Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 6
ARRÊT DU 07 JUIN 2019
(n°81-2019, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/17665 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4DOZ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Juillet 2017 - Tribunal de grande instance de CRETEIL - 5ème chambre - RG n° 15/08496 - minute n°17/00436
APPELANTE
SARL ENTREPRISE OLIVAL
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : 385 347 752
prise en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753
Assistée de Me Catherine AZOULAI CORDELLIER, substituant Me Dominique CECCALDI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0526
INTIMÉS
Madame [Q] [Q]
née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 2] (CHINE)
demeurant [Adresse 2]
[Localité 1]
Et
Monsieur [U] [X]
né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 3] (CHINE)
demeurant [Adresse 2]
[Localité 1]
Représentés par et assistés de Me Nicolas BOUTTIER de la SELEURL DE M° Nicolas BOUTTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : B1025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mars 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-José DURAND, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Annie DABOSVILLE, présidente de chambre
Madame Marie-José DURAND, conseillère
Madame Sabine LEBLANC, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière, lors des débats : Madame Iris BERTHOMIER
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Annie DABOSVILLE, présidente de chambre et par Madame Iris BERTHOMIER, greffière présente lors de la mise à disposition, à laquelle a été remise la minute par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Faits et procédure
Madame [Q] [Q] et Monsieur [U] [X] ont fait édifier en qualité de maîtres d'ouvrage, deux immeubles à usage d'habitation au [Adresse 2].
Ils ont conclu un marché avec la société ENTREPRISE OLIVAL pour les travaux de terrassement, gros oeuvre, charpente, couverture en tuiles, menuiserie extérieure, cloisons, doublages, faux-plafonds, garde-corps selon devis accepté du 17 juin 2010 et ordre de service du 28 juin 2010 pour le prix de 906.053,72 euros TTC.
Les travaux ont été réceptionnés avec réserves le 25 juin 2012.
La société ENTREPRISE OLIVAL a établi un décompte général définitif du 22 février 2014.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 juin 2015, elle a mis en demeure Madame [Q] et Monsieur [X] de payer la somme de 38.082,22 euros correspondant à des factures restées impayées.
Par acte d'huissier en date du 19 août 2015, elle a fait assigner Madame [Q] [Q] et Monsieur [U] [X] devant le tribunal de grande instance de Créteil en paiement de cette somme.
Décision déférée
Par jugement du 21 juillet 2017, le tribunal, en substance :
- a dit irrecevable la demande en paiement des factures n° 12/04/55, 12/04/54 et 12/04/53 aux montants respectifs de 6 912,88 € TTC, 4 341,48 € TTC et 13 241,78 € TTC,
- avant dire droit sur les autres demandes, a ordonné une expertise et chiffré le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert à 4 000 €, à la charge de la société Entreprise Olival,
- a ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- a réservé l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
La société Entreprise Olival a interjeté appel le 19 septembre 2017.
Demandes des parties
Par conclusions du 22 février 2019, la société Entreprise Olival forme les demandes suivantes :
- Déclarer recevable et bien fondée la concluante en ses écritures,
En conséquence,
- Faire droit à l'appel de la société ENTREPRISE OLIVAL,
- Infirmer la décision entreprise 'en ce qu`elle a déclaré irrecevable comme prescrite les trois factures n°14/02/055, n°14/02/054 et n°14/02/053",
- Condamner Madame [Q] et Monsieur [X] à payer la société ENTREPRISE OLIVAL les factures n°14/02/055, n°14/02/054 et n°14/02/O53 pour la somme de 24.496,14 € TTC,
- En tant que de besoin, dire et juger que les factures en litige devront faire partie des comptes à faire entre les parties.
- Déclarer irrecevable et débouter les intimés de l'intégralité de leurs moyens et prétentions en ce contraire aux présentes conclusions
- Condamner, les intimés à payer à la concluante la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Par conclusions du 20 février 2019, Madame [Q] et Monsieur [X] forment les demandes suivantes :
Vu l'article 910 du Code de Procédure Civile,
Vu les articles L 137-2 et L 121-17 du Code de la Consommation dans leur rédaction applicable en la cause
A TITRE PRINCIPAL
- CONSTATER que Madame [Q] [Q] et Monsieur [U] [X] ont agi en tant que consommateurs en contractant avec la société OLIVAL
- CONSTATER que les factures n°14/02/055, 14/02/054 et 14/02/053 n'ont fait l'objet d'aucun accord sur leur paiement
- CONSTATER que l'assignation délivrée en vue du paiement des facture n°14/02/055, 14/02/054 et 14/02/053 a été délivrée le 9 août 2015 soit postérieurement à l'expiration de la prescription biennale et qu'aucun acte interruptif de prescription n'est intervenu dans le délai
En conséquence,
- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la SARL OLIVAL irrecevable en sa demande de paiement des factures n°14/02/055, 14/02/054 et 14/02/053 pour cause de prescription biennale
A TITRE SUBSIDIAIRE
- CONSTATER que Madame [Q] [Q] et Monsieur [U] [X] ont contracté à l'égard de la SARL OLIVAL selon les conditions d'un marché à forfait
- CONSTATER que les factures n°14/02/055, 14/02/054 et 14/02/053 n'ont fait l'objet d'aucun accord sur leur paiement
- CONSTATER que les factures n°14/02/055, 14/02/054 et 14/02/053 ne correspondent pas à des devis acceptés permettant le paiement de travaux supplémentaires alors que le marché conclu entre la SARL OLIVAL et Madame [Q] [Q] et Monsieur [U] [X] est un marché à forfait
En conséquence,
- DÉBOUTER la SARL OLIVAL de sa demande de paiement des factures n°14/02/055, 14/02/054 et 14/02/053 pour cause d'absence de devis accepté pour travaux supplémentaires au sein d'un marché à forfait
EN TOUTE HYPOTHÈSE
- DÉBOUTER la SARL OLIVAL de l'intégralité de ses demandes
- CONDAMNER la SARL OLIVAL à verser à Madame [Q] [Q] et Monsieur [U] [X] la somme de 7.200 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel,
- CONDAMNER la SARL OLIVAL à prendre en charge les entiers dépens de l'instance d'appel qui seront recouvrés directement par la SELARL de Me Nicolas BOUTTIER, avocat, conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile
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L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 février 2019.
MOTIFS
A/ Sur la portée de l'appel
La déclaration d'appel ne porte que sur la disposition du jugement déclarant irrecevable la demande en paiement des factures n° 12/04/55, 12/04/54 et 12/04/53 aux montants respectifs de 6 912,88 € TTC, 4 341,48 € TTC et 13 241,78 € TTC.
Par ailleurs, les intimés demandent, à titre principal, la confirmation du jugement sur ce point, et ne forment pas d'appel incident.
Ainsi, l'appel est limité à la disposition du jugement déclarant irrecevable la demande en paiement des factures n° 12/04/55, 12/04/54 et 12/04/53.
B/ Sur la fin de non-recevoir pour prescription soulevée par les maîtres d'ouvrage
La société Entreprise Olival soutient que les maîtres d'ouvrage n'ont pas agi en qualité de consommateurs. Elle souligne l'importance de l'opération de construction, entreprise avec un maître d'oeuvre et concernant un immeuble de rapport permettant de nombreuses locations, et ajoute que le marché a été signé en présence du maître d'oeuvre et au domicile des intimés, de sorte que ceux-ci n'ont pas été victimes de la moindre pression de sa part. Elle invoque également les dispositions de l'article L 121-17 du code de la consommation.
Elle conclut par ailleurs que les maîtres d'ouvrage n'ont pas sérieusement contesté leur obligation, que les factures sont intermédiaires, indissociables du décompte général des travaux du 22 février 2014, qui a été contrôlé par l'architecte dont la mission contractuelle inclut la vérification des factures émises et qui a agi en qualité de mandataire des maîtres d'ouvrage, interrompant ainsi la prescription biennale. Elle précise qu'il s'agit de factures de travaux supplémentaires.
Les intimés demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a considéré qu'ils avaient agi en qualité de consommateurs. Ils soulignent notamment que la location d'appartements non meublés est une activité civile. Ils relèvent que l'article L 121-17 du code de la consommation est inapplicable en l'espèce. Enfin, ils contestent avoir reconnu leur dette au titre de ces trois factures.
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Aux termes de l'article L 137-2, devenu L 218-2 du code de la consommation :
'L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans'.
