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12/06/2019 | FRANCE | N°17/04930

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 12 juin 2019, 17/04930


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRET DU 12 JUIN 2019

(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/04930 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3A6N



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mars 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F15/11904





APPELANT



Monsieur [I] [H]

[Adresse 1]

[Local

ité 1]



Représenté par Me Isabelle BOUKHRIS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1785







INTIMEE



SA HSBC FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 2]



Représentée par Me Béatrice MOU...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRET DU 12 JUIN 2019

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/04930 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3A6N

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mars 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F15/11904

APPELANT

Monsieur [I] [H]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me Isabelle BOUKHRIS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1785

INTIMEE

SA HSBC FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Béatrice MOUTEL substituant Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 mars 2019, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées, devant madame Sandra ORUS, Présidente de chambre, chargée du rapport et madame Carole CHEGARAY, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Sandra ORUS, Présidente de chambre

Mme Carole CHEGARAY, Conseillère

Mme Séverine TECHER, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : Mme Catherine CHARLES

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Sandra ORUS, Présidente et par Madame Anouk ESTAVIANNE, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [I] [H] a été engagé par le CRÉDIT COMMERCIAL DE FRANCE, aujourd'hui dénommée la société HSBC France (SA), suivant contrat de travail à durée indéterminée daté du 2 mai 1983, à effet du 1er juillet 1983, en qualité d'analyste programmateur.

Il occupait le poste de « responsable domaine » au dernier état de la relation contractuelle.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la banque.

Par lettre du 28 août 2015, M. [H] a été convoqué à un entretien préalable fixé au
8 septembre 2015.

Il a été licencié pour faute grave le 11 septembre 2015.

La société HSBC France occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des rappels de salaires, M. [H] a saisi le 13 octobre 2015 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 21 mars 2017, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens, rejetant toute autre demande de la société HSBC France.

Par déclaration du 30 mars 2017, M. [H] a interjeté appel de cette décision, notifiée le 25 mars 2017.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 juin 2017, M. [H] demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel du jugement rendu le 21 mars 2017 par le conseil de prud'hommes de Paris,

- infirmer le jugement en sa totalité,

En conséquence :

- déclarer la prescription acquise pour les faits sur lesquels la société HSBC France fonde son licenciement,

- dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié à l'encontre de Monsieur [H] par la société HSBC France,

- fixer son salaire moyen mensuel brut à la somme de 16.781,67 euros,

Ce faisant :

- condamner la société HSBC France à lui payer les sommes suivantes :

* 349.865,39 € bruts au titre du rappel de salaires non prescrit,

* 34.986,53 € au titre des congés pavés afférents au rappel de salaire

* 10.000 € au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

* 645.485 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 50.345 € au titre de l'indemnité de préavis

* 5.034,50 € au titre des congés payés afférents

* 43.951,99 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés pavés et de RTT

* 361.095,17 € au titre de l'indemnité de licenciement

* 100.690 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

* 73.839,33 € au titre de l'indemnité de départ/mise il la retraite

* 41.924,95 € au titre de la participation et de l'intéressement

* 19.465,37 € au titre de l'abondement sur intéressement et participation

* 5.556,06 € au titre de la mutuelle

* 16.781,67 € au titre du DIF

* 2.408,82 € au titre de l'indemnité de rentrée scolaire

* 1.000,00 € au titre de la prime de médaille CCF

- condamner la société HSBC France à régler l'intégralité des charges afférentes au rappel de salaires obtenu aux différents organismes compétents

- condamner la société HSBC France à lui remettre l'attestation d'employeur destiné au Pôle Emploi conforme, sous astreinte de 200 € par jour à compter de la notification du jugement rendu par la conseil de prud'hommes de Paris dont appel

- condamner la société HSBC France à lui remettre à l'ensemble des bulletins de paie conformes, sous astreinte de 100 € par jour à compter de la notification du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris dont appel

- condamner la société HSBC France au paiement de l'ensemble des condamnations avec intérêt au taux légal et anatocisme, à compter de la saisine du conseil

