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21/11/2019 | FRANCE | N°18/02041

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 21 novembre 2019, 18/02041


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 21 NOVEMBRE 2019



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/02041 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5AME



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Juin 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 15/13638





APPELANT



Monsieur [Y] [Q]

Demeurant [Adresse 1]
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Représenté par Me Auriane MOURET, avocat au barreau de PARIS





INTIMEE



La société NORD SUD VOYAGES

Sise [Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Olivier BERN...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 21 NOVEMBRE 2019

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/02041 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5AME

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Juin 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 15/13638

APPELANT

Monsieur [Y] [Q]

Demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Auriane MOURET, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

La société NORD SUD VOYAGES

Sise [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 octobre 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente

Madame Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente

Madame Isabelle MONTAGNE, Conseillère

Greffier : Madame Pauline MAHEUX, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente de chambre et par Madame Marine BRUNIE, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par contrat à durée indéterminée du 1er décembre 2010, succédant à un contrat à durée déterminée de 12 mois ayant pris effet le 1er décembre 2009, M. [Y] [Q] a été engagé par la société Nord-sud voyages en qualité d'agent de comptoir, catégorie non cadre, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 383,8 euros conduisant à une moyenne de 1 560,13 euros brut calculée sur les 12 derniers mois de travail dont le montant n'est pas discuté par les parties.

Par lettre recommandée du 20 octobre 2015 lui notifiant sa mise à pied à titre conservatoire, M. [Q] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 30 octobre 2015 puis licencié pour faute grave par courrier adressé sous la même forme le 4 novembre 2015.

La société Nord-sud voyages employait moins de 11 salariés au moment de la rupture du contrat de travail et appliquait la convention collective nationale du personnel des agences de voyage et du tourisme.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [Q] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 25 novembre 2015, afin d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 19 juin 2017 auquel il convient de se reporter pour l'exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris, section commerce, a débouté M. [Q] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

M. [Q] a régulièrement relevé appel du jugement le 25 janvier 2018.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 19 avril 2018 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. [Q] prie la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a retenu l'existence d'une faute grave et n'a pas fait droit à ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et de rappel de salaire sur mise à pied,

- dire son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Nord-sud voyages à lui payer les sommes de :

* 437,26 euros à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied du 29 octobre au 4 novembre 2015 outre 43,72 euros au titre des congés payés y afférents,

* 18'721,56 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

* 3 120,26 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 312,02 euros au titre des congés payés y afférents,

* 1 950,16 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'intérêt au taux légal à compter de la saisine,

- statuer sur les dépens.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 9 juillet 2018 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Nord-sud voyages prie la cour de :

- débouter M. [Q] de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- condamner M. [Q] à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 septembre 2019 et l'affaire est venue pour plaider à l'audience du 12 octobre 2019.

SUR CE :

Sur le bien-fondé du licenciement :

Aux termes de la lettre de licenciement fixant les limites du litige, M. [Q] a été licencié pour fautes graves, l'employeur lui reprochant six séries de faits témoignant d'une exécution déloyale du contrat de travail :

- une absence injustifiée les 25 et 26 septembre 2015,

- un solde débiteur de 605 euros dans les opérations d'encaissement clients et de décaissement (versement en banque) en date du 23 septembre « qui ne peut s'interpréter que comme un détournement de fonds », la somme ayant été versée en banque le 23 octobre 2015, soit le jour où l'employeur l'a informé de l'envoi d'une lettre de convocation à entretien préalable,

- l'enregistrement au crédit d'un passager, M. [A] [T], lors de la revalidation de son billet, d'une somme de 495 euros alors que ce client a affirmé à l'employeur avoir effectué un règlement de 520 euros: « il manquerait ainsi en caisse une somme de 25 euros »,

- d'avoir émis plusieurs factures sans enregistrer systématiquement l'adresse et le contact téléphonique des nouveaux clients contrairement à ce que lui a demandé l'employeur, empêchant de ce fait tous contacts et contrôles ultérieurs,

- d'avoir enregistré une facture de 1 670 euros pour le client [R] [K], alors que la compagnie Aigle Azur a adressé à l'employeur un mémo débit agence de 570 euros ce qui porte la facture à la somme de 2 240 euros,

- un solde global impayé de 6 184,28 euros à l'examen des factures 2014/2015 ce qui ne peut s'interpréter, selon l'employeur, que par le fait que le salarié a accordé un crédit aux passagers concernés par ces soldes débiteurs, enfreignant ainsi délibérément les stipulations de son contrat de travail, ou alors par le fait que le solde débiteur a été régularisé par les passagers avant le départ auquel cas le salarié s'est abstenu de remettre les fonds en caisse et ce, alors que par le passé, M. [Q] avait déjà procédé de la sorte avant de prendre l'engagement, par courrier du 10 octobre 2012, de rembourser les factures débitrices de clients dont le solde demeure encore à ce jour de 8 552,80 euros.

La faute grave s'entend d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation de ses obligations contractuelles d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise. La charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur.

M. [Q] sollicite l'infirmation du jugement qui a retenu que la faute grave était justifiée en faisant valoir soit que les faits n'étaient pas établis, soit qu'ils relevaient de l'insuffisance professionnelle, soit qu'ils ne lui étaient pas imputables.

De son côté, l'employeur conclut au débouté et à la confirmation du jugement.

S'agissant en premier lieu de l'absence d'enregistrement des adresses et numéros de téléphone sur les factures des nouveaux clients, la cour observe, comme le soutient le salarié, que l'employeur, qui se contente de produire les factures concernées, n'établit pas que ces manquements relèvent d'une volonté délibérée de M. [Q] de sorte que les faits relèvent en réalité d'une insuffisance professionnelle qui ne peut justifier un licenciement disciplinaire. Les faits ne seront donc pas retenus.

S'agissant en second lieu du solde débiteur de 605 euros, sont versés aux débats, la clôture journalière du 23 septembre 2015 laquelle fait apparaître le versement de cette somme, ainsi que le récépissé du dépôt d'espèces correspondant , effectué en banque le 23 octobre 2015 seulement. Ces seuls éléments ne suffisent cependant pas à établir le détournement de fonds reproché au salarié puisque les fonds ont été versés et que l'employeur ne justifie pas de la date à laquelle la convocation à l'entretien préalable a effectivement été reçue par M. [Q] alors que cette circonstance est prise en compte dans la lettre de licenciement. Les faits ne seront donc pas davantage retenus par la cour.

S'agissant en troisième lieu du détournement de la somme de 25 euros, l'employeur se contente de verser aux débats l'attestation d'un client qui affirme avoir payé son billet 520 euros alors que M. [B] (le gérant de la société) lui a dit que le billet a été réglé à 495 euros et accuse M. [Q] d'avoir « mis 25 euros dans sa poche » ce qui établit qu'il répète les propos de l'employeur et ne suffit pas à établir la matérialité des faits alors que la facture correspondant au nom de ce client pour un montant de 495 euros a été établie par M. [B] [L] lui-même, et non par M. [Q]. La cour ne retiendra donc pas que les faits sont établis.

S'agissant en quatrième lieu des factures impayées pour un montant de 6 184,28 euros, l'employeur écrit dans la lettre de licenciement que ces impayés correspondent soit à une pratique prohibée de crédit aux clients et la cour relève effectivement que l'article 11 du contrat de travail interdit à M. [Q] une telle pratique soit qu'il s'agit de détournement de fonds effectué par le salarié qui a déjà procédé de la sorte en 2012. Cependant, la cour observe que les seules factures communiquées par l'employeur ne suffisent pas, en l'absence de tout élément comptable, à établir la réalité des impayés allégués ni l'imputabilité des faits à M. [Q]. Ces faits ne seront donc pas non plus retenus par la cour.

S'agissant en cinquième lieu de la différence de 570 euros entre la facture enregistrée par M. [Q] pour le client [R] [K] et le coût réel du voyage tel qu'il ressort du mémo débit agence adressé par la compagnie Aigle Azur, l'employeur soutient dans ses écritures que M. [Q] a diminué la valeur nominale du billet d'origine, vraisemblablement pour faire profiter une connaissance à lui d'un tarif indu. Cependant, les pièces qu'il verse aux débats ne suffisent pas à établir que la faute alléguée est imputable à M. [Q] puisque la facture litigieuse du 27 juillet 2015, établie pour un montant de 1 670 euros, a été émise par un salarié utilisant le pseudonyme [W] alors que M. [Q] utilise celui de [Y] [M] et que l'employeur ne démontre pas qu'il utilisait également le pseudonyme de [W]. La cour ne retiendra donc pas que ces faits sont imputables au salarié.

S'agissant en dernier lieu des absences des 25 et 26 septembre 2015, les attestations versées aux débats par l'employeur suffisent à établir la matérialité des faits pour la journée du 26 septembre, malgré les dénégations du salarié et les attestations contraires qu'il communique puisqu'elles émanent de deux salariées de l'entreprise, l'une indiquant avoir assuré l'ouverture et la fermeture de l'agence le 26 septembre 2015 et avoir constaté l'absence de M. [Q] (attestation [E]), et l'autre précisant avoir dû se rendre à l'agence pour aider Mme [E] qui était seule en l'absence de M. [Q] (attestation [B]). Par ailleurs, l'absence du 25 septembre 2015 est admise par M.[Q] qui affirme avoir accompagné sa mère à un rendez-vous médical sans justifier pour autant avoir prévenu l'employeur de son absence. La cour retiendra donc que les faits reprochés sont établis.

En définitive, il résulte de ce qui précède que parmi l'ensemble des faits reprochés au salarié, seules les absences des 25 et 26 septembre 2015 sont justifiées et ces faits à eux seuls ne sont pas de nature à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ni même à caractériser l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement.

La cour dira donc le licenciement sans cause réelle et sérieuse et infirmera le jugement en ce qu'il a retenu l'existence de la faute grave.

Sur les conséquences du licenciement :

Sur le rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, la cour n'ayant pas retenu l'existence de la faute grave, la demande présentée par M. [Q] sera accueillie à hauteur de la somme de 403,62 euros correspondant au montant total des retenues figurant à ce titre sur ses bulletins de salaire d'octobre et novembre 2015 et la société Nord-Sud voyages sera condamnée en outre à lui verser la somme de 40,36 euros au titre des congés payés y afférents. Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis, la société Nord-sud voyages sera condamnée à payer à M. [Q] la somme de 3 120,26 euros correspondant au délai congé de deux mois prévus par l'article 19-1 de la convention collective outre 312,02 euros au titre des congés payés y afférents et le jugement sera infirmé de ces chefs.

Sur l'indemnité légale de licenciement, la société Nord-sud voyages sera condamnée à payer à M. [Q] la somme de 1 950,16 euros qu'il réclame sur la base d'un salaire de référence de 1 560,13 euros et d'une ancienneté remontant au 1er décembre 1999. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, employé depuis plus de deux ans dans une entreprise comprenant moins de 11 salariés, M. [Q], doit être indemnisé au titre de la rupture abusive du contrat de travail en fonction du préjudice dont il justifie en application de l'article L. 1235 -5 du code du travail dans sa version en vigueur du 1er mai 2008 au 10 août 2016, applicable au litige. Eu égard à son ancienneté dans l'entreprise (presque six ans), à son âge au moment du licenciement (né en 1970), aux circonstances du licenciement, à ce qu'il justifie de sa situation postérieure au licenciement (ARE à compter du 6 janvier 2016, contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er août 2017), au montant de sa rémunération, la société Nord-sud voyages sera condamnée à lui payer une somme de 10'000 euros de dommages-intérêts suffisant à réparer son entier préjudice pour rupture abusive du contrat de travail. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les autres demandes :

En application des articles 1153 et 1153-1 du code civil, recodifiés sous les articles 1231-6 et 1231-7 du même code par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, et les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter du présent arrêt.

La société Nord-sud voyages sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et devra indemniser M. [Q] des frais exposés par lui et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Nord-sud voyages à payer à M. [Y] [Q] les sommes de :

- 403,62 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire outre 40,36 euros au titre des congés payés y afférents,

- 10'000 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

- 3 120,26 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 312,02 euros au titre des congés payés y afférents,

- 1 950,16 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

Dit que les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, et les créances indemnitaires, à compter du présent arrêt,

Condamne la société Nord-sud voyages à payer à M. [Y] [Q] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Nord-sud voyages aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 18/02041
Date de la décision : 21/11/2019

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°18/02041 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-21;18.02041 ?
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