Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 04 JUIN 2019
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/21992 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4RW6
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Novembre 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/04185
APPELANT
LE MINISTÈRE PUBLIC agissant en la personne de MADAME LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté à l'audience par Mme SCHLANGER, avocat général
INTIME
Monsieur [L] [I] [D] né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1] (Comores)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Monique HERPIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0906
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 avril 2019, en audience publique, le ministère public et l'avocat de l'intimé ne s'y étant pas opposé, devant Mme Anne BEAUVOIS, présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Dominique GUIHAL, présidente
Mme Anne BEAUVOIS, présidente
M. Jean LECAROZ, conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Dominique GUIHAL, présidente et par Mélanie PATE, greffière.
Vu le jugement rendu le 23 novembre 2017 par le tribunal de grande instance de Paris qui a dit que M. [L] [I] [D], né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1] (Comores) est de nationalité française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamné le trésor public aux dépens ;
Vu la déclaration d'appel en date du 30 novembre 2017 et les dernières conclusions notifiées le 22 février 2018 du ministère public qui demande à la cour de dire que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, d'infirmer le jugement, statuant à nouveau, de dire que le certificat de nationalité française délivré le 29 septembre 1999 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Saint-Denis à M. [L] [I] [D] l'a été à tort, de dire que M. [L] [I] [D] n'est pas de nationalité française, le débouter de ses demandes, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et le condamner aux dépens ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 17 mai 2018 par M. [L] [I] [D], qui demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner le ministère public à lui payer une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
SUR QUOI :
Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile par la production du récépissé délivré le 16 février 2018.
Selon l'article 30 du code civil, la charge de la preuve incombe au ministère public qui conteste la nationalité française de M. [L] [I] [D], qui est titulaire d'un certificat de nationalité française délivré le 29 septembre 1999 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Saint-Denis.
La force probante d'un certificat de nationalité française dépend des documents qui ont servi à l'établir et si le ministère public prouve que ce certificat a été délivré à tort à l'intéressé ou sur la base d'actes erronés, ce certificat perd toute force probante. Il appartient alors à l'intéressé de rapporter la preuve de sa nationalité française à un autre titre.
Selon le certificat de nationalité française dont il est titulaire, M. [L] [I] [D], né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1] (Comores), a acquis la nationalité française en application de l'article 84 du code de la nationalité française (loi du 9 janvier 1973) par l'effet collectif attaché à la déclaration souscrite le 10 décembre 1976 devant le juge d'instance de Marseille, par sa mère, Mme [Y] [S], née en 1945 à [Localité 2] (Comores), en application de l'article 10 de la loi du 3 juillet 1975 et de l'article 9 de la loi du 31 décembre 1975, enregistrée le 3 janvier 1977 sous le n° 02612/77.
En application de l'article 10 de la loi n° 75-560 du 3 juillet 1975 relative à l'indépendance du territoire des Comores, les Français de statut civil de droit local originaires de ce territoire pouvaient, lorsqu'elles avaient leur domicile en France, se faire reconnaître la nationalité française par déclaration souscrite dans les formes des articles 101 et suivants du code de la nationalité.
L'article 11 de cette loi prévoyait que ces déclarations produiraient effet à l'égard des enfants mineurs de dix-huit ans du déclarant dans les conditions prévues à l'article 84 du code de la nationalité. Ce dernier texte dispose : « L'enfant mineur de dix-huit ans, légitime, naturel ou ayant fait l'objet d'une adoption plénière, dont l'un des parents acquiert la nationalité française, devient français de plein droit ».
Pour bénéficier de l'effet collectif attaché à la déclaration de nationalité de sa mère, Mme [Y] [S], il est donc nécessaire que la filiation de M. [L] [I] [D] ait été légalement établie à l'égard de celle-ci du temps de sa minorité et avant l'acquisition de la nationalité française par sa mère revendiquée.
Le certificat de nationalité française du 29 septembre 1999 vise l'acte de naissance de l'intéressé et le jugement supplétif de naissance n°465 de M. [L] [I] [D] rendu par le cadi de [Localité 1] le 31 décembre 1980, qui le dit né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1] de [P] [D] et de [Y] [S].
L'acte de naissance de M. [L] [I] [D], figurant dans le registre des naissances du centre d'état civil de Mbeni sous le n°1357 en date du 31 décembre 1980, dressé au vu du jugement supplétif de naissance du même jour, est postérieur à la déclaration souscrite par Mme [Y] [S] le 10 décembre 1976 devant le juge d'instance de Marseille et à l'acquisition de la nationalité française par celle-ci.
En outre, conformément à l'article 47 du code civil, « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ». Nul ne peut donc se voir reconnaître la nationalité française s'il ne justifie pas d'une identité certaine, attestée par des actes d'état civil fiables au sens de cet article.
Or, ce jugement supplétif de naissance du 31 décembre 1980 rendu par le cadi de [Localité 1], à la seule demande de Mme [Y] [S], qui ne fait pas mention de la transmission au procureur de la République qui n'était pas le requérant, pourtant prévu par l'article 17 de la délibération n°61-16 de l'assemblée territoriale du 17 mai 1961, méconnaît le principe de la contradiction et heurte la conception française de l'ordre public international. Inopposable en France, ce jugement ne justifie pas d'un état civil fiable et certain de M. [L] [I] [D] au sens de l'article 47 du code civil.
Il faut également relevé que la copie produite par l'intéressé, de son acte de naissance comorien qui aurait été établi le 31 décembre 1980 en exécution de ce jugement supplétif, n'est pas légalisée, alors qu'en l'absence de convention bilatérale entre la France et les Comores, ce document ne peut se voir reconnaître aucune force probante en France faute d'être légalisé par le consul de France aux Comores ou par le consul des Comores en France.
La circonstance que cet acte de naissance étranger ait été transcrit par le service central d'état civil du ministère des affaires étrangères
n'a pour effet de rendre les dispositions de l'article 47 du code civil inopérantes dès lors que la valeur probante de cette transcription est subordonnée à celle de l'acte étranger à partir duquel la transcription a été effectuée.
Enfin, au vu des pièces communiquées par le ministère public qui sont celles produites par Mme [Y] [S] lors de la souscription de sa déclaration d'acquisition de la nationalité française, il apparaît que celle-ci a déclaré être célibataire et mère de deux enfants, l'un né en 1967 et l'autre en 1971, dont elle a produit les actes de naissance, et qu'elle n'a pas mentionné avoir eu un autre enfant né en 1968.
Le jugement supplétif et l'acte de naissance produits par M. [L] [I] [D], ne faisant pas foi, sa filiation à l'égard de Mme [Y] [S] n'est pas légalement établie à l'égard de celle-ci et il ne peut bénéficier de l'effet collectif attaché à l'acquisition de la nationalité française par sa mère revendiquée.
Le certificat de nationalité française qui lui a été délivré le 29 septembre 1999 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Saint-Denis l'a donc été à tort.
Nul ne pouvant prétendre à être de nationalité française, sur quelque fondement et à quelque titre que ce soit, s'il ne justifie d'un état civil fiable et certain, il convient de constater l'extranéité de M. [L] [I] [D].
Le jugement sera donc infirmé et les dépens seront supportés par M. [L] [I] [D] qui succombe en ses prétentions.
Aucune circonstance tirée de l'équité ne justifie de faire droit à sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré.
Infirme le jugement.
Statuant à nouveau :
Dit que le certificat de nationalité française qui a été délivré le 29 septembre 1999 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Saint-Denis à M. [L] [I] [D] l'a été à tort.
Dit que M. [L] [I] [D] se disant né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1] (Comores) n'est pas de nationalité française.
Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil.
Rejette la demande de M. [L] [I] [D] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. [L] [I] [D] aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE