Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 6
ARRÊT DU 05 NOVEMBRE 2019
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/06083 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7RZK
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Décembre 2018 -Juge des enfants de PARIS - RG n° L16/0026
APPELANTS
Madame [O] [D]
[Adresse 6]
[Localité 5]
comparante en personne
Monsieur [K] [D]
[Adresse 6]
[Localité 5]
comparant en personne, assisté de Me Laurence TARTOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : G0123
SERVICE EDUCATIF
Organisme UDAF
[Adresse 4]
[Localité 9]
représenté par Madame [S]
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 01 Octobre 2019, en chambre du conseil, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Pierre HOURCADE, Présidente de chambre
Madame Claire ESTEVENET, Conseillère
Madame Anne LATAILLADE, Conseillère chargée d'instruire l'affaire
magistras délégués à la protection de l'enfance, qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Maïté BLONDELLE
Ministère public : L'affaire a été communiquée au Ministère Public qui a apposé son visa au dossier.
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Pierre HOURCADE, Présidente de chambre et par Madame Maïté BLONDELLE, Greffier présent lors de la mise à disposition.
DÉCISION :
Prise après en avoir délibéré conformément à la loi.
La cour est saisie des appels joints par ordonnance en date du 28 août 2019, régulièrement interjetés par Madame [O] [D] et Monsieur [K] [D] contre un jugement rendu le 12 février 2019 par le juge des enfants de Paris qui a notamment :
- ordonné le renouvellement de la mesure d'aide à la gestion du budget familial à l'égard de la famille [D], du 12 février 2019 au 31 décembre 2019;
- dit que les prestations seront affectées aux besoins exclusifs des enfants et aux dépenses de première nécessité les concernant,
- désigné l'UDAF de [Localité 10] pour l'exercice de la mesure.
RAPPEL DE LA SITUATION
De l'union de Madame [O] [D] et Monsieur [K] [D] sont nés [U] le [Date naissance 1] 2002, [G] le [Date naissance 3] 2003 et [F] le [Date naissance 2] 2006.
Le juge des enfants de Paris était saisi le 17 février 2016 par requête du procureur de la République aux fins de mesure d'aide judiciaire à la gestion du budget familial concernant la famille aux motifs que le couple parental avait contracté une dette locative d'un montant de plus de 30.000 euros en septembre 2015 alors même qu'il n'était pas titulaire du bail, lequel était au nom de la mère de Monsieur [D] ; que les difficultés de paiement du loyer étaient récurrentes depuis 2013 de sorte qu'une procédure d'expulsion locative avait été engagée par le bailleur; qu'il était à craindre qu'elle ne soit menée jusqu'à son terme en l'absence de toute reprise du paiement des loyers, Monsieur [D] affirmant ne pas se sentir tenu à un quelconque paiement et étant convaincu qu'aucune expulsion ne serait mise en oeuvre en raison du handicap de deux de ses trois fils; que les revenus du couple principalement constitués de prestations sociales étaient intégralement versées sur le compte bancaire de Monsieur [D] sur lequel son épouse n'avait aucune procuration ; qu'en dépit de ces difficultés majeures, aucun accompagnement social n'avait pu être mise en place.
En parallèle, le Juge des enfants de Paris était saisi le 23 février 2016 par requête en assistance éducative du procureur de la République, dont il ressortait qu'outre les importantes difficultés financières, la situation familiale globale était difficile, que l'unique chambre du logement était réservée aux parents, les trois enfants se partageant le salon, que [U] semblait avoir endossé le rôle de protecteur vis à vis de sa mère, et que les deux plus jeunes étaient en situation de handicap.
Le 26 avril 2016, le Juge des Enfants de Paris ordonnait une mesure d'aide à la gestion familiale à l'égard de la famille [D] jusqu'au 30 avril 2017, jugement confirmé en appel le 27 février 2017.
Le même jour, le Juge des Enfants de Paris ordonnait une mesure judiciaire d'investigation éducative confiée au Service espoir.
Dans un rapport sur la situation financière en date 15 février 2017, l'UDAF de [Localité 9] indiquait que la famille occupait un logement de deux pièces dans un parc locatif social, qu'une procédure d'expulsion était en cours et que la dette locative était estimée à 50 000 euros. Le service faisait état d'une situation familiale complexe et mentionnait qu'aucune rencontre n'avait pu être organisée avec la famille de sorte qu'il n'avait pu avoir accès aux informations financières la concernant et établir un état de la situation budgétaire. Ce service faisait état d'un climat général insécurisant pour les enfants sur lesquels le père paraissait exercer une emprise et relevait que dans ce contexte, la capacité des parents à appréhender la réalité de leur situation financière, à engager les démarches nécessaires à l'ouverture et à la sauvegarde de leurs droits ainsi qu'à évaluer les besoins de leurs enfants et à y répondre, ne pouvait être évaluée.
