Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRET DU 18 SEPTEMBRE 2019
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/10495 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B35P7
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Juin 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F14/16424
APPELANTE
Madame [T] [M]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Françoise DE SAINT SERNIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0525
INTIMÉE
Société AIG EUROPE LIMITED
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Laurence RENARD du LLP SIMMONS & SIMMONS LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J031
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Juin 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sandra ORUS, Présidente, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Sandra ORUS, présidente
Madame Carole CHEGARAY, conseillère
Madame Séverine TECHER, vice-présidente placée
Greffier, lors des débats : Madame Anouk ESTAVIANNE
ARRET :
- contradictoire
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
- signé par Madame Sandra ORUS, présidente et par Madame Anouk ESTAVIANNE greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société AIG Europe Limited (SA), a employé Mme [T] [M], par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 4 octobre 2004, en dernier lieu, en qualité de responsable projets (siège européen).
La société AIG Europe Limited , société de droit anglais, appartient au groupe américain AIG et fait partie de la branche AIG Property & Casualty du groupe, compagnie d'assurance spécialisée dans les produits d'assurance non-vie destinées aux entreprises et aux particuliers.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des sociétés d'assurance.
En juillet 2014, la société AIG Europe Limited a annoncé un projet de réorganisation visant d'une part, à rationaliser la politique de souscription et d'autre part, à rationaliser son activité par la mise en place de centres de services partagés.
Lors des réunions des 17 septembre et 16 décembre 2014, la société AIG Europe Limited a engagé la procédure d'information-consultation des institutions représentatives du personnel sur le projet de réorganisation et de licenciement économique ainsi que ses modalités d'application.
En septembre 2014, la société AIG Europe Limited a saisi la DIRECCTE, qui a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement collectif pour motif économique, par décision du 14 janvier 2015.
Après contestation de cette homologation par un défenseur syndical et le syndicat Force Ouvrière, ladite homologation a été validée par les juridictions administratives.
La rupture du contrat de travail de Mme [M] est intervenue dans le cadre d'un licenciement pour motif économique le 10 juillet 2015.
A la date du licenciement, Mme [M] avait une ancienneté de 10 ans et 9 mois et la société AIG Europe Limited occupait à titre habituel au moins onze salariés.
Contestant à titre principal la validité et à titre subsidiaire la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, Mme [M] a saisi le 24 décembre 2014 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 28 juin 2017, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, adébouté la société AIG Europe Limited de sa demande reconventionnelle et condamné Mme [M] aux dépens.
Par déclaration du 24 juillet 2017, Mme [M] a interjeté appel de cette décision, notifiée le 15 juillet 2017.
Par conclusions régulièrement notifiées à la cour par voie électronique le 12 avril 2017, Mme [M] demande à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 28 juin 2017 ;
Et statuant à nouveau :
- fixer sa moyenne des douze derniers mois de salaire à 10.840,43 euros bruts ;
A titre principal,
- dire et juger que son licenciement est nul en ce qu'il est la conséquence du harcèlement moral subi ;
- condamner la société AIG Europe Limited à lui payer la somme de 195.127,74 euros bruts, équivalant à 18 mois de salaires, à titre d'indemnité pour licenciement nul ;
A titre subsidiaire,
- dire et juger que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;
- condamner la société AIG Europe Limited à lui payer la somme de 195.127,74 euros bruts, équivalant à 18 mois de salaires, à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En tout état de cause,
- condamner la société AIG Europe Limited à lui payer les sommes suivantes :
* 35.521,29 euros en réparation du préjudice causé par les manquements à son obligation de prévention des agissements de harcèlement moral,
* 65.042,58 euros en réparation du préjudice causé par les agissements de harcèlement moral,
* 2.700 euros à titre de rappel de salaire sur congé de maternité, outre 270 euros au titre des congés payés y afférents,
* 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- assortir les condamnations des intérêts au taux légal et prononcer la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du code civil.
Par conclusions régulièrement notifiées à la cour par voie électronique le 22 décembre 2017, la société AIG Europe Limited demande à la cour de :
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 28 juin 2017 en ce qu'il a débouté Mme [M] de l'ensemble de ses demandes ;
En conséquence :
- dire et juger que le licenciement de Mme [M] repose sur un motif économique valable, elle a rempli son obligation de recherche de reclassement à l'égard de Mme [M], par conséquent, le licenciement pour motif économique de Mme [M] repose sur une cause réelle et sérieuse, elle n'a commis aucun agissement de harcèlement moral ;
Par conséquent :
Au principal :
- débouter Mme [M] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire :
- dans l'hypothèse où la Cour venait à considérer que le licenciement de Mme [M] était dénué de cause réelle et sérieuse et/ou qu'elle n'a pas respecté son obligation de reclassement, apprécier de manière raisonnable le préjudice prétendument subi par Mme [M] et limiter le montant des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 54.722,80 euros bruts correspondant au salaire des 6 derniers mois ;
- débouter Mme [M] de ses autres demandes comme infondées ;
En tout état de cause :
- débouter Mme [M] de sa demande de paiement de rappel de salaire sur congés maternité et congés payés afférents ;
- condamner Mme [M] à payer à la Société la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Mme [M] aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mai 2019 et l'affaire a été fixée à l'audience du 12 juin 2019.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur l'exécution du contrat de travail
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Il résulte des dispositions des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il incombe également à l'employeur, en application des dispositions des articles L.4121-1 et L.4121-2 de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment par des actions de prévention.
Mme [M] soutient qu'après avoir occupé le poste de responsable comptabilité technique, investissements, devises au siège européen, elle a été affectée à un poste de responsable projets et a été victime de faits de rétrogradation et d'absence de fourniture de travail ; que cette situation a conduit à une dégradation de son état de santé.
Elle fait état d'une première rétrogradation en mars 2011, avec suppression de son poste et scission de son équipe et une affectation au poste de responsable projet, sans rôle de management,sans participation aux réunions stratégiques, un agenda allégé; une absence de travail entre décembre 2012 et avril 2013 ( une impréparation de son retour au travail après arrêt maladie; des journées inoccupées, des outils de travail qui ne fonctionnaient plus, une perte de ses responsabilités sur le projet GOE), des objectifs non fixés et aucune évaluation individuelle pour l'année 2013; une rétrogradation d'août 2013 à novembre 2013 et une demande d'explication à sa hiérarchie restée sans réponse; une nouvelle rétrogradation en décembre 2013 puis un transfert sur le site du Trocadéro où elle est intégrée à l'équipe Head of accounting controls, sans mission attitrée; une « placardisation » de janvier à juillet 2015 ( pas de contact avec son manager, chute du nombre des messages électroniques, inexistence du travail.
Elle établit qu'au cours de cette période, elle a connu une dégradation de son état de santé, avec plusieurs séquences d'arrêt maladie jusqu'au 27 juillet 2015 faisant état d'un « burn-out », d'une « dépression réactionnelle à la situation de travail », d'un « état anxiodépressif sévère - Sorties libres + départ à la campagne pour motifs thérapeutiques ».
Il en résulte que ces faits, pris dans leur ensemble, permettent de présumer de l'existence d'un harcèlement moral.
Toutefois, l'employeur démontre que s'agissant de la dépossession de ses fonctions et du dés'uvrement allégués, les changements intervenus dans les conditions de travail de Mme [M] sont justifiés par le contexte de réorganisation de la société et par les nombreuses absences de la salariée, qui ont contraint la société à s'adapter; il produit des pièces qui démontrent que, contrairement à ce qui est affirmé par l'appelante, le poste proposé de ''responsable projets'' lui a permis de conserver la même rémunération, le même niveau hiérarchique et la même qualification; il justifie par ailleurs que les incidents techniques résultant du déménagement ont été résolus dans les meilleurs délais par les services concernés, sans que la salariée puisse se prévaloir d'une volonté de destabilisation.
L'employeur établit ensuite, sans être utilement contredit, qu'il n'y pas eu d'absence de fourniture de travail, la charge de travail de la salariée ayant été adaptée à la fois à son temps de travail, notamment à son temps partiel thérapeutique à son retour de longue maladie en 2013, et à ses absences pour maladie en 2012, 2014 et 2015 ; il justifie que sur ses temps de présence au sein de l'entreprise en 2013 et 2014, la salariée a participé, contrairement à ce qu'elle affirme, au projet GOE et aux réunions y afférent, en tant qu'expert technique et qu'en 2015, la mise en 'uvre du PSE a imposé une réduction de la charge de travail de l'ensemble des salariés, la baisse du nombre de mails reçus ne permettant pas de caractériser une ''placardisation''.
L'employeur fait également valoir que le PSE, homologué par la DIRECCTE et validé par les juridictions administratives, prévoit la suppression des postes de l'équipe ''contrôle comptable et amélioration des processus (Accounting Controls EMEA) dans laquelle Mme [M] exerçait ses fonctions de responsable projets/responsable développement des processus depuis 2011, et pour lesquelles elle a été évaluée par Mme [K] en 2013 et 2014 ; de sorte que le caractère artificiel allégué du rattachement administratif à cette équipe ne peut être utilement contesté par la salariée.
La société AIG Europe Limited démontre enfin que, si à compter du mois de mars 2015, la salariée est en arrêt maladie pour un « burn-out », une « dépression réactionnelle à la situation de travail » et un « état anxiodépressif sévère » et qu'elle a fait l'objet de prescriptions médicales par un psychiatre, l'employeur établit qu'elle n'a pas fait appel aux dispositifs d'écoute et de soutien psychologique mis en place par la société dans le cadre du PSE sur cette période ; qu'il ne peut donc se déduire, de ces seuls arrêts maladie et ordonnances de prescriptions médicales, que les difficultés de santé de la salariée sont en lien avec ses conditions de travail et plus particulièrement avec le harcèlement allégué depuis 2011.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la société AIG établit que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral au travail en ce qu'ils n'émanent pas de décisions, d'actes ou d'agissements répétés révélateurs d'un abus d'autorité par l'employeur, ayant pour objet ou pour effet d'emporter une dégradation des conditions de travail de la salariée, susceptibles d'altérer sa santé physique ou de compromettre son avenir professionnel;
Le grief relatif au harcèlement moral est donc écarté ; le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [M] de ses demandes de ce chef ainsi que de la demande relative au manquement en matière de prévention qui n'est pas davantage établie.
Sur la demande de rappel de salaires du congé maternité
Aux termes de l'article 86 de la convention collective des sociétés d'assurance, applicable au litige, il est prévu que « l'intéressée reçoit de son employeur une allocation destinée à compléter jusqu'à concurrence de son salaire net mensuel les indemnités journalières versées par la sécurité sociale ».
S'il est constant qu'un véhicule de fonction, dont le salarié conserve l'usage dans sa vie personnelle, ne peut lui être retiré pendant une période de suspension du contrat de travail tel qu'un congé maternité, il en résulte différemment lorsque le salarié a refusé le bénéfice d'un tel véhicule au profit d'une allocation voiture forfaitaire mensuelle en compensation des frais liés à l'utilisation à titre professionnel de son véhicule personnel.
En l'espèce, la cour constate que le courrier du 2 novembre 2005 adressé par la société AIG Europe Limited à Mme [M], confirmant ses nouvelles conditions de rémunération au 1er novembre 2005, précise également son refus de bénéficier d'un véhicule de fonction, préférant à cette mise à disposition une allocation voiture forfaitaire d'un montant de 400 euros, réévaluée à 450 euros en 2014.
Cette allocation forfaitaire étant un remboursement de frais et non un complément de salaire, c'est juste titre que les premiers juges, ayant relevé que du fait de la suspension de son contrat de travail pour congé maternité Mme [M] n'avait pas eu de déplacements professionnels à effectuer avec son véhicule personnel, ont débouté la salariée de toute demande à ce titre.
