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12/11/2019 | FRANCE | N°18/14621

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 12 novembre 2019, 18/14621


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1



ARRET DU 12 NOVEMBRE 2019



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/14621 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5Z2R



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Mai 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/01646





APPELANT



LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MADAME LE PRO

CUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL

[Adresse 4]

[Localité 6]



représenté par Mme SCHLANGER, avocat général





INTIME



Monsieur [P] [O] né le [Date naissance 3] 1966 à [Localit...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1

ARRET DU 12 NOVEMBRE 2019

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/14621 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5Z2R

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Mai 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/01646

APPELANT

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MADAME LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL

[Adresse 4]

[Localité 6]

représenté par Mme SCHLANGER, avocat général

INTIME

Monsieur [P] [O] né le [Date naissance 3] 1966 à [Localité 8] (Algérie)

[Adresse 1]

[Localité 7]

représenté par Me Nayla HADDAD, avocat au barreau de PARIS, toque : J148

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 octobre 2019, en audience publique, le ministère public et l' avocat de l'intimé ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne BEAUVOIS, présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Dominique GUIHAL, présidente

Mme Anne BEAUVOIS, présidente

M. Jean LECAROZ, conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Dominique GUIHAL, présidente et par Mme Mélanie PATE, greffière.

M. [P] [O], né le [Date naissance 3] 1966 à [Localité 8] (Algérie), de nationalité algérienne, a contracté mariage le [Date mariage 5] 1998 à [Localité 9] (Oise) avec Mme [S] [Y], née le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 9], de nationalité française.

Aucun enfant n'est issu de cette union.

Le 27 mars 2000, M. [P] [O], a souscrit une déclaration de nationalité française sur le fondement de l'article 21-2 du code civil devant le juge d'instance de Senlis (Oise) laquelle a été enregistrée le 7 février 2001 sous le n°02511/2001 par le ministère chargé des naturalisations.

Par jugement rendu le 14 décembre 2004, le tribunal de grande instance de Senlis a prononcé le divorce de M. [P] [O] et de Mme [S] [Y].

Par acte en date du 25 novembre 2015, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris a assigné M. [P] en annulation de l'enregistrement.

Par jugement rendu le 24 mai 2018, le tribunal de grande instance de Paris a constaté que le récépissé de l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, rejeté l'exception d'incompétence territoriale soutenue par le défendeur, déclaré le ministère public irrecevable en son action, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamné le Trésor public aux dépens.

Le procureur général près la cour d'appel de Paris a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 7 juin 2018.

Par dernières conclusions notifiées le 13 août 2019, le ministère public demande à la cour de dire que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, d'infirmer le jugement, statuant à nouveau, de déclarer le ministère public recevable en son action, de déclarer irrecevable la demande de M. [P] [O] sur le fondement de l'article 21-13 du code civil, d'annuler l'enregistrement n° 02511/2001 effectué le 7 février 2001, de la déclaration de nationalité française auprès du juge d'instance de Senlis (Oise), souscrite le 27 mars 2000 par M. [P] [O] (dossier 2000DX6698), constater l'extranéité de M. [P] [O], ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil, débouter M. [P] [O] de toutes ses demandes.

Par dernières conclusions notifiées le 20 mai 2019, M. [P] [O] demande à la cour à titre principal de confirmer le jugement et déclarer irrecevable le ministère public en son action, subsidiairement de débouter le ministère public de ses prétentions, de le condamner à lui payer une indemnité de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamner le ministère public aux dépens.

SUR QUOI :

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile par la production du récépissé délivré le 18 juin 2018.

Selon l'article 21-2 du code civil, dans sa rédaction applicable en l'espèce, 'L'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai d'un an à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie n'ait pas cessé entre les époux et que le conjoint ait conservé sa nationalité.

Le délai d'un an est supprimé lorsque naît, avant ou après le mariage, un enfant dont la filiation est établie à l'égard des deux conjoints, si les conditions relatives à la communauté de vie et à la nationalité du conjoint français sont satisfaites.

La déclaration est faite dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants. Par dérogation aux dispositions de l'article 26-1, elle est enregistrée par le ministre chargé des naturalisations. »

Selon l'article 26-4 du code civil, « A défaut de refus d'enregistrement dans les délais légaux, copie de la déclaration est remise au déclarant revêtue de la mention de l'enregistrement.

Dans le délai de deux ans suivant la date à laquelle il a été effectué, l'enregistrement peut être contesté par le ministère public si les conditions légales ne sont pas satisfaites.

L'enregistrement peut encore être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte. La cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration prévue à l'article 21-2 constitue une présomption de fraude ».

La présomption résultant de la cessation de la communauté de vie prévue par la seconde phrase du troisième alinéa de l'article 26-4 ne saurait s'appliquer que dans les instances engagées dans les deux années de la date de l'enregistrement de la déclaration. Dans les instances engagées postérieurement, il appartient au ministère public de rapporter la preuve du mensonge ou de la fraude invoqué. Sous cette réserve, l'article 26-4, dans sa rédaction issue de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, est conforme à la Constitution (Cons. const. 30 mars 2012, no 2012-227 QPC).