- condamner la société HSBC France à lui payer la somme de 5.000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et l'appel.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 24 août 2017, la société HSBC France demande à la cour de :

Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de M. [H] :

À titre principal :

- dire et juger que le licenciement de M. [H] repose sur une faute grave,

En conséquence,

- confirmer le jugement entrepris,

- débouter M. [H] de l'ensemble de ses demandes,

À titre subsidiaire, si votre Cour devait juger que le licenciement de Monsieur [H] ne repose pas sur une faute grave :

- dire et juger que le licenciement de Monsieur [H] repose sur une cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- débouter M. [H] de sa demande au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- ramener l'indemnité de licenciement à 57.044,82 €,

- ramener l'indemnité compensatrice de préavis à 18.138,96 €,

À titre infiniment subsidiaire, si votre Cour devait juger le licenciement de Monsieur [H] dénué de cause réelle et sérieuse :

- ramener l'indemnité de licenciement à 98.583,97 €,

- ramener l'indemnité compensatrice de préavis à 18.138,96 €,

- ramener les prétentions de Monsieur [H] à titre de dommages et intérêts à de sensiblement plus justes proportions, soit 31.964,88 € (6 mois de salaires),

Sur les demandes relatives à la prétendue rupture d'égalité de traitement invoquées par Monsieur [H]

À titre principal :

- dire et juger que M. [H] ne rapporte aucun élément matériel suffisant à l'appui de ses prétentions,

En conséquence,

- confirmer le jugement entrepris,

- rejeter l'intégralité des demandes formulées au titre d'une prétendue inégalité de traitement,

À titre subsidiaire :

- dire et juger que M. [H] n'a subi aucune inégalité de traitement,

En conséquence,

- confirmer le jugement entrepris,

- rejeter l'intégralité des demandes formulées au titre d'une prétendue inégalité de traitement,

En tout état de cause :

- confirmer le jugement entrepris et débouter M. [H] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [H] à verser à la société HSBC France 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement entrepris et condamner M. [H] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Teytaud, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 mars 2019 au jour de l'audience des plaidoiries.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à leurs conclusions écrites sur le fondement de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la prescription

Aux termes de l'article L.1332-4 du code du travail, « aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. ».

Il est acquis au débat et non utilement contesté que le règlement intérieur de la banque prévoit la possibilité de réaliser des contrôles internes du respect des obligations auxquelles sont astreints les collaborateurs.

En l'espèce, bien que l'information alertant la société HSBC France sur des faits concernant M. [H] ait été reçue le 23 mars 2015, il est établi par l'employeur que ce n'est qu'à l'issue de l'enquête interne diligentée, et à la réception du rapport d'investigation du 1er juillet 2015, dont l'appelant ne peut soutenir sans preuve que la date est douteuse et dont un extrait est produit au débat, qu'il a pu avoir une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié.

Dès lors, c'est en vain que le salarié, pour se prévaloir de la prescription, soutient que HSBC France connaissait la société AERIES depuis plusieurs années et que dès le 23 mars 2015 un message électronique l'avait alertée sur des anomalies dans la conduite d'un appel d'offre.

En conséquence la cour, confirmant le jugement entrepris, considère que les poursuites engagées le 28 août 2015, par la convocation de M. [H] à l'entretien préalable, l'ont été dans le délai de deux mois, de sorte qu'aucune prescription n'est encourue de ce chef.

Sur la demande de rappel de salaires liée à une inégalité de traitement

Il résulte du principe « à travail égal, salaire égal » dont s'inspirent les articles L.1242-14, L.1242-15, L.2261-22.9°, L.2271-1.8° et L.3221-2 du code du travail que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Il est constant que sont considérés comme des travaux ayant une valeur égale au sens de l'article L.3221-4 du code du travail, ceux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe « à travail égal, salaire égal » de soumettre au juge les éléments susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

A l'appui de ses allégations, le salarié communique un organigramme de la société, datant de 2002, qui est illisible et dans lequel il ne figure pas, ainsi que les bilans sociaux de 2013 à 2015 faisant état des salaires théoriques annuels versés au sein de la catégorie cadre ''Hors Classe''.

Cependant, l'employeur démontre que cette catégorie hétérogène, qui comprenait 779 salariés en 2015, constituait un panel comparatif trop important et inexploitable, en raison de la présence de traders et de cadres dirigeants exerçant des fonctions totalement différentes de celle exercée par M. [H];

La société HSBC produit en revanche un panel permettant d'effectuer une comparaison utile, celui constitué des ''Responsables Domaines'', exerçant des fonctions identiques à celles de M. [H], d'où il ressort que la moyenne de la rémunération annuelle, pour les salariés situés dans la tranche d'âge [55-60 ans], s'est élevée à la somme de 64.904 euros .

Or, au vu des bulletins de paie produits, la cour constate que la rémunération moyenne annuelle de M. [H], perçue sur la période de 2012 à 2015, a été supérieure à celle de ses collègues placés dans une situation identique, puisqu'elle s'est élevée à une rémunération annuelle moyenne de 70.546 euros.

Dès lors, l'écart résiduel existant entre les deux montants étant en faveur de M. [H], il ne peut être soutenu qu'il existe une inégalité de traitement.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté à bon droit M. [H] de ses demandes de rappels de salaires et d'indemnité de congés payés y afférents, de fixation de son salaire de référence et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Sur la rupture du contrat

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, énonce les éléments suivants :

« ..Vous avez été embauché le 1er juillet 1983 et vous avez fait partie de Global Change Delivery ou vous gériez les relations avec les prestataires jusqu'en juin 2013. Puis, vous avez rejoint Software Delivery ou vous occupiez, en dernier lieu, les fonctions de Responsable de Domaine.

Plus précisément, vos fonctions impliquaient un suivi des prestataires externes par la gestion des appels d'offres et la négociation des tarifs des prestations. Vos fonctions impliquaient :

- la réception des demandes des responsables de domaines.

- la définition d'une job description et de manière plus large d'un cahier des charges pour les appels d'offres. Au cours de l'entretien, vous avez précisé qu'il ne s'agissait pas à proprement parlé de cahier des charges mais plutôt de job descriptions.

- le lancement d'un appel d'offre auprès des 12 fournisseurs référencés par la Direction des Achats. Vous avez alors précisé que sur les 12 fournisseurs, il y en avait toujours 6 qui ne répondaient pas.

- la collecte et le dépouillement des retours fournisseurs avec établissement d'un document de synthèse intitulé ''dépouillement d'appel d'offre''. Lors de l'entretien, vous avez indiqué que vous faisiez simplement ''boîte aux lettres'' en transmettant ces documents aux chefs de projet.

- le fournisseur était ensuite choisi par le responsable de domaine.

Vous étiez le seul attributaire des appels d'offres, ce que vous avez confirmé.

A la suite d'un contrôle de conformité, il a été constaté une situation de conflit d'intérêts vous concernant que vous n'avez pas déclarée, ni à votre hiérarchie, ni à la DRH, ni à la conformité.

Lors de l'entretien préalable, les dispositions de l'article 10 paragraphe 1.3 du Règlement Intérieur de l'entreprise vous ont été lues :

''le collaborateur ne doit pas de placer en situation de conflits d'intérêts. ('). Le collaborateur doit donc en informer sans délai son responsable hiérarchique, la RH Métier ou le responsable local de la conformité des situations susceptibles de le placer en situation de conflit d'intérêts et se conformer aux instructions qui lui seront données afin de gérer cette situation.

Il est également interdit au collaborateur de faire, pour en tirer un avantage personnel, direct ou indirect, pour son propre compte ou pour compte de tiers, et sans autorisation préalable, toutes opérations, quelles qu'elles soient, qui pourraient constituer un conflit d'intérêts ou qui pourraient engager la responsabilité ou porter atteinte aux intérêts ou à la réputation de la banque.''

Or, il est avéré que votre épouse, Madame [J] [M] épouse [H], demeurant [Adresse 3], comme vous, est l'une des deux actionnaires de la société AERIS et ce, depuis la création de l'entreprise en 2009.

AERIS est une société de conseil qui a été créée par un ancien salarié d'HSBC France [Z] [R] que vous connaissez très bien.

Le chiffres d'affaires réalisé avec AERIS au cours de ces dernières années est le suivant:

2010

2011

2012

2013

2014

Au 31 août 2015

479K€

1313K€

1158K€

240K€

365K€

476K€

Lors de l'entretien préalable, il vous a été demandé de vous expliquer sur cette situation contraire aux règles en vigueur au sein d'HSBC. Vous avez alors répondu : ''j'ai découvert récemment que ma femme est actionnaire de cette société. Cela date de cet été.''

Il vous a alors été indiqué que cette réponse n'était pas crédible et il vous a été demandé de revoir votre réponse.

Vous avez alors maintenu votre réponse, en indiquant que vous aviez découvert ce fait lors d'une discussion avec votre épouse.

Puis vous avez demandé comment cela se faisait que cette question vous soit posée aujourd'hui alors qu'AERIS existe depuis plusieurs années.

Il vous a été répondu que si vous aviez prétendument mis 6 ans à vous rendre compte que votre épouse se trouvait être au capital d'une société à laquelle vous permettiez de réaliser un chiffre d'affaires de plusieurs centaines de milliers d'euros par an, alors vous pouviez comprendre qu'HSBC ne s'en soit rendu compte que très récemment.

Vous avez indiqué que cette situation vous ennuyait et que si vous l'aviez su plus tôt vous auriez mis fin à vos relations avec AERIS, tout en indiquant également que vous ne voyiez pas le problème car mis à part le fait que votre femme était au capital, les prestataires d'AERIS donnaient pleinement satisfaction.

Il vous a alors été indiqué que sujet n'était pas celui de la qualité des prestations fournies mais les légitimes interrogations d'HSBC sur un intéressement personnel indirect qui pouvait résulter de la situation.

Il a ensuite été rappelé que vous avez avait eu l'occasion de vous exprimer plus tôt lorsque la Direction de la Conformité vous a posé la question de savoir si vous ''entreteniez des relations autres que professionnelles avec certains fournisseurs. Vous avez alors répondu ne pas avoir de relations autres que professionnelles avec les fournisseurs. Vous avez ensuite validé le compte rendu de cet entretien le même jour.

Puis il vous a été demandé si HSBC faisait du portage salarial. Vous avez répondu par la négative.

Or, le représentant de la société C. nous a indiqué que vous lui aviez demandé de se faire porter par la société AERIS.

Vous avez indiqué que vous n'en saviez rien et que vous n'y étiez pour rien du tout.

Il vous enfin été demandé pourquoi AERIS n'a pas été référencée compte tenu du volume d'affaires traitées. Vous avez répondu que cela était du ressort de la Direction des Achats.

La situation de conflits d'intérêts avérée dans laquelle vous vous trouver est extrêmement grave et HSBC ne peut la tolérer. En conséquence, nous avons décidé de vous notifier votre licenciement pour faute grave.

La faute grave étant privative du préavis de rupture, la rupture de votre contrat de travail interviendra à la date de première présentation de la présente par les services postaux, sauf éventuelle saisine de l'une des Commissions mentionnées ci-après, cette saisine étant suspensive.

Nous vous rappelons que vous avez la possibilité de saisir par courrier recommandé avec avis de réception :

- soit la Commission Paritaire de la Banque auprès de l'Association Française des Banques ([Adresse 4]), dans un délai de cinq jours calendaires à compter de la date de première présentation de la présente,

- soit la Commission de recours internes à HSBC France, par courrier adressé à la Directrice des ressources humaines, Madame [L] [J] ([Adresse 5]), dans un délai de sept jours calendaires à compter de la date de première présentation de la présente.

Ces deux recours sont exclusifs l'un de l'autre. (...) ».

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultat du contrat de travail ou des relations de travail d'une importante telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Il appartient à l'employeur qui invoque la faute grave d'en rapporter la preuve, alors même que l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits matériellement vérifiables.

