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01/07/2019 | FRANCE | N°18/07626

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 01 juillet 2019, 18/07626


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 01 JUILLET 2019



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/07626 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5PVP



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mars 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/05164



APPELANTES



SA BPCE LEASE IMMO, anciennement dénommée NATIXIS LEASE IMMO


Ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 333 384 311

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



SA BATI...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 01 JUILLET 2019

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/07626 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5PVP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mars 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/05164

APPELANTES

SA BPCE LEASE IMMO, anciennement dénommée NATIXIS LEASE IMMO

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 333 384 311

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

SA BATIROC BRETAGNE - PAYS DE LOIRE

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 399 377 308

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentées par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Représentées par Me Stéphane BONIN de la SCP BONIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : B0574, substitué par Me Diane FIRINO MARTELL, avocat au barreau de PARIS, toque : B0574

INTIMEE

SARL MIRELGE

Ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 3]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Laurence CADENAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P 370

Représentée par Me Cécile ROUQUETTE TEROUANNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0098

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Mai 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Sylvie CASTERMANS dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Cyrielle BURBAN, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant acte authentique du 13 août 2003 la société Mirelgé a conclu un contrat de crédit-bail immobilier avec les sociétés Fructicomi, aux droits desquelles viennent la société Natixis Lease Immo et Batiroc Bretagne - Pays de Loire, concernant des locaux industriels en l'état futur d'achèvement, d'une superficie de 1 772 m2, situés à [Localité 4].

Le crédit-bail était conclu pour une durée de 15 années à compter du 1er juin 2004. Le financement consenti était de 880 000 euros hors taxes. M. [S] [W] et M [L] [W] se sont portés cautions solidaires des engagements du preneur à hauteur de 282 500 euros.

Par avenant du 30 avril 2004, les parties ont accepté d'augmenter l'investissement prévu dans le crédit-bail d'origine pour le porter à 955 431,66 euros hors taxes. Par nouvel avenant du 30 juin 2008, l'enveloppe de financement du crédit-bail a été portée à 1 700 000 euros et le crédit-bail immobilier a été étendu à un immeuble situé à [Adresse 4], à usage d'ateliers et de bureaux d'une superficie hors d''uvre net de 3 252,51m2.

La durée du crédit-bail était de douze ans après l'entrée en loyer de l'avenant n° 2 soit le 30 juin 2008 pour se terminer au 30 juin 2020.

Les locaux ont été donnés en sous-location à la société [W] Gravure. Cette société a fait l'objet d'un redressement judiciaire le 27 octobre 2010, puis d'un plan de cession au profit de la société ABC Gravure par jugement en date du 31 janvier 2011 qui est devenue sous locataire de la société Mirelgé

Indépendamment du contrat de crédit-bail, la société [W] Gravure avait conclu le 1er avril 2009 avec la société Natixis Lease, un contrat de crédit-bail mobilier, portant sur un four de trempe de marque Northglass et une laveuse de verre. Ce contrat a été transféré à la société ABC Gravure à l'occasion du plan de cession.

La société ABC Gravure a également fait l'objet d'une liquidation judiciaire suivant jugement du tribunal de commerce de Nantes le 02 avril 2014, Me [N] ayant été désigné en qualité de liquidateur.

Le 25 avril 2014, la société Natixis Lease a revendiqué la propriété du matériel objet du contrat de crédit-bail.

Le 30 avril 2014, Me [N] ès qualités a fait savoir qu'il n'était pas opposé à la restitution du matériel, laquelle devait avoir lieu impérativement dans les deux mois du jugement d'ouverture.

Le 8 juillet 2014 la société Natixis Lease a donné mandat au commissaire-priseur de vendre le matériel avec un prix de réserve de 36 000 euros ttc. Le four n'ayant pas trouvé preneur, le commissaire-priseur a restitué les clés le 22 juillet 2014 et a informé la société Natixis Lease de ce qu'elle devait enlever le four, par courrier du 25 juillet 2014.

La société Mirelgé a facturé des indemnités d'occupation à la société société ABC Gravure.

Me [N] ès qualités de liquidateur de la société ABC a cessé tout règlement de loyers à compter du 1er août 2014. Le 3 octobre 2014, il a sommé la société Natixis Lease d'avoir à retirer le matériel litigieux.

Par courrier du 26 septembre 2014, M. [L] a indiqué à la société Mirelgé être intéressé pour louer le local pour une durée de 3 à 6 mois moyennant un loyer mensuel de 18 000 euros ht. La société Natixis Lease Immo n'a pas donné suite.

Par acte d'huissier du 4 décembre 2014, Me [N] a assigné la société Natixis Lease devant le tribunal de commerce de Nantes afin d'obtenir le paiement d'indemnités d'occupation.

La société Mirelgé ne réglant plus ses loyers, les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc lui ont adressé une lettre recommandée, le 20 janvier 2015, visant la clause résolutoire du contrat de crédit-bail, pour un montant en principal hors intérêts de retard de 143 196,64 euros ttc.

Le 27 janvier 2015, le tribunal de commerce de Nantes désignait Me [U] en qualité de conciliateur. La société Mirelgé indiquait souhaiter lever l'option d'achat de façon anticipée, afin de revendre le bien à un acquéreur identifié par ses soins.

Le 26 février 2015, le four et la laveuse étaient déménagés, après que la société Natixis Lease ait trouvé un acquéreur pour la somme de 11 000 euros ht.

Le 28 avril 2015 un protocole était signé entre la société Mirelgé, Natixis Lease Immo, Natixis Lease et Me [N] ès qualités. Des pourparlers étaient engagés entre Mirelgé et un acquéreur potentiel mais celui renonçait avant la la date d'expiration du protocole. Le 15 juillet 2015, date butoir de la levée d'option, le protocole est devenu caduc et les parties ont retrouvé leur liberté d'action.

Le 1er juillet 2015, les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc Bretagne Pays de la Loire ont saisi le président en la forme des référés aux fins d'obtenir l'acquisition de la clause résolutoire.Le 17 novembre 2015 le juge des référés contatait l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail du 24 février 2015. La cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance par arrêt du 10 novembre 2016.

Par actes d'huissier des 18 et 29 mars 2016 la société Mirelgé a donné assignation à la société Natixis Lease Immo et Batiroc devant le tribunal de grande instance aux fins de constater que la clause résolutoire n'était pas acquise.

Les sociétés bailereesses ont engagé des mesures d'exécution forcée et la société Mirelgé a restitué les clés le 19 juillet 2016.

Par jugement du 21 mars 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :

Déclaré nulle la mise en demeure du 20 janvier 2015.

Condamné la société Mirelgé à verser à la société Natixis Lease Immo et Batiroc-Bretagne Pays de Loire les sommes de :

o 143 196,64 euros TTC au titre des loyers impayés au 28 février 2015 ;

o 32 175,12 euros TTC au titre de la provision pour taxe foncière 2015 ;

o 2 185,29 euros TTC au titre de l'assurance multirisque pour l'année 2015

o 1 243,06 euros TTC au titre de l'assurance décès PTIA

o 23 296,11 euros TTC au titre des loyers prorata temporis postérieurement au 28 février 2015 ;

- dit que les sommes saisies sur les comptes de M [W], caution, viendront en déduction de ces sommes ;

- condamné les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc- Bretagne Pays de Loire in solidum aux entiers dépens ainsi qu'à verser à la société Mirelgé la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc Bretagne Pays de la Loire ont interjeté appel du jugement.

Par conclusions signifées le 12 avril 2019, la société Bpce Lease immo (anciennement dénommée Natixis Lease immo, la société Batiroc Bretagne - pays de Loire demandent à la cour de :

Vu l'article 1134 du code civil, vu l'article 564 du code de procédure civile

Vu l'article l 111-10 du code des procédures civiles d'exécution

Vu la lettre recommandée du 20 janvier 2015 adressée par la société Natixis Lease immo à la société Mirelgé visant la clause résolutoire du contrat de crédit bail, l'ordonnance de référé rendue par monsieur le président du tribunal de grande instance de Paris le 17 novembre 2015, constatant l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du contrat de crédit bail à la date du 24 février 2015 ; l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 10 novembre 2016, confirmant l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du contrat de crédit bail à la date du 24 février 2015 ;

Reformer le jugement dont appel en ce que ce dernier a :

- dit que les sociétés Natixis Lease immo et Batiroc pays de la loire ont mis en 'uvre la clause résolutoire du contrat de crédit-bail immobilier de mauvaise foi et en conséquence déclaré nulle la mise en demeure visant la clause résolutoire du contrat en date du 20 janvier 2015 ;