Sur la rupture du contrat de travail
Sur le motif économique du licenciement
Mme [M] soutient essentiellement que son licenciement n'était justifié ni par des difficultés économiques, ni par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise et qu'ainsi:
- la société ne démontre ni l'existence de difficultés économiques, ni la nécessité de la suppression des postes, ni du risque pesant sur la compétitivité,
- le rapport du cabinet d'expertise comptable, SACEF, du comité d'entreprise précise que la suppression des postes ne peut être justifiée par la sauvegarde de la compétitivité,
- la réorganisation poursuit la recherche de la performance et non de la sauvegarde de la compétitivité,
- le ratio combiné au sein de la branche non-vie, supérieur à 100%, est élevé en raison du niveau élevé du ratio de frais opérationnels lié aux investissements à long terme de la société.
La société AIG Europe Limited fait valoir que le secteur d'activité de l'assurance non-vie en Europe est confronté à une situation délicate et soumis à un environnement réglementaire évolutif et contraignant menaçant sa compétitivité ; qu'il en résulte des résultats fragilisés pour cette division :
- au niveau du groupe, le chiffre d'affaires a peu évolué, voire baissé de 3% entre 2012 et 2013 engendrant une chute du résultat net entre 2011 et 2013,
- au niveau de la branche assurance non-vie, les primes nettes sont en baisse constante depuis 2011 et le ratio combiné se situe au-delà de 100% empêchant la génération d'un bénéfice technique au niveau mondial,
- au niveau de la succursale française, malgré une hausse des primes nettes, le résultat technique a chuté passant de 11,5 millions à -10,8 millions,
Que face à ces constats, il s'est alors avéré nécessaire de mettre en 'uvre une réorganisation visant à sauvegarder la compétitivité du secteur de l'assurance non-vie du groupe en améliorant la qualité des souscriptions et en réduisant des coûts opérationnels.
Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
Par ailleurs, il résulte de l'article L.1233-16 du code du travail que la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur ; que les motifs énoncés doivent être précis, objectifs et matériellement vérifiables, et la lettre de licenciement doit mentionner également leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié ; qu'à défaut, le licenciement n'est pas motivé et il est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, la lettre de licenciement du 10 juillet 2015 indique à ce titre : « Comme vous le savez, les institutions représentatives de la succursale française AIG Europe Limited (ci-après la société) ont été informées et consultées sur un projet de réorganisation et de licenciement économique collectif. Le Plan de Sauvegarde de l'Emploi (ci-après le PSE) afférent à ce projet de réorganisation et de licenciement collectif a fait l'objet d'une décision d'homologation de la DIRECCTE le 14 janvier dernier.
Comme cela a été indiqué aux représentants du personnel et détaillé dans la documentation qui leur a été remise à cette occasion, le groupe AIG auquel appartient la société se devait en effet de procéder à une réorganisation afin de sauvegarder sa compétitivité.
Les raisons à l'origine de cette difficile décision sont essentiellement les suivantes :
(a) Les difficultés rencontrées par le secteur de l'assurance non-vie
depuis plusieurs années, le secteur de l'assurance non-vie en Europe est confronté à une situation délicate.
Ce secteur est en effet soumis à un environnement réglementaire évolutif et de plus en plus contraignant, notamment en raison des nouvelles règles européennes issues ou à venir des directives Solvabilité II et IMD2, se traduisant par des normes de plus en plus importantes à respecter et l'augmentation significative des coûts opérationnels relatifs à leur mise en 'uvre.
Par ailleurs, le secteur doit faire face à d'importants défis économiques et de marché, dont notamment :
- une concurrence accrue, en raison de la présence d'un grand nombre d''acteurs sur le marché et d'une surcapacité structurelle, entraînant une forte pression sur les prix générés et la recherche, par les clients, de l'offre la plus intéressante à moindre coût ;
- l'évolution du rapport de force courtiers/assureurs, entraînant une augmentation significative des taux d'intermédiation et des frais de gestion opérationnels ;
- l'évolution du marche de l'assurance non-vie notamment liée à la numérisation croissante de l'économie.