Par jugement en date du 30 mars 2017, le juge des enfants décidait une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert au profit de [U], [G] et [F] pour une durée d'un an.
Par note en date du 31 janvier 2018, l'UDAF de [Localité 10] indiquait que la situation était inchangée, les tentatives de collaboration avec la famille demeuraient vaines, le service n'ayant toujours aucune information concernant la situation budgétaire de la famille qui restait sous le coup d'une procédure d'expulsion, la dette locative s'élevant à près de 50.000 euros. Il était noté que le couple ne percevait plus le RSA depuis le mois d'août 2017, que ses autres ressources étaient inconnues et alors qu'une somme de plus de 15.000 euros était disponible dont Monsieur [D] sollicitait la restitution, il n'avait pas été possible d'adresser des fonds à la famille pour faire face aux besoins des enfants, les seuls relevés d'identité bancaire transmis concernant des comptes qui s'avéraient être clôturés.
Par décision en date du 5 février 2018, le juge des enfants renouvelait à nouveau la mesure d'aide à la gestion du budget familial jusqu'au 31 juillet 2018 après avoir constaté que les parents, en opposition avec la mesure, étaient manifestement dans l'incapacité de protéger leurs enfants en utilisant les prestations sociales dans l'intérêt de ceux-ci.
Le même jour, le juge des enfants maintenait la mesure d'assistance éducative en milieu ouvert au profit de [U], [G] et [F] jusqu'au 31 juillet 2018.
Par décision en date du 4 juillet 2018, la mesure d'aide à la gestion du budget familial était renouvelée jusqu'au 31 décembre 2018.
Par note en date du 6 décembre 2018, l'UDAF de [Localité 10] chargée de l'exercice de la mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial mentionnait que la famille était toujours sous le coup d'une procédure d'expulsion en raison de son occupation sans droit ni titre du logement dont le bail avait été consenti à la mère de Monsieur [D]. Le service indiquait qu'il n'avait toujours pas accès aux informations concernant la situation financière de la famille de sorte qu'aucun état de la situation budgétaire ne pouvait être dressé. Il était fait état de l'opposition persistante de Monsieur [D] à la mesure, son attitude ayant pour effet d'empêcher l'ouverture de droits dont ses enfants pourraient bénéficier. Ainsi, il était noté que les droits aux allocations d'éducation d'enfants handicapés pour [G] et [F] étaient suspendus depuis janvier 2018, que Monsieur [D] avait effectué un changement d'adresse auprès des services de la CAF, l'adresse donnée étant selon Mme [D] celle de son beau-père, ce qui risquait de suspendre les prestations familiales. Selon le service, Mme [D] restait démunie face à l'attitude de son mari et semblait craindre ses réactions. La question de la mise en place d'une mesure de protection pour les majeurs au bénéfice des parents était posée.
Par décision en date du date du 21 décembre 2018, le juge des enfants maintenait la mesure éducative en milieu ouvert au profit de [U] [D] jusqu'au 31 décembre 2019 et confiait les mineurs [G] et [F] [D] à l'aide sociale à l'enfance de [Localité 10] jusqu'au 31 décembre 2019, prévoyant que les prestations familiales auxquelles les mineurs ouvrent droit seront versées directement au service gardien.
Par décision en date du 8 janvier 2019, la mesure d'aide à la gestion du budget familial était maintenue jusqu'au 12 février 2019. C'est dans ce contexte qu'intervenait la décision frappée d'appel.
Depuis lors, la CRIP faisait parvenir le 7 février 2019 au Juge des Enfants de Paris une information préoccupante en date du 4 février 2019, réalisée par le Médecin du collège [11] au sein duquel était scolarisé [G]. Le médecin signalait qu'aucun traitement ou soins psychiatriques n'avaient été donnés à [G], malgré ses demandes 15 jours plus tôt. Le médecin préconisait la mise en place d'un suivi médical et psychiatrique.
Par ordonnance en date du 20 août 2019, le juge des enfants confiait au service gardien le soin de signer les documents nécessaires à l'admission d'[G] [D] au CIAPA et au [12].
Par ordonnance en date du 16 septembre 2019, le juge des enfants maintenait le placement d'[F] [D] à l'ASE en vue de son accueil à l'IME [8] en internat.
Selon le rapport de la direction de la prévention et de la protection de l'enfance de la ville de [Localité 10], (ASE) en date du 20 septembre 2019, l'admission d'[G] au CIAPA était prévue le 23 septembre 2019 et celle d'[F] en internat à l'IME [8], initialement programmée pour la rentrée de septembre 2019, était reportée au 15 octobre 2019, avec retour chez les parents toutes les fins de semaine. Il était indiqué qu'un certain lien de confiance avait pu être établi avec les parents, plus particulièrement Monsieur [D], qui s'était engagé à aller chercher [F] à l'IMP de [Localité 7] les lundi, mercredi, jeudi et vendredi, mais qu'ils niaient en partie les difficultés de leurs enfants. Ainsi, Madame [D] soutenait qu'[F] pouvait être scolarisé en milieu ordinaire alors qu'il ne savait ni lire, ni écrire et ne parlait pas et elle refusait qu'[G] prenne son traitement médical et ne l'emmenait plus au CMP. Le service préconisait le maintien du placement des mineurs avec mise en place d'un droit d'hébergement pour [F] et des droits de visite médiatisée pour [G].
Devant la cour,
Monsieur [K] [D] comparaît assisté de son conseil. Il sollicite la mainlevée de la mesure d'aide à la gestion du budget familial. Il fait valoir que la dette locative et a été soldée et qu'il n'y a pas de mesure d'expulsion en cours. Il précise travailler en contrats à durée déterminée dans le domaine de l'évènementiel et percevoir un salaire de 1400 euros par mois.
Le conseil de Monsieur [K] [D] fait valoir qu'il n'y a pas de procédure d'expulsion en cours ; que la dette locative a été soldée et que la famille habite avec la mère de Monsieur [D] dans le logement dont cette dernière est locataire et dont elle règle le loyer.
Madame [O] [D] comparaît en personne. Elle sollicite également la mainlevée de la mesure d'aide à la gestion du budget familial.
L'UDAF de [Localité 10], représentée par Madame [S], s'oppose à la mainlevée de la mesure.
Elle fait valoir que l'UDAF de [Localité 10] n'a toujours pas pu avoir accès au logement de sorte qu'aucune évaluation des besoins de la famille n'a pu être effectuée. Elle ajoute que le versement des allocations d'éducation pour enfants handicapés était à nouveau suspendu car les parents n'avaient pas effectué les démarches de renouvellement auprès de la MDPH. Elle rappelle que faute de transmission de coordonnées bancaires valables, elle ne peut effectuer aucun versement dans l'intérêt des enfants alors qu'elle dispose d'une somme de 10.000 euros.
L'association Espoir, représentée par Madame [H], fait valoir que la famille ne collabore pas à la mesure éducative en milieu ouvert, Monsieur et Madame [D] ne viennent pas aux rendez-vous et refusent l'accès à leur domicile depuis le début de l'intervention éducative, précisant que la dernière rencontre avec les parents date du mois d'avril 2019.
Le ministère public a apposé son visa au dossier, le 30 septembre 2019.
SUR CE,
LA COUR,
Au vu des pièces du dossier telles que rapportées ci-dessus et débattues contradictoirement, c'est à juste titre et par des motifs pertinents et circonstanciés que la cour adopte, que le premier juge a pris la décision de renouveler la mesure d'aide à la gestion du budget familial.
A ce jour, il y a lieu de constater que la situation n'a pas évolué. Si l'endettement locatif a été résorbé, il apparaît que la famille demeure occupante sans droit ni titre du logement social loué à la mère de Monsieur [D], qu'elle ne permet pas l'accès aux informations financières la concernant et fait obstacle à toute visite au domicile de sorte que les besoins des enfants ne peuvent être évalués. Par ailleurs, le versement des allocation d'éducation d'enfant handicapé est suspendu faute d'accomplissement dans les temps des démarches par les parents qui n'ont pas non plus transmis de coordonnées bancaires valables de sorte qu'aucun versement dans l'intérêt des enfants n'a pu être effectué par le service chargé de l'exercice de la mesure alors qu'il dispose de fonds importants. Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de confirmer la mesure entreprise afin de s'assurer du versement effectif des prestations familiales et de leur emploi pour l'entretien, la santé et l'éducation des enfants alors que [U] demeure au domicile familial.
PAR CES MOTIFS:
LA COUR,
Statuant en chambre du conseil et par arrêt contradictoire,
Reçoit l'appel de Madame [O] [D] et Monsieur [K] [D],
Confirme l'intégralité de la décision entreprise,
Rejette les demandes plus amples et contraires formées par Madame [O] [D] et Monsieur [K] [D],
Ordonne le retour du dossier au juge des enfants de PARIS,
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.
LA PRÉSIDENTELE GREFFIER