Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRET DU 04 JUIN 2019
(n° 2019/ 163 , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00961 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B4ZHD
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Décembre 2017 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2012028231
APPELANT
LE COMMISSARIAT À L'ENERGIE ATOMIQUE ET AUX ENERGIES ALTERNATIVES (CEA), pris en la personne de son représentant légal domicilié au siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
N° SIRET : 775 685 019 00587
Représenté et assisté de Me François-Genêt KIENER de l'AARPI PARRINELLO VILAIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R98
INTIMÉE
SA MMA IARD, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : 440 048 882 00680
Représentée et assistée de Me Philippe BALON de la SCP CABINET BALON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0186
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 Mars 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Gilles GUIGUESSON, Président
Monsieur Christian BYK, Conseiller
Monsieur Julien SENEL, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Gilles GUIGUESSON, Président, dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Catherine BAJAZET
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par Monsieur Gilles GUIGUESSON, Président de chambre et par Madame Catherine BAJAZET, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
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Le CEA (Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives) a souscrit, le 20 août 2003, une police d'assurances 'Tous Risques Montage Essais' auprès de la société COVEA RISKS devenue MMA dans le cadre de la réalisation d'un ensemble de travaux (projet « CABRI ») destinés notamment au renforcement de l'enveloppe c'ur du réacteur nucléaire d'essais à CADARACHE, afin que celui-ci soit conforme aux normes anti-sismiques.
Ces travaux nécessitaient le renforcement de la cuve extérieure de la piscine en eau déminéralisée, dans laquelle le bloc c'ur du réacteur en aluminium était immergé, par des cercles en acier soudés à l'intérieur de celle-ci.
L'objet du contrat d'assurance était de garantir les dommages aux ouvrages existants et aux ouvrages faisant l'objet du projet du souscripteur, survenu pendant la durée des travaux, dans certaines limites et sous certaines conditions.
Lors des vidanges de la cuve en cours de travaux, les 30 novembre 2005 et 16 mai 2006, il a été constaté l'apparition sur l'enveloppe du bloc c'ur de nombreux points de corrosion repérables par la présence de pustules blanches significatives d'une corrosion galvanique de l'aluminium.
Le CEA a déclaré le sinistre à son assureur le 22 novembre 2006.
Monsieur [Y] [C], expert en corrosion de l'aluminium, concluait dans un rapport du 18 décembre 2006 à une corrosion « due à la présence massive de plomb en contact direct avec les structures en aluminium du caisson ».
Le 22 février 2007, l'expert technique désigné par l'assureur, monsieur [G], concluait contre monsieur [C].
Le 4 mai 2007, par courrier les MMA IARD précisaient que les garanties du contrat pourraient être acquises, à la réserve près de l'inobservation des règles de l'art qui, dans le cas du sinistre de corrosion de l'enveloppe c'ur, a pu jouer un rôle accélérateur dans le sinistre et sur son éventuelle aggravation.
La société les MMA IARD poursuivait l'instruction de la réclamation du CEA avec monsieur [G] et le 26 septembre 2007, elle lui versait une provision de 400.000 euros à valoir sur l'indemnité définitive sous réserve de l'apparition ultérieurement d'éléments nouveaux, remettant en cause tout ou partie de la garantie.
Le 2 septembre 2011, l'assureur informait le CEA que le principe de la mise en jeu des garanties n'était pas acquis, au motif qu'il n'est pas établi que les dommages existants soient imputables aux travaux neufs. En effet, selon l'expert, monsieur [G], le phénomène de corrosion de l'enveloppe c'ur préexistait avant les travaux.
Le Commissariat à l'Énergie Atomique a alors assigné la société MMA devant le tribunal de commerce de PARIS, afin de la contraindre à mobiliser sa garantie. Par jugement du 27 septembre 2013, ce tribunal désignait un expert qui déposait son rapport le 21 avril 2016.
Par jugement du 1er décembre 2017, ledit tribunal a débouté le CEA de toutes ses demandes, l'a condamné à reverser à la SA MMA IARD la somme de 400.000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2007, la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par déclaration du 29 décembre 2017, l'Établissement Public COMMISSARIAT A L'ÉNERGIE ATOMIQUE ET AUX ÉNERGIES ALTERNATIVES (CEA) a interjeté appel et, aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 9 novembre 2018, il sollicite la réformation du jugement dont appel. Il lui demande, statuant à nouveau, de juger que la société MMA a renoncé à l'application des clauses d'exclusion 6.6 et 6.12 de la police d'assurance dommage, de constater qu'elle ne rapporte pas la preuve d'éléments nouveaux au sens dudit quitus ayant des conséquences sur sa garantie, de juger que la preuve d'une corrosion de l'installation du CEA endommagée avant la réalisation des travaux n'est pas rapportée et, en conséquence, de juger que la société MMA est tenue de le garantir du sinistre, de la débouter de sa demande de condamnation à son encontre à restituer la provision de 400.000 euros qu'il a perçue, de la condamner à lui verser la somme principale de 1.514.307 euros, outre intérêts et capitalisation, de la condamner à lui verser la somme de 100.000 euros pour résistance abusive et manquement à l'obligation de ne pas se contredire au détriment d'autrui et la somme de 35.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 20 mars 2018, la SA MMA IARD sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté le CEA de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée à lui restituer la provision reçue de 400.000 euros outre intérêts au taux légal et elle demande à la cour, en tant que de besoin et par substitution de motifs, de juger que le sinistre de corrosion dont le CEA poursuit aujourd'hui l'indemnisation ne peut être garanti aux termes de la police souscrite, le sinistre préexistant aux travaux assurés, et n'ayant tant pour sa cause initiale que pour son aggravation, aucun caractère accidentel et de le débouter en conséquence de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
A titre reconventionnel, elle demande à la cour de condamner le CEA à lui rembourser la somme de 400.000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2007 et, à titre subsidiaire, de juger qu'une éventuelle condamnation ne pourra porter que sur les chefs 2 et 8 de la réclamation du CEA soit, à dire d'expert la somme de 170.700 euros, les autres postes constitutifs du préjudice n'ayant aucun lien avec le sinistre.
En toute hypothèse, elle lui demande de juger que dans cette hypothèse, elle sera en droit d'opposer une franchise de 100.000 euros et que cette éventuelle condamnation devra intervenir sous déduction de la provision de 400.000 euros d'ores et déjà versée, et de condamner le CEA à lui verser une somme de 35.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise.
La clôture a été ordonnée le 25 février 2019.
MOTIFS
Considérant que le CEA soutient les moyens suivants :
- que le tribunal de commerce a retenu pour justifier sa décision, une clause d'exclusion de garantie qui n'était plus évoquée par les MMA, en ce qu'il y a eu de la part des MMA une renonciation expresse à invoquer la clause d'exclusion 6.12, comme cela ressort des dernières conclusions régularisées devant le tribunal de commerce où il apparaît que cette clause n'est plus mentionnée;
- qu'en tout état de cause, l'application de la clause d'exclusion 6.12 ne peut pas avoir lieu au regard des conditions de sa mise en oeuvre qui ne sont pas remplies;
- que les MMA ont par ailleurs renoncé également à se prévaloir de la clause d'exclusion 6.6 qu'elles évoquent désormais, car la signature du quitus d'indemnité rend impossible le refus par l'assureur de sa garantie en l'absence d'éléments nouveaux;
- que l'expert [G] a confirmé que l'enveloppe coeur n'était pas corrodée avant travaux, qu'il s'agissait bien d'une corrosion accidentelle, que le sinistre est intervenu en cours de travaux et que le rapport déposé en l'état par monsieur [E] ne démontre pas l'existence d'une corrosion préexistante à la mise en oeuvre de ceux-ci;
- qu'enfin la preuve d'une corrosion de l'installation en litige avant travaux n'est pas rapportée;
Considérant que la SA MMA IARD soutient les moyens suivants :
- qu'il n'y a eu aucune renonciation expresse de l'assureur à se prévaloir de la clause 6.12, sachant que cette celle-ci a été évoquée dans le débat comme le CEA le rappelle lui même dans ses conclusions récapitulatives;
- qu'en tout état de cause, l'exclusion de garantie de l'article 6.6 de la police peut être utilement opposée au CEA, comme cela est amplement démontré, puisque l'expert [E] a établi que la corrosion observée de l'enveloppe du bloc coeur a été constatée dés la première vidange en mars 2005, qu'il s'est agi d'un phénomène pré-existant qui est parfaitement antinomique avec un événement accidentel;
- qu'il n'y a eu aucune renonciation de sa part à se prévaloir de la clause d'exclusion 6.6, lors du versement de la provision le 26 septembre 2007;
- que par ailleurs, l'aggravation de la corrosion a été la conséquence d'une préparation insuffisante des travaux et des conditions d'exécution de ceux-ci, ce qui exclut tout accident;
SUR CE
- Sur l'application de la clause d'exclusion 6.12 par le tribunal de commerce dans son jugement du 1er décembre 2017 :
Considérant que le CEA soutient que le jugement entrepris doit être infirmé, en ce que le tribunal de commerce a méconnu les principes directeurs du procès en faisant application d'une clause d'exclusion 6.12, quand celle-ci ne pouvait plus être retenue, que le tribunal a modifié l'objet du litige en soulevant une exclusion de garantie dont l'assureur ne s'est pas prévalu, avec une renonciation à ce droit de la part des MMA IARD;
Considérant s'agissant de la clause d'exclusion articulée sous l'article 6.12 des Conditions particulières de la police Tous Risques en cause, qu'il est constant que cette disposition contractuelle a été dûment soulevée et soutenue par les MMA IARD lors de l'instance ayant donné lieu au jugement du 27 septembre 2013, comme cela est attesté par les conclusions déposées par les MMA pour l'audience du 27 juin 2013, argumentant à ce titre à l'origine du litige, que le sinistre n'avait pas un caractère accidentel et qu'il a même été aggravé par la remise en eau consécutive à la vidange de novembre 2005;
Considérant que le jugement du 27 septembre 2013 ayant ordonné une mesure d'instruction, l'affaire est revenue devant le tribunal de commerce de Paris et a été retenue à l'audience de plaidoiries du 12 octobre 2017;
Que les MMA à cet effet, ont déposé des conclusions dans lesquelles sur la base du rapport d'expertise établi, elles ont maintenu le principe de la préexistence de la corrosion et de son absence de caractère accidentel, en rappelant les clauses d'exclusion aménagées à l'article 6 et en expliquant que ses garanties ne peuvent pas s'appliquer à des pertes matérielles ou à des dommages matériels n'ayant aucun caractère accidentel et qui ne seraient pas survenus au cours des travaux;
Que les MMA IARD se sont alors prévalues des dispositions de l'article 6.6 des Conditions particulières de la police applicable;
Considérant qu'il est manifeste que le tribunal de commerce de Paris a débouté le CEA de ses demandes en procédant à la mise en oeuvre de la clause 6.12 précitée, en ayant rappelé s'agissant des moyens des parties ce que suit pour le CEA : "qui faisait valoir que MMA justifiaient leur refus de garantie au motif que le CEA aurait commis dans le cadre de la conduite des travaux des manquements au respect des règles de l'art et visaient une clause d'exclusion insérée à l'article 6.12 de la police, que MMA qui soutient désormais que le phénomène de corrosion de l'aluminium constituant l'enveloppe du bloc coeur ne serait pas accidentel et ne serait pas intervenu au cours des travaux, fondent leur refus de garantie sur l'application de la clause d'exclusion 6.6";
Considérant que la cour à l'analyse de tout ce qui précède, estime que le fait que le tribunal de commerce de Paris a fondé sa décision sur la clause 6.12 des Conditions particulières de la police en litige ne constitue pas en soit une cause de réformation, en ce que l'application et les conditions de mise en oeuvre de cette disposition contractuelle 6.12 avaient été débattues préalablement et contradictoirement entre les parties, cette disposition contractuelle ayant été mise aux débats;
Que le tribunal peut effectivement modifier le fondement juridique des réclamations d'une partie, à la condition que l'objet du litige ne soit pas modifié, ainsi que les faits et que le principe du contradictoire soit respecté, que tel a été le cas en l'espèce, puisque le débat factuel a porté de manière constante sur le caractère accidentel ou non de la corrosion dénoncée, que l'assurance applicable est restée la même, s'agissant d'une police de dommage à l'ouvrage sous réserve d'une des exclusions prévues à l'article 6 des Conditions particulières, la clause d'exclusion 6.12 incluse dans ce chapitre ayant été préalablement et antérieurement discutée par les parties;
Que ce chef de demande pour obtenir l'infirmation du jugement entrepris sera écarté, étant noté que devant la cour d'appel les MMA IARD n'entendent plus se prévaloir de ladite clause 6.12 dont les conditions de mise en oeuvre n'ont dés lors pas à être analysées;
- Sur le renoncement des MMA IARD à se prévaloir de la clause 6.6 des conditions particulières :
Considérant que le CEA soutient que les MMA ont en réalité renoncé à se prévaloir de ladite clause d'exclusion au motif que :
- suite au rapport de monsieur [G] les MMA ont par un courrier du 4 mai 2007 indiqué ce que suit :
- "Nous sommes en présence d'une corrosion due à une réaction d'hydrolyse dans l'eau, Dans ces conditions nous prenons note que nous ne sommes pas en présence d'une corrosion lente mais bien d'une corrosion accidentelle";
- qu'aucun élément nouveau n'est venu depuis remettre en cause cette opinion et pas davantage les travaux de monsieur [E],
- que le quittus d'indemnité signé confirme cette solution et qu'il conviendrait qu'il soit articulé une circonstance nouvelle, ignorée au moment du quitus justifiant d'une clause d'exclusion ou plaçant l'événement survenu en dehors de l'objet du contrat;
- que l'assureur en versant une provision a manifesté qu'il acceptait le principe de sa garantie et qu'il ne pouvait par la suite la refuser sans se contredire au détriment d'autrui;
Considérant que la cour ne retiendra pas ces arguments, en ce que le quitus d'indemnité du 26 septembre 2007 a été établi et signé comme suit :
- "Je soussigné LE COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE agissant en qualité de souscripteur reconnaît accepter à titre de provision à valoir sur l'indemnité définitive la somme de 400 000 euros en règlement provisionnel du sinistre référencé ci-dessus. LE COMMISSARIAT A L'ENERGIE ATOMIQUE s'engage dès à présent dans l'hypothèse où apparaîtrait de nouveaux éléments remettant en cause tout ou partie de la garantie et la couverture du risque tel que stipulé dans la police à restituer à COVEA RIKS sur simple demande de cette dernière, le règlement faisant l'objet du présent contrat";
Considérant qu'il résulte de ce document que la provision versée ne l'a été que sous la condition de l'absence d'élément conduisant l'assureur à revoir les conditions et le principe de sa garantie, qu'il ne s'est donc pas agi d'une renonciation ou d'une acceptation définitive de prise en charge du sinistre;
Considérant que la société les MMA IARD justifie de la réalité d'éléments nouveaux pour elle, de nature à la conduire à une remise en cause de sa garantie, en ce que ledit assureur a pu légitimement estimer que le principe de la mise en jeu de celle-ci n'était pas acquis en considérant que les dommages existants n'étaient pas imputables à des travaux, au regard des conclusions de son expert monsieur [G] qui le 31 août 2010 soit postérieurement au 26 septembre 2007, pour la corrosion a dénoncé la situation suivante:
- "Nous sommes en présence d'une corrosion galvanique suite principalement au contact direct entre la structure en aluminium de l'enveloppe coeur et le plomb des écrans de protection, ainsi que celui présent dans l'eau de la piscine, car il est apparu que la capacité de corrosion du plomb dans l'eau déminéralisée n'est également pas négligeable. Il semblerait que les techniciens du CEA n'ont pas pris la mesure de l'importance du problème pour comprendre et remédier aux phénomènes de corrosion détériorant l'enveloppe coeur et ce serait qu'en octobre 2006 suite au retrait des tapis plomb en vue de l'extraction de "l'enveloppe coeur", que le CEA aurait découvert l'étendue réelle des dommages";
Que ces éléments pouvaient conduire les MMA IARD à revoir leur position de garantie conformément au quitus et au paiement effectués sous conditions, comme cela est relaté dans le mail du 2 septembre 2011 dans lequel il était fait état de défaut de précisions dans la survenance du sinistre et de l'absence de justification des postes de préjudices et que :
- "il n'est nullement établi que les dommages aux existants soient imputables aux travaux neufs. En effet selon notre expert Mr [G] le phénomène de corrosion de l'enveloppe coeur préexistait avant les travaux de renforcement";
Qu'en effet les MMA IARD sur la base du premier rapport de monsieur [G] de février 2007 ont pu en réservant leurs droits, avec une faculté de retour, considérer que leur garantie pouvait être due puisque l'expert à cette date avait fait état de ce que suit de plusieurs éventualités et hypothèses :
- Nous sommes en présence de deux événements accidentels de cause distincte soit :
- Corrosion : suite aux premières investigations réalisées les hypothèses suivantes peuvent être envisagées :
1/ corrosion déjà existante;
2/ pollution de l'eau travaux et erreur de manipulation;
3/ phénomène de corrosion galvanique du fait du contact direct entre le plomb et la structure en aluminium de l'enveloppe coeur;
Qu'il ne peut donc pas être affirmé que les MMA IARD ne pourraient pas se contredire au détriment d'autrui en ce que ces dernières pour éviter précisément cette situation, ont versé leur provision sous condition avec une faculté de restitution à son profit;
- Sur la corrosion et ses causes :
Considérant que le débat factuel dont est saisi la cour est de savoir si le phénomène de corrosion de l'aluminium constituant l'enveloppe du bloc coeur est ou non accidentel et si celui-ci est intervenu ou non en cours de travaux;
Que pour contredire la position des MMA IARD et soutenir la nature accidentelle de la corrosion, le CEA soutient que le rapport d'expertise de monsieur [E] désigné par le tribunal de commerce est incomplet, qu'il a été déposé en l'état, que son intervention a eu lieu 7 ans après les faits, que les opérations de l'expert ont été réalisées sur pièces et qu'il n'y a eu aucune investigation;
Que selon le CEA, les seuls rapports à retenir comme probants, sont ceux établis par messieurs [G] et [C] qui ont confirmé que l'installation ne présentait pas de corrosion pré-existante à la mise en oeuvre des travaux, comme cela est attesté par les notes techniques de monsieur [Z] et [C];
Qu'en tout état de cause, la corrosion s'est amplifiée par l'installation accidentelle de plaques de plomb, ce qui doit entrainer la mise en oeuvre des garanties;
Que les MMA IARD font au contraire état d'un phénomène de corrosion préexistant et évolutif et que les erreurs commises dans la réalisation du chantier n'ont fait qu'aggraver et accélérer la manifestation du phénomène;
Considérant qu'il doit être relevé que dans son premier rapport du 22 février 2007, monsieur [G] avait retenu ce que suit :