Certes, un élément de la vie privée du salarié ne peut être une cause de licenciement, excepté lorsque par son comportement, compte tenu de la nature de ses fonctions et de la finalité propre de l'entreprise, le salarié a causé un trouble caractérisé au sein de l'entreprise.

En l'espèce, l'employeur reproche au salarié une situation de conflit d'intérêts dans sa mission de suivi des prestataires externes, dans le cadre de la gestion des appels d'offres et la négociation des tarifs des prestations, et plus particulièrement de la société AERIES, société au sein de laquelle son épouse est actionnaire.

Il produit au débat le règlement intérieur de HSBC qui fait interdiction aux salariés de se placer en situation de conflit d'intérêts et rappelle à chacun des collaborateurs les procédures internes et les règles précises à adopter: « Une situation de conflit d'intérêts peut naître des relations entre le collaborateur et la banque ou entre le collaborateur et la clientèle ou les relations d'affaires de la banque.

Le collaborateur doit donc informer sans délai son responsable hiérarchique, la RH métier ou le responsable local de la conformité des situations susceptibles de le placer en situation de conflit d'intérêts et se conformer aux instructions qui lui seront données afin de gérer cette situation.

Il est également interdit au collaborateur :

- de faire, pour en tirer un avantage personnel, direct ou indirect, pour son propre compte ou pour compte de tiers, et sans autorisation préalable, toutes opérations, quelles qu'elles soient, qui pourraient constituer un conflit d'intérêts ou qui pourraient engager la responsabilité ou porter atteinte aux intérêts ou à la réputation de la banque ; (...)  »

Il ressort des dispositions claires et non équivoques de ce règlement que l'exercice des fonctions de M. [H] le soumettait à une obligation particulière de loyauté, dont l'obligation d'information de sa hiérarchie sur les situations de conflit d'intérêt, ce qu'il ne pouvait ignorer, en particulier en raison de son statut de cadre au sein de la société ; qu'à ce titre, il était soumis à l'obligation d'appliquer les normes de contrôle interne HSBC et de se soumettre à la politique de conformité du groupe.

Or, l'employeur établit qu'à l'issue d'un contrôle interne, après la mise en place d'un dispositif dit « d'alerte conformité », connu de tous les collaborateurs, il est apparu que le salarié a manqué au respect des procédures internes et à son obligation contractuelle de loyauté, en ce que, chargé d'identifier les meilleurs prestataires dans le cadre d'appels d'offres, il a eu recours à la société AERIES qui comptait parmi ses actionnaires son épouse, Mme [H], ce que le salarié n'avait jamais déclaré;

La société HSBC FRANCE justifie que cette omission constitue un manquement grave aux règles internes précédemment énoncées et à l'obligation de loyauté de son collaborateur, qui ne peut sérieusement soutenir que cette information relevait de sa vie privée;

Ainsi, la cour considère qu'il ressort de la participation de l'épouse de M. [H] au capital d'une société prestataire de la société HSBC France, que ce dernier a possédé, à titre personnel, un intérêt qui a influé sur la manière dont il s'est acquitté de ses fonctions et des responsabilités qui lui ont été confiées, le conflit d'intérêt étant aussi corroboré par la proposition d'une pratique interdite de portage salarial au profit de cette société, ce qui est mis en évidence par le rapport d'investigation interne produit au débat.

En conséquence, la réalité de la faute commise est caractérisée, ni l'ancienneté de M. [H] ni son parcours sans faille au sein de la société HSBC France ne pouvant venir en atténuer la gravité et le jugement entrepris sera confirmé, en ce qu'il a débouté le salarié de toutes ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail, comprenant également les demandes au titre de l'indemnité de départ/mise à la retraite, de la participation et de l'intéressement, de l'abondement sur intéressement et participation, de la mutuelle, de l'indemnité de rentrée scolaire et de la prime de médaille CCF.

Sur les autres demandes indemnitaires

Sur la demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés et RTT

M. [H] allègue avoir acquis 55 jours de congés payés qui ne lui ont pas été payés dans le cadre de son solde de tout compte.

En l'espèce, la cour relève que le bulletin de paie portant solde de tout compte du mois de novembre 2015 fait état des indemnités compensatrices suivantes :

- indemnité compensatrice de 9,39 jours de RTT,

- indemnité compensatrice de 13 jours de congés payés sur CET,

- indemnité compensatrice de 3,50 jours de RTT sur CET,

- indemnité compensatrice de 18 jours de congés payés acquis,

- indemnité compensatrice de 24 jours de congés payés anticipés.

Ce récapitulatif des diverses indemnités compensatrices de congés payés et de RTT est d'ailleurs corroboré par le message électronique du 26 janvier 2017 du service paie qui a arrêté les soldes de M. [H] au 19 octobre 2015.

Dès lors, en l'absence de preuve contraire rapportée par M. [H], la cour considère qu'il a été pleinement rempli de ses droits au titre de son indemnité compensatrice de congés payés et de RTT et le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande à ce titre.

Sur la demande de dommages-intérêts pour mesures vexatoires

M. [H] soutient que la rupture de son contrat de travail a un caractère vexatoire pour lequel il demande réparation.

En l'espèce, la cour constate que dès la lettre de convocation à l'entretien préalable du 28 août 2015, M. [H] a été informé de la présence des personnes qui assisteraient l'employeur mais également de la possibilité pour lui de s'y faire assister ; il a été mis en mesure de faire le choix de ne pas s'y rendre seul.

La cour relève en outre que M. [H] n'a pas fait l'objet d'une exclusion du COMEX, seule la confidentialité de la réunion ayant empêché sa présence jusqu'à la fin de celui-ci : de même, il ne rapporte pas la preuve du lien entre l'annulation du ''Point prestations de service IT'' mentionnée dans sa boîte mail et son entretien préalable du jour même.

Par ailleurs, suite à la rupture du contrat de travail du salarié, il est légitime que l'employeur ait souhaité la restitution du matériel mis à sa disposition durant la relation contractuelle, sans qu'aucun reproche ne résulte expressément du courrier du 5 novembre 2015 adressé à M. [H] en ce sens ; de même, la demande de transfert de la gestion des comptes bancaires du salarié d'une agence réservée au personnel HSBC en activité à une agence extérieure de cette même banque n'apparaît pas constitutive d'une faute ouvrant un droit à réparation pour l'appelant.

Certes, les documents de fin de contrat ont dû être modifiés en raison d'un erratum et la société HSBC France a décerné à M. [H] la médaille du travail de l'entreprise en janvier 2016, mais ces faits ne suffisent pas à caractériser une démarche vexatoire de l'employeur.

Dès lors, la cour confirmera le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [H] de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

Sur le droit individuel à la formation (DIF)

Certes, l'article L.6323-19 du code du travail imposait à l'employeur l'obligation de signifier au salarié ses droits à la formation dans le cadre d'un licenciement, mais cette obligation ne lui était plus imposée avec la création du compte personnel de formation au 1er janvier 2015.

Par ailleurs, la cour relève que M. [H] a été dûment informé de son solde d'heures acquises au titre du DIF inscrit au bas de son bulletin de paie du mois de janvier 2015, comme y était astreinte légalement la société HSBC France, de sorte qu'au jour du licenciement, la société HSBC France n'était plus tenue d'aucune obligation à ce titre, le compte personnel de formation ayant remplacé le DIF et permettant l'accès à une formation à titre individuel.

Dès lors, le préjudice allégué par M. [H] n'étant pas caractérisé, la cour confirmera le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande à ce titre.

Sur les autres demandes

M. [H], qui succombe à la présente instance, en supportera les dépens.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties le montant de leur frais irrépétibles.

Succombant au principal, M. [H] sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions;

Rejette toute autre demande;

Condamne M. [I] [H] aux dépens.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 17/04930
Date de la décision : 12/06/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°17/04930 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-12;17.04930 ?
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