- condamné la société Mirelgé à verser aux sociétés Natixis Lease immo et Batiroc bretagne pays de la loire les sommes de :

o 143 196,64 euros ttc au titre des loyers impayés au 28 février 2015 ;

o 32 175,12 euros ttc au titre de la provision pour taxe foncière 2015 ;

o 2 185,29 euros ttc au titre de l'assurance multirisque pour l'année 2015

o 1 43,06 euros ttc au titre de l'assurance décès ptia

o 23 296,11 euros ttc au titre des loyers prorata temporis postérieurement au 28 février 2015 ;

- dit que les sommes saisies sur les comptes de M [W], caution, viendront en déduction de ces sommes ;

- condamné les sociétés Natixis Lease immo et Batiroc bretagne pays de loire in solidum aux entiers dépens ainsi qu'à verser à la société Mirelgé la somme de 8 000 euros en application de l'article 700 du du code de procédure civile ;

Et statuant de nouveau,

- juger irrecevables les demandes nouvelles de la société Mirelgé formulées en cause d'appel visant à :

- juger les sociétés Natixis Lease immo et Batiroc pays de la Loire, en expulsant la société Mirelgé et en installant une société tierce dans les locaux, a commis une faute justifiant l'indemnisation de la société Mirelgé pour la perte de chance, à hauteur de 100 %, d'acquérir l'immeuble ;

- condamner les sociétés Natixis Lease immo et Batiroc pays de La loire à payer à la société Mirelgé la somme de 2 470 000 euros, correspondant à la valeur de l'immeuble

- constater que le contrat de crédit-bail immobilier consenti à la société Mirelgé est résilié depuis le 24 février 2015 ;

- constater que la société Mirelgé a quitté les locaux litigieux le 19 juillet 2016 ;

- juger que les sociétés Bpce Lease Immo et Batiroc pays de la Loire n'ont pas mis en 'uvre la clause résolutoire du contrat de crédit-bail immobilier de façon abusive ou de mauvaise foi

- juger mal fondées les demandes nouvelles de la société Mirelgé formulées en cause d'appel visant à :

- juger que les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc pays de la Loire, en expulsant la société Mirelgé et en installant une société tierce dans les locaux, a commis une faute justifiant l'indemnisation de la société Mirelgé pour la perte de chance, à hauteur de 100%, d'acquérir l'immeuble ;

- condamner les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc pays de La loire à payer à la société Mirelgé la somme de 2 470 000 euros, correspondant à la valeur de l'immeuble

- débouter la société Mirelgé de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la société Mirelgé à verser aux sociétés Bpce lease immo, anciennement dénommée Natixis Lease immo et Batiroc Bretagne pays de loire la somme de 2 359 357 euros ttc euros ttc, outre intérêts au taux légal, à compter du 24 février 2015 et la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile aisi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Bruno Reigner en application de l'article 669 du code de procédure civile.

Par conclusions signifées le 05 avril 2019, la Sarl Mirelgé demande à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la clause résolutoire ne devait pas être considérée comme acquise,

- juger en conséquence que le contrat de crédit-bail immobilier se poursuit et doit recevoir pleine et entière exécution,

Y ajoutant,

- juger que les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc Bretagne Pays de la Loire, en expulsant la société Mirelgé et en installant une société tierce dans les lieux, a commis une faute justifiant l'indemnisation de la société Mirelgé pour la perte de chance, à hauteur de 100 %, d'acquérir l'immeuble,

- les condamner à payer à la société Mirelgé la somme de 2 470 000 euros hd hfa, correspondant à la valeur de l'immeuble,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Mirelgé à payer la somme de 202 096,22 euros aux sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc Bretagne Pays de la Loire,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc Bretagne Pays de la Loire à payer la somme de 8 000 euros à la société Mirelgé sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance,

- les condamne à payer la somme supplémentaire de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code civile en cause d'appel et à supporter les dépens, dont distraction au profit de maître Rouquette-Terouanne, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur la mise en oeuvre de la clause résolutoire de mauvaise foi

Les sociétés appelantes soutiennent que le jugement est entaché d'erreurs de droit et de fait. Elles critiquent le jugement en ce qu'il a retenu de façon arbitraire que la société Natixis Lease Immo était détenue majoritairement par la société Natixis Lease, qui était un de ses administrateurs ; qu'il existait une « étroite coordination » entre les sociétés Natixis Lease Immo et Natixis Lease ; que les deux sociétés Natixis et Batiroc étant distinctes, les considérations du tribunal sont contraires aux dispositions de l'article 1842 du code civil, ainsi qu'au principe de l'autonomie de la personnalité morale des sociétés; que la société Natixis Lease Immo est une entité distincte de la société Natixis Lease, que les parties sont différentes et l'objet social est distinct.

La société Mirelgé fait valoir qu'elle n'a pas été en mesure d'apurer sa dette, en raison de l'inertie dont a fait preuve la société Natixis Lease dans le retrait du matériel lui appartenant.

Elle souligne l'existence des liens entre les deux sociétés Natixis Lease et Natixis Lease Immo , et soutient que ces deux sociétés ne sauraient être considérées comme des tiers au sens de l'article 1725 du code civil.

Ceci exposé,

En application de l'article 1725 du code civil, le bailleur n'est pas tenu de garantir le trouble commis par des tiers.

Il est indéniable que juridiquement les sociétés Natixis Lease et Natixis Lease Immo sont deux entités juridiques distinctes et indépendantes, cependant le tribunal a fondé sa décision au regard des pièces versées aux débats, lesquelles montrent que Natixis Lease Immo était détenue majoritairement par la société Natixis Lease, qui en était l'administrateur ; que la signature de M [F], gestionnaire du bien loué à la société Mirelgé, portait la mention Natixis Lease et non celle de Natixis Lease Immo. Il a également pris en compte la présentation des comptes consolidés entre ces deux sociétés, ce qui, aux termes de l'article L 233-16 du code de commerce, constitue une communauté d'intérêts entre ces deux sociétés.

La cour adopte les motifs du tribunal en ce qu'il a retenu qu'il existait une communauté d'intérêts économiques entre les deux sociétés Natixis Lease et Natixis Lease Immo. Il s'en déduit qu'elles ne peuvent être considérées comme des tiers au sens de l'article 1725 du code civil.

S'agissant des rapports entre Natixis Lease Immo et Batiroc, la société société Natixis Lease Immo est chef de file, aux termes du contrat de crédit bail. L'article B18 du contrat précise que la société Batiroc donne mandat au chef de file pour tous opérations d'administration et de gestion relatives au crédit bail . Il est ainsi établi qu'il existe une étroite coordination entre ces deux entités. La société Mirelgé verse aux débats les pièces que les société Natixis Lease Immo et Batiroc lui ont adressé, la mise en demeure visant la clause résolutoire le 20 janvier 2015, quelques semaines après que le liquidateur de la société ABC Gravures, le sous locataire, ait fait assigner la société Natixis Lease en paiement d'indemnités du fait de l'absence d'enlèvement du four North Glass.

Les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc ont par ailleurs indiqué, par courrier du 12 février 2015, que le liquidateur de la société ABC Gravures en litige avec Natixis Lease devait participer à la réunion de conciliation sollicité par Mirelgé. Le protocole d'accord transactionnel a été signé entre les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc, la société Mirelgé, le liquidateur de la société ABC Gravures et la société Natixis Lease.

Ces éléments démontrent que la société Batiroc a suivi son chef de file, la société Natixis Lease Immo, dans la procédure relative à la mise en oeuvre de la clause résolutoire à l'encontre de la la société Mirelgé. Dans ces conditions, la cour adopte les motifs du tribunal en ce qu'il a retenu une coordination effective entre les sociétés bailleresses à compter de la mise en oeuvre de la clause résolutoire.

Sur l'appréciation de la bonne foi, en application de l' article 1134 ancien du code civil, il convient d'examiner la bonne foi des parties au contrat. Dans le cadre de la clause résolutoire, il appartient au locataire d'honorer ses obligations et au bailleur de ne pas faire un usage abusif de ses prérogatives.

Dans le cadre d'un contrat de crédit-bail immobilier, les règles de droit commun du bail s'appliquent, de sorte que la faculté de sous-louer est possible avec l'accord du bailleur. Or le contrat de crédit-bail immobilier permet la sous-location avec l'accord exprès et préalable du bailleur. En l'espèce, les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc ont donné leur accord à la sous location.

Les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc se prévalent de la mise en demeure visant la clause résolutoire adressée le 20 janvier 2015 pour non paiement des loyers. La société Mirelgé soulève la mauvaise foi des crédits bailleurs en soutenant que la société Natixis Lease est à l'origine de l'immobilisation du four dans les locaux à compter du 11 juillet 2014 date de restitution des clé des locaux sous loués, jusqu'au 26 février 2015.

Les difficultés de la société Mirelgé ont indéniablement pour origine la mise en liquidation judiciaire de son sous locataire, qui est intervenue le 2 avril 2014, mais l'inaction de la société Natixis Lease a joué un rôle indéniable.

L'enlèvement du four, qui rendait les lieux inexploitables, est intervenu le 20 février 2015.Or le retard de 7 mois, pris par la société Natixis Lease pour débarrasser les lieux loués n'est imputable ni à la société Mirelgé, ni à Maître [N], liquidateur. Selon arrêt rendu le 26 novembre 2018 la cour d'appel de Paris, a jugé qu'en l'absence de tout obstacle qui aurait émané de la société débitrice, la société Natixis Lease avait commis une faute en sa qualité de propriétaire, en ne procédant à l'enlèvement du four que le 20 février 2015 ; d'autre part, les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc ont refusé l'offre de sous location proposée par la société Mirelgé, afin de pouvoir reprendre le paiement des loyers, au motif qu'elles refusaient de voir interrompre la procédure visant la clause résolutoire.

La preuve que la société Mirelgé aurait empêché le retrait de la machine n'est pas rapportée. En outre, l'allégation selon laquelle la société Mirelgé aurait entravé la récupération du matériel, va à l'encontre de son objectif de retrouver un sous locataire.

Il s'ensuit que la défaillance de la société Mirelgé, dénoncée dans la mise en demeure du 20 janvier 2015, a pour origine un usage abusif des prérogatives revenant au bailleur.

Si les premiers juges ont à bon droit retenu que la clause résolutoire avait été mise en 'uvre de mauvaise foi, la sanction de l'irrégularité ne pouvait qu'entraîner l'octroi de dommages et intérêts.

Sur l'application de la clause résolutoire après la caducité du protocole

Les sociétés Natixis Lease Immo et Batiroc soutiennent que le protocole n'ayant pas abouti, elles ont retrouvé leur droit d'action et ont mis en oeuvre la clause résolutoire en toute légitimité. Elles contestent la passivité fautive qui leur est imputée dans le cadre du protocole. Elles rappellent que l'accord a été signée le 28 avril 2014 entre toutes les parties, que le délai de levée d'option était fixée au 1er juiller 2015, que l'acheteur de l'immeuble pressenti, a renoncé à son achat le 9 mai 2015 ; que par conséquent le contrat de crédit-bail immobilier consenti à la société Mirelgé est résilié depuis le 24 février 2015.

La société Mirelgé réplique que la clause résolutoire ne doit pas être considérée comme acquise et que le contrat de crédit-bail immobilier se poursuit et doit recevoir pleine exécution.

Ceci exposé,

La société Mirelgé a signé le protocole transactionnel le 28 avril 2015 aux termes duquel les sociétés crédit- bailleurs renonçaient à se prévaloir de l'acquisition de la clause résolutoire pour permettre à la société Mirelgé de vendre l'immeuble, avec pour date de levée d'option au 15 juillet 2015, en contrepartie de la parfaite exécution du protocole.(..). A défaut d'accord le protocole était caduc au 15 juillet 2015 et les parties signataires retrouvaient leur liberté d'action. Les société bailleresses pouvaient se prévaloir de la clause résolutoire insérée au contrat de crédit bail.

En l'espèce, le protocole n'ayant pas abouti, les sociétés bailleresses étaient en droit de mettre en oeuvre la clause résolutoire prévue au contrat. Elles ont obtenu une ordonnance de référé en date du 17 février 2015, constatant l'acquisition de la clause résolutoire. Cette décision provisoire a été confirmée par la cour d'appel par arrêt du 10 novembre 2016. Par ailleurs, le juge de l'exécution a refusé d'accorder des délais à la société Mirelgé pour quitter les lieux, si bien que la société Mirelgé a quitté les locaux litigieux le 19 juillet 2016.

Au regard de ces éléments, le contrat de location a pris fin par le jeu de la clause résolutoire, après caducité du protocole, le 24 février 2015 quand bien même, postérieurement, le tribunal a jugé que la mise en 'uvre de la clause résolutoire du contrat de crédit-bail immobilier avait été mise en oeuvre de manière abusive et que cette décision a été confirmée en appel. Il s'en déduit que la société Mirelgé est mal fondée à solliciter la poursuite du contrat.

Sur l'indemnisation formulée par la société Mirelgé

La société Mirelgé sollicite en appel une indemnisation à hauteur de 2 471 000 euros en faisant valoir que son éviction aurait été fautive car diligentée sur le fondement d'un titre provisoire et que son expulsion est désormais irréversible du fait de l'occupation des locaux par un tiers.

Les société Natixis Lease Immo et Batiroc soulèvent l'irrecevabilité de la demande en soutenant que la société Mirelgé présente des prétentions nouvelles et n'oppose aucune demande de compensation. Elle soulignent que l'expulsion a eu lieu en juillet 2016 et que l'occupation des locaux par un tiers est sans relation avec les prétentions exposées en première instance, qui ne visaient qu'au débouté des demandes en paiement.

Ceci exposé,

L'article 564 du code de procédure civile, dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

La société Mirelgé a assigné les société bailleresses, au fond,devant les premiers juges, au mois de mars 2016. Elle a été expulsée au mois de juillet 2016. La décision est intervenue le 21 mars 2018.

En première instance, la société Mirelgé a soutenu que les sociétés Natixis lease Immo et Batiroc avaient renoncé à se prévaloir de la clause résolutoire et à titre subsidiaire qu'elles avaient fait preuve de mauvaise foi dans la mise en oeuvre de la clause résolutoire.

Il s'en déduit que tous les éléments du litige soumis devant la cour, étaient connus par les juges de première instance, que la demande d'indemnisation au titre de la perte de chance afférente à l' expulsion de la société Mirelgé constitue une demande nouvelle, au regard de la décision critiquée et des termes du protocole signé. La société Mirelgé est donc irrecevable en ses demandes d'indemnisation au titre de la perte de chance d'acquérir l'immeuble.

Sur les demandes d'indemnisation des bailleresses

Il résulte des développements précédents que les société Natixis Lease Immo et Batiroc ne peuvent prétendre au paiement de l'indemnité de résiliation du fait d'un usage abusif de leurs prérogatives.

La cour confirme les motifs du tribunal en ce qu'il a jugé que les loyers de juillet 2014 à février 2015 étaient dus par la société Mirelgé.

La société Natixis lease Immo sollicite le règlement des loyers impayés postérieurement, qui doivent être qualifiées d'indemnités d'occupation, jusqu'à la date de remise des clefs le 19 juillet 2016.

Le tribunal a pertinemment relevé au vu d'une attestation du notaire chargé de la vente le 9 mars 2016 que pour la période postérieure, le comportement fautif de la société Natixis Lease immo avait conduit un potentiel acquéreur à renoncer à l'acquisition des locaux du fait de la passivité du crédit bailleur et a arrêté le règlement des loyers dus à la date de l'échec du protocole le 09 mai 2015.

La preuve est rapportée de ce qu'un acquéreur potentiel a renoncé à l'acquisition de locaux du fait de la passivité affichée de la société Natixis Lease Immo. Le tribunal a sanctionné le comportement fautif des crédit bailleurs qui a gravement lésé les intérêts de la société Mirelgé. La cour adopte les motifs dela la décision en ce qu'elle jugé que la société Natixis Lease Immo ne pouvait solliciter le règlement des loyers postérieurs à l'échec du protocole intervenu par sa faute et a retenu la date du 9 mai 2015.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires

Les sociétés appelantes, parties perdantes, au sens de l'article 696 du code de procédure civile, seront tenues de supporter la charge des entiers dépens.

Il paraît équitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

VU l'article 564 du code de procédure civile ;

DÉCLARE irrecevable la demande nouvelle de la société Mirelgé formulée en cause d'appel,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE solidairement les société Natixis Lease Immo et Batiroc Bretagne -Pays de la Loire aux entiers dépens.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

C. BURBAN E. LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 18/07626
Date de la décision : 01/07/2019

Références :

Cour d'appel de Paris J1, arrêt n°18/07626 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-07-01;18.07626 ?
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