La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/06/2019 | FRANCE | N°17/03702

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 12 juin 2019, 17/03702


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 12 JUIN 2019



(n° 255 , 20 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/03702 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2WCX



Décision déférée à la Cour : Décision du 04 Janvier 2017 - Bâtonnier de l'Ordre des Avocats du barreau de PARIS





APPELANTS

Monsieur [H] [W]

[Adresse 1]

[Locali

té 1]



Comparant



Assisté de Me Yvan CORVAISIER, avocat au barreau de PARIS, toque : K 113



SELARL [W] ASSOCIES

[Adresse 1]

[Localité 1]



SIRET N° : [C]



Représentée et plaidant p...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 12 JUIN 2019

(n° 255 , 20 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/03702 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2WCX

Décision déférée à la Cour : Décision du 04 Janvier 2017 - Bâtonnier de l'Ordre des Avocats du barreau de PARIS

APPELANTS

Monsieur [H] [W]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Comparant

Assisté de Me Yvan CORVAISIER, avocat au barreau de PARIS, toque : K 113

SELARL [W] ASSOCIES

[Adresse 1]

[Localité 1]

SIRET N° : [C]

Représentée et plaidant par Me Yvan CORVAISIER, avocat au barreau de PARIS, toque : K 113

INTIME

Monsieur [N] [A]

[Adresse 2]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 2]

Représenté et plaidant par Me Caroline ARNOULD de la SELEURL PHISERGA, AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0532, et Me Cassandre PIFFETEAU de la SELEURL PHISERGA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0532

INTERVENANT VOLONTAIRE ET FORCE :

SCP BTSG, prise en la personne de Maître [Q] [Z], es qualité de commissaire de l'exécution de plan et en qualité de mandataire judiciaire de la SELARL [W] ASSOCIES

[Adresse 3]

[Localité 3]

Représenté et plaidant par Me Stéphane CATHELY, avocat au barreau de PARIS, toque : D986

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Mars 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Christian HOURS, Président de chambre, chargé du rapport

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

Mme Anne de LACAUSSADE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Lydie SUEUR

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Christian HOURS, Président de chambre et par Lydie SUEUR, Greffière présente lors du prononcé.

*****

Me [H] [V] s'est associé, le 8 septembre 2011, avec Me [N] [A], auparavant associé de la Selarl [L]-[A], la Selurl d'avocats [V] devenant, le 2 novembre 2011, la Selarl [V] [A].

Un litige, qui n'est pas encore terminé, oppose M. [A] a son précédent associé, M. [L], sur les conditions de leur séparation.

Les relations se sont dégradées entre les associés [V] et [A] en 2013, M. [A] se plaignant notamment au premier trimestre 2013, auprès de M. [V], d'une importante différence de leurs rémunérations, contraire à son interprétation des statuts, M. [V] ayant perçu 278 250 euros, alors que lui-même n'avait reçu que 128 062 euros.

Le vendredi 6 septembre 2013, M. [V] a demandé à M. [A] de lui adresser une proposition pour qu'il 'quitte rapidement le cabinet, la situation n'étant plus possible pour personne'.

Le lundi 9 septembre, M. [A], après avoir enlevé différents objets de son bureau le week-end, a écrit à son associé pour lui indiquer qu'il se retirait immédiatement et sans préavis, tout en souhaitant que leur séparation soit amiable.

Le mercredi 11 septembre, il lui a envoyé un mail faisant état de ce qu'il avait constaté, le dimanche 8 septembre, la disparition de son ordinateur de travail. Il s'est ensuite plaint que ses affaires qui se trouvaient encore dans son bureau avaient été transférées par M. [V] dans les parties communes de l'immeuble abritant le cabinet, où elles étaient restées plusieurs jours sans qu'il en soit prévenu.

Le 11 octobre 2013 M. [A] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris d'une requête aux fins de mesures urgentes, au vu de laquelle, son délégué a, par décision du 6 décembre 2013 :

- constaté le retrait de M. [A] de la Selarl [V] [A] à compter du 9 septembre 2013 ;

- ordonné en tant que de besoin à ladite société de lui restituer son dossier personnel ou tout objet personnel qui n'aurait pas donné lieu à reprise ;

- ordonné que le changement de dénomination sociale soit effectif au plus tard au 31 décembre 2013 et dit qu'aucun document émanant de la société ne pourra plus porter le nom de [A] à compter du 1er janvier 2014 ;

- fait injonction au gérant de la société de convoquer une assemblée dans le mois de cette décision pour approuver les comptes 2012 et fixer les rémunérations versées aux associés pour 2012 et pour la période du 1er janvier au 8 septembre 2013 ;

- désigné M. [P] en qualité d'expert pour évaluer les parts détenues par M. [A] dans la Selarl ;

- condamné la société [V] [A] à payer à M. [A] une provision de 30 000 euros à valoir sur le prix des parts ;

- renvoyé la cause à l'audience du 3 février 2014.

Par nouvelle décision du 3 février 2014, le délégué du bâtonnier a essentiellement :

- constaté qu'il avait été satisfait à la demande de restitution d'un dossier formellement identifié ;

- pris acte de la décision de changement de dénomination de la société désormais dénommée [V] & Associés ;

- renvoyé la cause à l'audience du 17 février 2014.

Par nouvelle décision du 11 mars 2014, rectifiée le 13, le délégué du bâtonnier a notamment :

- déclaré irrecevables les différentes demandes présentées par M. [A], de paiement des sommes de 124 919 euros et 30 000 euros à titre de rémunération, de dommages et intérêts du fait de la rupture et de paiement du prix des parts, sous astreinte ;

- condamné solidairement M. [V] et la société [V] Associés à payer à M. [A] la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l'utilisation du nom de [A] sur le site wwwpermisperdu.fr ;

- fait défense à M. [V] et à la société [V] Associés de mentionner le nom de M. [A] sur tous documents destinés au public, y compris sur les sites www.maitredufour.com ou www.permisperdu.fr, sous astreinte de 3 000 euros par jour de retard passé le 3ème jour de la notification de la décision, se réservant la compétence sur l'astreinte ;

- condamné solidairement M. [V] et la société [V] & Associés à payer à M. [A] une indemnité de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 30 juillet 2015, le tribunal de grande instance de Paris a placé la Selarl [V] Associés en redressement judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au 30 janvier 2014.

Par courrier daté du 5 octobre 2015, M. [A] a déclaré une créance de 744 819 euros, à titre chirographaire, au passif de la procédure de redressement judiciaire de la Selarl [V] Associés.

Le 20 octobre 2016, un plan de redressement sur une durée de 9 ans de la Selarl [V] Associés a été arrêté, Me [Z] étant désigné en qualité de commissaire à l'exécution.

Par arrêt du 19 octobre 2016, la cour d'appel de Paris, statuant sur les recours dirigés contre les décisions précitées du délégué du bâtonnier, a notamment :

- infirmé la sentence du 6 décembre 2013 dans les limites de l'appel de M. [V] et de la Société [V] & Associés et, statuant à nouveau, déclaré irrecevables les demandes de désignation d'un expert et de condamnation de M. [V] au paiement d'une provision, tout en constatant que M. [A] ne formulait plus de demande de convocation d'une assemblée générale ;

- confirmé la sentence du 3 février 2014 ;

- annulé la sentence du 11 mars 2014 et la sentence rectificative du 13 mars 2014 dans les limites de l'appel, déclaré irrecevables les demandes nouvelles de M. [A] en cause d'appel en dommages et intérêts à hauteur de 249 638 euros en réparation du préjudice résultant de la différence de rémunération et à hauteur de 40 000 euros en réparation du préjudice résultant de son éviction des locaux du [Adresse 1], déclaré irrecevable la demande de M. [A] en paiement de la somme de 339 000 euros pour le préjudice subi en raison de l'utilisation abusive de son nom, dit que chaque partie conservera ses propres dépens et ses frais irrépétibles.

Le pourvoi contre cet arrêt a été rejeté par la Cour de cassation, le 11 janvier 2018.

Dès le 22 septembre 2016, la Selarl [V] Associés a, après l'échec de la tentative de conciliation menée par la commission du règlement des difficultés d'exercice en groupe, adressé au bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris une requête aux fins d'arbitrage sur le fond du différend l'opposant à M. [A], relatif :

- à la violation par celui-ci du délai de préavis statutaire de co-gérant, qui n'a pas été exécuté, d'où sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 106 716 euros ;

- au préavis d'avocat non exécuté pour la période du 9 septembre 2013 au 9 mars 2014, d'où sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 319 111 euros ;

- au préjudice moral et financier occasionné par le rétablissement immédiat de M. [A] en concurrent de la Sel, au mépris du préavis statutaire, d'où sa demande de paiement d'une somme de 458 679 euros à titre de dommages et intérêts ;

- au préjudice moral et financier résultant des actes de concurrence déloyale reprochés à M. [A], d'où sa demande en paiement de la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- à un impôt personnel de M. [A], réglé, à hauteur de 5 130 euros, par le compte bancaire de la Selarl [V] Associés, dont le remboursement est demandé ;

- aux frais personnels d'avocat de M. [A], payés par la Selarl [V] Associés à hauteur de 7 176 euros, dont la restitution est sollicitée ;

- aux sommes acquittées par la Selarl à la suite, d'une part, d'un accident de circulation avec la voiture appartenant à la société et mise à la disposition de M. [A], d'autre part, des amendes acquittées, pour la somme totale de 10 696,82 euros, dont le remboursement est demandé ;

- au paiement d'une indemnité de 25 000 euros pour compenser ses frais irrépétibles.

M. [A], qui a, de son côté, également introduit une demande d'arbitrage contre la Selarl [V] Associés et M. [V], personnellement, a demandé au bâtonnier :

- de désigner un expert pour évaluer ses parts sociales dans la Selarl [V] Associésà la date de son retrait forcé, le 9 septembre 2013 ;

- de condamner in solidum M. [V] et la Selarl [V] Associés à l'indemniser :

- à hauteur de 249 638 euros, du préjudice subi du fait de la violation des statuts prévoyant une égalité de rémunération, tout en fixant le montant de sa créance au passif de la Selarl [V] Associés,

- à hauteur de 40 000 euros en réparation du préjudice subi à la suite de son éviction brutale et vexatoire, cette créance devant être fixée au passif de la Selarl ;

- de condamner la Selarl [V] Associés à l'indemniser :

- à hauteur de 30 2632 euros du préjudice occasionné par l'utilisation de son nom patronymique dans la dénomination sociale de la Selarl jusqu'au 10 juillet 2014,

- à hauteur de 10 000 euros en réparation de son préjudice résulté de l'utilisation de son nom patronymique sur divers sites internet pendant plus de deux ans après son éviction,

- à hauteur de 15 000 euros pour ses frais irrépétibles.

Par décision du 4 janvier 2017, le délégué du bâtonnier, après avoir ordonné la jonction des deux requêtes en arbitrage, a notamment :

- dit que le retrait notifié par M. [A], le 9 septembre 2013, de la Selarl [V] [A] a été définitivement constaté par la sentence du bâtonnier prononcée le 6 décembre 2013 ;

- dit que la non-exécution du préavis d'associé comme du préavis de gérant ne saurait constituer une faute imputable à M. [A] en raison de la mésentente entre les associés qui nécessitait une séparation physique immédiate ;

- déclaré recevables mais mal fondées les demandes d'indemnisation formulées par M. [A] au titre d'un retrait forcé ; l'en a débouté ;

- débouté la Selarl [V] Associésde sa demande de retrait de l'attestation de Mme [P] [O] ;

- confirmé la désignation effectuée par la sentence du 6 décembre 2013 d'un expert en la personne de M. [P] pour établir les comptes entre les parties en considération des statuts établissant la règle d'une rémunération égalitaire entre eux, évaluer les parts sociales de M. [A], dire si les dépenses afférentes à la voiture de fonction appartenant à la société et mise à la disposition de M. [A] sont imputables à ce dernier ;

- rejeté les demandes de part et d'autre au titre de la concurrence déloyale ou de l'abus des patronymes, ainsi que toutes demandes ;

- donné acte à M. [A], l'y condamnant au besoin, de son engagement de payer à la Selarl la somme de 5 130 euros qu'il a reconnu lui devoir ;

- condamné M. [A] à rembourser à la Selarl les honoraires versés à son avocat, Me [O] [X], pour sa défense, soit 7 176 euros ;

- laissé à chaque partie ses frais irrépétibles et partagé par moitié les frais d'arbitrage.

Le 2 février 2017, la selarl [V] Associés et M. [H] [V] ont relevé appel de la décision du bâtonnier du 4 janvier 2017.

M. [A] a par ailleurs appelé en cause la SCP BTSG, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la Selarl [V] Associés.

Le 25 août 2017, l'assemblée générale de la Selarl [V] Associés a ordonné la réduction à zéro du capital social, puis décidé son augmentation à la somme de 10 000 euros par création de 100 parts nouvelles de 100 euros, lesquelles ont été entièrement souscrites par M. [V].

La SCP BTSG, ès qualités de mandataire judiciaire de la Selarl [V] Associés, est intervenue volontairement à l'instance en cause d'appel.

Dans ses dernières écritures visées et développées à l'audience, la SCP [V] Associés demande à la cour de déclarer son appel recevable et bien fondé, d'infirmer en toutes ses dispositions la sentence arbitrale rendue le 4 janvier 2017 et, statuant à nouveau, de :

- déclarer irrecevables, par application de l'article 122 du code de procédure civile, les demandes de M. [A] formulées dans l'arbitrage 730/286236 à son encontre tendant à remettre en cause le dispositif de la sentence du 6 décembre 2013, qui a constaté définitivement le retrait de M. [A] à compter du 9 septembre 2013, ces demandes ayant déjà été formulées et jugées par sentence du 6 décembre 2013 et arrêt de la cour d'appel de Paris du 19 octobre 2016 ;

- déclarer irrecevables sur le même fondement les demandes formulées dans l'arbitrage 730/286236 à son encontre tendant à solliciter la réparation du préjudice subi par M. [A] par suite de l'utilisation de son nom patronymique sur internet et dans la dénomination sociale de la Selarl [V] Associés, ces demandes ayant déjà été formulées et jugées par sentence définitive du 18 avril 2014 ;

- déclarer irrecevables, pour défaut d'intérêt à agir, toutes les demandes nouvelles formulées à l'encontre de la Selarl [V] dans l'arbitrage 730/286236 en l'absence de respect de l'article L621-43 du code de commerce et de l'impossibilité d'inscrire ces sommes au passif de la société ;

- déclarer irrecevable la demande formulée pour une somme de 30262 euros en réparation du préjudice subi par M. [A] par suite de l'utilisation de son nom patronymique en l'absence de conciliation obligatoire visée par l'article 179-1 du décret du 27 novembre 1991 ;

- au fond, à titre principal, déclarer recevables et bien fondées ses demandes ;- constater que, par sentence arbitrale non frappée d'appel du 6 décembre 2013, il a été acté, dans le dispositif de la décision, le retrait de M. [A] de la Selarl [V] [A] ;

- condamner M. [N] [A] à lui verser :

- la somme de 3 538 271 euros en réparationde son entier préjudice, répartis à raison de 1 811 892 euros au titre d'une perte de gains et 1 726 379 euros au titre d'une perte de chance de gains sur la période du 9 septembre 2013 au 31 décembre 2017 ;

- la somme de5 130 euros résultant du paiement par ce dernier de son impôt personnel au moyen du compte bancaire de la Selarl[V]Associés ;

- la somme de 7 176 euros résultant du paiement par ce dernier de ses frais d'avocatau moyen du compte bancaire de la Selarl [V] Associés ;

- la somme de 10 696,82 euros en remboursement des sommes acquittées à la suite de l'accident du véhicule mis à sa disposition et du remboursement des amendes acquittées ;

- débouter M. [A] de ses demandes tendant à la nomination d'un expert ;

- - à titre subsidiaire, désigner tel expert judiciaire qu'il plaira à la cour avec pour mission:

- entendre tout sachant propre à lui permettre de mener sa mission,- prendre connaissance de la comptabilité de la Sel [V] Associes, notamment pour les exercices 2011 à 2017 et de tout élément qu'il jugera utile ;- se faire communiquer tous les documents comptables de M. [N] [A], bilans et liasses fiscales et cerfa 2035 pour les années 2013 à 2017 ;- examiner l'évolution de l'activité de la Selarl [V] Associés, de ses performances et de sa trésorerie au titre de la période durant laquelle les actes de concurrence déloyale sont susceptibles d'avoir produit leurs effets ;- donner son avis sur les liens de causalité entre les variations observées et les faitsdommageables ; fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la cour de déterminer les responsabilités et évaluer le préjudice subi ;

- établir un pré-rapport permettant à la cour de prononcer une ordonnance provisionnelle, le caséchéant ;

- en tout état de cause, condamner M. [N] [A] à lui verser la somme de 25 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions visées et développées à l'audience, M. [V], à titre personnel, demande à la cour de déclarer son appel recevable et bien fondé, d'infirmer en toutes ses dispositions la sentence arbitrale rendue le 4 janvier 2017 et, statuant à nouveau, de :

- déclarer irrecevables, par application de l'article 122 du code de procédure civile, les demandes formulées dans l'arbitrage 730/286237 à son encontre tendant à remettre en cause le dispositif de la sentence du 6 décembre 2013 qui a constaté définitivement le retrait de M. [A] à compter du 9 septembre 2013, ces demandes ayant déjà été formulées et jugées par sentence du 6 décembre 2013 et arrêt de la cour d'appel de Paris du 19 octobre 2016 ;

- déclarer irrecevable la demande formulée tendant à la condamnation in solidum de la Sel [V] et de M. [V] à indemniser M. [A] du préjudice subi par la suite de l'opération d'accordéon orchestrée aux seules fins de l'exclure de la Selarl, à hauteur de la valeur de sa participation fixée à dire d'expert et ce en l'absence de conciliation obligatoire visée par l'article 179-1 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 ;- au fond, rejeter toutes les demandes de M. [A] et le condamner à lui verser la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux entiers dépens.

Dans ses écritures déposées le 13 novembre 2018 et reprises à l'audience, M. [A] demande à la cour :

- à titre principal, la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la Selarl [V] Associés de ses demandes indemnitaires pour non-respect des préavis statutaires de gérant et d'associé, de sa demande indemnitaire pour rétablissement immédiat de M. [A] en concurrent de la Sel et au mépris des préavis statutaires, de sa demande indemnitaire pour concurrence déloyale ;

- à titre subsidiaire, de débouter la Selarl [V] Associés de sa demande indemnitaire au titre de l'inexécution du préavis de gérant, faute d'avoir subi un préjudice, de sa demande indemnitaire pour inexécution du préavis d'associé, faute de justifier de sa marge brute ;

- d'infirmer la décision en ce qu'elle a désigné un expert pour établir les comptes entre les parties et, statuant à nouveau, de :

- condamner in solidum M. [V] et la Selarl [V] Associés à l'indemniser du préjudice subi par suite de la violation des dispositions prévoyant une égalité de rémunération des associés, soit à hauteur de 249 638 euros et fixer le montant de sa créance au passif de la Selarl ;

- confirmer la décision en ce qu'elle a ordonné la désignation d'un expert pour évaluer ses parts sociales compte tenu de ses apports en numéraire et en clientèle mais la réformer en ce qu'elle a omis de préciser que l'évaluation doit être réalisée à la date du 16 octobre 2013 ;

- de condamner in solidum M. [V] et la Selarl [V] Associés à l'indemniser du préjudice subi par suite de l'opération accordéon orchestrée aux seules fins de l'exclure de la Sarl, à hauteur de la valeur de sa participation fixée à dire d'expert ;

- d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a étendu la mission de l'expert à déterminer l'imputabilité des dépenses afférentes à la voiture de fonction du 9 au 30 septembre 2013 et, statuant à nouveau, de débouter la Selarl [V] Associés de sa demande de remboursement des sommes acquittées en relation avec la voiture de fonction mise à sa disposition ;

- d'infirmer la décision en ce qu'elle a jugé mal fondée sa demande en indemnisation pour rupture brutale et de condamner in solidum la Selarl [V] Associés et M. [V] à lui verser la somme de 40 000 euros pour ce préjudice ;

- d'infirmer la décision en ce qu'elle l'a débouté de sa demande d'indemnisation pour l'utilisation de son nom patronymique et condamner la Selarl [V] Associés à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de ce préjudice ;

- d'infirmer la décision en ce qu'elle l'a condamné à rembourser à la Selarl [V] Associés la somme de 7 176 euros correspondant à des frais d'avocat et de débouter la Selarl [V] Associés de sa demande en remboursement des honoraires de M. [X] ;

- en tout état de cause, de condamner in solidum la Selarl [V] et M. [V] à lui verser une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de fixer sa créance au passif de la Selarl [V] Associés et de les condamner in solidum aux dépens.

Dans ses dernières écritures visés à l'audience du 13 mars 2019 au cours de laquelle elles ont été développées, la SCP BTSG demande à la cour de :

- la déclarer, ès qualités de mandataire judiciaire de la Selarl [V] Associés, recevable et bien fondée en son intervention volontaire ;

- prononcer sa mise hors de cause, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la Selarl [V] Associés ;

- juger inopposables à la Selarl [V] Associés les créances alléguées à son égard par M. [A], à défaut d'avoir été régulièrement déclarées entre ses mains, ès qualités ;

- déclarer M. [A] irrecevable pour l'ensemble de ses demandes de fixation au passif de la Selarl [V] Associés, aucune des créances invoquées n'ayant été régulièrement déclarée ;

- déclarer en tant que de besoin irrecevables toutes demandes en paiement formées par M. [A] à l'égard de la Selarl [V] Associés ;

- lui donner acte qu'elle s'en rapporte à justice sur les explications fournies par les parties sur le fond du litige, tant s'agissant des demandes de dédommagement formées par la Selarl [V] Associés à l'égard de M. [A], que des réponses apportées par ce dernier en défense auxdites demandes ;

- condamner M. [A] à lui payer, ès qualités de mandataire judiciaire de la Selarl [V] Associés, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de l'instance.

SUR CE,

Considérant que la Selarl [V] Associés soutient que :

- M. [A] a violé les dispositions statutaires liées aux préavis de rupture de la qualité de co-gérant et d'associé, ce en l'absence de toute faute de M. [V] qui aurait pu justifier un tel comportement ;

- ce départ est intervenu dans des circonstances de fait particulièrement préjudiciables à la société, compte tenu de son caractère brutal, de sa préméditation, de la tentative de débaucher des salariées ou encore du rétablissement immédiat de M. [A] sans avoir été notamment autorisé par le Conseil de l'ordre à exercer individuellement ;

- M. [A] s'est rendu au surplus coupable à son encontre de pratiques commerciales trompeuses et d'actes de concurrence déloyale, notamment par la mise en oeuvre de procédés en vue de détourner la clientèle de la Selarl avant et après son départ ;

- la demande d'expertise ne présente pas d'intérêt pour la solution du litige compte tenu de la réduction du capital de la société le 25 août 2017 et de l'absence de demande de complément de rémunération présentée par M. [A] dans la présente procédure ;

- le cas échéant une expertise judiciaire devra se pencher sur le préjudice qu'elle a subi et les chiffres d'affaires réalisés par M. [A] de 2013 à 2017 ;

- les demandes de M. [A] contre elle ou M. [V] du fait de sa prétendue éviction sont irrecevables comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée, son retrait en date du 9 septembre 2013, acté le 6 décembre 2013, n'ayant pas été contesté devant la cour d'appel, sans qu'aucune responsabilité de M. [V] ne soit retenue, alors que M. [A] avait demandé à l'arbitre de dire que son éviction était due au comportement de M. [V] ;

- les demandes présentées dans le nouvel arbitrage sont également irrecevables car, différentes de celles figurant dans le premier arbitrage, elles n'ont jamais fait l'objet d'une déclaration de créance dans le délai légal, la déclaration qui avait été régulièrement faite alors portant sur les 8 chefs suivants : 30 000 euros à valoir sur le prix des parts, 5 000 euros au titre de frais d'expertise, 300 000 euros en liquidation d'astreinte, 40 000 euros pour l'utilisation irrégulière du nom [A], 200 000 euros pour la valeur des parts, 134 819 euros pour la rémunération non versée, 30 000 euros pour les frais de procédure, 5 000 euros pour la résistance abusive ;

- la demande présentée par M. [A] de 30 262 euros en réparation du préjudice pour utilisation de son patronyme est encore irrecevable pour n'avoir pas fait l'objet d'une tentative de conciliation ;

Considérant que M. [A] réplique que :

- il était prévu une rémunération strictement égale entre les associés, nonobstant l'inégalité de leur participation au capital ;

- il s'est aperçu au premier trimestre 2013 d'une différence considérable (150 188 euros), de rémunérations entre les deux gérants pour l'année 2012 étant précisé que M. [V] s'occupait seul des questions financières dans la Selarl ;

- il a été ensuite évincé dans des conditions brutales et vexatoires, qui ont fait obstacle à l'exécution des préavis statutaires de gérant et d'associé ;

- subsidiairement, la société [V] Associés n'a subi aucun préjudice du fait de l'inexécution de son préavis de trois mois de co-gérant ; en tout état de cause, seule la perte de marge brute, dont il n'est pas justifié du montant, pourrait être sollicitée à ce titre ;

- sous couvert d'une prétendue concurrence déloyale, la Selarl [V] Associés poursuit l'indemnisation d'un préjudice identique dans son montant (458 679 euros) à celui dont elle demande déjà réparation sur le fondement contractuel du fait de la non exécution des préavis statutaires ;

- la Selarl [V] Associés n'apporte aucun élément permettant de justifier le quantum du préjudice qu'elle aurait subi du fait qu'il aurait employé certaines mentions excessives sur son site internet, ce d'autant qu'elle se livre elle-même à des pratiques similaires ;

- la Selarl [V] Associés n'est pas fondée à lui faire grief de la diffusion de flyers, pratique autorisée et dûment approuvée par le conseil de l'ordre de Paris ;

- les allégations d'un prétendu détournement de 5 clients sont infondées ;

- il est inutile d'ordonner une expertise pour déterminer le préjudice qu'il aurait enduré à la suite de la fixation inégalitaire des rémunérations des associés, dès lors que le montant de l'écart de rémunération ressort du seul examen des comptes ;

- M. [V] s'est enrichi de façon infondée en percevant une rémunération inégalitaire à laquelle il n'avait pas droit, de sorte qu'il y a lieu de le condamner également personnellement à due concurrence ;

- l'expertise ordonnée par le bâtonnier doit être maintenue en ce qui concerne la détermination de la valeur de ses parts au jour de son éviction, le coup d'accordéon décidé par l'assemblée générale postérieure avec une recapitalisation à hauteur de 10 000 euros seulement n'ayant pas eu pour effet de fournir des fonds suffisants à la société mais seulement de le priver de tous ses droits d'associé, cette opération engageant en outre la responsabilité personnelle de l'actionnaire majoritaire ;

- il n'y a pas lieu en revanche de pallier la carence des appelants en ordonnant une expertise sur les dépenses afférentes à la voiture de fonction restée à sa disposition entre le 9 et le 30 septembre 2013, période pendant laquelle il a continué à assurer des audiences pour le compte de la Selarl, ainsi que sur les conséquences d'un éventuel dommage matériel qui a été pris en charge par l'assurance en dehors de la franchise de 500 euros, normalement supportée par la Selarl ;

- les frais de leasing de ce véhicule n'ont pas à être mis à sa charge, les appelants étant responsables de son éviction ;

- la décision du bâtonnier doit être infirmée en ce qu'elle a conclu à une responsabilité partagée de la rupture et jugé mal fondées ses demandes indemnitaires au titre de son éviction humiliante ;

- la violence de M. [V] est détachable de l'exercice de sa fonction de gérant et engage sa responsabilité personnelle délictuelle pour cette éviction ;

- la décision doit être infirmée en ce qu'elle l'a débouté de sa demande d'indemnisation pour l'usage de son nom patronymique par la Selarl [V] Associés dans des conditions de nature à créer une confusion en laissant croire à sa participation dans l'exercice de celle-ci ; il existe également un préjudice pour l'utilisation de son nom sur des sites internet associés à la Selarl ;

- la sentence doit encore être infirmée en ce qu'elle l'a condamné à rembourser les frais d'avocat dans le cadre du litige l'opposant à son ancien associé [L], dès lors qu'il résulte d'un courrier du 26 juillet 2012 à l'ordre des avocats, cosigné par M. [V], qu'il s'associait alors directement à la défense de son associé [A], la Selarl [V] [A] étant intéressée à défendre à l'accusation de détournement par M. [A] de la clientèle de la structure dont il était l'associé ;

Considérant que la SCP BTSG fait valoir que :

- elle est recevable à intervenir en qualité de mandataire judiciaire de la Selarl [V] Associés en cause d'appel pour permettre à la cour de statuer utilement sur le sort des créances alléguées par M. [A] à l'égard de cette Selarl, qui ont toutes leur origine durant une période antérieure au prononcé du jugement d'ouverture de la procédure collective ;

- elle doit être mise hors de cause en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la Selarl [V] Associés, dont la mission consiste seulement à veiller à sa bonne exécution, au paiement effectif des dividendes prévus au profit des créanciers dont la créance est admise et, à défaut, à la saisine du tribunal de grande instance d'une demande en résolution du plan, l'instance en cours ne s'inscrivant pas dans ce cadre ;

- toute demande en paiement à l'encontre de la Selarl [V] Associés figurant dans les prétentions de M. [A] doit être déclarée irrecevable conformément à l'article L622-21 du code de commerce applicable à la procédure de redressement judiciaire en application de l'article L631-14 dudit code ;

- toute créance qui a son origine antérieurement au jugement d'ouverture doit faire l'objet d'une déclaration dans le délai de deux mois suivant la publication du jugement au Bodacc, conformément à l'article L622-24 du code de commerce, de sorte qu'il appartient à la cour de confronter les demandes dont elle est saisie aux postes de créances déclarées par M. [A] au passif de la Selarl afin de vérifier leur recevabilité, après avoir vérifié qu'aucune décision devenue définitive n'a déjà statué sur lesdites demandes et qu'elles ont bien été soumises à une phase préalable de conciliation ;

- ainsi, la demande de fixation au passif de la Selarl d'une créance de 249 638 euros correspondant au montant de l'enrichissement infondé de son associé n'a pas fait l'objet d'une déclaration de créance, les sommes antérieurement déclarées, d'un montant différent, l'ayant été au titre des rémunérations dues par la Selarl à M. [A] ; or, le principe de l'immutabilité de la déclaration de créance trouve à s'appliquer ; la nouvelle créance alléguée est d'une nature différente de la créance contractuelle antérieurement déclarée ; de plus, aucune demande de paiement d'une rémunération n'a été formée devant le bâtonnier de sorte qu'une nouvelle demande en cause d'appel serait irrecevable ;

- la demande de fixation au passif d'une créance d'indemnisation du préjudice à la suite de l'opération de coup d'accordéon, à hauteur de la valeur de participation à dire d'expert, n'a fait l'objet d'aucune déclaration ; en effet, les deux postes de créance qui avaient été déclarés (30 000 euros à valoir sur le prix de la participation détenue par M. [A] dans le capital de la Selarl, 200 000 euros correspondant à la valeur des parts détenues par M. [A] dans le capital), outre qu'ils faisaient double-emploi, avaient une nature différente (créance de participation), de la créance de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'il affirme avoir subi sur le capital ;

- la demande par M. [A] de fixation au passif de la Selarl d'une créance de 40 000 euros en réparation du préjudice subi par suite de son éviction brutale et vexatoire n'a fait l'objet d'aucune déclaration de créance au passif de la Selarl et est par conséquent irrecevable ;

- il en va de même de la demande en fixation d'une créance de 30 262 euros en réparation du préjudice subi par suite de l'utilisation du nom patronymique [A] dans la dénomination sociale de la Selarl au moins jusqu'au 10 juillet 2014, la créance de 40 000 euros pour utilisation de son nom sur le site internet 'permisperdu.fr' étant une créance distincte ;

- la cour d'appel ayant annulé la sentence arbitrale du 11 mars 2014 qui avait retenu un préjudice de 40 000 euros pour l'utilisation du patronyme [A] sur le site 'permisperdu.fr', aucune décision de justice n'a fixé une créance d'indemnisation pour ce préjudice et M. [A] n'a déclaré aucune créance d'indemnisation à raison de cette utilisation de son nom, que ce soit sur ce site ou sur un autre, de sorte que toute demande de ce chef est irrecevable ;

- aucune déclaration de créance n'a été faite au titre des frais irrépétibles pour la présente instance, la seule sentence arbitrale ayant alloué des frais irrépétibles à M. [A], celle du 11 mars 2014, ayant été annulée, de sorte que sa demande à ce titre est irrecevable ;

- la demande de désignation d'expert pour évaluer ses parts, présentée par M. [A], est désormais sans objet puisque sa demande de fixation d'une créance de dommages et intérêts à raison de l'opération de coup d'accordéon, est irrecevable, à défaut d'avoir été régulièrement déclarée au passif de la Selarl ;

Considérant que M. [V], personnellement, reprend les moyens d'irrecevabilité de la Selarl [V] et soutient sur le fond que :

- l'article 1850 du code civil n'est pas applicable au cas d'espèce dans la mesure où M. [A], alors associé et co-gérant de la Selarl, n'est pas un tiers vis à vis de cette société ;

- il n'existe aucune décision unanime des associés qui ait fixé une égalité de rémunération des co-gérants par application de l'article 18 des statuts de la Selarl ;

- M. [A] a volontairement démissionné le 9 septembre 2013 de la société en l'absence de toute mesure d'éviction brutale et vexatoire ;

- aucune de ses demandes n'est fondée ;

Considérant qu'il convient de donner acte à la SCP BTSG, en la personne de Me [Q] [Z], de son intervention volontaire en qualité de mandataire judiciaire de la Selarl [V] Associés ; qu'il n'y a pas lieu en revanche de la mettre hors de cause en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la Selarl [V] Associés, certaines demandes soumises à la cour étant susceptibles d'influer sur l'exécution du plan si elles devaient donner lieu à des créances nées après l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire;

Considérant qu'il y a lieu ensuite d'examiner les demandes présentées par la Selarl [V] Associés à l'encontre de M. [A], tenant au non respect allégué des délais statutaires de préavis en qualité de co-gérant et en qualité d'associé ; que les statuts de la société [V] [A] prévoyaient ainsi un préavis de trois mois pour quitter les fonctions de gérant et un préavis de six mois pour cesser d'être associé ;

Considérant qu'il est établi que ces délais n'ont pas été respectés par M. [A] qui allègue cependant avoir été obligé à ce départ rapide par M. [V] qui l'a évincé, ce à quoi celui-ci répond que le bâtonnier a définitivement jugé dans sa décision du 6 décembre 2013 qu'il y avait eu retrait de M. [A], le 9 septembre 2013, ce qui implique, selon la Selarl et M. [V], qu'il ne s'agissait pas d'une éviction, de sorte que la sentence arbitrale attaquée ne pouvait revenir sur ce point et considérer que M. [A] était fondé à quitter le cabinet sans respecter les préavis statutaires, compte tenu du climat qui y régnait ;

Considérant que l'autorité de la chose jugée ne peut s'attacher qu'à ce qui a fait l'objet d'une décision ; que, s'agissant du retrait de M. [A], le délégué du bâtonnier, agissant dans le cadre de mesures urgentes, s'est borné à le constater à compter du 9 septembre 2013, ce simple constat étant exclusif d'une décision ; que ce constat, figurant dans le dispositif de la sentence, correspond au motif à son soutien, lequel se borne à préciser : 'il n'existe aucune opposition à voir reconnaître le caractère effectif du retrait de M. [A] et, compte tenu de la mésintelligence qui oppose M. [V] et [A], le retrait de la société est présentement constaté à compter du 9 septembre 2013 ;

Considérant dès lors qu'en l'absence d'autorité de la chose jugée sur ce point, le délégué du bâtonnier a pu, dans la nouvelle sentence du 4 janvier 2017, faisant l'objet du présent recours, se prononcer sur les griefs allégués par M. [A] à l'encontre de M. [V], en retenant que 'la non exécution des deux préavis statutaires ne saurait constituer une faute imputable à M. [A] en raison de la mésentente entre les associés qui nécessitait une séparation physique immédiate' ;

Considérant sur le fond qu'il convient de revenir sur les circonstances de l'association de MM. [A] et [V] ainsi que sur celles du départ de M. [A] ;

Considérant que, par arrêt du 21 mars 2018, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 18 janvier 2017 dans le conflit opposant M. [A] à son précédent associé, M. [L], mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la société [L] en réparation des manoeuvres déloyales retenues contre M. [A], comportant notamment l'utilisation d'une communication fallacieuse dont l'effet était renforcé par la référence à une ligne téléphonique personnelle et par un contrat de réexpédition du courrier, système qui visait à attirer la clientèle au détriment de la société [L]-[A] à laquelle seule elle était attachée ; que l'instance sur la fixation du préjudice de M. [L] se poursuit devant la cour d'appel de Versailles ;

Considérant s'agissant des rapports [V]-[A] qu'il ressort du procès verbal des décisions de l'associé unique en date du 1er septembre 2011 de la Selarl unipersonnelle [V] que M. [V] a apporté à la société d'avocat [V] son droit de présentation de la clientèle pour 360 000 euros, ainsi que des agencements, du matériel de transport, du matériel de bureau, du mobilier, ensemble pour une valeur de 20 000 euros, tandis qu'il était procédé à une augmentation de capital en numéraire d'une somme de 50 000 euros souscrite au nominal par Me [N] [A], de sorte que le capital social était porté de 380 000 euros à 430 000 euros, représenté par 4 300 parts de 100 euros ;

Considérant que la clientèle dont disposait M. [A], alors en litige avec son précédent associé, [L], n'a pas été valorisée dans ses apports à la société, alors que, comme MM. [V] et M. [A] en conviennent, ce dernier était un des quatre avocats 'ténors' et médiatiques intervenant dans le domaine du contentieux routier ; que, d'ailleurs, dès 2011, le chiffre d'affaires du cabinet [V] va connaître une forte augmentation de l'ordre de 50 % puis baissera après le départ de M. [A] pour revenir sensiblement à ce qu'il était avant leur association avant de progresser à nouveau suite au développement par M. [V] de son activité sur internet ;

Considérant que M. [A] prétend que M. [V] et lui étaient convenus d'une rémunération égale, tandis que M. [V] excipe de l'absence de preuve d'une délibération unanime des associés prévue par les statuts sur un montant de rémunération égale des gérants pour soutenir qu'il n'en est rien et que les profits doivent se partager en fonction de leurs participations respectives au capital ;

Considérant que si la lecture littérale de la clause statutaire est en faveur de la position défendue par M. [V], l'attestation de l'avocat qui a élaboré les statuts fait apparaître que l'intention des parties était d'une égalité des rémunérations, tandis qu'un mail de M. [V] à sa banque, le Crédit agricole, lui donnant l'ordre, au mois de janvier 2013 (pièce D 6 [A]), de verser des rémunérations mensuelles égalitaires à [A] et à lui, d'un montant d'ailleurs élevé, va dans le même sens ; que cette égalité de rémunération se conçoit d'autant mieux si l'on prend en compte qu'il n'y a pas eu de valorisation de l'apport de clientèle de M. [A] au capital de la Selarl créée et que l'importance de sa participation au capital ne représente pas sa part dans le chiffre d'affaires de la société ;

Considérant ainsi que la revendication d'une rémunération égalitaire apparaît effectivement avoir été un motif de dissension entre MM. [V] et [A], même s'il n'a pas été le seul comme en témoigne l'échange suivant de mails entre MM. [V] et [A], intervenu le 14 mai 2013 à partir de 14h59 et constaté postérieurement par huissier sur son smartphone à la demande de M. [A] :

[A] : Les caisses sont vides mais sur 2012 tu as pris exactement 150 000 euros de plus que moi sans que j'en sois averti alors que nos accords étaient une égalité de rétro. Parlons des dividendes qui me sont dus. Dépose les plaintes que tu veux. Contrairement à toi j'ai trop de respect pour toi pour exercer une quelconque pression. Pour le reste je suis à ta disposition. Bonne journée Seb.

[V] : ton chiffre est erroné. Tu oublies qu'en 2011 et 2012, la selarl a payé les charges qui incombaient sur 2010 et 2011, période pendant laquelle tu n'étais pas associé avec moi. Je vais te faire un courrier pour détailler tout cela.

[A] : Tu m'as dit que la selarl me verserait 50 000 euros de dividendes pour compenser. Qd cela sera t'il fait '

[V] : A ton avis ' Et j'ai pas dit 50 000.

[U] : Combien ' [Y] avait dit 40 000 et toi 50 000 je sors pas le chiffre de mon chapeau [H].

[V] : ça peut être 100 000 si tu veux, de toute façon on les a pas... On se voit à ton retour d'audience et on parle de notre séparation. La situation devient intenable.

[A] : J'ai besoin de clarté, d'avoir les comptes, tout change en permanence et je n'ai aucune visibilité. Et maintenant tu ne connais plus le montant des dividendes.

[V] : Paske je m'en branle mon grand ! Y a que toi pr être omnibulé par ça ! Ajd on a pas un rond ! Et je gagnais plus de 300 000 e avant qu'on soit associé pour ton info, tas pas fait ma richesse. Moi j'ai besoin d'un associé qui bosse et qui ait la fibre d'un entrepreneur, pas d'un branleur qui va de cabinet en cabinet pour faire bosser les autres et attendre gentiment que le temps passe, en foutant les gens dans la merde en plus...

[A] : C'est plus facile de s'en branler qd on prend 278 000 euros. Moi je suis à 128 000 et j'ignore plein de truc et qd je demande le bilan ça t'agace. L'associé tu l'as ! Je me bats comme un fou pour qu'on fasse au moins 100 000 par mois. Concernant les insultes garde les pour toi. Je cherche à comprendre ton comportement, certains fonctionnements du cabinet...c'est légitime non '

[V] : alors je vais répéter : d'abord tu n'es pas à 128 puisque tes charges ont été payées par la selarl alors qu'elle ne devait pas les payer. J'ai juste été sympa en ne disant pas à [Y] de les mettre en revenus pour ne pas que tu paies d'impôts dessus. Ensuite j'ai pris 22 500 euros pour un cheval que je dois rembourser à la revente et je t'ai dit que tu prendrais des dividendes pour compenser. En 2013 les choses sont plus claires comme je te l'ai déjà montré. Je te rappelle que je fais aussi quasi le double de CA que toi avec privat et les clients de [L] qui appellent sur ton portable mais ça tu refuseras sempiternellement de l'admettre car ton orgueil est manifestement plus fort que la lecture d'un bilan. Il n'en reste pas moins que notre association pourrait fonctionner si pour une fois dans ta vie tu arrêtais de te prendre pour une star à qui tout est dû et si tu te mettais à travailler. Depuis la Thailande, j'ai créé 2 sociétés, un site internet, des flyers, des fringues etc... en plus de mon activité d'avocat. A la fin du mois j'aurai fini un nouveau site pour le cab que tu n'auras jamais commencé le tien. J'ai voulu l'association pour qu'on explose tout par notre dynamisme, notre notoriété, nos idées. C'est un échec. Tu es venu tas (sic) posé tes affaires et tu te laisses vivre. Ah non pardon, tu mets des articles sur Facebook...

[A] : C'est moi qui me prends pour une star ' T'es colérique, imbu de ta personne, tu critiques tout le monde et monter (sic) les uns contre les autres. Explique l'intérêt de mettre le message de [O] sur mail du cabinet envoyé à [R] ' On s'est éloigné, pas compris.. Et du mal à quantifier le travail de l'autre. Dommage. Tu vois le fait de ne pas être capable de me donner un chiffre concernant les dividendes me gêne. Je ne souhaite pas quitter la selarl mais ne m'accrocherais plus très longtemps. Tu n'auras aucune difficulté à quantifier mon travail qd (sic) serais parti. J'ai 10 000 d'impôts à payer demain et j'ai pas un sous (sic). Tu vois moi aussi j'ai des pb de sous. Et c'est pour ça que je te parle des dividendes.

[V] : [Y] on en parle. Le Prbm (sic) c'est que tu n'y connais rien en gestion d'un cabinet. Je peux tout simplement pas te donner le montant des dividendes fiscalement exo d'impôts car il dépend du bénéfice réalisé et des règles de droit fiscal. Voilà c'est tout. C'est un barème que m'a donné [Y]. Elle m'a dit vous pouvez distribuer jusqu'à X euros dans un flot d'autres infos. Je vois pas ce qu'il y a de problématique.

[U] : [Y] voilà j'ai un début de réponse' (14 mai 2013 17h22) ;

Considérant sur le départ de M. [A] qu'il est établi que le dernier jour de présence de M. [A] au cabinet [V] [A] est le vendredi 6 septembre 2013, celui-ci ayant pris ses rendez-vous de clients le matin et ayant quitté le cabinet l'après-midi, ce qui lui arrivait lorsqu'il n'avait pas de rendez-vous ; que Me [T], avocat travaillant alors dans le cabinet [V] [A] et l'ayant quitté ensuite, atteste d'une altercation verbale houleuse ce jour là vers 13h, entre [V] et [U], mais aussi du fait que M. [V] n'a jamais menacé l'intégrité physique de M. [A], dont il précise que ce fut le dernier jour de présence au cabinet ;

Considérant que, le même jour, M. [V] a adressé à M. [A] un mail où il lui reproche de ne pas être venu au bureau de l'après-midi, de fouiller son bureau, d'être un associé 'totalement incapable d'exercer seul le métier d'avocat' et où il ajoute : 'dire de toi que tu es strictement incompétent ou que tu ne serais rien sans [Z] [L] n'est pas une insulte. C'est la stricte vérité . Dire de toi que tu es un trou du cul parce que tu mens régulièrement n'est pas non plus une insulte, c'est un constat', avant de conclure : 'si tu cherches le conflit n'oublie pas que mon pouvoir de nuisance est infiniment plus important et pervers que celui de ton ex-associé. Tu as beaucoup plus à perdre que moi je pense...'; 'Réfléchis bien aux choix qui s'offrent à toi' ;

Considérant que Me [D], avocat ensuite recruté comme collaborateur par Me [A], atteste qu'il a dîné le dimanche 8 septembre avec M. [A] puis l'a accompagné au cabinet [V] [A] pour l'aider à déménager un tableau volumineux et fragile ; qu'il ajoute avoir constaté à cette occasion qu'il n'y avait plus de matériel informatique fixe sur le bureau de M. [A], ce que ce dernier a fait observer, indiquant qu'on lui avait pris ;

Considérant que le lundi 9 septembre, aux deux mails de M. [V] lui reprochant son absence, le déménagement d'une partie de son bureau et s'inquiétant de savoir s'il traitera les dossiers prévus au planning, M. [A] a répondu en mentionnant seulement l'audience qu'il a tenue le même jour, qui s'est terminée par une relaxe de son client ; qu'il n'a pas répondu à l'accusation d'avoir déménagé ses affaires ; qu'il n'est d'ailleurs pas contesté qu'il est retourné au cabinet [V] [A], la nuit suivante, pour retirer d'autres affaires personnelles ; que, le mardi 10 septembre, M. [V] a adressé à M. [A] un nouveau mail pour stigmatiser son absence puis une lettre au directeur de la déontologie lui faisant part de la disparition de son associé ;

Considérant de que son côté, M. [A] a adressé à M. [V] une lettre datée du 9 septembre avec demande d'accusé de réception, dans laquelle il lui indique qu'il démissionne immédiatement et sans préavis compte tenu de la disparition de l'affectio societatis, lui reprochant :

- de faire cause commune avec [L] contre lui,

- de lui avoir communiqué, en violation du secret professionnel ses relevés d'appels téléphoniques,

- d'avoir prélevé, en violation des statuts de la Selarl une rémunération très supérieure à celle a laquelle il avait droit ;

- de multiplier, au mépris de leurs règles professionnelles, les agissements contraires à la déontologie, tels que simulations judiciaires, altération volontaire de pièces produites en procédure, renvoi (en son absence, alors qu'il était en congés) du collaborateur qui refusait d'endosser ses manoeuvres de faux et usage afin de tromper un tribunal, instrumentalisations des instances ordinales, calomnies, plaintes pénales infondées contre les confrères, menaces de violences physiques, mépris des règles les plus essentielles, mails d'insultes et de menaces diffusées à l'ensemble des membres du cabinet, salariés et stagiaires compris ;

Considérant encore que M. [V] a accusé M. [A] d'avoir fait mettre le mobilier lui appartenant resté dans le cabinet dans les parties communes de l'immeuble, tandis que M. [A], faisant l'accusation inverse, a fait constater par huissier que ce mobilier était dans les parties communes depuis plusieurs jours et qu'il n'en avait pas été prévenu ; qu'il n'existe cependant aucune preuve permettant d'établir qui a fait sortir ces meubles, M. [V] pour terminer la libération des lieux des affaires de M. [A] ou M. [A] pour pouvoir accuser ensuite M. [V] d'avoir vider les lieux de ses affaires ;

Considérant que M. [A] s'est installé dès le 9 septembre dans un cabinet dont il affirme qu'il était tenu par un cousin et un autre avocat, devenu ensuite, momentanément, le sien;

Considérant ainsi, que, dès le 9septembre 2013 à 14h28, un message de la société Agaphone gérant le standard téléphonique du cabinet [V] [A] faisait part d'un appel de Mme [R], destiné à M. [A], s'inquiétant notamment que celui-ci ait donné rendez-vous samedi matin à une autre adresse que celle du cabinet ;

Considérant par ailleurs que, le 12 septembre 2013, M. [N], client du cabinet [V] [A] s'est adressé le 9 septembre à M. [A], après avoir été interpellé pour une conduite sous l'empire d'un état alcoolique et sera reçu par celui-ci dans ses nouveaux locaux, le 12, lequel ne fera état que d'un simple déménagement ;

Considérant que Mme [K], alors juriste salariée de la Selarl [V], atteste des déménagements nocturnes effectués par M. [A], constatés les 9 et 10 septembre et du fait que celui-ci ne se cachait pas pour dire devant les salariés depuis plusieurs mois qu'il envisageait de quitter la structure et de monter un nouveau cabinet, lui proposant sur le ton de l'humour, de collaborer avec lui dans une autre structure d'exercice ; qu'elle témoigne des difficultés occasionnées par le départ de M. [A] désorganisant le pénal dont elle était chargée du suivi, Me [A] n'ayant pas assuré le suivi de tous les clients et ayant au contraire demandé à certains d'entre eux de venir récupérer leur dossier et de se faire rembourser les sommes versées ;

Considérant que Mme [J], juriste en droit public routier au sein du cabinet [V] [A], atteste que M. [A], lui a indiqué qu'il avait déjà des locaux et qu'il a essayé de la débaucher, le 3 septembre, quand ils sont partis en même temps du bureau pour se diriger vers la bouche de métro, lui proposant un salaire plus élevé de 1 000 euros, ainsi que le paiement d'avance de trois mois de salaire, ce qu'elle a refusé par mail adressé dans la soirée; que, le 6 septembre, dernier jour de présence de [A] au cabinet, celui-ci lui a souhaité bonne chance ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble des éléments qui précèdent que des dissensions sérieuses existaient entre les associés, M. [V] n'ayant pas une grande estime pour M. [A] qu'il insultait et pressait de partir ; que M. [A], qui ne s'exprimait pas de la même façon, avait décidé de partir et, désertant le cabinet au lieu de convenir ouvertement des conditions de son départ, a pris l'initiative de commencer à déménager son bureau la nuit, à deux reprises, ce qui n'était pas de nature à inciter son associé à faire preuve d'une patience qui ne lui est pas naturelle, pour ne plus revenir au prétexte non dirimant que son ordinateur n'était plus sur son bureau la nuit où il est passé le déménager ;

Considérant que s'il n'est pas justifié d'un risque de violences physiques de la part de M. [V] sur M. [A], il n'en reste pas moins que les rapports exécrables qu'ils entretenaient et les objurgations de M. [V] à M. [A] de quitter le cabinet rapidement ont pour conséquence que les responsabilités dans le départ soudain de M. [A] sont partagées ; que le non respect des délais statutaires de préavis n'est imputable à faute à ce dernier que dans la proportion que la cour fixe à un tiers, de sorte que ce n'est que dans cette mesure que M. [A] doit être condamné à en supporter les conséquences ;

Considérant sur le non respect du préavis de M. [A] en sa qualité de co-gérant, qu'il résulte des déclarations mêmes de M. [V] que M. [A] n'accomplissait aucune tache de gestion, ce qui a d'ailleurs permis à M. [V], qui dirigeait seul la société de se verser en réalité une rémunération très supérieure à celle de M. [A] ; qu'il s'ensuit que la Selarl [V] Associés ne justifie d'aucun préjudice de ce chef, le départ de M. [A] n'ayant rien changé à la situation antérieure à cet égard ;

Considérant sur le non respect du délai de préavis dû par l'associé qu'il ressort des propres écritures de la Selarl [V] que le cabinet subissait des pertes au moment où M. [A] s'est associé ; qu'il ressort des éléments chiffrés versés aux débats que le chiffre d'affaires était en baisse avant l'arrivée de M. [A] ; que si le chiffre d'affaires a bien progressé avec l'arrivée de M. [A], la situation financière de la société a été sur le plan de la trésorerie catastrophique en 2013, puisque, selon M. [V], il a été décidé, en juin 2013, de baisser la rémunération de M. [A] pour faire face aux problèmes de trésorerie rencontrés depuis avril; que la TVA était impayée depuis mai, soit près de 55 000 euros d'impayés au 9 septembre; qu'il en allait de même pour certaines cotisations Urssaf, la première inscription de privilège étant du 2 octobre ;

Considérant que le départ de M. [A] est survenu au mois de septembre, en pleine activité de reprise, alors même que le cabinet était en interdiction d'émettre des chèques suite au rejet de 12 chèques en août 2013 pour un montant total de 8 873,88 euros ;

Considérant que le redressement judiciaire de la Selarl [V] ne peut cependant être imputé au départ de M. [A], sa situation de trésorerie étant catastrophique dès le premier quadrimestre 2013, même si le tribunal de grande instance n'a fait rétroagir la date de cessation des paiements qu'en janvier 2014, remontant à la date la plus antérieure qu'il lui était possible ;

Considérant que le rétablissement immédiat de M. [A] comme concurrent du cabinet qu'il quittait, le jour même de son départ, même s'il a encore assumé quelques dossiers de ce cabinet n'a pu que préjudicier à la Selarl [V] Associé, puisqu'un acteur distinct, déjà connu, apparaissait sur un marché du droit routier qui en comptait très peu ;

Considérant en revanche que la Selarl [V] ne peut pas reprocher à M. [A] d'avoir effectué une concurrence déloyale en dissimulant un temps son départ aux yeux de la clientèle, dès lors que, parallèlement, elle a, elle-même, conservé un moment le nom de [A] après le départ de celui-ci dans sa dénomination et sur des sites internet qu'elle contrôlait ;

Considérant que les conclusions non contradictoires du rapport d'expertise amiable commandé par la Selarl [V], qui globalise désormais son préjudice, ne peuvent être retenues, l'évolution du cabinet après le départ de M. [A] dépendant en grande partie des choix de M. [V], lequel a pu souligner sa capacité de nuisance envers son ancien associé ;

Considérant que, pour revenir aux résultats de la Selarl, s'il n'existait pas de difficulté de trésorerie avérée avant l'association de MM. [V] et [A], la société ayant réalisé des bénéfices de 2005 à 2009, il n'en reste pas mois que des pertes avaient été enregistrées en 2010 pour un montant de 18 771 euros et que le chiffre d'affaires était passé, la même année, de 879 208 euros à 599 172 euros, soit une baisse de 32 % ;

Considérant qu'en 2011, année de l'association de MM. [V] et [A] au mois de septembre, la perte a été divisée par trois à 6 585 euros, le chiffre d'affaires remontant à 797 735 euros, soit une augmentation de 33 %, pour repasser en 2012 à 1 243 223 euros, soit une nouvelle augmentation de plus de 55 % avec un bénéfice de 6 596 euros ;

Considérant qu'en 2013, année de la rupture, le chiffre d'affaires a diminué de 15 % tandis que les pertes ont atteint 250 021 euros ; qu'en 2014, le chiffre d'affaires a diminué de

43 % tandis que les pertes baissaient à 207 095 euros (- 17 %) ; que les résultats sont redevenus bénéficiaires dès 2015 (13 481 euros), le chiffre d'affaire revenant progressivement au niveau antérieur à l'association ;

Considérant que s'il n'est pas justifié du détournement de clients dénommés, les plaintes émises par M. [V] à ce sujet contre M. [A] n'ayant pas prospéré, la concomitance entre le départ de M. [A] et la très nette aggravation des résultats financiers de la Selarl [V] [A] établit le lien de causalité existant entre ces deux événements ;

Considérant que la cour dispose, sans qu'il lui apparaisse nécessaire d'ordonner une mesure d'expertise comptable sur ce point, des éléments d'appréciation suffisants pour chiffrer la part imputable à M. [A] du préjudice subi globalement par la Selarl [V] à la somme de 75 000 euros, qu'il doit être condamné à lui payer ;

Considérant qu'il convient d'examiner successivement les autres demandes de la Selarl [V] ;

Considérant s'agissant de la somme de 5 130 euros résultant du paiement par la Selarl des impôts personnels de M. [A] qu'il n'est pas sérieusement contestable que M. [A] doit le remboursement de cette charge qui n'incombe pas à la société ;

Considérant sur la demande de 7 176 euros correspondant au paiement des frais de Me [X], que cet avocat apparaît avoir été choisi par M. [A] pour le défendre dans son contentieux personnel avec son ancien associé, Me [L] ; que M. [A] doit dès lors en supporter le coût, peu important que la position défendue alors par M. [A] ait correspondu à l'intérêt de la Selarl [V] [A], laquelle n'a pas mandaté ce conseil ;

Considérant sur la somme de 10 696,82 euros en remboursement des sommes acquittées à la suite de l'accident du véhicule mis à sa disposition et du remboursement des amendes acquittées, qu'il ressort d'un courrier de M. [V] que M. [A], qui ne le conteste pas, a conservé le véhicule Audi Q5 qui était mis à sa disposition, sur la période du 9 septembre au 13 octobre 2014, date de la remise des clés ; qu'il est justifié que M. [A] a continué d'effectuer une audience pour la Selarl [V] jusqu'au 13 septembre 2013, de sorte qu'il a conservé le véhicule indûment depuis son départ le 9 et en tous cas depuis le 13 septembre, soit pendant un mois jusqu'à sa restitution ;

Considérant que l'accident ayant affecté le véhicule est en date du mois d'août 2013, alors que M. [A] était toujours associé de la Selarl ; que la prise en charge de cet accident incombe entièrement à cette dernière, de sorte que la demande de la Selarl de prise en charge de la facture de réparation et de la franchise n'est pas fondée ;

Considérant que la Selarl ne justifie pas du montant qu'elle a supporté au titre du leasing pour la période d'un mois où M. [A] a conservé indûment le véhicule, de sorte qu'il ne peut être fait droit, même partiellement, à sa demande au titre des loyers du véhicule en cause ;

Considérant en revanche que la Selarl n'a pas à supporter les amendes contraventionnelles qui sont la conséquence de manquements volontaires de M. [A] au code de la route ; que celui-ci doit être condamné à lui rembourser la somme de 424,80 euros à ce titre ;

Considérant sur les demandes de M. [A] contre la Selarl [V] Associés que les créances ayant leur origine antérieurement au redressement judiciaire de la Selarl ne peuvent donner lieu à condamnation de la société, de sorte que les demandes de condamnation en paiement à son encontre les concernant sont irrecevables ;

Considérant ensuite que chaque demande doit avoir fait l'objet d'une déclaration de créance dans les délais légaux ; qu'en raison du principe de l'immutabilité de la déclaration de créance, le montant et la nature de celle-ci ne peuvent plus être modifiés après l'expiration du délai de déclaration ;

Considérant que M. [A] demande la fixation au passif de la Selarl [V] Associés d'une créance de 249 638 euros correspondant au montant de l'enrichissement infondé de son associé ; que toutefois sa déclaration de créance ne portait que sur une somme n'excédant pas 154 819 euros au titre de rémunérations dues par la Selarl ; qu'ainsi le montant des sommes en cause dans cette instance diffèrent mais aussi la nature de la créance puisqu'il ne s'agit plus d'une action en paiement d'une rémunération mais d'une demande d'indemnisation pour enrichissement infondé ; qu'en conséquence la créance alléguée est inopposable à la Selarl [V] Associés, faute d'avoir été régulièrement déclarée et la demande tendant à ce qu'elle soit fixée au passif irrecevable ;

Considérant, sur la demande de M. [A] de fixation au passif de la Selarl d'une créance d'indemnisation du préjudice subi du fait de la carence fautive de la gérance, qui a failli à son obligation de racheter ses parts dans un délai raisonnable après son éviction, puisqu'il a été privé de sa qualité d'associé à la suite de l'opération de coup d'accordéon à hauteur de la valeur de sa participation à dire d'expert, que M. [A] a déclaré, le 5 octobre 2015, au passif de la Selarl [V] Associés une créance provisionnelle de 30 000 euros à valoir sur le prix de sa participation et une créance de 200 000 euros correspondant à la valeur des parts détenues dans le capital de la Selarl ; que, toutefois M. [A] ne pouvait pas déclarer en 2015 une créance délictuelle qui n'était pas née puisqu'à ce moment là il existait encore des parts lui appartenant qui étaient susceptibles de valorisation ; que ce n'est que par l'opération d'accordéon qu'il a été privé de toute valorisation de ces parts dont la valeur était ramenée à zéro ; qu'en conséquence cette créance délictuelle est née après le redressement judiciaire et n'avait pas à être déclarée ;

Considérant cependant que précisément en raison de la date à laquelle cette créance délictuelle est née, en 2017, la demande la concernant n'a pas pu faire l'objet de la tentative de conciliation du 17 novembre 2016, de sorte qu'elle est irrecevable devant la cour d'appel ;

Considérant sur la demande de fixation d'une créance de 40 000 euros en réparation du préjudice subi par suite de son éviction brutale et vexatoire, qu'il n'est pas justifié de la déclaration d'une telle créance au passif de la Selarl, de sorte qu'elle doit être déclarée inopposable à la Selarl [V] Associés, tandis que la demande en fixation de la créance correspondante doit être déclarée irrecevable ;

Considérant sur la demande en fixation d'une créance de 30 262 euros en réparation du préjudice subi par suite de l'utilisation de son nom patronymique dans la dénomination de la Selarl au moins jusqu'au 10 juillet 2014 qu'il en va de même que pour la précédente créance, aucune déclaration de créance correspondante n'étant justifiée par M. [A] ;

Considérant sur la demande en fixation d'une créance de 10 000 euros en réparation du préjudice subi par utilisation de son nom patronymique sur divers sites internet pendant près de deux ans après son éviction, qu'une créance de 40 000 euros avait été déclarée en 2015 correspondant à des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison de l'utilisation du nom [A] sur le site internet 'permisperdu.fr' ; qu'aux termes de l'assignation en intervention forcée délivrée à la SCP BTSG, ès qualités, la créance invoquée de dommages et intérêts à hauteur de 10 000 euros ne concerne que l'utilisation de son nom patronymique sur les sites internet 'maitredufour.com', pagesjaunes.fr et dans l'adresse courriel de la Selarl [V] Associés, ces infractions ne correspondant pas à la créance déclarée qui visait un site différent et par suite des faits distincts ; qu'il convient de déclarer inopposable à la Selarl [V] Associés cette créance d'indemnisation et de déclarer M. [A] irrecevable en sa demande de fixation d'une créance de 10 000 euros à ce titre ;

Considérant que les demandes de M. [A] dirigées contre M. [V], personnellement, seront examinées successivement ;

Considérant sur la demande de dommages et intérêts fondée sur l'éviction, dont M. [A] prétend avoir été victime, qu'il ressort de ce qui a été indiqué précédemment que celui-ci n'a pas, à proprement parler, été évincé de la Selarl mais qu'il a choisi de s'en retirer, compte tenu des relations détestables qui existaient entre les deux associés pour cause d'incompatibilité de caractères ;

Considérant que M. [A], en entreprenant nuitamment le déménagement de son bureau un week end et en ne revenant pas le lundi suivant, après avoir souhaité bonne chance à l'une des salariées, sans prouver avoir jamais soumis à M. [V], qui le réclamait pourtant à cor et à cri, un plan de sortie de leur association, ne rapporte pas la preuve de sa prétendue éviction ; qu'il doit être débouté de cette demande ;

Considérant qu'il a été indiqué ci-dessus que la demande de dommages et intérêts à la suite de l'opération du coup d'accordéon est irrecevable faute d'avoir été soumise sous cette forme à conciliation ;

Considérant sur l'inégalité de rémunérations pratiquée entre les associés, qu'il n'est aucunement démontré, au vu des dispositions de l'article 18 des statuts exigeant une décision collective des associés pour fixer son montant, que M. [V], en l'absence d'une telle décision et nonobstant le fait que M. [A] ait pu croire l'inverse, a commis une faute en se versant une rémunération plus élevée que celle de M. [A], au demeurant très minoritaire au capital ;

Considérant qu'en équité il convient de laisser à la charge des parties la charge des frais irrépétibles et des dépens qu'elles ont exposés en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Donne acte à la SCP BTSG, en la personne de Me [Q] [Z], de son intervention volontaire en qualité de mandataire judiciaire de la Selarl [V] Associés ;

Dit n'y avoir lieu de la mettre hors de cause en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la Selarl [V] Associés ;

Confirme la décision du délégué du bâtonnier en date du 4 janvier 2017 en ce qu'elle a condamné M. [A] à payer à la Selarl [V] Associés la somme de 5 130 euros correspondant à des impôts personnels, ainsi que celle de 7 176 euros représentant des honoraires d'avocat personnel, en ce qu'elle laissé à chaque partie et partagé par moitié les frais d'arbitrage ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau, dit n'y avoir lieu d'ordonner une expertise comptable pour déterminer le préjudice subi par la Selarl [V] Associés suite au départ de M. [A] ;

Condamne M. [A] à payer à la Selarl [V] Associés :

- la somme de 75 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice occasionné par son départ le 6 septembre 2013 de la Selarl [V] [A] ;

- la somme de 424,80 euros correspondant à des amendes contraventionnelles ;

Déboute la Selarl [V] Associés de ses demandes de condamnation de M. [A] à prendre en charge les conséquences de l'accident de circulation avec un véhicule de la société, ainsi que des loyers du leasing afférents à ce véhicule ;

Déclare inopposable à la Selarl [V] Associés la créance revendiquée par M. [A] à hauteur de 249 638 euros correspondant au montant de l'enrichissement infondé de son associé et irrecevable sa demande tendant à ce qu'elle soit fixée au passif de cette société;

Déclare irrecevable la demande de M. [A] de fixation au passif de la Selarl d'une créance d'indemnisation du préjudice subi du fait de la carence fautive de la gérance à lui racheter ses parts ;

Dit n'y avoir lieu en conséquence à expertise sur le préjudice de M. [A] ;

Déclare inopposable à la Selarl [V] Associés la créance revendiquée par M. [A] à hauteur de 40 000 euros en réparation du préjudice subi par suite de son éviction brutale et vexatoire et irrecevable sa demande tendant à ce qu'elle soit fixée au passif de cette société ;

Déclare inopposable à la Selarl [V] Associés la créance revendiquée par M. [A] à hauteur de 30 262 euros en réparation du préjudice subi par suite de l'utilisation de son nom patronymique dans la dénomination de la Selarl au moins jusqu'au 10 juillet 2014 et irrecevable sa demande tendant à ce qu'elle soit fixée au passif de cette société ;

Déclare inopposable à la Selarl [V] Associés la créance revendiquée par M. [A] à hauteur de 10 000 euros en réparation du préjudice subi par utilisation de son nom patronymique sur divers sites internet pendant près de deux ans après sa prétendue éviction et irrecevable sa demande tendant à ce qu'elle soit fixée au passif de cette société ;

Déboute M. [A] de sa demande de dommages et intérêts contre la Selarl [V] Associés au titre de sa prétendue éviction de cette société ;

Déclare irrecevable la demande de dommages et intérêts contre la Selarl [V] Associés à la suite de l'opération du coup d'accordéon ;

Déboute M. [A] de ses demandes contre M. [V] au titre de l'inégalité des rémunérations;

Déboute les parties de toute autre prétention ;

Laisse à la charge de chaque partie la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, ainsi que celle des dépens.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 17/03702
Date de la décision : 12/06/2019

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°17/03702 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-12;17.03702 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award