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27/06/2019 | FRANCE | N°17/05771

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 27 juin 2019, 17/05771


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 27 JUIN 2019



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/05771 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3EHW



Décision déférée à la Cour : Arrêt du 05 Avril 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 15/11294





APPELANT



Monsieur [T] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représen

té par Me Pascale GUYARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C0547





INTIMÉE



SAS SYMAG

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Marie-aude MAHON DE MONAGHAN, avocat au barreau d...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 27 JUIN 2019

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/05771 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3EHW

Décision déférée à la Cour : Arrêt du 05 Avril 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 15/11294

APPELANT

Monsieur [T] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Pascale GUYARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C0547

INTIMÉE

SAS SYMAG

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Marie-aude MAHON DE MONAGHAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0098

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 février 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente

Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère

Monsieur François MELIN, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Anna TCHADJA-ADJE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre et par Anna TCHADJA-ADJE, Greffier présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

Par un contrat à durée indéterminée du 1er juin 2005, M. [S] a été engagé en qualité d'ingénieur commercial par la société Laser Symag, devenue la société Symag, qui a une activité d'éditeur de logiciels et prestataire de services pour les métiers du commerce et qui comptait environ 219 salariés.

M. [S] a été licencié pour insuffisance professionnelle le 13 août 2015.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, M. [S] a saisi le 29 septembre 2015 le conseil de prud'hommes de Paris pour obtenir le paiement de diverses sommes.

Par un jugement du 5 avril 2017, le conseil a débouté M. [S] de l'intégralité de ses demandes et la société Symag de sa demande de frais irrepétibles et a condamné le salarié aux dépens.

M. [S] a formé appel de ce jugement le 13 avril 2017.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Par des conclusions transmises le 14 janvier 2019, M. [S] demande à la cour de :

- juger qu'à défaut d'accord exprès par lui des plans de commissionnement successifs appliqués unilatéralement par l'employeur, seul le plan de commissionnement annexé au contrat de travail initial a vocation à s'appliquer ;

- condamner la société Symag à lui verser la somme de 146 688 € à titre de rappels de commissions, outre 14 668 € au titre des congés payés afférents ;

- juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société à lui verser la somme nette de toutes charges et de toutes taxes de 100.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre une somme de 3.600 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir sans constitution de garantie,

- condamner la société Symag aux entiers dépens.

M. [S] conteste le licenciement pour insuffisance professionnelle, pour les motifs suivants :

' concernant le reproche d'une absence d'anticipation et de stratégie sur le compte Franprix Leader Price, il indique que la dégradation de la relation avec ce client ne lui est pas imputable, que quatre commerciaux s'étaient succédés sur ce compte depuis l'année 2009, que compte tenu du caractère très technique du contrat, toute évolution passait par le département projet informatique, que ce compte relevait de la responsabilité du service manager, que le directeur des services informatiques de l'entreprise Franprix Leader Price était exaspéré par l'employeur, que les causes de son mécontentement concernaient des questions techniques ou de devis dont le montant dépendait du directeur du pôle conseil et projet et non pas de lui-même, et qu'il avait lui-même anticipé la difficulté dès le mois de septembre 2013 ;

' concernant le reproche d'une absence de réponse à une demande de définition de stratégies en mai 2014, M. [S] indique ne pas avoir de souvenir d'une telle demande mais avoir élaboré des offres en relation avec le directeur des opérations ;

' concernant le reproche tenant au fait qu'il n'aurait pas tiré profit des aides apportées par la société, celui-ci indique qu'en réalité ces aides ont concerné tous les commerciaux et même la direction, s'agissant d'un coaching ;

' concernant le reproche d'un défaut d'application des procédures en vigueur dans l'entreprise, M. [S] indique que la société fait preuve de mauvaise foi, qu'elle lui reproche d'avoir écrit un mail le 11 mars 2015 exprimant son opposition à l'application des nouvelles conditions générales de vente, que ce mail étant ancien, le reproche est prescrit, qu'en réalité, il a écrit dans ce mail qu'il n'était pas question de remettre en cause les process, qu'il conteste en toute hypothèse les reproches qui lui sont adressés en ce qui concerne le client Unifrais, et que la colère de ce client était en réalité due au service recouvrement qui a fait bloquer son compte ;

' concernant la signature du contrat Franprix Leader Price, le salarié indique que la société Symag lui reproche de ne pas avoir relancé ce client pour qu'il signe son contrat de service encaissement dans sa quatrième version, qu'elle est toutefois de mauvaise foi, que malgré les relances du salarié, le client a fait traîner le dossier de manière délibérée, et que ses supérieurs étaient parfaitement informés de la situation ;

' concernant le dossier monétique Ingenico, le salarié indique que la société Symag lui reproche la perte du dossier, qu'il est pourtant intervenu pour connaître le coût de l'évolution du produit que l'entreprise Ingenico proposait, qu'il a reçu l'offre commerciale plus de sept mois après sa demande, que M. [S] a donc été empêché pour des raisons indépendantes de son pouvoir de mener à bien le contrat.

M. [S] fait par ailleurs valoir qu'il était contractuellement prévu que ces objectifs seraient fixés au début de chaque année par un avenant, qu'il n'a jamais agréé par la suite les plans de commissionnement qui lui étaient transmis mais qu'il s'est borné à en accuser réception, que le seul avenant applicable est donc celui de l'année 2005 annexé à son contrat de travail, que contrairement à ce qu'a retenu le conseil de prud'hommes, son acceptation ne pouvait pas résulter de la signature des plans de commissionnement car cette signature ne faisait que donner acte de la remise des documents, que son silence ne valait pas non plus acceptation, et qu'il y a donc lieu de réformer le jugement et de faire application du plan de commissionnement de 2005 dans la limite de la prescription.

Par des conclusions transmises le 12 juillet 2017, la société Symag demande à la cour de :

' constater que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

' constater que les griefs faits à l'encontre de l'employeur ne sont pas fondés ;

' confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;

' débouter M. [S] de sa demande de 400'423 € ou, subsidiairement 185'787 €

au titre du prétendu licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' débouter M. [S] de ses demandes de rappels de commissions 146'688 € ;

' débouter le salarié de sa demande de 3600 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' le débouter de l'ensemble de ses demandes ;

' le condamner à payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

Concernant la rupture du contrat de travail, la société Symag indique que le licenciement pour insuffisance professionnelle est fondé au regard des éléments suivants :

' M. [S] gérait de manière insatisfaisante ses comptes client depuis plus d'un an et particulièrement depuis l'année 2015, malgré plusieurs alertes en 2014 sur son manque d'anticipation et de réflexion stratégique sur le compte client Franprix leader Price, malgré la mise en place d'un back office commercial pour l'aider à progresser et malgré un coaching individuel par un cabinet externe spécialisé du mois de novembre 2014 au mois de mai 2015. L'employeur indique que M. [S] attribue aux autres ses propres défaillances, qu'il ne lui reproche pas la dégradation de sa relation avec ce client mais une gestion insatisfaisante de ses comptes caractérisés et que l'un des objectifs prioritaires du salarié au titre de l'année 2015 avait été la reconquête de ce client avec une accentuation de sa démarche commerciale. L'employeur précise qu'en tant que responsable commercial chargé des grands comptes, le salarié devait développer et entretenir un portefeuille de clients qui lui était confié chaque année, que concernant ce client Franprix leader Price, le directeur général l'avait alerté de la nécessité de faire signer d'urgence un protocole à celui-ci par un mail du 29 janvier 2014, que cette alerte a été réitérée le 17 février 2014 puis le 5 mai 2014, que M. [S] est toutefois resté passif, que son manque d'anticipation a donc été préjudiciable à l'entreprise, que le directeur général a été contraint de demander au supérieur hiérarchique du salarié de monter lui-même au créneau, qu'il en résulte que la gestion des comptes clients de M. [S] était bien insatisfaisante malgré la mise en place d'un coaching individuel et un back office commercial ;

' M. [S] ne respectait pas les procédures en vigueur, s'est opposé aux nouvelles conditions générales de vente en mars 2015, n'a pas appliqué pas la procédure de recouvrement des impayés en juin 2015 ce qui a abouti au blocage des comptes d'un client;

' M. [S] n'a pas anticipé la gestion du portefeuille clients et a fait preuve de passivité, notamment vis-à-vis d'un important client historique en juin 2015, avec une absence d'initiative pour tenter de récupérer une affaire monétique soi-disant perdue, alors pourtant que la reprise de la relation commerciale par un autre salarié a permis de faire avancer favorablement l'affaire.

Concernant la demande de rappel de commissions et des congés payés afférents, la société Symag indique que cette demande est évidemment opportuniste compte tenu de l'ancienneté des sommes réclamées, que le salarié a d'ailleurs dû limiter ses demandes en raison de la prescription triennale, que M. [S] imagine pouvoir remettre en cause le montant des commissions qu'il a perçues alors pourtant qu'il a accepté chaque année tous les plans de commissionnement qui fixent non seulement les modalités de la rémunération variable mais qui définissent en outre les objectifs individuels, le portefeuille de clients affecté au salarié ainsi que les dispositions générales du système de commissionnement. La société Symag ajoute que ces plans étaient remis chaque année au salarié, qu'il les a acceptés, qu'il n'a jamais contesté le montant des commissions qui lui ont été versées depuis 2005, qu'il n'a jamais remis en cause le portefeuille de clients qui lui étaient affectés ou les objectifs individuels fixés par ces plans, que ces éléments établissent que le salarié a pleinement accepté chaque année les plans de commissionnement, qu'il les a signés en 2013, 2014 et 2015 et qu'il a même rectifié de façon manuscrite celui de l'année 2013, et que le salarié ne peut donc pas de bonne foi remettre en cause l'application de ces plans.

MOTIFS

1) Sur le licenciement

Par un courrier du 13 août 2015, la société Symag a notifié à M. [S] son licenciement, dans les termes suivants :

'La présente fait suite à l'entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement qui s'est déroulé le 27 Juillet 2015 à [Localité 1] en la présence de M. [H] [O] et de moi-même. M. [N] [N] vous accompagnait.

Lors de cet entretien, vous ont été exposés les faits que nous avons à vous reprocher et qui nous ont conduits à envisager à votre égard une mesure de licenciement.

Ces griefs sont les suivants :

Vous êtes employé par la société Symag LaSer Symag depuis le 13/06/2005, en tant que Responsable de Compte, statut cadre, au sein du service commercial. Dans ce cadre, des comptes clients vous sont affectés en gestion.

Or, depuis plus d'un an et plus particulièrement en 2015, nous déplorons une gestion tout à fait insatisfaisante de vos comptes clients, une absence d'anticipation et une passivité générale face à la relation avec vos clients.

En 2014, il y avait déjà eu plusieurs alertes concernant votre manque d'anticipation et de réflexion stratégique sur les comptes clients dont vous avez la gestion. Ainsi, en février 2014, c'est le directeur de projet qui a informé la Direction que votre client Franprix Leader Price réalisait des études avec nos concurrents. Le recueil et la transmission à votre Direction de ce type d'information importante et déterminante pour la gestion des clients, fait pourtant pleinement partie de vos missions. Egalement, en mai 2014, la Direction vous a demandé votre stratégie de compte Franprix Leader Price. Cette demande est restée, encore à ce jour, sans réponse.

Face à ces difficultés dans la tenue de votre poste, nous avons pris des mesures destinées à vous permettre de progresser. Ainsi, depuis avril 2015, nous avons mis en place un back office commercial afin de vous décharger de certaines tâches administratives et ainsi de vous libérer du temps afin de vous concentrer sur votre relation client.

Nous avons également mis en oeuvre un coaching individuel avec un cabinet externe spécialisé pour vous faire progresser. Ce coaching s'est déroulé de novembre 2014 à mai 2015.

Par ailleurs, vous n'appliquez pas les procédures en vigueur dans l'Entreprise. Ainsi, en mars 2015, vous nous écrivez un mail exprimant votre opposition à l'application des nouvelles Conditions Générales de Vente (C.G.V.). Il s'agit pour nous d'une grande incompréhension car les nouvelles CGV sont faites pour protéger les intérêts de l'entreprise Laser Symag et il est essentiel pour un responsable de compte de les connaître et appliquer, d'autant plus au vu de l'état de gestion de vos comptes clients qui comportent nombre de retards de paiement.

Notre incompréhension sera encore plus grande lorsqu'en juin 2015, vous avez semblé découvrir la procédure de recouvrement en vigueur dans l'Entreprise. Concernant les impayés de votre client UNIFRAIS et des CGV non signées, d'une part vous avez laissé la situation se détériorer jusqu'au blocage des comptes du client extrêmement mécontent, d'autre part vous avez demandé à stopper l'application de la procédure interne relative au recouvrement, au lieu de mettre en place, comme cela se pratique habituellement dans pareille situation, un plan d'actions de recouvrement. Cette gestion n'est pas à la hauteur de nos attentes pour un responsable de compte expérimenté tel que vous.

En juin 2015, nous sommes encore dans l'obligation de vous relancer sur la signature du contrat client Franprix Leader Price. Votre réponse marque à nouveau notre incompréhension : il s'avère qu'il n'y a ni plan de compte ni plan d'actions. Vous nous répondez seulement, de manière laconique, que le projet de contrat est dans les mains du client depuis avril 2015, sans autre commentaire. Vous êtes ainsi resté pendant 1,5 mois sans communication, anticipation, action, mesure, stratégie à l'égard de ce client qui, de surcroît, est un client historique et important pour LaSer Symag. Là encore, vous attendez passivement la relance de la Direction...

En ce début d'année 2015, vous nous annoncez qu'une affaire monétique avec notre client Franprix Leader Price est perdue. Nous constatons alors que malheureusement, comme à votre habitude, vous n'avez mis en place aucun plan d'action, aucune anticipation, aucune stratégie de compte. La Direction s'est donc trouvée contrainte de demander à M. [S] [K] de reprendre la relation avec le client et nous constatons déjà une nette amélioration dans l'avancement de cette affaire depuis quelque semaines. Votre absence de gestion de la relation client qui vous a été confiée est tout à fait inacceptable.

La Direction est ainsi contrainte d'intervenir régulièrement dans la gestion de vos comptes, ce qui ne devrait pas être nécessaire à votre niveau de poste. Votre absence d'anticipation et de stratégie dans la gestion de vos comptes est inacceptable pour un responsable de compte expérimenté tel que vous.

Malgré l'accompagnement dont vous avez bénéficié et le temps qui vous a été laissé pour vous ressaisir, la situation ne s'est pas améliorée et est devenue inacceptable.

Dans ces conditions, il est devenu impossible de vous confier plus longtemps des comptes clients LaSer Symag.

Les explications que vous nous avez exposées lors de notre entretien, ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits.

L'ensemble de ces faits, qui vous sont personnellement imputables, constituent à nos yeux une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Aussi, nous n'avons pas d'autre choix que de vous notifier par la présente votre licenciement pour une cause que nous estimons réelle et sérieuse.

(...)'.

Les parties s'accordent sur le fait que le licenciement est intervenu pour insuffisance professionnelle, même si M. [S] fait valoir que ce grief n'est pas fondé.

Dans ce cadre, il y a donc lieu de rappeler, de manière générale, que l'insuffisance professionnelle doit reposer sur des faits objectifs, précis et vérifiables et ne peut pas être fondée sur une appréciation purement subjective de l'employeur, mais qu'il n'appartient pas au juge de se substituer son appréciation à la sienne.

Il donc nécessaire d'examiner successivement les moyens développés par l'employeur, étant précisé que celui-ci présente dans ses conclusions (p. 11 et s.) trois séries de griefs, sans reprendre l'ensemble des éléments évoqués dans le courrier de licenciement.

a) Sur le grief d'une gestion insatisfaisante

En premier lieu, la société Symag fait état d'une gestion insatisfaisante, par le salarié, du compte client Franprix Leader Price en faisant valoir, notamment, que le constat d'une diminution d'activité avec ce client en 2014 avait conduit à lui demander d'accentuer sa démarche commerciale et qu'il a été constaté en 2015 que tel n'a pas été le cas.

Au soutien de son allégation, la société Symag fait notamment valoir que :

- dans l'entretien d'évaluation de l'année 2014 (pièce appelant n° 11), il est relevé une diminution importante des activités avec Franprix Leader Price, une année difficile avec ce client et la nécessité d'accentuer la démarche commerciale pour la vente de nouveaux produits. L'un des objectifs fixés lors de l'entretien est la sécurisation du périmètre de ce client et sa reconquête. Lors de cet entretien, il a été décidé de poursuivre le coaching Sherpa, en cours depuis le milieu de l'année 2014. Par ailleurs, l'évaluation précise que M. [S] a atteint seulement 65 % de ses objectifs individuels ;

- par un mail du 29 janvier 2014, le directeur général a demandé au salarié de faire signer en urgence un protocole avec ce client (pièce intimée n° 6) ;

- par un mail du 17 février 2014 (pièce intimée n° 7), il est demandé au salarié s'il a proposé la solution PosApp au client (pièce intimée n° 7) ;

- le directeur général adresse un mail le 5 mai 2014 au salarié quant aux rendez-vous à préparer avec ce client (pièce intimée n° 8) ;

- le directeur général a demandé, suite à différents échanges, au supérieur de M. [S] de monter au créneau, par un mail du 9 décembre 2014 (pièce intimée n° 9).

M. [S] fait quant à lui valoir que ces griefs ne sont pas fondés et indique notamment que ce client a été pris en charge successivement par quatre commerciaux, que le directeur des services informatiques Franprix leader Price était exaspéré, dès le début de l'année 2013, par la lenteur des réactions de la société Symag, que le mécontentement du client était lié à des questions techniques ou à des devis et qu'il a lui-même anticipé la difficulté tenant aux coûts trop élevés selon le client en demandant les tarifs pratiqués au responsable du compte Casino.

Au regard de ces éléments, la cour retiendra que le grief, qui concerne la gestion du client Franprix Leader Price, n'est pas établi. L'employeur se borne en effet à produire des mails échangés avec le salarié sur des questions ponctuelles mais n'indique pas concrètement les tâches qui incombaient à M. [S] à l'égard de ce client, l'état des relations avec ce client avant l'intervention du salarié, l'état de ces relations en 2014 et en 2015, ou encore ce qu'il est advenu de ces relations en termes de chiffres d'affaires. Or, ces éléments étaient indispensables à l'appréciation de la réalité du grief.

b) Sur le grief d'absence de respect des procédures

En deuxième lieu, l'employeur reproche à M. [S] une absence de respect des procédures en vigueur, avec une opposition aux nouvelles conditions générales de vente en mars 2015 et une absence d'application de la procédure de recouvrement des impayés en juin 2015 ayant abouti au blocage des comptes d'un client. Il fait notamment état des éléments suivants :

' un échange de mails entre différents salariés de l'entreprise des 10 et 11 mars 2015 à propos des conditions générales de vente. Dans ce cadre, M. [S] indique qu'il est d'accord avec les remarques de ses collègues qu'il n'est pas question de remettre en cause les process mais qu'il s'agit d'interrogations sur les moyens mis en place (pièce intimée n° 10) ;

' M. [S] n'a pas respecté la procédure de recouvrement prévu qui a conduit au blocage d'un compte d'un magasin Franprix le 4 juin 2015.

M. [S] répond, concernant le premier grief, qu'il résulte de la lecture même de l'échange de mails qu'il ne s'est pas opposé aux nouvelles conditions générales de vente et que, concernant le second grief, le blocage du compte est dû au service recouvrement, qui avait bloqué le compte pour un encours de 900 € car le client avait adressé le paiement directement la société Symag et non pas à l'huissier.

Au regard de ces éléments, la cour retiendra que :

- la lecture des mails produits par l'employeur à propos des conditions générales de vente conduit à écarter le grief formulé par celui-ci, le salarié n'indiquant pas s'opposer à celles-ci;

- l'employeur impute au salarié le blocage du compte d'un client sans fournir toutefois d'éléments précis et pertinents sur le déroulement exact des faits et sur les attributions du salarié quant à la gestion du compte de ce client. Par conséquent, l'insuffisance professionnelle alléguée ne peut pas être retenue à ce sujet.

c) Sur le grief de passivité

En troisième lieu, l'employeur reproche à M. [S] une absence d'anticipation et une passivité dans la gestion du portefeuille de clients, avec une attitude passive vis-à-vis d'un client important et historique en juin 2015 (absence de plan de compte et de plans d'action et absence de toute initiative pendant un mois et demi auprès de Franprix leader Price) et une absence d'initiatives pour tenter de récupérer une affaire monétique au début de l'année 2015, alors que la reprise de la relation commerciale par un autre commercial a permis de faire avancer favorablement l'affaire. Dans ce cadre, l'employeur fait valoir les éléments suivants :

- en juin 2015, le salarié a été relancé sur la signature d'un contrat avec le client Franprix Leader Price mais il n'a pas mis en 'uvre le plan de compte ni un plan d'action et est resté passif pendant un mois et demi. Alors qu'il lui était demandé par mail du 1er juin 2015 si le contrat avait été signé, il a répondu qu'il ne l'était toujours pas et que la nouvelle version modifiée était chez le client depuis le 16 avril, ce à quoi son supérieur hiérarchique lui a répondu : 'Et '' (Pièce intimée n° 12) ;

- à propos d'une affaire monétique Ingenico, l'employeur indique que M. [S] n'a pas répondu à un courrier, ce qui a conduit le directeur général à demander au salarié pourquoi ce dossier n'était pas géré et de préparer en urgence une réponse pour le client (pièce intimée n° 14).

M. [S] répond :

- concernant le premier grief, qu'il avait obtenu la signature d'un protocole d'accord en janvier 2014 reprenant les termes du précédent contrat, que par la suite le client a fait traîner le dossier de manière délibérée malgré ses relances ;

- concernant le second grief, qu'il a reçu, du directeur de l'offre de l'entreprise, l'offre commerciale à présenter au client plus de sept mois après la demande.

Au regard de ces éléments, la cour retiendra que le grief d'insuffisance professionnelle n'est pas établi, dès lors que l'employeur se borne à faire état de mails échangés avec le salarié sur des questions ponctuelles, sans toutefois indiquer quelles étaient ses attributions réelles à ce sujet et si le contrat avec le client a en définitive été signé.

Compte tenu de ce qui précède, il sera retenu que le licenciement doit être considéré sans cause réelle et sérieuse. Il sera donc alloué à M. [S] une somme de 40 600 euros, au regard d'un salaire de référence de 4 058, 52 euros, cette somme devant permettre de réparer le préjudice subi par le salarié compte tenu de son ancienneté, de son âge de 60 ans au moment du licenciement et du fait qu'il n'a trouvé un nouvel emploi qu'en mars 2017. L'employeur sera par ailleurs condamné à rembourser à Pôle Emploi les allocations versées au salarié, dans la limite de quatre mois.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a jugé le licenciement fondé.

2) Sur les commissions

Il est constant que :

- en sus de la rémunération fixe prévue par le contrat de travail, M. [S] bénéficie de commissions dont le calcul repose sur un plan de commissionnement annuel ;

- l'employeur a établi un plan de commissionnement chaque année depuis l'embauche de M. [S].

Dans ce cadre, M. [S] soutient, en substance, que :

- il n'a pas accepté les différents plans annuels qui lui ont été soumis par l'employeur ;

- ses commissions doivent donc être définies en application du plan de commissionnement annexé au contrat de travail en 2005, dans la limite de la prescription triennale ;

- l'employeur doit donc être condamné à lui verser la somme de 146 688 € à titre de rappels de commissions, outre 14 668 € au titre des congés payés afférents ;

- s'il est vrai qu'il a signé les plans de commissionnement des années 2012, 2013, 2014 et 2015, sa signature n'implique pas qu'il a accepté ces plans mais seulement que ces plans lui ont été remis en mains propres, ainsi que cela résulte de la mention 'remis en mains propres' portée sur les documents ;

- pour que sa signature vale acceptation, il aurait fallu qu'elle soit précédée de la mention 'lu et approuvé', qui n'apparait toutefois pas sur les documents.

Il sera toutefois relevé que :

- les plans de commissionnement des années 2012 à 2015, qui sont produits aux débats (pièces de l'intimée n° 1 à 4), ont été signés par le directeur général de la société Symag et M. [S] ;

- ce dernier reconnaît les avoir signés ;

- il conteste la portée de sa signature en soutenant que sa signature n'aurait pu emporter acceptation des plans que dans la mesure où elle aurait été précédée de la mention 'lu et approuvé', qui ne figure pas sur les documents ;

- la position de M. [S] n'est toutefois pas sérieuse car la signature des plans de commissionnement par le salarié vaut acceptation, en l'absence de toute allégation d'un vice du consentement, étant précisé que la mention 'lu et approuvé' revendiquée par le salarié n'a aucune portée juridique.

Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande de rappels de commissions et des congés payés afférents.

3) Sur l'article 700 du code de procédure civile

La société Symag succombant, sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée. Elle sera en revanche condamnée à payer à M. [S] la somme de 3 600 euros à ce titre.

4) Sur les dépens

La société Symag succombant, elle sera condamnée aux dépens, de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par un arrêt contradictoire, en dernier ressort, mis à disposition,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 5 avril 2017, sauf en ce qu'il a rejeté la demande formée par M. [S] au titre de rappels de commissions et des congés payés afférents ;

Statuant à nouveau,

Juge sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié par la société Symag à M. [S] le 13 août 2015 ;

Condamne la société Symag à payer à M. [S] une somme de 40 600 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter de la date de cet arrêt et capitalisation des intérêts ;

Condamne la société Symag à rembourser à Pôle Emploi les allocations versées à M. [S], dans la limite de quatre mois ;

Condamne la société Symag à payer à M. [S] la somme de 3 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes formées par les parties ;

Condamne la société Symag aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 17/05771
Date de la décision : 27/06/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°17/05771 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-06-27;17.05771 ?
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