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27/06/2019 | FRANCE | N°16/19691

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 27 juin 2019, 16/19691


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5



ARRÊT DU 27 JUIN 2019



(n° , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/19691 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZWD6



Décision déférée à la cour : jugement du 17 Juin 2016 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2013006376





APPELANTE



Madame [Y] [O]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 2]


née le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 3]



Représentée par Me Charles-Antoine JOLY, avocat au barreau de PARIS, toque : J150





INTIMEE



SARL BY LOVE

Ayant son siège social [Adress...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRÊT DU 27 JUIN 2019

(n° , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/19691 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZWD6

Décision déférée à la cour : jugement du 17 Juin 2016 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2013006376

APPELANTE

Madame [Y] [O]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 2]

née le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 3]

Représentée par Me Charles-Antoine JOLY, avocat au barreau de PARIS, toque : J150

INTIMEE

SARL BY LOVE

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 409 212 149

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Mathieu OFFENSTADT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1500

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Février 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Christine SOUDRY, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de chambre

Madame Christine SOUDRY, Conseillère

Madame Estelle MOREAU, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine SOUDRY dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Hortense VITELA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de chambre et par Hortense VITELA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme [Y] [O], qui exerce la profession de designer graphique en communication visuelle, a proposé à diverses maisons de champagne de réaliser des objets à partir de bouchons de champagne, notamment une montre et un éjecteur de capsule.

Pour mettre en oeuvre ce projet, elle a confié à la société By Love, spécialisée dans l'achat, la vente, la fabrication d'articles de bijouterie neufs ou d'occasion, les métaux précieux, la joaillerie et l'horlogerie, la réalisation de maquettes.

Le 16 novembre 2010, la société By Love a établi un devis pour un montant de 14.500 euros TTC, prévoyant la réalisation d'une « étude, modélisation CAO et réalisation de maquettes en argent. D'une montre en forme de bouchon de champagne avec muselet

d'un réceptacle permettant de mettre une capsule de bouchon de champagne et de l'éjecter par un ou deux boutons poussoir».

Mme [O] a versé un premier acompte de 4.000 euros le 16 novembre 2010 puis s'est acquittée du solde du prix en plusieurs fois outre une somme de 500 euros supplémentaire à la demande de la société By Love au titre de la fourniture d'un verre bombé sur mesure et de chiffres en argent découpés au laser.

Estimant que l'ensemble du travail réalisé par la société By Love ne correspondait pas à ce qu'elle avait commandé, Mme [O] lui a démandé, par lettre en date du 29 juin 2012, de procéder à la finalisation de la prestation ou, à défaut, de lui restituer les 15.000 euros qu'elle lui avait versés.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 26 septembre 2012, Mme [O] a, par l'intermédiaire de son conseil, mis en demeure la société By Love de lui payer la somme de 15.667,97 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi.

Par lettre du 3 octobre 2012, la société By Love a considéré avoir exécuté le travail commandé ; la maquette de la montre ayant été achevée début mars 2011 et la maquette du réceptacle fin mai 2012.

Le 11 octobre 2012, la société By Love a émis une facture complémentaire pour un montant de 2.500 euros correspondant à des travaux réalisés hors devis.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 6 novembre 2012, Mme [O] a mis en demeure la société By Love de lui régler une somme de 30.000 euros à titre d'indemnisation de son préjudice.

Cette mise en demeure étant demeurée vaine, Mme [O] a, par acte du 25 janvier 2013, assigné la société By Love devant le tribunal de commerce de Paris, aux fins d'obtenir la restitution des sommes versées et la réparation de son préjudice.

Par jugement du 17 juin 2016, le tribunal de commerce de Paris a :

- débouté Mme [O] de toutes ses demandes,

- débouté la société By Love de sa demande reconventionnelle de 2.500 euros, et de sa demande de dommages et intérêts de 3.500 euros ;

- condamné Mme [O] à payer à la société By Love la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant la société By Love du surplus de sa demande,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné Mme [O] à payer les dépens.

Mme [O] a interjeté appel de cette décision le 30 septembre 2016.

***

Prétentions et moyens des parties

Dans ses dernières conclusions du 20 avril 2017, Mme [O] demande à la cour de :

- infirmer le jugement dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société By Love de sa demande reconventionnelle de 2.500 euros et de sa demande de dommages et intérêts de 3.500 euros,

Statuant à nouveau,

- la dire recevable et bien fondée en ses demandes,

- dire qu'elle a contracté en qualité de non-professionnelle,

- dire et juger que son consentement a été vicié,

- dire que la société By Love a manqué à ses obligations pré-contractuelles et contractuelles,

- dire que la société By Love lui a causé un préjudice en ne réalisant pas des modèles exploitables de montre et d'éjecteur de capsule,

En conséquence,

- rejeter les demandes de la société By Love,

- prononcer la nullité du contrat pour vice du consentement,

- prononcer à titre subsidiaire la résolution du contrat au titre de la violation des obligations incombant à la société By Love,

- dire que la société By Love devra le remboursement intégral des sommes réglées, soit la somme de 15.000 euros TTC,

- condamner la société By Love à lui verser la somme de 8.000 euros à titre de réparation du préjudice causé en application de l'article 1382 du code civil,

- condamner la société By Love à lui verser la somme de 15.250 euros à titre de réparation du préjudice causé en application de l'article 1147 du code civil,

- condamner la société By Love à lui verser la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société By Love à tous les dépens conformément à l'article 699 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Me Joly de la SELARL @Mark.

A l'appui de ses demandes, Mme [O] soutient que les maquettes réalisées par la société By Love ne correspondent pas à sa commande. En ce qui concerne l'éjecteur de la breloque, elle déplore la présence d'énormes griffes peu esthétiques et d'articulations incluses dans le réceptacle le rendant très épais. En ce qui concerne la montre, elle indique s'être rendue compte que le boitier réalisé par la société By Love ne permettait pas l'insertion d'un mouvement de sorte que le modèle réalisé était inutilisable et à repenser entièrement.

Mme [O] invoque sa qualité de non-professionnelle de la bijouterie, contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, et son incapacité à évaluer le résultat du travail effectué lors de la remise des prototypes. Elle considère que le contrat conclu avec la société By Love doit être qualifié de contrat mixte, à la fois, contrat de prestation de service, pour la conception des prototypes, et contrat de vente, pour la remise desdits prototypes.

Mme [O] se prévaut de la nullité du contrat conclu avec la société By Love. Elle prétend en effet avoir commis une erreur tant sur les qualités substantielles de la chose que sur la personne de son cocontractant. Elle affirme que le contrat devait porter sur la réalisation de prototypes esthétiques et fonctionnels et que ces qualités étaient déterminantes de son consentement. Elle ajoute qu'elle pensait que la société By Love avait les compétences nécessaires à la réalisation de ces prototypes. Elle affirme ensuite que son consentement a été vicié par dol. Elle soutient que la société By Love, qui connaissait précisément ses attentes, lui a menti en lui faisant croire qu'elle était à même de réaliser ses projets alors qu'elle n'avait pas de compétence en matière d'horlogerie et n'était pas en capacité de réaliser des prototypes esthétiques et fonctionnels.

Mme [O] demande à titre subsidiaire la résolution du contrat. Elle invoque tout d'abord un non-respect de l'obligation de d'information et de conseil de la société By Love. Elle affirme que cette dernière aurait dû l'avertir de l'existence de contraintes matérielles empêchant la réalisation finale du projet. Elle reproche encore à sa cocontractante d'avoir établi un devis ambigu et succinct qui ne lui permettait pas d'apprécier le détail des étapes de la réalisation du projet en termes de prix et de quantité.

Elle fait ensuite grief à la société By Love d'avoir manqué à ses obligations contractuelles d'une part, en ne respectant pas ses directives et d'autre part, en lui délivrant des produits non-conformes, soit des produits ni esthétiques ni fonctionnels. Concernant la maquette de la montre, elle soutient que la société By Love aurait dû prévoir le verre, les aiguilles et le mouvement pour anticiper le volume définitif du bijou. Concernant l'éjecteur de capsules, elle prétend que la capsule n'est pas aisément éjectable et que le prototype est lourd alors qu'il devait s'agir d'un bijou léger. Elle reproche encore à la société By Love d'avoir choisi de réaliser les prototypes en argent, ce qui ne permettait pas d'ajustements. Elle observe que la réalisation de prototypes en cire aurait permis les ajustements nécessaires.

Elle soutient que la société By Love doit être qualifiée de maître d''uvre et aurait dû l'informer des conséquences d'une réception sans réserve des prototypes. Elle ajoute qu'en ce qui concerne la montre, l'impossibilité d'intégrer un mouvement n'était pas apparente à la réception.

Elle estime que le manquement de la société By Love à son devoir d'information et de conseil lui a causé un préjudice puisqu'il a mis en péril la réalisation de son projet de vente des prototypes aux grandes maisons de champagne. Elle demande ainsi l'allocation d'une somme de 8 000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité délictuelle.

Sur le fondement de la responsabilité contractuelle, elle soutient que les fautes de la société By Love l'ont contrainte à engager des frais supplémentaires pour permettre la réalisation de prototypes exploitables en faisant appel à d'autres professionnels.

En réponse aux demandes reconventionnelles adverses, Mme [O] soutient que la seconde maquette en argent de l'éjecteur de capsule a été réalisée sans son accord et ne tient pas compte de ses indications et qu'aucune mauvaise foi ne peut lui être reprochée dans l'exercice de son droit d'ester en justice.

Dans ses dernières conclusions du 11 octobre 2017, la société By Love, demande à la cour de :

- dire Mme [O] irrecevable en ses demandes visant à voir prononcer la nullité du contrat et, à titre subsidiaire, la résolution du contrat,

- dire, en tout état de cause, ces demandes infondées,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 17 juin 2016 dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle formée au titre des sommes restant dues pour le travail effectué et de celle formée au titre de la réparation du préjudice moral subi et de la procédure abusivement mise en 'uvre,

- l'infirmant de ces chefs et statuant à nouveau,

- condamner Mme [O] à lui payer la somme de 2.500 euros au titre des sommes restant dues pour le travail effectué,

- condamner Mme [O] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de la réparation du préjudice moral subi et de la procédure abusivement mise en oeuvre,

- dire et juger que les condamnations seront assorties des intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- condamner Mme [O] à lui payer la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'appel,

- condamner Mme [O] au paiement des entiers dépens d'appel.

La société By Love invoque l'irrecevabilité des demandes de Mme [O] tendant à obtenir l'annulation du contrat pour vices du consentement ou la résolution du contrat faute d'avoir été présentées en première instance, en même temps que sa demande formée au titre de la responsabilité contractuelle sur le fondement de l'article 1147 du code civil.

Sur les vices du consentement invoqués, elle prétend que l'absence de caractère esthétique et fonctionnel des maquettes n'est pas démontré et qu'en tout état de cause, une telle absence ne peut être qualifiée d'erreur sur les qualités substantielles dès lors que le caractère contractuel de ces qualités n'est pas démontré. Elle affirme ensuite que ses compétences pour réaliser les maquettes ne peuvent être discutées. Elle ajoute que le dol allégué n'est nullement établi.

La société By Love prétend par ailleurs avoir parfaitement exécuté ses obligations. Elle commence par expliquer qu'elle s'était engagée à réaliser deux maquettes, qui constituent une étape dans la fabrication du bijou, et non un prototype qui se définit comme un objet fini avant lancement de la production en série. Elle considère avoir réalisé deux maquettes en argent conformément au devis. Elle ajoute qu'eu égard à la complexité du résultat et du mécanisme à faire fonctionner, la maquette ne pouvait être réalisée en cire. Elle précise avoir respecté les règles de l'art, ainsi qu'en témoignent plusieurs attestations. Elle ajoute que Mme [O] n'a émis aucune critique ou mécontentement lors de la phase de réalisation des maquettes, a accepté la réception des marchandises sans réserves et s'est acquittée du solde du prix concernant la maquette de la montre et de la première maquette de l'éjecteur. Elle considère ainsi que les défauts de conformité et les défauts apparents sont couverts par la réception.

Elle ajoute que Mme [O] n'apporte la preuve ni de l'inexécution contractuelle alléguée ni d'un quelconque préjudice à ce titre. Ainsi elle considère que le caractère inexploitable des maquettes n'est pas établi. En ce qui concerne les préjudices invoqués, elle estime que l'appelante ne démontre pas que les maquettes qu'elle a confectionnées seraient à l'origine de l'échec de son projet.

Elle dément enfin tout manquement à une obligation d'information et de conseil. Sur ce point, elle invoque la qualité de professionnelle avertie de Mme [O] et le fait que celle-ci ne peut invoquer le bénéfice des articles L.111-1 et L.111-2 du code de la consommation relatifs à l'obligation d'information et de conseil du professionnel à l'égard du consommateur. En outre, elle soutient que Mme [O] a participé à l'élaboration des différentes maquettes dont elle a pu apprécier les caractéristiques et qu'en tant que graphiste en communication visuelle, elle n'avait pas besoin de ses conseils pour apprécier le caractère esthétique des maquettes à leur réception. Elle ajoute qu'elle n'était pas tenue d'une obligation d'information quant aux conséquences d'une acceptation sans réserve de la marchandise. En tout état de cause, elle affirme que Mme [O] disposait des informations nécessaires dans le devis sur la matière utilisée, les méthodes de travail et le prix.

A l'appui de ses demandes reconventionnelles, la société By Love prétend que Mme [O] doit lui régler une somme de 2.500 euros au titre de la seconde maquette de l'éjecteur de capsule qu'elle lui a fait réaliser et qui n'était pas prévue dans le devis initial. Elle considère également que la procédure intentée est abusive, ce qui est à l'origine d'un préjudice moral.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour l'exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 31 janvier 2019.

***

MOTIFS :

Sur la recevabilité des demandes de nullité et de résolution du contrat

Considérant qu'en application de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ;

Considérant en outre que l'article 565 du même code dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ;

Considérant que l'article 566 du même code dans sa version applicable au litige prévoit que les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ;

Considérant qu'en l'espèce, Mme [O] a, en première instance, sollicité le remboursement de la somme de 15.000 euros versée à la société By Love et la condamnation de cette dernière à des dommages et intérêts d'abord sur le fondement de l'article 1382 du code civil puis sur celui de l'article 1147 du code civil; qu'en appel, Mme [O] demande, outre la restitution de la somme versée et le versement de dommages et intérêts, la nullité du contrat conclu avec la société By Love et à titre subsidiaire, sa résolution ;

Considérant qu'en première instance, Mme [O] n'a à aucun moment contesté la validité du contrat conclu avec la société By Love ni demandé son anéantissement rétroactif ; que cette demande sera en conséquence déclarée irrecevable comme étant nouvelle en appel;

Considérant en revanche que si aucune demande de résolution du contrat conclu avec la société By Lova n'a été présentée en première instance, il n'en demeure pas moins que Mme [O] avait formulé une demande de restitution des sommes versées de sorte que la demande de résolution était virtuellement comprise dans les demandes soumises au premier juge ; que cette demande sera donc déclarée recevable ;

Sur l'exécution du contrat

Sur les manquements contractuels de la société By Love

Considérant qu'à titre liminaire, il convient de qualifier le contrat, objet du présent litige;

Considérant que le devis établi par la société By Love le 16 novembre 2010 portait sur une « montre muselet et (un) éjecteur capsule de champagne » et mentionnait « étude, modélisation CAO (Conception Assistée par Ordinateur) et réalisation de maquettes en argent. D'une montre en forme de bouchon de champagne avec muselet. D'un réceptacle permettant de mettre une capsule de bouchon de champagne et de l'éjecter par un ou deux boutons poussoir».

Considérant qu'il s'agissait ainsi pour la société By Love d'étudier, de modéliser et de réaliser les maquettes d'une montre en forme de bouchon de champagne et d'un éjecteur de capsule de bouchon de champagne conçus par Mme [O] afin que celle-ci puisse les présenter à diverses maisons de champagne pour en faire des objets dérivés ;

Considérant que dans la mesure où la société By Love était chargée d'exécuter un travail spécifique pour les besoins particuliers de Mme [O], le contrat litigieux doit être qualifié de contrat d'entreprise ;

Considérant que Mme [O] se plaint tout d'abord d'une non-conformité des objets remis par rapport à la commande ;

Considérant que la société By Love était tenue d'une obligation de résultat à cet égard et devait remettre à Mme [O] un ouvrage conforme à ce qui était convenu ;

Considérant que contrairement à ce que soutient Mme [O], il est bien spécifié au devis que l'ouvrage attendu de la société By Love consistait en des maquettes et non des prototypes et que le matériau utilisé pour ces maquettes serait de l'argent; que Mme [O] ne saurait donc faire grief à la société By Love d'avoir réalisé des maquettes en argent; qu'il sera relevé qu'une maquette est destinée à visualiser le volume et l'épaisseur de l'objet tandis qu'un prototype a pour but de faire des tests avant de commencer à produire et commercialiser la version finale du produit et permet l'usage de fonctionnalités ;

Considérant qu'en ce qui concerne tout d'abord l'éjecteur de capsule, Mme [O] déplore la présence d'énormes griffes peu esthétiques et d'articulations incluses dans le réceptacle le rendant très épais ; qu'elle soutient encore que la capsule n'est pas aisément éjectable et que le prototype est lourd alors qu'il devait s'agir d'un bijou léger ;

Considérant toutefois que ces défauts de conformité étaient apparents ; qu'il ressort d'une lettre du conseil de Mme [O] datée du 26 septembre 2012 que celle-ci s'est acquittée du solde du prix des deux maquettes le 12 mai 2012, soit après livraison de la maquette de montre, au mois de mars 2011, puis de la maquette d'éjecteur de capsule, au mois de mai 2012 ; que ce n'est que le 29 juin 2012, plusieurs semaines après avoir reçu livraison des maquettes des deux objets et payé l'intégralité du prix, qu'elle s'est plainte par écrit de défauts apparents concernant la maquette de l'éjecteur de capsule consistant en un manque de légèreté et en un grippage du système étant relevé que dans ses écritures, Mme [O] se plaint de défauts esthétiques tels que la présence d'énormes griffes et d'articulations incluses dans le réceptacle le rendant très épais ; que toutefois en payant la totalité du prix après livraison des travaux confiés à la société By Love et en ne rapportant pas la preuve d'avoir formulé des réserves, Mme [O] a réceptionné tacitement la maquette ; que l'absence de réserves purge l'absence de conformité apparente et tous les défauts apparents ; qu'en outre, à l'inverse de ce que prétend Mme [O], la société By Love n'avait aucun devoir de la mettre en garde contre les effets d'une réception sans réserves ; que dans ces conditions, Mme [O] ne saurait reprocher à la société By Love d'avoir réalisé une maquette de breloque non conforme à la commande ;

Considérant qu'en ce qui concerne la montre, Mme [O] fait grief à la société By Love d'avoir réalisé un boîtier de montre qui ne permet pas l'insertion d'un mouvement de sorte que le modèle réalisé est inutilisable et à repenser entièrement; qu'il ressort effectivement de l'attestation de M. [S] [V], expert horloger (pièce 22 de l'appelante) que: « L'utilisation d'un mouvement mécanique de type Jaeger Lecoultre à tige de remontoir sur le fond de boîte pourrait être envisagée en modifiant sensiblement le boîtier. De même, l'adaptation d'un mouvement à quartz ETA à commande sur le fond avec mise à l'heure par stylet serait possible. Ces modifications entraineraient cependant une étude de recherche et de développement pour que cette montre devienne fonctionnelle. » ainsi que de l'attestation de M. [X] [N], restaurateur de montres, que : « Le 7 avril 2015, Mme [O] [Y], m'a remis un prototype de montre en argent non finalisé, ainsi qu'un mouvement ETA EO1 701 aiguillage 4 brides d'emboitage 1540 04000, afin que je le monte dans le boîtier pour le rendre fonctionnel. Une platine de ce mouvement était déjà positionnée sous le cadran. Il s'avère que ce mouvement ne convient pas au boîtier de la montre réalisé. Le cadran ainsi que le verre étant très bombés, la tige du mouvement permettant la mise à l'heure en l'état actuel du montage prévu par le prototypeur, passerait à travers le verre plutôt qu'à travers le boîtier. Une étude sérieuse du boîtier et de l'attache du muselet est à faire et sera menée en parallèle de la recherche d'un mouvement spécifique. »; qu'ainsi les éléments produits aux débats par Mme [O] démontrent que la maquette de montre qui lui a été remise par la société By Love ne permet pas de contenir un mouvement; que ces attestations précises et concordantes démentent l'attestation de M. [E] [Q], expert en restauration de pendules anciennes, produite par la société By Love, selon laquelle « l'étude (en dessin numérique présentée par la société By Love) de disposition d'un mouvement ETA EO1 701 a parfaitement été étudiée permettant la mise en 'uvre de la réalisation industrielle horlogère future » ; que si la maquette d'un objet est destinée à en visualiser le volume et l'épaisseur, encore faut-il que ce volume et cette épaisseur soient adaptés à l'utilité de l'objet réel; qu'une maquette de montre dont l'épaisseur et le volume ne permettent pas d'intégrer un mouvement ne peut être considérée comme conforme à la commande; que le jugement entrepris sera infirmé de ce chef;

Considérant que Mme [O] reproche ensuite à la société By Love de ne pas avoir tenu compte de ses consignes et des corrections demandées; que toutefois Mme [O] ne démontre pas avoir adressé à la société By Love des consignes précises ou des demandes de corrections qui n'auraient pas été respectées ; qu'aucune faute n'est établie de ce chef à l'encontre de la société intimée ;

Considérant que Mme [O] prétend encore que la société By Love aurait manqué à son obligation d'information et de conseil d'une part, en préconisant l'utilisation de l'argent pour la réalisation des maquettes, alors que ce matériau est difficilement modifiable et serait donc inadapté pour la réalisation de maquettes, et d'autre part, en établissant un devis trop succinct qui ne détaillait pas les différentes étapes de la réalisation du projet ;

Considérant qu'il sera rappelé que contrairement à ce que soutient la société By Love, le professionnel est tenu d'une obligation d'information et de conseil non seulement à l'égard du profane mais encore à l'égard du professionnel dans l'hypothèse où la compétence de ce dernier ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques de l'objet du contrat; qu'en l'espèce, Mme [O] a bien contracté avec la société By Love en qualité de professionnelle mais de spécialité différente ; qu'en effet, Mme [O] exerce la profession de designer graphique en communication visuelle tandis que la société By Love est bijoutier horloger ; qu'ainsi la société By Love était tenue d'un devoir d'information et de conseil quant à la prestation qu'elle se proposait de fournir ;

Considérant toutefois qu'en ce qui concerne le choix de l'argent comme matériau pour les maquettes et le fait qu'il s'agisse d'un matériau difficilement modifiable, il résulte des pièces versées aux débats (devis, attestations de M. [A] [K], expert en jouaillerie, et de M. [W] [C], ouvrier en joaillerie ayant participé à la réalisation des maquettes) que les maquettes litigieuses ont été réalisées grâce à la technique de la conception assistée par ordinateur; qu'ainsi un dessin en trois dimensions a d'abord été réalisé sur ordinateur, puis une fois la modélisation validée, une cire a été réalisée par une imprimante en trois dimensions et en dernier lieu, une maquette a été réalisée en argent; qu'ainsi qu'en atteste M. [K], « En raison de la complexité du résultat et du temps passé, le mécanisme à faire actionner (de l'éjecteur de capsule) ne pouvait être réalisé en cire traditionnelle et nécessitait donc une maquette en métal. L'incidence du poids et du coût du métal sont négligeables au regard du coût du travail d'élaboration, il s'agit d'une maquette de présentation, et il appartiendra au client final de choisir la matière dans laquelle seront fabriquées les versions définitives. »; que dès lors que le dessin en trois dimensions et la cire permettaient des ajustements, le choix de l'argent comme matériau importe peu; qu'il sera à cet égard relevé que Mme [O], bien que sa spécialité soit distincte de celle de la société By Love, ne pouvait ignorer qu'un bijoutier joaillier ne travaille que des métaux précieux; qu'aucun défaut d'information n'est donc démontré de ce chef ;

Considérant qu'en ce qui concerne le devis, il mentionne: « étude, modélisation CAO et réalisation de maquettes en argent.

D'une montre en forme de bouchon de champagne avec muselet

D'un réceptacle permettant de mettre une capsule de bouchon de champagne et de l'éjecter par un ou deux boutons poussoir

Prix ttc 14 500 € ».;

Considérant qu'eu égard aux montants en jeu ainsi qu'à la technicité de la prestation, force est de constater qu'un tel devis apparaît trop succinct ; qu'il n'indique ni les étapes du processus de réalisation des maquettes ni ne détaille le prix de chacune des maquettes; que néanmoins Mme [O] ne démontre aucun préjudice résultant de ce manque d'information et notamment que ce défaut d'information serait à l'origine de l'échec de son projet ; que sa demande de dommages et intérêts sur ce point sera rejetée ;

Sur la demande de résolution

Considérant qu'en vertu de l'article 1184 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement ; que dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit; que la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts; que la résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances ;

Considérant qu'en l'espèce, il résulte de ce qui précède que la société By Love a manqué à son obligation de délivrance conforme concernant la maquette de montre; qu'en revanche, aucun manquement ne peut lui être reproché concernant la maquette d'éjecteur de capsule ; que quoique faisant partie d'un même contrat, la réalisation de ces deux maquettes était indépendante; que rien ne justifie la résolution du contrat en ce qu'il porte sur la réalisation de la maquette d'éjecteur de capsules; que dans ces conditions, la cour prononcera la résolution partielle du contrat d'entreprise conclu entre Mme [O] et la société By Love en ce qu'il porte sur la réalisation de la maquette de montre ; que le surplus de la demande de résolution sera rejeté ;

Considérant qu'au vu des éléments produits aux débats, il y a lieu de dire que la partie du prix convenu au contrat d'entreprise correspondant à la maquette de montre s'élevait à 10.000 euros ; que la société By Love sera en conséquence condamnée à restituer à Mme [O] une somme de 10.000 euros à ce titre ; que le surplus de la demande de restitution correspondant au prix de la maquette de l'éjecteur de capsule sera écarté ;

Sur la demande de dommages et intérêts complémentaires

Considérant que Mme [O] prétend que les manquements contractuels de la société By Love l'ont contrainte à engager des frais supplémentaires auprès de sociétés tierces pour réaliser son projet ;

Considérant que le seul manquement contractuel établi à l'encontre de la société By Love, outre le manquement à l'obligation d'information et de conseil résultant du caractère succinct du devis, consiste en un défaut de conformité de la maquette de montre ; que toutefois Mme [O] n'établit subir aucun préjudice résultant de ce défaut de conformité et subsistant à la suite de la résolution partielle du contrat d'entreprise ; qu'en effet, outre le fait qu'à l'appui de sa demande, elle ne produit qu'un devis pour la réalisation d'une maquette en stéréolithographie d'une montre, ce qui est impropre à établir un préjudice financier, force est de constater que les frais engagés auprès des sociétés tierces pour réaliser une maquette de montre sont inhérents à son projet et ne résultent pas de la faute de la société By Love; que la demande de dommages et intérêts de Mme [O] au titre du préjudice financier allégué sera rejetée ;

Sur la demande reconventionnelle en paiement

Considérant que la société By Love revendique le paiement d'une somme de 2.500 euros au titre de travaux supplémentaires demandés par Mme [O] au titre de la maquette d'éjecteur ; qu'elle explique en effet avoir réalisé une maquette en argent de l'éjecteur de capsule après validation par Mme [O] de la modélisation présentée et que malgré cette validation, Mme [O] aurait sollicité de nouvelles modifications de sorte qu'elle a dû réaliser une autre maquette en argent qui n'était pas prévue au devis ;

Considérant toutefois que la société By Love ne démontre pas que Mme [O] lui a commandé une seconde maquette en argent; que Mme [O] soutient en effet que cette seconde maquette a été réalisée par la société By Love de sa propre initiative ; que dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de ce chef ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'aucun abus de procédure ne peut être reproché à Mme [O] ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a écarté la demande de dommages et intérêts de la société By Love pour procédure abusive ;

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Considérant que la société By Love succombe partiellement; que le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a condamné Mme [O] aux dépens de première instance ainsi qu'à régler à la société By Love une somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles ; que la société By Love sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ; que Me Joly sera autorisé à procéder au recouvrement des dépens de l'instance d'appel selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile; que la société By Love sera condamnée à régler à Mme [O] une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

DÉCLARE irrecevable comme étant nouvelle en appel la demande de Mme [O] tendant à la nullité du contrat conclu avec la société By Love selon devis accepté du 16 novembre 2010 ;

DÉCLARE recevable la demande de Mme [O] tendant à la résolution du contrat conclu avec la société By Love selon devis accepté du 16 novembre 2010 ;

INFIRME le jugement du tribunal de commerce de Paris du 17 juin 2016 en ce qu'il a débouté Mme [O] de l'ensemble de ses demandes et en ce qu'il a condamné Mme [O] aux dépens de première instance ainsi qu'à régler à la société By Love une somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles ;

Statuant de nouveau,

DIT que la société By Love n'a pas livré à Mme [O] une maquette de montre conforme au contrat d'entreprise conclu le 16 novembre 2010 ;

PRONONCE la résolution partielle du contrat d'entreprise conclu entre Mme [O] et la société By Love portant sur la réalisation de la maquette de montre ;

CONDAMNE la société By Love à restituer à Mme [O] une somme de 10.000 euros à ce titre ;

DÉBOUTE Mme [O] du surplus de sa demande de résolution et de restitution du prix ainsi que de ses demandes de dommages et intérêts ;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de la société By Love ainsi que sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société By Love à régler à Mme [O] une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société By Love aux dépens de première instance et d'appel ;

DIT que Me Joly sera autorisé à procéder au recouvrement des dépens de l'instance d'appel selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes.

Le Greffier Le Président

Hortense VITELA Patrick BIROLLEAU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 16/19691
Date de la décision : 27/06/2019

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°16/19691 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-27;16.19691 ?
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