- "corrosion déjà existante avant la réalisation des travaux ... la cuve en tout début des travaux ne présenterait que de très faibles traces de corrosion après ses 30 ans d'utilisation, sans aucune mesure avec celles relevées sur l'enveloppe coeur. L'eau de la cuve aurait été changée deux fois à partir du mois de mars 2005 et jusqu'à la constatation des dommages de corrosion sur l'enveloppe coeur et dont une fois faute de disposer d'eau déminéralisée, le remplissage a été réalisé avec de l'eau de ville";
Que l'expert [G] indiquait que le phénomène de corrosion galvanique du fait du contact direct entre le plomb et la structure en aluminium de l'enveloppe coeur était une possibilité;
Que l'expert [C] dans son rapport du 26 juillet 2009 notait ce que suit :
- "l'expérience du caisson en alliage d'aluminium 5754 H 111 C) en service pendant 28 ans de 1977 à 2005 a confirmé la très bonne tenue à la corrosion de cet alliage dans l'eau déminéralisée ... les causes de la corrosion ... le plomb des sacs et des tôles placés en immersion dans l'eau déminéralisée sur caisson sont l'origine de ces corrosions";
Que monsieur [G] expliquait le 31 août 2010 : "nous sommes en présence d'une corrosion galvanique suite principalement au contact direct entre la structure en aluminium de l'enveloppe coeur et le plomb des écrans de protection ainsi que celui dans l'eau déminéralisée n'est également pas négligeable";
Considérant s'agissant de l'expertise de monsieur [E], que la cour ne peut pas retenir que celle-ci ne serait pas probante en ce que :
- si des griefs ont été formés contre l'expert judiciaire en cause pour son impartialité, au motif notamment qu'il lui a été reproché de vouloir se prononcer sur le caractère accidentel ou non de la corrosion, il doit être constaté que cette problématique et cette question avaient été mises dans sa mission par le jugement du 27 septembre 2013 dans laquelle il lui était demandé ce que suit :
- donner son avis sur le caractère accidentel ou non de cette corrosion;
- cet élément de la mission a donné lieu par ailleurs à un incident devant le magistrat chargé du contrôle qui l'a retiré par une ordonnance du 10 mars 2016,
- par cette décision, il n'a pas été décidé du remplacement de monsieur [E], et le magistrat chargé du contrôle a demandé à ce dernier de déposer son rapport après avoir relevé que :
- 'nous constatons que cela fait plus de deux ans que l'expertise est en cours et que pour une bonne administration de la justice, il serait souhaitable que le fond soit maintenant débattu'. Du débat entre les parties et Mr l'expert il apparaît qu'une grande partie de la mission en ce qui concerne les aspects techniques et les préjudices allégués ont été effectués par Mr l'expert et qu'en conséquence le juge du fond disposera de suffisamment d'éléments pour trancher le différent;
- il n'a pas été apprécié le grief tiré de la partialité de l'expert, la décision se limitant à donner acte au CEA de cette affirmation qualifiée d'accusation;
Que le juge du contrôle au regard de ces données et constatant que le CEA n'entendait pas verser de consignation supplémentaire pour les honoraires de l'expert, a décidé que monsieur [E] pouvait déposer son rapport, ce qui ne signifie absolument pas que la mission a été insuffisamment conduite par ce technicien;
Qu'en effet, la cour analysant les opérations menées par monsieur [E], doit constater que celles-ci l'ont été de manière conforme aux dispositions applicables en la matière du code de procédure civile, sachant que le CEA n'a pas exercé de recours contre le jugement du 27 septembre 2013, que l'expert judiciaire a mené des investigations et qu'il a disposé de toutes les pièces techniques utiles qui ont été versées contradictoirement, que l'historique présenté par monsieur [E] n'est en réalité pas véritablement mis à mal par toutes les études et analyses produites aux débats, quand ce dernier note :
-" lors de la première vidange de la cuve en mars 2005, quelques points de corrosion ont été observés sur certains équipements et notamment sur l'enveloppe du bloc coeur en alliage d'aluminium. Une première étape de travaux a été effectuée et la cuve a été de nouveau remplie d'eau. Ce second remplissage n'a pas pu être effectué normalement avec de l'eau déminéralisée, car sa production sur le site était interrompue. La station de production étant en réfection, le CEA a pris la décision de remplir la cuve à l'eau de ville avec les protections de plomb autour du réacteur. L'eau de ville a séjourné environ 6 mois avant que la cuve soit vidée à nouveau pour reprendre à la suite des travaux à l'intérieur de la cuve :
- lors de la seconde vidange de la cuve de nombreux points de corrosion sont apparus sur l'enveloppe du bloc coeur. Après nettoyage de l'installation à la lance à eau et réalisation d'une nouvelle phase de travaux, la cuve a pu être remplie avec de l'eau déminéralisée. A chaque nouvelle vidange de l'installation, les points de corrosion sur l'enveloppe du bloc coeur se sont révélés de plus en plus nombreux, étendus et importants obligeant le CEA a effectué sa dépose pour faire un diagnostic de son état à la fin de l'année 2006";
Que cette situation factuelle ci-dessus décrite correspond à celle réelle qui n'est pas remise en cause par les autres experts intervenants;
Que monsieur [E] a procédé à trois réunions d'expertise et qu'il résulte du descriptif délivré à ce titre par ce dernier que le CEA a réagi lorsqu'il a été rappelé que la décision du 27 septembre 2013 lui demandait de fournir un avis sur le caractère accidentel ou non de la corrosion;
Que monsieur [E] n'a pas eu recours à un process pour la réalisation de ses opérations qui rendrait ces constats inopérants, que cette appréciation faite par la cour résulte de la partie du rapport d'expertise qui porte le titre : 7- Analyse du dossier, qu'en page 37, monsieur [E] ne procède pas de manière erronée quand il écrit :
- 'la présence de points blancs correspondant à l'hydroxyde d'aluminium recouvrant les piqûres sur la photographie N°1 prise par le CEA présentée dans le rapport de monsieur [C] confirme l'existence d'une corrosion ou altération en surface de l'alliage survenue durant les conditions habituelles de service avant les travaux. La présence de dépôts sur le bloc coeur avant le démarrage des travaux montre que les surfaces n'étaient pas intactes, affectées par une corrosion. Il m'apparaît donc bien que l'on ne peut exclure raisonnablement une première altération du bloc coeur après 28 années passées dans l'eau déminéralisée, même si l'endommagement a pu apparaître minime, sur ce qu'il a été possible de constater en mai 2005 par le CEA. Une corrosion avant le démarrage des travaux n'est d'ailleurs pas contestée par l'expert du CEA dans son rapport;
- plusieurs causes ont contribué au développement de la corrosion amorcée précédemment durant la période des 28 années et ont engendré de nouvelles piqures durant cette première période de mise à l'air libre après nettoyage à l'eau de ville. Toutes ont entraîné une rupture locale du film d'alumine.
- le chlore présent dans l'eau de ville utilisée pour le nettoyage à la lance à eau;
- le nettoyage à la lance à eau de ville en éliminant la couche d'alumine hydratée gélatineuse recouvrant les piqures accessibles au jet d'eau, a mis à nu les sites de corrosion, ce qui a relancé la corrosion de la piqûre en enlevant le produit de corrosion protecteur;
- les dépôts ou particules dans la cuve lors des 28 années d'exploitation en se déposant sur les surfaces du bloc coeur constituaient pour certaines des particules cathodiques par rapport à l'aluminium';
Qu'à l'issue d'analyses et d'investigations réelles et sérieuses monsieur [E] a pu conclure ses opérations, sachant qu'il ne peut pas être reproché à l'expert d'avoir travaillé sur la base de documents, de clichés et de photographies en ce que le CEA lui-même y procède dans ses écritures pour défendre sa thèse;
Que les conclusions de monsieur [E] sont ainsi les suivantes :
- "Conclusions sur les causes de la corrosion.
La corrosion du bloc coeur s'est développée en deux temps :
- durant les 28 années du cycle d'exploitation avec la boucle au sodium en immersion dans l'eau déminéralisée un certain nombre de piqûres de corrosion se sont amorcées sur le bloc coeur en aluminium. De nombreux secteurs non accessibles à l'examen visuel pouvaient également être affectés et auraient dû être examinés par des moyens téléopérés pour s'assurer de l'étendue de la corrosion. Ces piqûres amorcées selon un processus classique de piqûration principalement au droit d'interstices, ont constitué un premier dommage et se sont développées ensuite lors de différentes périodes des travaux selon divers mécanismes :
- pendant les travaux de renforcement de la cuve, d'autres piqûres et cratères de corrosion se sont ajoutées aux piqûres initiales en de multiples endroits de la structure à la suite de diverses causes :
- la présence d'espèces chimiques accompagnant l'eau de ville utilisée pour le nettoyage de l'installation et son remplissage durant 5 mois, les protections en plomb nues en libérant des ions PB2+ lorsque la cuve contenait de l'eau de ville et de l'eau déminéralisée, le contact direct de l'aluminium avec le plomb, les poussières générées par l'ensemble des travaux menés dans la cuve, les pollutions et poussières métalliques des travaux de soudage de meulage ont contribué également à contaminer les eaux";
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces constats qui ne contredisent pas en réalité les premiers qui ont tous admis une corrosion de départ, que le CEA apparaît comme mal venu à remettre en cause ceux qui ont pu être contradictoirement débattus durant les opérations d'expertise et sachant que le CEA ayant refusé de verser une provision complémentaire à valoir sur les honoraires de l'expert, n'a pas permis la poursuite de la mesure d'instruction pour obtenir des analyses plus poussées si nécessaire;
Considérant que la cour retiendra en conséquence que le sinistre en litige a eu comme cause préexistante aux travaux engagés un phénomène de corrosion, que celui-ci n'est pas apparu en cours de travaux, que ce sont l'organisation du chantier et les mesures prises et mises en oeuvre à cet effet, qui ont pu aggraver et accélérer le phénomène, que ces éléments ne constituent pas des conséquences accidentelles, l'accident étant un événement soudain et extérieur au bien endommagé, ce qui ne correspond pas aux conditions même d'organisation du chantier, les dispositions de la police définissant elle mêmes la notion d'accident;
Que dans ces conditions, les MMA IARD sont justifiées à se prévaloir de la clause d'exclusion 6.6 intitulée USURE CORROSION qui mentionne ce que suit (se trouvent exclues ) :
-"les pertes ou dommages résultant de la détérioration lente liées à l'exploitation, et dues à l'usure, la corrosion, l'oxydation, le vieillissement, l'altération de la substance. Cette exclusion ne s'applique qu'à la seule pièce à l'origine du sinistre étant entendu que restent garanties les conséquences accidentelles de ces phénomènes";
Considérant que la cour déboutera le CEA de toutes ses demandes, que le jugement entrepris sera confirmé par une substitution de motifs, et particulièrement en ce qu'il a condamné le CEA à rembourser la somme de 400 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2007, puisque les MMA IARD étant fondées à refuser leur garantie, sont justifiées à obtenir selon les termes du quitus signé le remboursement de la provision réglée;
- Sur les autres demandes :
Considérant que l'équité permet d'accorder à la SA MMA IARD la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la demande soutenue à ce titre par le CEA partie perdante étant écartée, celle-ci devant également supporter les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort et par mise à disposition au Greffe.
- Confirme par substitution de motifs le jugement entrepris en toutes ses dispositions en ce compris en ce qu'il a condamné LE COMMISSARIAT À L'ENERGIE ATOMIQUE ET AUX ENERGIES ALTERNATIVES à payer à la SA MMA IARD la somme de 400 000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2007;
- Y ajoutant :
- Déboute LE COMMISSARIAT À L'ENERGIE ATOMIQUE ET AUX ENERGIES ALTERNATIVES de toutes ses demandes;
- Condamne LE COMMISSARIAT À L'ENERGIE ATOMIQUE ET AUX ENERGIES ALTERNATIVES à payer à la SA MMA IARD la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
- Condamne LE COMMISSARIAT À L'ENERGIE ATOMIQUE ET AUX ENERGIES ALTERNATIVES aux entiers dépens qui comprendront le coût de l'expertise ordonnée et réalisée par monsieur [E].
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT