ses prérogatives sur sa zone géographique : France et pays satellites.
Si les les pièces produites, notamment les courriels échangés entre Monsieur [L] et la direction révèlent l'existence de tensions, il n'en résulte pas que l'employeur était à l'origine de cette situation conflictuelle, celle-ci résultant en réalité de la contestation par le salarié du projet de la société. Quant aux accusations publiques dont celui-ci se plaint, elles ne sont pas établies par les courriels de Monsieur [Y] lui reprochant de ne pas l'avoir informé d'initiatives non autorisées.
Ainsi, les manquements invoqués par Monsieur [L] ne sont pas démontrés. Il sera débouté de sa demande de résiliation judiciaire.
Sur le licenciement
Monsieur [L] invoque, à titre principal, la nullité de son licenciement, à titre subsidiaire, l'absence de cause réelle et sérieuse.
Il produit le compte rendu des représentants du salarié de la réunion du conseil tenue le 5 novembre 2015 certifié conforme par Monsieur [O], délégué du personnel, secrétaire du comité d'entreprise de l'unité économique et sociale Scor de Paris, et Mme [S], déléguée du personnel, secrétaire adjoint du comité d'entreprise de l'unité économique et sociale.
Il y est indiqué que Monsieur [Y] rappelle les difficultés relatives à la rupture et qu'à la demande de Monsieur [L] un entretien lui a été accordé au cours duquel il « a changé d'avis et qu'il veut le double en indemnité de rupture conventionnelle. Il n'a pas de respect de la parole donnée. FF me dit qu'il n'a jamais donné son accord et que depuis l'origine je veux le virer.'
Cette attitude est devenue inacceptable et au bout d'un moment inaudible.
J'ai tenté de mettre fin à l'entretien en répétant ''c'est comme tu veux : ou bien 500K en RC, ou tu démissionnes, ou tu restes '' ;
Au bout d'une demi-heure je lui ai demandé de quitter mon bureau, il a refusé et s'est assis. J'ai appelé ma secrétaire pour faire constater le refus de FF et menacé d'appeler la sécurité. J'ai dû sortir de mon propre bureau !
Puis j'ai envoyé un mail à FF pour lui signifier que sa conduite est inacceptable, qu'il s'agit d'insubordination. Je considère qu'il s'agit d'une atteinte physique. Je suis encore le détenteur de l'autorité dans cette maison. Je lui signifie qu'il est inutile de venir me voir que son dossier est confié à LB.
Fin septembre FF demande une rupture de son mandat par voie judiciaire.
Je ne vois pas comment un cadre supérieur, détenteur des responsabilités de RH à Paris peut agir ainsi. J'ai perdu toute confiance et l'ai mis à pied dans la foulée. »
La société soutient que :
-Monsieur [L] travestit la présentation de certains propos du PDG lors de la réunion du conseil paritaire et que le compte rendu unilatéral établi par les représentants de Monsieur [L] modifie malicieusement l'ordre des phrases prononcées par le président de façon à laisser croire que le PDG aurait donné l'ordre de la mise à pied dans la foulée de la saisine judiciaire ; qu'elle produit l'attestation de Monsieur [C] ;
-le défaut d'antériorité de la connaissance par l'entreprise de l'action judiciaire sur l'envoi de la convocation suffit à écarter tout lien entre le licenciement et l'action judiciaire ; que Monsieur [L] ne produit aucune pièce probante établissant un lien entre le licenciement et la procédure judiciaire engagée.
Cependant, par courriel adressé le 24 septembre 2015 à 12h52, le conseil de Monsieur [L] a porté à la connaissance du directeur des ressources humaines du groupe que celui-ci avait saisi le matin même le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Or, la lettre du 24 septembre 2015 de convocation à un entretien préalable a été remise au bureau de poste du Louvre le même jour, ouvert après 19 heures contrairement aux horaires de fermeture habituels des bureaux de poste, et alors que les autres lettres recommandées adressées par la société au salarié ont été déposées auprès du bureau de poste Chambre de commerce ([Adresse 3]) qui se trouve près des bureaux de la société situés [Adresse 2].
Par ailleurs, il n'y a pas lieu d'accorder de valeur probante à l'attestation de Monsieur [C], compte tenu de ses fonctions de directeur des ressources humaines de l'établissement de Scor Se à Paris et de l'organisation matricielle transversale ''Hub de Paris Londres ''. Au surplus , elle a été rédigée le 14 septembre 2018 soit près de 3 ans après la réunion du 5 novembre 2015.
Enfin, la société ne peut sérieusement soutenir que Monsieur [G] directeur des ressources humaines du groupe entré dans l'entreprise en juin 2015, à qui le courriel du 24 septembre 2015 a été adressé, ignorait la situation de Monsieur [L].
Certes, Monsieur [O] et Mme [S] étaient les représentants du salarié mais ils sont également représentants du personnel, ont certifié conforme le compte rendu et aucun élément du dossier ne met en cause leur sincérité.
Au surplus, aucune plainte en inscription de faux n'a été déposée par la société à l'encontre de ce compte-rendu.
Il est donc établi que les propos de Monsieur [Y] ont été tenus dans l'ordre rapporté par ce document. Il en résulte que la procédure de licenciement a été décidée en représailles à la saisine par Monsieur [L] de la juridiction prud'homale le 24 septembre 2015. La société a ainsi violé la liberté fondamentale d'accéder à un tribunal. Le licenciement est donc nul.
Sur le bonus
Monsieur [L] réclame le paiement d'un rappel de bonus pour les années 2014 et 2015.
Sur le rappel de bonus 2014
Les salariés relevant de la catégorie « partners » se voyaient attribuer un bonus dont le montant dépendait :
-des performances individuelles du salarié et
-des performances de la société
Par lettre du 24 avril 2015, la société a informé Monsieur [L] que :
-concernant la part collective de son bonus, les objectifs étaient atteints à 97,2 % pour l'exercice 2014,
-concernant la part individuelle de son bonus, son manager avait évalué la réalisation de ses objectifs 2014 à 40 % ;
Ainsi, le montant global du bonus s'élevait à la somme de 59 893 euros.
Monsieur [L] conteste le montant de son bonus individuel ; cependant, l'évaluation de la société est conforme aux stipulations de l'avenant du 17 février 2011 ayant modifié celle du contrat de travail concernant notamment le coefficient multiplicateur appliqué à la part individuelle.
Monsieur [L] a donc été rempli de ses droits au titre du bonus 2014.
Sur le bonus 2015
Pour contester le versement du bonus 2015, la société invoque un avenant du 13 octobre 2014 stipulant que « le montant de votre bonus/part variable est dû(e) sauf en cas de licenciement pour motif personnel' »
Cependant, le licenciement ayant été déclaré nul, cette clause ne peut être opposée au salarié. Il sera fait droit à sa demande au titre du bonus de l'année 2015.
Sur les conséquences financières du licenciement
Il convient d'accorder à Monsieur [L] la somme qu'il réclame à titre principal pour l'indemnité conventionnelle de licenciement dans la mesure où la cour a fait droit à son rappel de bonus 2015, et compte tenu de la reprise d'ancienneté de 10 ans stipulée au contrat de travail. Il lui sera également alloué une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et un rappel de salaire au titre de la période de mise à pied conservatoire ainsi que les congés payés afférents.
Le préjudice subi par Monsieur [L] résultant du licenciement déclaré nul, sera réparé, eu égard à son ancienneté remontant à 1999, à sa rémunération et aux circonstances de la rupture, par la somme figurant au dispositif.
Sur les agissements vexatoires de la société
Le salarié ne démontre pas l'existence d'agissements vexatoires, la cour ayant déjà retenu que les accusations publiques n'étaient pas établies. Par ailleurs, la durée de la mise à pied n'est pas vexatoire pas plus que les motifs du licenciement. Il sera débouté de ce chef de demande.
Sur l'inégalité dans l'attribution des actions gratuites (AGA) et stock-options (SO) ou (SOP)
Selon l'article L. 1132'1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article premier de la loi numéro 2088'496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221'3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
Selon l'article L. 1134'1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, .... le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte..... Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et le juge forme sa conviction après avoir ordonné toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si l'employeur peut accorder des avantages particuliers à certains salariés, c'est à la condition que tous les salariés de l'entreprise placée dans une situation identique puissent bénéficier de l'avantage ainsi accordé, et que les règles déterminant l'octroi de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables.
Il existe au sein de la société :
'des plans d'attribution gratuite d'actions (AGA) offrant gratuitement des actions aux salariés et,
'des plans d'attribution d'options sur actions (stock-options ou SOP) offrant aux salariés la possibilité d'acheter des actions de la société à un prix déterminé.
Monsieur [L] soutient que :
'il démontre l'inégalité de traitement dont il a été victime en produisant aux débats des tableaux extraits de la base de données internes à la société Scor, à laquelle il a eu accès lors de l'exécution de son contrat de travail ;
'il était éligible au programme d'attribution d'actions gratuites au regard de son contrat de travail pour la catégorie des seniors global partners niveau 1 (SGP1) et produit un tableau récapitulant les actions, stock-options qui lui ont été attribuées depuis 2009 qu'il met en perspective avec sa notation et son bonus individuel ;
'il résulte de ce tableau que la société n'a pas fait de corrélation entre l'attribution des AGA et SO et sa notation et n'a donc suivi aucune des règles objectives et pertinentes posées par l'entreprise ;
'les tableaux de synthèse produits par le salarié révèlent que :
*pour 2012, un document interne à la société a été transmis aux cadres concernés et notamment Monsieur [L], par courriel du 24 décembre 2013 de Mme [D] ; qu'il a extrait de ce fichier les données 2012 relatives aux AGA qui concernent uniquement la catégorie professionnelle des SGP1 à laquelle il appartenait afin de comparer leur situation à la sienne ; cette comparaison démontre que les cadres de la catégorie se sont vus attribuer en moyenne, en 2012, 3500 actions lorsque lui-même n'en recevait aucune malgré l'attribution d'un bonus individuel valorisé à 75 % et une notation excellente 1 ;
*pour 2013 et 2014, Monsieur [L] a procédé de la même façon à partir du même document interne actualisé adressé par courriel de Mme [D] du 19 décembre 2014 ; que ce tableau démontre qu'en moyenne, en 2013, les autres SPG1 ont bénéficié de 3771 actions alors qu'il n'avait eu aucune malgré un bonus individuel valorisé à 70 % et une notation à 2 ; qu'en 2014, les autres SPG1 ont bénéficié de 3522 actions alors qu'il n'en recevait aucune malgré un bonus individuel valorisé à 50 % et une notation ME = objectifs atteints.
'sa pièce 96 extraite du courriel et du fichier excel adressé le 19 mars 2014 par Mme [D] comprend les champs suivants : nom ; dernière date de nomination/promotion ; catégorie de partner 2014 ; actions gratuites cumulées entre 2005'2013 ; nombre d'actions allouées en 2013 ; décision finale d'attribution d'actions pour 2014 ; résident fiscal/non-résident fiscal ; allocation de stock-options ; note d'appréciation 2012 ; note appréciation 2013 ; note d'appréciation 2014 ; pourcentage de performance individuelle 2012 ; pourcentage de performance individuelle 2013 ; pourcentage de performance individuelle 2014 ; bonus exceptionnel 2014 ; salaire courant en euros.
La société réplique que :
'Monsieur [L] n'établit nullement que la rémunération globale dont il a bénéficié aurait été inférieure à celle perçue par les salariés placés dans une situation similaire à la sienne, c'est-à-dire la catégorie des partners ;
'les actions sont attribuées en fonction de la participation des salariés à des projets pluriannuels de sorte que la comparaison doit être faite sur la totalité de la période d'activité salariée c'est-à-dire sur la période 2009'2015 et que le nombre d'actions attribuées est en lien avec la réalisation de projets particuliers, ce qui a justifié une attribution à Monsieur [L] de 3000 actions 2009 (création du Hub) et de 2000 actions en 2011 (déménagement du siège) ;
'au cours des autres années, celui-ci n'a pas participé à la réalisation de projets particuliers et près de 20 % des SGP1 n'ont pas perçu d'actions chaque année au cours de la période 2009/2015 ;
'Monsieur [L] limite la comparaison aux seules actions gratuites et stocks options sans tenir compte de 2 autres éléments de rémunération - salaire de base et bonus ;
'au cours de chacune des années considérées, la rémunération globale de Monsieur [L] a nettement été supérieure à la rémunération globale moyenne des partners SGP1 ;
En appel, Monsieur [L] verse aux débats les tableaux Excel dans leur intégralité. Il fait valoir à juste titre que la société ne conteste pas les données utilisées ni l'exactitude du tableau relatif aux seuls SGP1 de la société.
Ainsi, il résulte des pièces versées aux débats que Monsieur [L] a reçu 5000 actions de 2009 à 2015 alors que l'attribution moyenne pour sa catégorie est au minimum de 3500 actions par an.
Au surplus, les conclusions de la société font référence à des considérations générales ; en tout état de cause, celle-ci ne communique aucun élément de nature à contredire les données produites par Monsieur [L] qui avait en 2012 la notation 1, soit la meilleure, et en 2013 une notation 2 avec un pourcentage de performance individuelle de 70 %.
Ainsi, la société ne fournit aucun élément objectif étranger à toute discrimination justifiant l'inégalité de traitement.
Le préjudice causé à Monsieur [L] sera réparé par la somme de 200 000 euros.
Il est équitable d'accorder à Monsieur [L] une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la société ayant au demeurant estimé que ses frais irrépétibles s'élevaient à 50 000 €.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [L] de sa demande de résiliation du contrat de travail ;
Déclare recevable la déclaration d'appel de Monsieur [L] ;
Déclare nul le licenciement de Monsieur [L] ;
Condamne la société Scor Se à régler à Monsieur [L] les sommes de :
- 464 324,77 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement vu
- 138 722,12 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 13 872 euros bruts au titre des congés payés afférents au préavis
- 52 070,16 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 25 septembre 2015 au 2 décembre 2015
- 5207,02 euro au titre des congés payés afférents
- 280 000 euros euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul
- 108 000 euros bruts à titre de rappel de salaire afférent au bonus 2015
- 10 800 euros bruts au titre des congés payés y afférents
- 200 000 euros au titre des demandes indemnitaires en raison de l'inégalité de traitement dans l'attribution des AGA et stock-options :
- 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
les créances salariales portant intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires portant intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;
Ordonne la capitalisation des intérêts judiciaires dans les conditions posées par l'article 1343'2 du Code civil ;
Déboute Monsieur [L] du surplus de ses demandes ;
Condamne la société Scor Se aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT