Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRÊT DU 15 JANVIER 2020
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/16016 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B56IR
Décision déférée à la Cour : Jugement du 5 Décembre 2014 - Tribunal de grande instance d'EVRY - RG n°11/06156
APPELANTS
Monsieur [C] [M]
né le [Date naissance 7] 1938 à [Localité 24] (ITALIE)
[Adresse 5]
[Localité 17]
Madame [E] [P] épouse [M]
née le [Date naissance 1] 1939 à [Localité 24] (ITALIE)
[Adresse 5]
[Localité 17]
Madame [L] [M] épouse [F]
née le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 26]
[Adresse 8]
[Localité 16]
représentés et plaidant par Me François GERBER de la SELARL CABINET GERBER, avocat au barreau de PARIS, toque : G0297
INTIMES
Monsieur [A] [W]
né le [Date naissance 11] 1976 à [Localité 23]
[Adresse 9]
[Localité 20]
Monsieur [U], [B] [W]
né le [Date naissance 10] 1980 à [Localité 21]
[Adresse 19]
[Localité 15]
représentés par Me Carole DA SILVA, avocat au barreau de l'ESSONNE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 30 Octobre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Dorothée DARD, Président
Mme Madeleine HUBERTY, Conseiller
Mme Catherine GONZALEZ, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Dorothée DARD dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Dorothée DARD, Président et par Mme Emilie POMPON, Greffier.
***
Par acte authentique du 18 juin 2002, reçu par Maître [S] [X], notaire à [Localité 22], en présence de deux témoins, [I] [J], née le [Date naissance 12] 1916, a institué légataires universels, chacun à part égale, M. [C] [M], son cousin, et Mme [E] [P], son épouse, à charge pour eux de délivrer des legs portant sur des biens immobiliers à leurs enfants, Mme [L] [M] épouse [F] et [K] [M].
[I] [J] avait ajouté la disposition suivante : 'Je nomme Monsieur [R], [W], mon conseil.... comme exécuteur testamentaire ; en contre partie de ses services, Monsieur [W] percevra un pourcentage se chiffrant à 5 % H.T de l'actif brut successoral au jour du décès y compris les capitaux versés par les compagnies d'assurance au moment du décès. Cette rémunération viendra au passif de l'actif successoral'.
Par jugement du 19 juin 2003, [I] [J] a été placée sous le régime de la tutelle par le juge des tutelles de Saint-Germain en Laye.
Elle est décédée le [Date décès 18] 2007.
Par jugement du 5 décembre 2014, le tribunal de grande instance d'Evry, saisi sur assignation par [R] [W] des légataires universels et des légataires à titre particulier, a :
- dit que M. [R] [W], désigné en qualité d'exécuteur testamentaire, a accepté et rempli sa mission,
- en conséquence, dit qu'il y a lieu de respecter les volontés de la testatrice prévoyant une rémunération de l'exécuteur testamentaire, disposition excluant toute notion de libéralité,
- dit que les deux factures émises par l'exécuteur testamentaire à hauteur de 34.086 € et 28.391,49 €, pour honoraires doivent être admises et réglées par la succession, conformément aux dispositions testamentaires, et figurer au passif de la succession ;
- débouté les consorts [M] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;
- condamné solidairement les consorts [M] à payer à MM [A] et [U] [W], ès-qualités d'héritiers de [R] [W], décédé le [Date décès 13] 2013, la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- renvoyé les parties devant le notaire liquidateur pour prise en compte de la rémunération de l'exécuteur testamentaire telle que retenue par la juridiction pour un total de 62.477,49 €, et ce, conformément aux dispositions testamentaires ;
- condamné solidairement les consorts [M] aux dépens de la procédure.
[K] [M] est décédé le [Date décès 3] 2016.
Par déclaration du 26 juin 2018, M. [C] [M], Mme [E] [P] épouse [M], Mme [L] [M] épouse [F] (ci-après les consorts [M]) ont interjeté appel du jugement du tribunal de grande instance d'Evry à l'encontre de MM [A] et [U] [W] (ci-après les consorts [W]).
Aux termes de leurs dernières conclusions du 20 juin 2019, les consorts [M] demandent à la cour
Vu l'article 122 du code de procédure civile,
Vu les articles 1134 et 1147 anciens (1103, 1104 et 1231-1 nouveaux) et subsidiairement 1382 ancien (1240 nouveau) du code civil ;
de :
A titre principal :
- dire la clause du testament désignant M. [W], en qualité d'exécuteur testamentaire, nulle et de nul effet pour avoir été écrite dans les temps précédant immédiatement le placement de [I] [J] sous sauvegarde de justice ;
A titre subsidiaire :
- dire que les demandes des consorts [W] ès qualités d'héritiers de [R] [W] irrecevables sur le fondement de l'article 122 du code de procédure civile ;
En conséquence,
- débouter les consorts [W] ès qualités d'héritiers de [R] [W] de l'ensemble de leurs demandes fins et prétentions ;
Statuant sur leur demande reconventionnelle,
' Concernant la faute et le préjudice :
A titre principal, sur le fondement de l'article 1147 ancien (1231-1 nouveau) du code civil, si la cour considère [R] [W] comme exécuteur testamentaire :
- dire que [R] [W] a commis des fautes dans l'exécution de sa mission ;
En conséquence :
- condamner les consorts [W] ès qualités d'héritiers de [R] [W] à les indemniser dans les conditions suivantes :
' Pour Monsieur [C] et Madame [E] [M] : 250.000 €
' Pour [L] [M] [F] : 15.000 €
A titre subsidiaire, sur le fondement de l'article 1382 ancien (1240 nouveau) du code civil, si la cour considère que [R] [W] a agi avec l'intention de nuire comme pseudo « exécuteur testamentaire » ou comme exécuteur testamentaire :
- condamner les consorts [W] ès qualités d'héritiers de [R] [W] à les indemniser dans les conditions suivantes :
' Pour Monsieur [C] et Madame [E] [M] : 250.000 €
' Pour [L] [M] [F] : 15.000 €
' Concernant la restitution,
A titre principal :
- condamner les consorts [W] ès qualités d'héritiers de [R] [W] à restituer la somme de 64.000 € perçue sans justification à titre d'honoraires par les sieurs [W] sur l'exercice 2007 ;
- condamner les consorts [W] ès qualités d'héritiers de [R] [W] à restituer la somme de 366.000 € disparue des comptes de la succession sans justification ;
A titre subsidiaire :
- désigner tel expert financier qu'il lui plaira avec pour mission de :
' contrôler les avoirs mobiliers de Mme [J] sur les années 2004 à 2007 inclus ;
' déterminer les personnes morales qui assuraient le placement de ces sommes, vérifier les conditions de tenue de ces placements, le montant des commissions perçues par [R] [W] et des éventuelles rétro commissions versées par les organismes de placement ;
' se faire communiquer les virements et les chèques émis sur l'ensemble de la période en paiement des profits réalisés ou lors des sorties de valeur par vente en particulier ;
' réaliser les mêmes opérations pour les achats de valeur et les placements ;
' déterminer sur cette base la valeur exacte du patrimoine et de la défunte au moment du décès;
' préciser la destination de ces sommes après le décès de [I] [J] ;
' vérifier en entendant tous sachants, et en faisant toutes vérifications utiles, les montants finalement restitués aux héritiers et les dates de restitutions et ceux qui seraient restés soit au sein des organismes financiers soit sur les comptes de [R] [W] ;
' de l'ensemble faire un rapport dans le délai de six mois de la mission.
- condamner les consorts [W] ès qualités d'héritiers de [R] [W] à verser solidairement à chacun d'entre eux la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la Selarl cabinet Gerber, y compris les frais d'expertise, et l'ensemble des frais d'huissier dont les frais d'exécution.
Aux termes de leurs conclusions du 27 novembre 2018, les consorts [W] demandent à la cour, au visa des articles 1025 et suivants du code civil, de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
' constaté qu'il doit être fait application de la volonté de la testatrice, [I] [J], décédée ;
' dit qu'il est bien établi que la rémunération due à [R] [W], en qualité d'exécuteur testamentaire, est de 5% de l'actif brut ;
'dit que compte tenu d'une remise faite par [R] [W], les deux factures émises pour 34 086 € de frais et dépenses et 28 391,49 € d'honoraires par lui doivent être admises et réglées sur la succession ;
' renvoyé les parties chez le notaire, celui-ci ayant confirmé les sommes en ses comptes et lesdites sommes devant figurer au passif de la succession ;
' condamné les consorts [M] à la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Y ajoutant:
- condamner les consorts [M] solidairement au paiement de la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel.
SUR CE, LA COUR :
Les consorts [M] exposent que [R] [W] a été à partir de 2001 et jusqu'au décès de [I] [J], le gestionnaire des comptes de cette dernière (sans toutefois que la nature des tâches confiées soit indiquée) ou pour le moins son conseiller juridique et fiscal, puis à partir de 2007 et jusqu'au 5 février 2009, le conseiller personnel des époux [M] (après que M. [C] [M] se soit fait assister par lui dans le cadre de la tutelle de sa cousine).
En réalité, il apparaît que M. [C] [M] était en relation avec le cabinet [W] dès 2001, pour le suivi des affaires de sa cousine. C'est ainsi que par lettre du 21 mai 2001 (cf pièce 73 des intimés), il a sollicité les conseils de [R] [W] pour la modification par [I] [J] de son testament ('Dans le testament, établi le 10 mars 1998, la répartition n'a pas été effectuée dans l'esprit de ma cousine. Je me suis rendue ce jour pour le lui faire remarquer. Elle en a convenu, d'autant plus que ... (...) Ma cousine est prête à refaire immédiatement un autre testament pour rétablir un équilibre, à moins que, après votre analyse, il apparaisse plus judicieux de s'orienter vers un viager qu'elle a proposé. Mais ça... c'est vous qui nous orienterez et nous suivrons vos conseils'). Il convient de préciser que dans le projet initialement établi par [R] [W] (pièce 77 des intimés), c'est M. [C] [M] qui était désigné comme exécuteur testamentaire, ses deux enfants, étant institués à la fois, légataires universels et particuliers.
Il ressort par ailleurs de la pièce 9 des intimés, que le 16 août 2007, Mme [E] [M] et M. [C] [M] ont donné pouvoir à [R] [W] 'en sa qualité de conseiller financier et fiscal de notre famille' (...) pour la prise en charge dans son intégralité du dossier de succession de notre cousine', et en conséquence, tout pouvoir d'intervention auprès des différents établissements financiers, compagnies d'assurance, administration et de tout autre intervenant, demandant que toutes les correspondances relatives à la succession lui soient adressées.
Les deux factures dont le règlement a été ordonné par le tribunal (facture 2007211 d'un montant de 34.086 € TTC et 2007237 d'un montant de 28.391,49 € TTC) ont été respectivement émises selon une note juridique du cabinet [W] (cf pièce 14 des intimés) pour le remboursement de frais exposés, en application de l'article 1034 du code civil, et au titre de la rémunération prévue au testament. Elles ne concernent donc que la mission d'exécuteur testamentaire.
Sur la nullité de la clause désignant M. [W] comme exécuteur testamentaire, pour avoir été écrite dans un temps précédant immédiatement la placement sous sauvegarde de justice de [I] [J] :
Les écritures des consorts [M] ne contiennent aucune discussion de cette prétention et des moyens censés la soutenir. Ils n'indiquent pas à quelle date [I] [J] a été placée sous sauvegarde de justice, ni ne produisent la moindre pièce concernant son état mental ou celui de ses facultés personnelles au jour du testament, étant rappelé qu'elle est apparue au notaire instrumentaire et aux témoins en présence duquel cet acte a été reçu, 'saine de corps et d'esprit et jouissant de la plénitude de ses facultés intellectuelles'. Ils n'expliquent d'ailleurs pas pourquoi la nullité invoquée devrait précisément affecter la clause désignant M. [W] comme exécuteur testamentaire, plutôt que le testament tout entier.
Ils seront donc déboutés de leur demande.
Sur la nullité de la désignation de [R] [W] en qualité d'exécuteur testamentaire :
Selon les consorts [M], la désignation de [R] [W], en qualité d'exécuteur testamentaire, serait irrégulière dans la forme et au fond, et en conséquence nulle.
A cet effet, ils invoquent :
- le défaut de 'qualité réelle' de [R] [W] pour exercer une telle mission, lequel résulterait de divers manquements et erreurs de sa part, laissant supposer une carence, confortée par l'absence de toute référence en matière de formation et de diplôme ;
- l'exercice illégal par [R] [W] de la profession de conseiller en investissement financier, lorsqu'il s'est 'imposé' en tant que tel auprès de [I] [J] et a pris en charge la gestion de sa fortune mobilière et immobilière, puisqu'il n'était pas inscrit à ce titre à l'ORIAS (sur la période 2000-2007) ou l'était indûment (sur la période décembre 2006- novembre 2013), et qu'il n'était pas assuré au titre de la responsabilité civile professionnelle.
Toutefois, l'article 1025 du code civil réserve au testateur la faculté de choisir librement un éventuel exécuteur testamentaire, la seule condition posée étant que la personne désignée jouisse de sa pleine capacité civile.
Par ailleurs, il convient de rappeler que c'est une loi postérieure au testament (loi 2003-706 du 1er août 2003) qui a créé le statut de conseiller en investissement financier. La loi 2005-1564 du 15 décembre 2005, en application de laquelle l'ORIAS a été créé en 2007, ne prévoyait qu'une immatriculation des intermédiaires d'assurance et de réassurance, l'obligation d'immatriculation au registre tenu par cet organisme n'ayant été étendue aux conseillers en investissement financier que par la loi 2010-1249 du 22 octobre 2010. Par ailleurs, il ne ressort nullement de la lettre de l'ORIAS, constituant la pièce n°76 des appelants, qu'à l'époque où il conseillait [I] [J], [R] [W] n'était pas couvert par une assurance professionnelle, ni non plus qu'il n'ait pas été couvert par une telle assurance sur l'ensemble de la période décembre 2006 - novembre 2013.
Il n'est donc pas démontré que [R] [W] ait trompé [I] [J] sur ses qualités professionnelles, dont au surplus, il n'est pas établi qu'elles ont été déterminantes dans le choix fait par la testatrice de le désigner comme exécuteur testamentaire.
sur l'irrecevabilité des prétentions des consorts [W] pour défaut de qualité et d'intérêt à agir:
Selon les consorts [M], les consorts [W] sont irrecevables à solliciter le paiement d'honoraires, parce qu'il ne peut être considéré que [R] [W] a accepté et exécuté sa mission : il n'existe pas de document d'acceptation de la mission et d'ouverture des opérations ; [R] [W] n'a pas accompli les tâches qui lui étaient prescrites par la loi, en particulier l'établissement d'un inventaire ; il n'a pas dressé de rapport de fin de mission, comme le lui impose l'article 1033 du code civil ; de manière générale, [R] [W], les a maintenus dans une totale opacité sur la réalité de ses prestations, qui masquait en réalité l'absence de toute diligences.
La mission d'exécuteur testamentaire doit effectivement être acceptée par la personne désignée, mais la manifestation d'une telle acceptation n'est soumise à aucun formalisme particulier. Elle peut être tacite et résulter simplement de l'exécution de la mission et de l'acceptation de la rémunération ou du legs consenti en contre-partie de ce service.
En l'occurrence, dès le 16 août 2007, [R] [W] s'est fait consentir le pouvoir susrappelé par les légataires universels ; le 22 août 2007, il a saisi Maître [X] du règlement de la succession, en lui adressant diverses pièces nécessaires à cet effet ; Courant août-septembre 2007, il a envoyé de nombreuses lettres (pièces 22 à 41 des intimés) pour faire part aux établissements détenteurs des comptes de la défunte, ainsi qu'à différents organismes, débiteurs, créanciers, ou simples contractants de celle-ci, de son intervention et leur donner diverses instructions. Son cabinet a ensuite entretenu des relations suivies, tant avec les légataires (universels ou particuliers) qu'avec le notaire. Il résulte d'un état de ses diligences (pièce 72 des intimés, non critiquée par les appelants), qu'il s'est prévalu à plusieurs reprises de sa qualité d'exécuteur testamentaire (cf en particulier les échanges avec M. [C] [M] en date du 13 novembre 2007), et c'est bien à ce seul titre, qu'il a établi les deux factures en cause (cf sa note juridique transmise au notaire le 15 avril 2010, en pièce 14 des intimés).
Comme le propre conseil des consorts [M] l'indiquait dans un courrier du 24 mars 2010 au notaire, il apparaît ainsi 'évident' que [R] [W], avait accepté sa mission, ce qui donne qualité à ses ayants-droit, pour solliciter le paiement des factures en cause.
Quant à l'intérêt à agir, il résulte de façon tout aussi évidente du refus des consorts [M] de voir honorer les factures émises par [R] [W].
Enfin, l'éventuel défaut d'exécution ou manquement dans l'exécution de la mission, ne peut avoir d'incidence que sur le fond de la demande et non sur sa recevabilité.
Les demandes des consorts [W] sont donc recevables.
sur l'accomplissement par [R] [W] de sa mission :
Les consorts [M] font encore valoir qu'en l'absence d'accomplissement par [R] [W] de sa mission, résultant notamment d'un défaut d'inventaire et de reddition de comptes, aucune rémunération ne serait due.
Contrairement à ce qu'ils affirment, le droit successoral français n'impose pas la réalisation d'un inventaire, celle-ci n'étant requise que lorsqu'un héritier accepte la succession à concurrence de l'actif net, ce dont il n'est pas justifié en l'espèce.
L'établissement d'un inventaire n'est qu'une faculté offerte à l'exécuteur testamentaire, lorsque des mesures conservatoires sont utiles à la bonne exécution du testament. En l'espèce, il n'est fait état d'aucune circonstance particulière, constitutive d'un risque de dilapidation des effets de la succession, nécessitant la prise de mesures conservatoires, de sorte qu'il ne peut être déduit de l'absence d'inventaire, que [R] [W] n'a pas exécuté sa mission.
Par ailleurs, l'article 1033 du code civil n'impose pas que l'exécuteur testamentaire établisse un 'rapport de fin de mission', et la liste détaillée des diligences accomplies (pièce 72 des intimés) recensant en particulier les échanges téléphoniques, les correspondances expédiées, et plus généralement les informations obtenues ou transmises, tiennent lieu de compte rendu, étant rappelé qu'en l'absence d'habilitation du testateur, [R] [W] n'a pas pris possession des fonds de la succession, et s'est borné à en faire virer au notaire, lequel s'est chargé du paiement des diverses dépenses.
Enfin, les consorts [M] peuvent difficilement contester la réalité des prestations fournies par le cabinet [W], au vu des correspondances adressées à Mme [L] [M] ou à [K] [M] (pièces 80 à 83), ou des pièces, avec le cas échéant demande de renseignements, qui lui ont été transmises par M. [C] [M] (pièces 41, 45, 53, 79 des intimés), étant en outre observé que selon l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 11 janvier 2012 (pièce 59 des intimés), ce dernier a, le 11 mars 2008, validé la facturation établie par [R] [W] au titre de sa mission d'exécuteur testamentaire.
En conséquence, les consorts [W] sont bien fondés à demander le paiement des deux factures en cause, sur les fonds de la succession.
sur les fautes commises par lui de nature à engager sa responsabilité :
Les consorts [M] invoquent le comportement fautif de [R] [W], qui, outre l'absence de travail constructif, s'est selon eux montré défaillant à plusieurs titres :
Notamment,
- par l'absence d'inventaire, il les a empêchés de connaître l'état exact du patrimoine mobilier et immobilier, ce qui les a conduits à souscrire une déclaration de succession incomplète; ils n'ont pu suivre la gestion des avoirs de la défunte, ayant été maintenus dans l'ignorance de l'existence de placements devant leur revenir ;
- il n'a pas calculé les droits de succession qu'ils avaient à payer ; il ne les pas alertés sur le délai dont ils disposaient pour ce faire ; il ne leur a pas conseillé de verser pour le moins une provision dans les 6 mois du décès ; il n'a pas débloqué les fonds nécessaires à cet effet ; puis il n'a procédé à aucune démarche positive pour les aider lorsque l'administration fiscale leur a demandé des comptes ;
- il a refusé de remettre au notaire et aux consorts [M] les sommes provenant des différents comptes de la succession, ainsi que de fournir divers documents qui lui étaient réclamés par les consorts [M] dans le cadre d'un contrôle fiscal.
Ils considèrent que ces manquements sont à l'origine des pénalités de retard qui leur ont été réclamées par l'administration fiscale ainsi que des redressements dont ils ont fait l'objet.
Les consorts [W] soulignent à juste titre que l'exécuteur testamentaire n'est pas le conseil des héritiers ou légataires. Néanmoins, il peut être considéré, au regard du pouvoir que [R] [W] s'était fait consentir par les légataires universels, pour 'la prise en charge de l'intégralité du dossier de succession', que sa mission comprenait l'accomplissement des démarches nécessaires au bon règlement de la succession, sous réserve des compétences propres du notaire, ou des tâches que lesdits légataires décidaient d'accomplir de leur propre chef et sous leur propre responsabilité. A l'égard des légataires particuliers, il n'était en revanche tenu à aucune autre obligation que celles résultant de la loi.
Il résulte d'un jugement du tribunal de grande instance d'Evry du 16 décembre 2013 (pièce 37 des appelants) que :
- la déclaration de succession a été signée le 11 septembre 2008, et le solde des droits en résultant d'un montant de 472.279 € a été réglé au mois d'avril 2009, en complément de plusieurs acomptes versés les 3 septembre 2007 (104.895 €), 3 mars 2008 (200.000 €) et 3 octobre 2008 (20.000 €) ;
- le dernier versement a pu être effectué, car M. [C] [M], Mme [E] [M] et Mme [L] [M] ont constitué une société civile immobilière, qui le 10 avril 2009, a racheté les biens légués à cette dernière, pour un prix de 610.000 €, payé au moyen de plusieurs prêts ;
- l'administration fiscale a procédé à la réintégration de deux biens omis à savoir (proposition de rectification du 4 mai 2011) :
' un garage couvert à [Adresse 25], qui a été imposé à sa valeur apparente, soit 11.000 €,
' une créance de 20.000 € correspondant à un chèque émis le 26 octobre 2006, à l'ordre de la société Atlantis Immobilier, signé par [C] [M], tuteur de la défunte.
L'administration fiscale avait déjà procédé à un redressement pour insuffisance de déclaration de valeur de trois biens immobiliers (proposition de rectification du 24 août 2010),
' le studio situé [Adresse 6], déclaré pour 60.000 €, ayant été réévalué à 97.440 €,
' l'appartement sis [Adresse 14], déclaré pour 80.000 €, ayant été réévalué à 108.800 €,
' l'immeuble sis [Adresse 4], déclaré pour 400.000 €, ayant été réévalué pour 518.000 €.
Or, il ressort de l'acte de notoriété établi le 11 septembre 2007 (pièce 12 des appelants) que les consorts [M] avaient alors été informés de l'obligation de déposer une déclaration de succession et de payer les droits dans les 6 mois du décès et des sanctions s'attachant au dépassement du délai ou à une insuffisance de déclaration ou de paiement.
C'est au notaire qu'il appartenait d'établir l'actif et le passif de la succession, et de calculer les droits de succession. Il n'est justifié d'aucune rétention d'information de [R] [W] à l'égard du notaire. Il n'est pas davantage établi que [R] [W] ait refusé de faire parvenir au notaire des sommes provenant des comptes de la succession, lui ayant fait au contraire fait virer 16.000 € le 13 septembre 2007 pour le paiement de diverses factures, puis 200.000 € le 27 février 2008, pour le paiement des droits de succession (cf pièce 55 des intimés).
Ce n'est pas l'établissement d'un inventaire qui aurait permis de découvrir l'existence du bien immobilier omis, lequel n'apparaissait déjà pas sur la déclaration ISF 2007 de [I] [J], de sorte qu'il n'est pas établi que [R] [W] ait disposé d'éléments lui permettant d'en avoir connaissance.
S'agissant de la créance de la défunte à l'égard de la société Atlantis, elle ne pouvait échapper à M. [C] [M], signataire du chèque daté de moins d'un an avant le décès et établi au bénéfice d'une société dont son fils avait été l'un des associés (cf pièce 46 des intimés).
Par ailleurs, il ressort d'une lettre de Maître [T], alors conseil des appelants, en date du 13 septembre 2010 (cf pièce 8 des intimés), que les valorisations des biens immobiliers ont été faites sur la base de justificatifs fournis par [K] [M], qui exerçait la profession d'agent immobilier, et était donc réputé compétent en la matière. La sous-déclaration ne saurait être imputable à [R] [W].
Enfin, le notaire a fait parvenir à [R] [W] le calcul approximatif des droits de succession à payer par lettre du 26 février 2008 (droits d'un montant de l'ordre de 900.000 €, dont environ 540.000 € pour les deux époux [M]) et lui a demandé par lettre du 27 février 2008, de lui faire virer la somme la plus large possible, pour éviter des intérêts de retard.
Il y a lieu de souligner que les liquidités de la succession n'avaient pas vocation à payer les droits dûs par [K] et [L] [M] qui n'étaient légataires que de droits immobiliers. Au vu de la déclaration de succession (pièce 1 des appelants), les avoirs disponibles (comptes courants ou d'épargne et titres, hors parts de SCI) de [I] [J] s'élevaient à son décès à un montant de l'ordre de 387.000 € (son patrimoine financier étant constitué pour une large part de placements en assurance-vie : cf compte de tutelle arrêté au 30 juin et 9 juillet 2007, en pièce 62 des appelants, et états des comptes en pièce 50 des intimés), pour un passif de plus de 200.000 €, sans compter la rémunération et les frais dus à l'exécuteur testamentaire. Dans ces conditions, il ne peut être reproché à [R] [W] d'avoir limité à 200.000 €, le déblocage de fonds destinés au paiement des droits de succession.
Même si les pièces produites par les consorts [W] ne portent pas la trace d'une communication aux consorts [M] du montant des droits à payer, les appelants ne justifient non plus d'aucune interrogation non satisfaite sur ce point.
D'ailleurs, le retard dans le paiement des droits provient en réalité de la volonté des légataires de conserver les biens immobiliers légués, ainsi qu'il résulte de la mention faite en pièce 72 des intimés, de la retranscription en date du 10 septembre 2008, d'un résumé fait au cabinet [W] par Maître [X] d'un rendez-vous s'étant tenu la veille à son étude : 'Les héritiers ne veulent céder aucun bien mais ne peuvent payer les droits de succession. Ils veulent créer une SCI familiale' et est conforté par les termes d'une lettre adressée par M. [C] [M] le 5 février 2009 à [R] [W] :
(...) Je voudrais rajouter quelques observations concernant mon problème de succession. Pour faire court... Je disposais de trois solutions
1°/ vendre les biens (à perte compte tenu de la crise) et il serait resté peu de choses
2°/ faire un prêt avec les risques encourus,
3°/ refuser l'héritage, ce qui aurait eu pour effet de déshériter ma fille.
Compte tenu de la complexité aucun homme de l'art ne m'a apporté la solution.
J'ai opté pour la voie médiane : le prêt.
Après avoir cherché longuement j'ai trouvé, enfin, la banque qui veuille bien me consentir un prêt (...).'
C'est d'ailleurs bien ainsi, au vu du relevé de compte de l'étude notariale (cf pièce 17 des appelants) que l'encaissement du produit de la vente à la SCI Enzoi le 10 avril 2009 a été suivi le 14 avril 2009, d'un virement de la somme de 472.269 € au profit du Trésor Public, au titre des droits de succession.
Enfin, les redressements fiscaux sont intervenus alors que M. [C] [M] avait fait savoir à M. [R] [W], par lettres des 22 janvier 2009 et 5 février 2009, qu'il n'entendait plus lui confier la défense de ses intérêts.
Il n'est nullement justifié que [R] [W] ait retenu des pièces appartenant à ses mandants, puisque dans sa lettre du 14 décembre 2010 (pièce 67 des appelants), il indique au contraire qu'à l'instar de tout client de son cabinet, M. [C] [M] était en possession de l'intégralité des pièces ayant servi à l'établissement de la déclaration de succession. Il ne lui a par ailleurs pas été demandé de rendre compte de la manière dont le patrimoine immobilier avait été valorisé dans le cadre des déclarations d'ISF (ce qui aurait pu être utile dans le cadre d'une contestation du premier redressement, au vu de la déclaration ISF 2007, en possession des appelants : cf pièce 39) mais de 'remettre sans délai l'ensemble des documents qu'il s'agisse des pièces comptables, des extraits de compte, des déclarations fiscales, des avis et consultations que vous avez pu réaliser pour la famille [M]-[J] depuis la date de votre saisine', ensemble dont il n'est pas justifié qu'il pouvait servir les intérêts des consorts [M] dans le redressement en cause. Dans ces conditions, il n'apparaît pas de lien entre les redressements fiscaux et le refus de [R] [W] de procéder à la reproduction et à la transmission d'un dossier selon lui de 300 pièces, sous prétexte que le paiement de ses factures lui était refusé.
En conséquence, les consorts [M] seront déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts.
sur la demande en restitution d'une somme de 64.000 € au titre d'honoraires indus pour l'année 2006 :
Les consorts [M] demandent la restitution de la somme de 64.000 € qui aurait été perçue sans facture par [R] [W] à titre d'honoraires sur la gestion du patrimoine de [I] [J] pour l'année 2006.
Néanmoins, il y a lieu de rappeler que M. [C] [M] était tuteur de [I] [J] et avait donc en principe seul pouvoir sur les comptes de celle-ci. Les consorts [M] n'expliquent pas comment [R] [W] aurait pu prélever une telle somme à l'insu du tuteur.
D'ailleurs, la mention d'honoraires pour un montant de 64.057 € dans le compte de tutelle de l'année en cause (pièce 62 des appelants, dont ils ne produisent que le recto, mais dont la pièce 59 concernant une année précédente démontre qu'il a dû être signé au verso par M. [C] [M]), est assortie de l'explication suivante 'factures d'honoraires élevées (avocat, commission vente immobilière)' ce qui permet de douter qu'ils aient été intégralement facturés par [R] [W].
En conséquence, les consorts [M] seront déboutés de leur demande.
sur la demande en restitution de la somme de 366.000 € :
Les consorts [M] demandent la restitution d'une somme de 366.000 € qui représenterait des fonds disparus, soit une somme de 82.000 € lors d'une vente immobilière en 2006, et une autre de 274.000 € depuis l'ouverture de la succession.
Cependant, les consorts [M] n'apportent pas la moindre preuve des détournements qu'ils allèguent.
S'agissant de la vente immobilière, ils se bornent à indiquer que la somme de 82.000 € aurait disparu entre la vente de l'immeuble et la mise à disposition des fonds sur le compte de [I] [J]. Or s'il résulte du compte de tutelle de l'année 2005/2006 (pièce 62) que la majeure protégée a bien encaissé à ce titre dune somme de 394.518,16 €, aucune pièce n'est fournie quant au montant de la vente.
S'agissant des avoirs financiers dont [I] [J] était détentrice à son décès (cf pièces 1 et 62 des appelants, et 50 des intimés) ils étaient principalement constitués
- d'assurances vie souscrites à la Banque Populaire, dont les bénéficiaires ont été soit [K] [M], soit Mme [L] [M] ;
- d'une assurance-vie (n°11892 ou 205633049) et d'un PEP (n° 7904 ou 2260342) à la banque Rothschild dont les bénéficiaires étaient respectivement M. [C] [M] d'une part, et [L] et [K] [M], par moitié, d'autre part (cf pièce 54 des intimés) ;
- d'un compte-titres à la banque Rothschild d'un montant de 369.174,86 € (d'après la déclaration de succession, pièce 1 des appelants et leur pièce 58).
- d'un compte courant et d'un CODEVI à la Banque populaire, dont les soldes cumulés étaient d'un montant arrondi de 6.541 € (cf pièce 1 des appelants).
Pour prétendre que des fonds auraient disparu, les consorts [M] se fondent sur le fait que le notaire n'a encaissé que deux sommes de 16.000 et 200.000 €, en provenance de la banque Rothschild, étant toutefois précisé que dans le courrier qu'ils ont adressé à cette banque le 20 octobre 2015 (pièce 52), ils admettent avoir également bénéficié de deux sommes de 14.772,54 € et de 24.251,24 €, dont on retrouve la trace sur les relevés de compte de la banque Rothschild qu'ils produisent en pièces 56 et 57. Ces relevés montrent également qu'ils ont bénéficié d'une somme de 118.807 € versée pour leur compte au Trésor Public le 29 avril 2011.
Ainsi, il est justifié de l'emploi d'une somme de 373.830,54 € pour des avoirs à la banque Rothschild d'un montant initial de 369.174,86 €, la valeur des titres ayant pu évoluer entre-temps.
En conséquence, les consorts [M], qui s'abstiennent de produire les réponses faites par la banque Rothschild à leur demande de renseignements des 20 octobre et 12 novembre 2015, ne fournissent aucun élément sérieux de nature à étayer leur demande de restitution, dont ils seront déboutés, tout comme de leur demande d'expertise, une telle mesure d'instruction n'étant pas destinée à pallier la carence des parties dans l'administration de la preuve.
PAR CES MOTIFS
Déclare recevables les demandes de MM [A] et [U] [W] ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute les consorts [M] de toutes leurs autres demandes ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [C] [M], Mme [E] [M] et Mme [L] [F] et les condamne in solidum à payer à MM [A] et [U] [W], une somme globale de 4.000 €.
Condamne in solidum M. [C] [M], Mme [E] [M] et Mme [L] [F] aux dépens.
Le Greffier, Le Président,