Ces éléments ont eu d'importante répercussions sur les résultats de la division assurance non-vie du groupe AIG.
(b) Les résultats de la division assurance non-vie du groupe AIG
Dans ce contexte, la division assurance non-vie du groupe AIG a enregistré des résultats fragilisés.
Au niveau mondial, sur le secteur d'activité de l'assurance non-vie, le niveau des primes nettes acquises a baissé de manière constante (- 5%) entre 2011 et 2013. Pour 2014, la croissance demeure atone : + 1% en commercial lines et - 3% en Consumer Lines.
Le ratio combiné (soit la somme (i) du ratio de frais qui correspond aux dépenses divisées par les primes nettes émises et (ii) du ratio S/P correspondant au ratio entre la charge sinistres et les primes nettes acquises) s'élève depuis plusieurs années à plus de 1000% ce qui n'est plus viable sur le moyen et le long terme et se situe en-deçà du ratio de nos principaux concurrents lesquels parviennent à afficher des ratios combinés inférieurs.
Dans ces conditions, le secteur de l'assurance non-vie au niveau mondial n'a pas été en mesure de générer un bénéfice technique.
Au niveau national, bien que le niveau des primes (primes nettes de réassurance) ait augmenté de 4% en 2014, après être resté stable sur les trois années précédentes, la société a enregistré une forte chute de son résultat technique en 2014 (-10,8 millions vs +11,5 millions en 2013) après une chute de - 91% entre 2012 et 2013.
dès lors, compte tenu de ces éléments, le groupe et la société n'ont d'autres choix que de continuer à évoluer pour sauvegarder leur compétitivité.
(c) La nécessité de mettre en 'uvre des mesures visant à sauvegarder la compétitivité du secteur de l'assurance non-vie du groupe AIG
La sauvegarde de la compétitivité dans le secteur de l'assurance non-vie en Europe requiert que soit mis en 'uvre le projet de réorganisation présenté aux représentants du personnel.
En effet, l'organisation actuelle présente des faiblesses opérationnelles dans certains domaines qui impactent la compétitivité du groupe.
Ces faiblesses opérationnelles ont été identifiées au niveau des fonctions Opérations, Sinistres, Centre de comptabilité, Finance, comptabilité Clients, Taxes, Consumer, Distribution, Analyses et études de marché.
Le présent projet de réorganisation vise à :
- mettre en place des Centres de Services Partagés afin de mutualiser un certain nombre d'activités dans des localisations compétitives en termes de coûts et offrant une main d''uvre fortement qualifiée,
- standardiser les processus et partager les meilleures pratiques au sein de la région EMEA,
- internaliser certaines activités clés jusqu'alors sous-traitées afin de réduire la dépendance du groupe vis-à-vis des tiers, réduire les coûts opérationnels et offrir un meilleur service aux clients,
- améliorer la réactivité.
Cette réorganisation se traduit par la suppression de certains postes de travail, et notamment la suppression de l'ensemble des postes de la catégorie professionnelle de Spécialiste Clôture Financière à laquelle vous appartenez.
Dans le cadre de la réorganisation entreprise, l'ensemble des postes de la catégorie est supprimé, y compris le vôtre.
Malheureusement, malgré tous les efforts mis en 'uvre par la société, aucune solution de reclassement n'a été trouvée, dans la mesure où aucun poste correspondant à votre profil ne pouvait vous être proposé au sein d'AIG, y compris à l'étranger.
Par conséquent, la présente lettre constitue la notification de votre licenciement pour motif économique. Votre préavis de 6 mois débutera à la date de la première présentation de cette lettre. Vous êtes dispensée de l'exécution de ce préavis, votre rémunération vous étant néanmoins versée aux échéances habituelles. (...) ».