À la date à laquelle les factures ont été émises, le 11 avril 2012, l'article préliminaire du code de la consommation définissant le consommateur n'existait pas. En revanche, l'article 2 de la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 énonçait qu'il s'agissait de toute personne physique agissant à des fins qui n'entraient pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale.
En l'espèce, Madame [Q] et Monsieur [X], personnes physiques, affirment qu'ils exercent les activités de restauratrice et cuisinier, affirmation qui n'est pas contestée par la société Olival. À l'évidence, la construction de deux immeubles d'habitation en vue de la location d'appartements dont il n'est pas contesté qu'ils soient non meublés, même si elle est destinée à leur procurer des revenus, n'entre pas dans le cadre de ces activités. Par ailleurs, ni la présence d'un maître d'oeuvre, ni les conditions dans lesquelles le marché a été signé n'ont d'incidence sur la qualité dans laquelle ils se sont engagés. Ainsi, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu qu'ils avaient agi, en l'espèce, en qualité de consommateurs.
L'article L 121-17 du Code de la consommation disposait, à la date des factures :
'Ne sont pas soumis aux dispositions de la présente section les contrats :
(...)
3° Conclus pour la construction et la vente des biens immobiliers ou portant sur d'autres droits relatifs à des biens immobiliers, à l'exception de la location ;
(...)'
Cependant cet article, inclus dans la section 2, chapitre 1er, titre II du livre 1er de la partie législative du code n'excluait que les seules dispositions de cette section. Or l'article L 137-2 ne figurait pas dans cette section puisqu'il s'inscrivait dans le chapitre VII du titre III du livre 1er.
Dès lors les dispositions de l'article L 137-2 du Code de la consommation sont bien applicables en l'espèce.
Le décompte général établi le 22 février 2014 n'a pas eu pour effet de reporter la date d'exigibilité des factures litigieuses, dont il n'est pas contesté qu'elles sont afférentes à des travaux supplémentaires au regard de la commande initiale. Il a simplement récapitulé les dépenses et paiements liés au marché afin d'établir le solde dû par le maître d'ouvrage. Ainsi, c'est à la date d'exigibilité des trois factures que doit être fixé le point de départ du délai de prescription.
Les trois factures sont datées du 11 avril 2012. Or le devis accepté porte que le paiement s'effectue à trente jours. Ainsi, le délai de prescription a commencé à courir le 12 mai 2012.
Il est vrai que le maître d'oeuvre a inclus ces trois factures dans son propre décompte général, envoyé à l'entreprise pour vérification par courriel du 07 avril 2014 (pièces 24 et 24 bis de l'appelante). Cependant, il n'est pas démontré que les maîtres d'ouvrage aient donné mandat au maître d'oeuvre pour reconnaître qu'ils en devaient le paiement. En particulier, c'est en qualité de locataire d'ouvrage et non de mandataire que le maître d'oeuvre a été chargé, par contrat du 10 juillet 2009, d'établir, dans le cadre de la mission 'Direction de l'exécution des contrats de travaux', le décompte de fin de chantier. Dans ces conditions, l'établissement du décompte par le maître d'oeuvre n'a pas interrompu la prescription.
L'assignation n'est pas produite et, après avoir indiqué, en page 2, qu'elle avait été délivrée le 19 août 2015, le tribunal précise, en page 3, qu'elle est du 08 septembre 2015. Il est constant, en tout état de cause, qu'elle a été délivrée après le 12 mai 2014, après expiration du délai de prescription. Dès lors c'est à juste titre que les premiers juges ont déclaré les demandes en paiement des factures n° 12/04/55, 12/04/54 et 12/04/53 irrecevables car prescrites.
C/ Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Il convient de condamner la société Entreprise Olival aux dépens d'appel, de la débouter de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à ce titre à régler aux intimés la somme de 3 000 €.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement,
Dans le cadre d'un appel limité à la disposition du jugement déclarant irrecevable la demande en paiement des factures n° 12/04/55, 12/04/54 et 12/04/53 aux montants respectifs de 6 912,88 € TTC, 4 341,48 € TTC et 13 241,78 € TTC,
Confirme cette disposition,
Déboute la société Entreprise Olival de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Entreprise Olival à payer à Madame [Q] [Q] et Monsieur [U] [X] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Entreprise Olival aux dépens d'appel et accorde le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile à l'avocat de Madame [Q] [Q] et Monsieur [U] [X].
La Greffière La Présidente