Sur la demande d'annulation de l'enregistrement de la déclaration

Sur la recevabilité de l'action du ministère public

Seul le ministère public territorialement compétent peut agir en annulation pour fraude de l'enregistrement d'une déclaration acquisitive de nationalité française du fait du mariage. C'est à compter de la date à laquelle celui-ci l'a découverte que court le délai biennal d'exercice de cette action.

En l'espèce, le ministère public produit la transmission par le bureau n°2 de la sous-direction de l'accès à la nationalité française du Ministère de l'Intérieur, en date du 10 septembre 2015, à la direction des affaires civiles et du Sceau, bureau de la Nationalité, en vue d'une proposition de contestation de la déclaration enregistrée de M. [P] [O], expliquant les conditions dans lesquelles ledit bureau a eu connaissance des éléments constitutifs de la fraude invoquée, à l'occasion de la souscription de la déclaration de Mme [X] [G], qui a épousé M. [P] [O] dans les deux mois ayant suivi le jugement de divorce du 14 décembre 2004 d'avec Mme [S] [Y], ainsi que la transmission au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris en date du 20 octobre 2015 pour éventuelle saisine de la juridiction en vue de contester l'enregistrement.

M. [P] [O] prétend que le ministère public aurait pu découvrir la fraude alléguée avant cette date en raison de la requête en annulation de mariage déposée par son épouse antérieurement à la procédure de divorce et à travers la transcription du jugement de divorce.

Cependant, il n'est pas justifié du dépôt d'une requête en annulation du mariage qui aurait saisi le Procureur de la République alors territorialement compétent, ni de ce que cette requête aurait été accompagnée d'un certificat de virginité comme il l'est prétendu, ni de la suite que celui-ci lui aurait donné et qui manifesterait sa connaissance de la fraude. Il n'est pas établi par ailleurs à quelle date la mention du divorce a été portée en marge de l'acte de mariage.

Aucun élément ne permet donc de retenir que le délai biennal pour agir a couru avant le 20 octobre 2015.

Le procureur de la République, territorialement compétent à raison du domicile de M. [P] [O] à [Localité 7], a assigné celui-ci le 20 novembre 2015. Son action est donc recevable et le jugement est infirmé sauf en ce qu'il a constaté que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré et rejeté l'exception d'incompétence territoriale, dispositions du jugement non discutées en appel par les parties.

Au fond

Le ministère public produit pour établir la fraude le jugement rendu le 14 décembre 2004 par le tribunal de grande instance de Senlis, dont M. [P] [O] n'a pas relevé appel, qui a prononcé le divorce de celui-ci et de Mme [S] [Y], aux torts de l'époux, en constatant qu'il résultait des attestations produites par l'épouse que l'intéressé ne fréquentait plus cette dernière au domicile de ses parents, qu'il demeurait chez ses propres parents et qu'il n'avait plus donné signe de vie depuis le [Date mariage 5] 1998, date du mariage.

Les pièces versées aux débats par M. [P] [O] lequel déclare être arrivé en France en mai 1998, qui sont constituées de son certificat de résidence d'algérien délivré pour la période du 15 juin 1999 au 14 juin 2000 en France puis du certificat valable à compter du 15 juin 2000 pour dix ans et enfin dans la déclaration en vue de réclamer la nationalité française du 27 mars 2000 lesquels mentionnent une adresse commune avec son épouse, ne rapportent pas la preuve d'une vie commune tant matérielle qu'affective persistant entre les époux au jour de la déclaration de nationalité.

La preuve de la fraude étant apportée par le ministère public, sans être utilement combattue par les éléments produits par M. [P] [O], l'enregistrement de la déclaration de nationalité de l'intimé doit être annulé et l'extranéité de l'intéressé constatée.

Compte tenu du sens de la décision, M. [O] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

M. [P] [O] succombant en ses prétentions, supportera les dépens et sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS :

Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré.

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a constaté que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré et rejeté l'exception d'incompétence territoriale.

Statuant à nouveau :

Déclare le ministère public recevable en son action.

Annule l'enregistrement n°02511/2001 effectué le 7 février 2001, de la déclaration de nationalité française souscrite le 27 mars 2000 auprès du juge d'instance de Senlis (Oise) par M. [P] [O] (dossier 2000DX6698).

Constate l'extranéité de M. [P] [O], né le [Date naissance 3] 1966 à [Localité 8] (Algérie).

Rejette la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive de M. [O].

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil.

Condamne M. [P] [O] aux dépens et rejette sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 18/14621
Date de la décision : 12/11/2019

Références :

Cour d'appel de Paris A1, arrêt n°18/14621 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-12;18.14621 ?
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