Il résulte des éléments chiffrés versés aux débats par la société AIG Europe Limited, contenus dans les extraits de rapports annuels du groupe et de la succursale française, sur les années 2013 et 2014 :
* que le chiffre d'affaires a significativement baissé entre 2012 et 2014 :
- année 2012 : 71.214 millions d'euros
- année 2013 : 68.874 millions d'euros
- année 2014 : 64.406 millions d'euros
* que le résultat net est passé de 20.622 millions d'euros en 2011 à 7.529 millions d'euros en 2014 ;
* que le résultat technique de la succursale française est passé de +10.553 millions d'euros en 2013 à -10.868 millions d'euros.
Il est établi que la réorganisation de la société AIG Europe Limited a nécessité la mise en 'uvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, homologué par la DIRECCTE le 14 janvier 2015 dont l'homologation a été validée par la cour d'appel administrative de Versailles le 20 octobre 2015.
Par ailleurs, il n'est pas utilement contesté par la salariée que le nouveau cadre réglementaire applicable au secteur d'activité de l'assurance non-vie s'est révélé contraignant et a entraîné des coûts additionnels ainsi qu'une concurrence accrue.
La société AIG Europe Limited établit ainsi l'existence de difficultés économiques sérieuses, que le rapport d'expertise comptable SACEF désigné par le comité d'entreprise dont se prévaut le salarié ne suffit pas à remettre en cause, qui ont nécessité de réorganiser l'entreprise comme mentionné dans la lettre de licenciement.
L'employeur établit enfin que cette réorganisation a conduit à la suppression de l'ensemble des postes de la catégorie professionnelle des spécialistes clôture financière, dont le poste de Mme [M], situation qui n'a pas été utilement contestée par la salariée.
En conséquence, le motif économique du licenciement est établi comme l'ont justement retenu les premiers juges.
Sur l'obligation de reclassement
Même justifié par une cause économique avérée, le licenciement du salarié ne peut être légitimement prononcé que si l'employeur a préalablement satisfait à son obligation générale de reclassement édictée par l'article L.1233-4 du code du travail.
Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites, précises et individualisées.
Il appartient à l'employeur de justifier par des éléments objectifs des recherches entreprises et de l'impossibilité de reclassement à laquelle il s'est trouvé confronté au regard de son organisation, de la structure de ses effectifs, de la nature des emplois existants en son sein ; il est ainsi tenu à l'égard de chaque salarié dont le licenciement est envisagé d'une obligation individuelle de reclassement qui lui impose d'explorer pour chacun et au regard de chaque situation individuelle toutes les possibilités de reclassement envisageables.
Au regard de ces principes, l'employeur établit avoir procédé à la recherche de postes de reclassement disponibles ciblés, conformément aux souhaits de la salariée, dans le cadre de la Bourse de l'emploi prévue au PSE et auprès des responsables des équipes au sein du groupe, en France et à l'étranger, par l'envoi de courriers et courriels datés de juin 2015, adressés par Mme [R], directrice des ressources humaines de la société AIG, aux fins d'un reclassement ciblé de la salariée ; qu'à la suite de ces démarches, la société AIG a adressé à la salariée une lettre recommandée lui proposant un reclassement à Budapest, comportant des précisions quant à l'entité d'accueil et sa localisation, la définition des missions, l'intitulé du poste, la classification et le niveau du poste, la rémunération annuelle brute, la date de prise de poste, le rattachement hiérarchique, la loi applicable au contrat de travail.
Dès lors, confirmant l'appréciation des premiers juges, la cour considère que l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement.
En conséquence de tout ce qui précède, le jugement entrepris qui a considéré que le licenciement de Mme [M] était pourvu d'une cause réelle et sérieuse est confirmé.
Sur les autres demandes
Mme [M], qui succombe à la présente instance, en supportera les entiers dépens.
Par ailleurs, la cour considère qu'au regard des circonstances de l'espèce et des éléments soumis aux débats, il apparaît équitable de faire supporter à chaque partie les frais de procédures qu'elles ont été contraintes d'exposer ; le jugement déféré est donc infirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Laisse à leur charge respective les frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [M] aux dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE