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18/09/2019 | FRANCE | N°18/03983

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 18 septembre 2019, 18/03983


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 18 Septembre 2019

(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/03983 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5JH7



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Janvier 2016 par le Cour d'Appel de PARIS section RG n° 13/07205





APPELANT



M. [G] [S]

[Adresse 1]

représenté par Me Jihane CHARFEDDINE, avocat au barreau de PARIS, to

que : B0315





INTIMEES



SA FEDERAL EXPRESS CORPORATION

[Adresse 5]

représentée par Me Philippe DANESI, avocat au barreau de PARIS, toque : R235 substitué par Me Antoine BOUBA...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 18 Septembre 2019

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/03983 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5JH7

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Janvier 2016 par le Cour d'Appel de PARIS section RG n° 13/07205

APPELANT

M. [G] [S]

[Adresse 1]

représenté par Me Jihane CHARFEDDINE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0315

INTIMEES

SA FEDERAL EXPRESS CORPORATION

[Adresse 5]

représentée par Me Philippe DANESI, avocat au barreau de PARIS, toque : R235 substitué par Me Antoine BOUBAZINE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 juillet 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Hélène GUILLOU, Présidente de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

- Madame Hélène GUILLOU, présidente

- Madame Anne BERARD, présidente

- Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Pauline MAHEUX

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hélène GUILLOU, Présidente de chambre et par Pauline MAHEUX, présent lors du prononcé.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Le 25 octobre 2000 M. [G] [S] a été embauché par la société Federal Express Corporation (la société Fedex) en qualité de manutentionnaire de piste pour une durée de travail initiale de 108,33 h euros par mois puis, après avenant du 12 juillet 2001, de 130 heures par mois.

À compter du 12 janvier 2005 il est devenu agent de piste.

Après plusieurs arrêts maladie au cours des années 2007 et 2008, M. [S] a été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre du 9 juillet 2008 en raison de la désorganisation du service auquel il appartenait, due à son absence prolongée, nécessitant son remplacement définitif.

Le 6 mars 2009 il a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny en paiement d'indemnités et de rappel de salaire.

Par jugement du 17 mai 2013 le conseil de prud'hommes a :

- condamné la société Fedex à payer à M. [S] la somme de 70,41 euros au titre du solde de la prime d'ancienneté pour le mois de septembre 2008,

- rejeté les demandes de M. [S] au titre de la retenue sur salaire opérée en septembre 2008 ainsi que ses demandes au titre du harcèlement moral,

- rejeté la demande de M. [S] tendant au prononcé de la nullité de son licenciement,

- dit que son licenciement est dépourvu de conseil de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Fedex à lui payer la somme de 13'000 euros à titre de dommages-intérêts,

- rejeté les demandes au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement et de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- condamné la société Fedex à rembourser à pôle emploi une somme égale à trois mois d'indemnité de chômage,

- condamné la société Fedex à remettre à M. [S] un bulletin de paie de septembre 2008 conforme,

- condamné la société Fedex à payer à M. [S] la somme de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Le 19 juillet 2013 M. [S] a interjeté appel de la décision.

L'affaire a été radiée le 25 janvier 2016, puis réinscrite le 25 janvier 2018

L'affaire a été appelée à l'audience du 1er juillet 2019 au cours de laquelle les parties ont développé leurs conclusions régulièrement visées par le greffier ce jour et auxquelles la cour se réfère expressément.

M. [S] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- condamné la société Fedex à lui payer la somme de 70,41 euros au titre du solde de la prime d'ancienneté pour le mois de septembre 2008

- dit que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Fedex à rembourser à pôle emploi une somme égale à trois mois d'indemnité de chômage,

- condamné la société Fedex au paiement des frais et dépens d'instance,

- l'infirmer pour le surplus,

et, statuant à nouveau,

- dire qu'il a été victime de harcèlement moral au travail et que son employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat,

- dire que son employeur a manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail en ne faisant pas droit à sa demande de passage aux 35 heures,

- condamner la société Fedex à lui payer les sommes de :

- 21'028,80 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral et du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et à l exécution loyale du contrat

- 9 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'exécution loyale du contrat de travail en refusant sans motif le passage aux 35 heures

- 21'028 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1 924,68 euros à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 1 752,40 euros à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure et perte de chance consécutive,

- 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile faisant application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

- condamner la société Fedex aux dépens de première instance et d'appel

La société Fedex demande à la cour de :

- juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- jugé que M. [S] n'avait pas été victime de harcèlement moral au travail et que la société n'avait pas manqué à son obligation de sécurité de résultat,

- jugé que la société n'avait pas manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail en ne faisant pas droit à la demande de M. [S] de passage aux 35 heures,

- débouté M. [S] de ses demandes relatives à la retenue sur salaire opérée

en septembre 2018 et sur les heures complémentaires, à la demande indemnitaire au

titre du harcèlement moral, à la demande tendant à la nullité du licenciement, à la

demande au titre de l'irrégularité de procédure et à l'indemnité conventionnelle de licenciement.

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit que le licenciement de M. [S] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société au paiement de la somme de 70,41 euros (paie de septembre 2008),

- condamné la société au remboursement à Pôle Emploi de 3 mois d'indemnités chômage,

- condamné la société à verser à M. [S] la somme de 1 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société aux frais et dépens.

Il demande à la cour, statuant à nouveau de

- juger que le licenciement de M. [S] est justifié par une cause réelle et sérieuse,

- rejeter l'ensemble des demandes de M. [S],

- condamner M. [S] à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamnera M. [S] à lui rembourser l'ensemble des sommes versées au titre de l'exécution provisoire,

- condamner M. [S] aux frais et dépens.

MOTIFS :

Sur l'exécution du contrat de travail :

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [S] soutient avoir été victime de harcèlement moral de la part de l'employeur. Plus précisément il invoque :

- le refus non justifié de l'employeur d'augmenter son temps de travail,

- un management maltraitant et déficient.

Sur le passage à plein temps :

Le contrat de travail de M. [S] prévoit expressément qu'en fonction des nécessités du service la société Fedex pourra lui demander d'effectuer des heures supplémentaires dans la limite d'un tiers de la durée mensuelle prévue au contrat et qu'il bénéficiera d'une priorité d'affectation aux emplois à temps complet.

Aux termes de l'article L 3123-15 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 20 août 2008, lorsque, pendant une période de douze semaines consécutives ou pendant douze semaines au cours d'une période de quinze semaines ou sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L. 3122-2 si elle est supérieure, l'horaire moyen réellement accompli par un salarié a dépassé de deux heures au moins par semaine, ou de l'équivalent mensuel de cette durée, l'horaire prévu dans son contrat, celui-ci est modifié, sous réserve d'un préavis de sept jours et sauf opposition du salarié intéressé.

L'horaire modifié est égal à l'horaire antérieurement fixé auquel est ajoutée la différence entre cet horaire et l'horaire moyen réellement accompli.'

M. [S] soutient que compte tenu des heures de travail effectivement réalisées, notamment entre avril et juillet 2017, il était en droit de demander à ce contrat de travail soit porté à 35 heures par semaine.

Les bulletins de salaire qu'il verse aux débats, comme les éditions des compteurs pour cette période ne font cependant pas apparaître d'heures complémentaires répondant aux caractéristiques légales et conventionnelles permettant un accroissement du temps de travail.

M. [S] n'a en effet effectué que 16 heures complémentaires sur une durée de 4 mois et ce de façon irrégulière, effectuant entre une et trois heures complémentaires par semaine, et ce de façon non consécutives et pour une période qui n'a pas été équivalente à deux heures par semaine pendant quinze semaines.

Le refus injustifié d'augmenter son temps de travail n'est donc pas établi.

Sur le management maltraitant et déficient :

M. [S] expose avoir demandé en mai 2005 une journée de congé qui lui a été refusée par son manager, M. [A] [L] puis finalement accordée à la suite de l'intervention d'un syndicat et situe à cette date le début des relations conflictuelles avec M.[L].

Il expose que celui-ci s'en prend violemment à lui pour quelques minutes de retard et lui fait régulièrement et sans raison refaire le travail, qu'il lui demande de travailler pendant ces pauses.

Aucun des éléments produits au dossier ne permet d'établir ni que M. [S] aurait dû travailler pendant ses pauses ni qu'il lui aurait été demandé de refaire son travail.

Trois mains courantes ont été déposées par M. [S] au commissariat de [Localité 4] (31 mai 2015), de [Localité 3] (30 novembre 2015), d'[Localité 2] (18 janvier 2008).

- Le 31 mai 2005 il y déclare qu'il 'se sent harcelé par son supérieur' 'chaque fois que je lui demande un jour de repos supplémentaire celui-ci refuse. Après il dit que si je ne suis pas content je n'ai qu'à changer de travail rentrer chez moi ou faire artiste. Il hausse le ton à chaque fois et tente de me provoquer. Ce problème persiste depuis plusieurs mois.'

- Le 30 novembre 2015 il déclare y avoir des problèmes avec son manager depuis deux ans, et indique 'mon manager ne cesse de me mettre la pression psychologique, en me traitant de vaurien devant les collègues. Il me dit qu'il en a marre de moi. Lorsque je suis en désaccord avec lui il me dit c'est ta parole contre la mienne sous entendu que je n'ai pas de droit. Je me suis senti très mal d'ailleurs à l'heure actuelle je suis en dépression par rapport au comportement de mon manager. Suite au différend j'ai rencontré mon manager, j'ai été convoqué par la hiérarchie. A cet entretien il y avait mon manager, le représentant des ressources humaines ainsi qu'un représentant syndical. Je n'ai même pas eu le droit de m'exprimer, il me rabaissait et essayait de me désorienter en disant 'regarde-moi quand je te parle'. Je ne peux plus supporter cette situation.'

Le 18 janvier 2008 il déclare 'depuis la fin 2005 je subis de la part de mes supérieurs hiérarchiques de nombreuses pressions et harcèlement moral. Ils tentent de trouver plusieurs arguments pour me licencier. Au cours du mois d'octobre 2007 je devais passer du mi-temps au temps plein mais ces derniers refusent en prétextant de nombreux problèmes avec ma situation professionnelle, la personne chargée du personnel m'a dit: je vais m'occuper de ton cas jusqu'au jour où tu seras licencié'. Je suis en dépression et je supporte mal cette ambiance de travail.'

Le 15 novembre 2015 un différend a opposé M.[L] à M. [S], le manager lui ayant reproché une absence injustifiée que M. [S] a contesté, affirmant avoir eu l'autorisation verbale de s'absenter une journée le 17 septembre 2005 au titre d'un repos compensateur lui permettant de faire le lien avec ses congés payés. Aucune sanction n'a été prononcée par l'employeur, mais à cette occasion M. [S] a été victime d'une crise qui a été reconnue comme accident du travail.

Enfin l'employeur ne conteste pas qu'il ait été fait reproche à M. [S] de ses retards peu importants mais fréquents.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral de sorte qu'il appartient à l'employeur de démontrer que ses agissements sont sans lien avec celui-ci.

Les relevés d'heure versés aux débats démontrent que M. [S] était très souvent en retard, ne serait-ce que de quelques minutes et que son attention avait été attirée sur ces retards lors de ses entretiens.

C'est ainsi qu'en avril 2004, alors qu'il est globalement bien noté, il lui est reproché uniquement ces retards. Le manager expose à cette occasion qu'ils ne sont pas excessifs mais que M. [S] doit y mettre fin pour que cela reste tolérable. L'absence d'amélioration sur ce point est soulignée dans la notation postérieure.

En mai 2005 plus aucune remarque n'est faite sur la ponctualité mais en octobre 2005 ses retards systématiques de 5 à 10mn à l'arrivée sur le parking sont à nouveau déplorés, toute l'équipe étant déjà présente quand M. [S] arrive.

Ces remarques, dont le caractère violent ne ressort d'aucune des pièces du débat, sont donc justifiées par le comportement de M. [S] au regard des horaires.

Les mains courantes déposées sont toutes les trois relatives à des faits précédemment exposés et concernent:

- le refus d'accorder un passage à temps plein dont il a été précédemment jugé que le refus en était justifié,

- un refus d'accorder un jour de congé dans des conditions qui ne résultent que des dires de M. [S] et n'apparaissent pas anormales, le salarié ayant demandé à la dernière minute un changement pour pouvoir récupérer son fils à l'aéroport car le vol avait été avancé, ce qui n'était pas nécessairement compatible avec l'organisation du service et ne traduit pas en soi un abus de pouvoir,

- l'entretien du 15 novembre 2008 relatif à une absence injustifiée.

Le compte rendu dressé par la déléguée syndicale présente permet de constater que si M. [L] a bien demandé la convocation de M. [S] pour une absence injustifiée en septembre 2015, M. [S] a répondu qu'il n'était pas en absence injustifiée, que M. [L] a alors dit que de toute façon sa parole avait plus de valeur que la sienne, qu'immédiatement, M. [S] est devenu blême, s'est mis à trembler, s'est levé, a quitté la salle et s'est tapé la tête contre le mur dans les toilettes, qu'il était dans un état second qui a justifié son transport à l'hôpital.

Si, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la remarque de M. [L] était déplacée, il sera relevé d'une part qu'elle ne justifiait pas la réaction violente de M. [S], et d'autre part que le motif de la convocation n'était pas infondé M. [S] ne justifiant pas de l'autorisation qu'il soutenait lui avoir été donnée verbalement par le manager. Aucune sanction n'a d'ailleurs suivi cet entretien.

La même déléguée syndicale a d'ailleurs dans une autre attestation reconnu le 'mental fragile' de M. [S] qu'elle a attribué à un antécédent de harcèlement moral par un ancien manager.

Dans un courrier postérieur au licenciement M. [S] expose avoir été victime de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique, M. [C] [B], et y expose 'la direction a mis en doute mes propos concernant ma défense lors de mes droits acquis pour passer aux 35 heures 'up grade légal' et depuis ce jour mon manager n'a cessé de me harceler'. Il ne met donc pas en cause M. [L] et aucun des éléments du dossier ne permet d'incriminer M. [C].

Enfin si M. [S] produit quelques attestations indiquant qu'il était harcelé, ces attestations sont très imprécises. C'est ainsi que M. [T] [I] indique 'j'atteste sur l'honneur que M. [S] a subi pendant des années un harcèlement moral', sans préciser s'il était lui-même salarié de l'entreprise, et quels sont les faits de harcèlement moral qu'il a pu constater.

De même M. [J] [K] indique que 'M. [S] a été harcelé par ses supérieurs depuis plusieurs mois en le rabaissant lors des réunions de groupe notamment ses faits et gestes sur le 'ramp'. On disait toujours la vérité lors des réunions il était l'homme à abattre comme ses prédécesseurs [H], [Y], [R], [D], [E], [V]'.

Aucune précision n'est relatée sur la manifestation du harcèlement ainsi dénoncé.

En sens inverse, la société Fedex produit de nombreuses attestations faisant état du comportement managérial de M. [L] qui était certes exigeant et strict, mais 'entretenait dans l'équipe un dialogue franc' et 'maintenait une ambiance ouverte'. Une attestation d'un salarié, M. [U] [W], rapporte au contraire avoir assisté à un entretien téléphonique où M. [L] tentait de calmer M. [S] qui était furieux et le menaçait.

Ainsi le refus de l'employeur d'augmenter le temps de travail de M. [S], d'obtenir qu'il respecte les horaires et le traitement du différend sur une journée d'absence ne constituent pas des faits de harcèlement moral.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur la demande en paiement d'une indemnité de 70,41 euros :

La société Fedex fait valoir qu'en aucun cas, une prime d'ancienneté a un montant égal d'une année sur l'autre et que quant à la retenue E/S Monsieur [S] n'indique pas à quoi elle correspond ni la date de la fiche de paie concernée.

Si la prime d'ancienneté qui s'est élevée en 2008 d'abord à 88,02 euros puis 95,48 euros et enfin 100,59 euros en juin, juillet et août 2008, elle n'a plus été que de 30,18 euros en septembre 2008, ce qui se justifie pas la fin du préavis le 9 septembre 2008, seuls les 9/30ème de cette prime étant dus.

Le jugement qui a accordé la somme complémentaire de 70,41 euros sera donc infirmé sur ce point.

Sur la demande en paiement d'heures complémentaires :

Il a été jugé que M. [S] ne pouvait prétendre à un passage à temps plein et qu'il a été réglé des heures complémentaires effectuées. Sa demande en paiement de la somme de 9 000 euros à titre de dommages-intérêts sera donc rejetée.

Sur la rupture du contrat de travail :

M. [S] a été licencié en raison de la désorganisation qu'entraînaient ses absences sur l'organisation du service.

Il conteste d'une part la désorganisation invoquée et d'autre part qu'un salarié ait été recruté pour le remplacer.

Si l'article L.1132-1 du code du travail fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, il ne s'oppose pas à son licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées de l'intéressé, à la condition que ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif, lequel doit intervenir dans un délai raisonnable après le licenciement.

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve que les absences du salarié perturbaient le fonctionnement de l'entreprise et que son remplacement définitif était nécessaire.

Les absences d'un salarié peuvent être palliées par un travail supplémentaire des autres employés, ou par le recours à un autre salarié sous contrat à durée déterminée.

En l'espèce la société Fedex établit que M. [S] a été absent pendant 102 jours du 1er mars 2007 au 29 juillet 2008 et ce en dix arrêts de travail, d'abord brefs (6 arrêts de cinq jours au maximum en 2007) puis de plus longue durée ( deux arrêts de plus d'une semaine et deux arrêts de près d'un mois en 2008, avec des reprises d'un mois).

La société a pallié son absence par une organisation interne.

Elle démontre que son remplacement par des contrats à durée déterminée ou en faisant appel à l'intérim était quasiment impossible, de tels remplacements étaient même incompatibles avec les fonctions de M. [S] qui supposent des compétences techniques et le respect d'une réglementation stricte en matière de temps de sécurité. En effet, M. [S] est agent de piste et cette qualité ressort de ses fiches de paie et la société Fedex établit par la production de la fiche de poste de 'ramp handler', autre dénomination de la fonction d'agent de piste, la variété des fonctions, portant sur des contrôles des équipements et de l'environnement de l'avion avant le départ et à son arrivée, sur les signalements à opérer et la sécurité à respecter. Elle établit en outre que de nombreuses formations d'une durée totale d'une centaine d'heures, sont nécessaires.

Ces éléments justifient suffisamment la nécessité dans laquelle s'est trouvée la société de remplacer définitivement M. [S], le remplacement par d'autres collègues n'étant pas une solution durable.

La comparaison faite par M. [S] avec la situation de deux autres salariés qui ont également été absent, n'est pas de nature à remettre en question cette appréciation. En effet M. [N] a été déclaré inapte par le médecin du travail à sa fonction après un an d'absence continue et aucun élément du dossier ne permet de connaître quels étaient les motifs, la durée et les circonstances des absences de M. [O].

L'employeur justifie du remplacement définitif de M. [S] par M. [P] [M], non par un recours à l'intérim comme l'a improprement retenu le conseil de prud'hommes mais par un recrutement définitif et il ne peut lui être reproché d'avoir initié la procédure de remplacement dès le mois d'août 2008 alors que M. [S] était déjà absent depuis plus de 102 jours.

Lorsqu'il a été licencié M. [S] n'avait pas été déclaré inapte par le médecin du travail et l'employeur qui dispose du choix du motif de licenciement à condition qu'il soit pertinent, n'a pas commis de faute à cet égard.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a dit le licenciement de M. [S] dépourvu de cause réelle et sérieuse et quant aux conséquences pécuniaires de cette rupture.

Sur la demande en paiement d'un solde d'indemnité de licenciement :

L'article 20 de la convention collective stipule que l'indemnité de licenciement s'élève à 1/5 ème de mois par année d'ancienneté pour les cinq premières années puis de 2/5ème au-delà de cinq ans.

C'est donc à tort que M. [S] demande le paiement d'une indemnité égale à 2/5ème de mois par année d'ancienneté dès la première année.

Il sera débouté de sa demande sur ce point, le jugement étant confirmé.

Sur la demande de remboursement des sommes payées en vertu du jugement:

La présente décision constitue le titre exécutoire permettant le recouvrement des sommes payées en exécution du jugement infirmé, sans qu'il y ait lieu de l'ordonner.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 21 juin 2013:

- en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [S] au titre du harcèlement moral,

- en ce qu'il a rejeté la demande 'de passage au 35 heures',

- en ce qu'il a rejeté les demandes relatives à la retenue sur salaire et des heures complémentaires, - en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du licenciement,

- en ce qu'il a rejeté la demande en paiement du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- en ce qu'il a rejeté la demande au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement et de la 'perte de chance consécutive',

L'INFIRME pour le surplus,

DÉBOUTE M. [G] [S] tendant à voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DÉBOUTE M. [G] [S] de sa demande en paiement d'une somme de 70,41 euros au titre du solde de la prime d'ancienneté,

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [G] [S] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 18/03983
Date de la décision : 18/09/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°18/03983 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-18;18.03983 ?
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