REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRET DU 22 JANVIER 2020
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/14927 - N° Portalis 35L7-V-B7A-B2DBS
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Novembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F 15/00137
APPELANTE
Madame [F] [U]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1]
Représentée par Me Michel BENICHOU, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEE
Association MEIFE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Annie GULMEZ, avocat au barreau de MEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Décembre 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bruno BLANC, Président
M. Olivier MANSION, Conseiller
Mme Soleine HUNTER FALCK, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Olivier MANSION dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Anna GAVAGGIO
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Bruno BLANC, Président et par Victoria RENARD, Greffier présent lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme [U] (la salariée) a été engagée le 15 avril 2009 par contrat à durée indéterminée en qualité de directrice administrative et financière par l'association Maison de l'emploi, de l'insertion, de la formation et de l'entreprise, ci-après MEIFE (l'employeur).
Elle a occupé, par la suite, les fonctions de DRH.
Elle a été licenciée, le 23 octobre 2014, pour faute grave.
Estimant ce licenciement infondé, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes qui, par jugement du 2 novembre 2016, a rejeté toutes ses demandes.
La salariée a interjeté appel le 22 novembre 2016.
Elle demande paiement des sommes de :
- 32.673 € d'indemnité de préavis,
- 3.267 € de congés payés afférents,
- 125.250 € d'indemnité de licenciement,
- 65.348 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 130.695 € de dommages et intérêts pour procédure vexatoire et préjudice moral outre les intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2015,
- 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'employeur conclut à la confirmation du jugement et sollicite paiement de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens à la charge de son adversaire, y compris les frais éventuels d'exécution.
Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties échangées par RPVA les 18 et 30 octobre 2019.
MOTIFS :
Sur le licenciement :
1°) La salariée indique que la prescription de deux mois entre l'été 2014 date de connaissance des faits et la convocation à l'entretien préalable à un éventuel licenciement du 10 septembre 2014 est acquise.
Par ailleurs, elle souligne qu'un délai de 45 jours s'est écoulé entre cette convocation et le licenciement, ce qui enlèverait à la faute sa gravité au regard du temps de réaction de l'employeur.
Le point de départ du délai de deux mois prévu à l'article L. 1332-4 du code du travail correspond au moment où l'employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés.
En l'espèce, il est établi par la lettre de M. [Q] [M] (pièce n°17) que l'employeur a eu une connaissance d'une partie des faits par une alerte du 4 août 2014, de sorte que l'engagement de la procédure par la convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement du 10 septembre 2014, est intervenu dans le délai précité, peu important que l'entretien prévu au 26 septembre ait eu finalement lieu le 3 octobre suivant.
Le moyen relatif à la prescription doit donc être écarté.
L'employeur qui invoque une faute grave à l'appui du licenciement doit agir dans un délai restreint dès lors que cette faute ne permet pas le maintien du salarié dans l'entreprise, sauf si des vérifications sont nécessaires.
En l'espèce, il est constant que l'entretien préalable initialement prévu le 26 septembre a eu lieu le 3 octobre et que le licenciement a été notifié le 23 octobre suivant.
Au regard des faits révélés, à savoir notamment l'utilisation à des fins exclusives du système de vidéosurveillance, l'employeur a fait procéder à un audit par la société Eurovale qui est intervenu sur les lieux le 20 septembre 2014 avec remise du rapport le 25 septembre suivant.
Au regard des vérifications entreprises et de l'attente de leur résultat, l'employeur a agi dans un délai restreint lui permettant d'invoquer la faute grave.
Ce moyen invoqué par la salariée sera donc rejeté.
2°) La lettre de licenciement datée du 23 octobre 2014 (pièce n°10) reproche à la salariée trois griefs : une absence de réaction face à la souffrance au travail exprimée par certains salariés, une appropriation de l'accès à une vidéosurveillance illégale pour surveiller les autres salariés et son rapport avec le personnel en ayant mis en place une système de passe-droit et de clientélisme afin de favoriser certains salariés ce qui a créé des divisions.
Il incombe à l'employeur qui s'en prévaut à l'appui du licenciement pour faute grave, de démontrer ces faits.
L'audit réalisé par Eurovale (pièce n°7) permet de retenir que le système de vidéosurveillance établi au profit de la SEMAD a été utilisé par la MEIFE par l'intermédiaire d'un compte opérateur créé à l'intention de la directrice du site et que la connexion à ce système a été effectuée à plus de 50 reprises entre octobre 2011 et mars 2014 à partir du PC de la salariée sans compter les connexions à distance.
De plus, la lettre de M. [Q] [M] (pièce n°17) confirme que l'accès au local dédié au système de surveillance était géré par la salariée qui en détenait la clé, d'où l'alerte lancée le 4 août 2014.
Sur la gestion du personnel, l'employeur produit une analyse de la situation par le médecin du travail, le Dr [S], qui indique (pièce n°24), le 16 juin 2014, qu'une dizaine de personne présente des symptômes de souffrance au travail en raison notamment de l'organisation du travail, défaillante de longue date, ayant conduit à l'existence de deux clans avec une ambiance de travail délétère et de conflits parmi les salariés.
Les attestations de Mmes [G], [X], [Z], [J], [V], [L] et [O] témoignent, de façon concordante, de la mise en place par la salariée d'un système de favoritisme pour certains employés, les autres en étant exclus, consistant notamment dans une souplesse dans le contrôle des horaires ou l'organisation du temps de travail.
Par ailleurs, les salariés à l'extérieur du clan favorisé étaient critiqués, dénigrés ou affublés de surnoms comme '[A] [C]' pour une salariée désignée comme alcoolique, de 'bras cassés' ou encore faisant l'objet de réflexions à connotation raciste : 'il y a trop de maghrébins dans cette boîte', ce qui illustre le division volontairement organisée par la salariée.
L'attestation de M. [B] va dans le même sens.
Ces éléments suffisent à caractériser la faute grave alléguée, sans que les explications de la salariée n'emportent conviction pour changer cette appréciation.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu un licenciement fondé sur une faute grave et en ce qu'il a rejeté les demandes en paiement de la salariée.
Sur les autres demandes :
1°) Le préjudice moral allégué par la salariée est la conséquence d'un licenciement fondé sur une faute grave.
Il ne peut donner lieu à indemnisation.
Par ailleurs, la procédure de licenciement n'est pas vexatoire, le simple fait pour l'employeur de diffuser une note d'information le 11 septembre 2014 (pièce n°37) relative à une mise à pied à titre conservatoire étant insuffisant pour établir le préjudice allégué.
Sur les circonstances de la reconduite de la salariée à son véhicule, force est de constater que les seuls éléments probants communiqués consistent en un article de presse du journal Le Parisien relatant les propos de la salariée et en un article d'un 'blog' de même nature.
La demande sera rejetée et le jugement confirmé.
2°) Les demandes formées au visa de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
La salariée supportera les dépens de première instance et d'appel étant précisé que les dispositions de l'article L.111-8 du code des procédures civiles d'exécution prévoient la répartition des frais d'exécution forcée et de recouvrement entre le créancier et le débiteur et le recours au juge chargé de l'exécution dans certains cas, de sorte qu'il n'appartient pas au juge du fond de mettre à la charge de l'un ce que la loi a prévu de mettre à la charge de l'autre.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant par mise à disposition, par décision contradictoire :
- Confirme le jugement du 2 novembre 2016 sauf en ce qu'il condamne l'association Maison de l'emploi, de l'insertion, de la formation et de l'entreprise aux dépens ;
Y ajoutant :
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
- Condamne Mme [U] aux dépens de première instance et d'appel, lesquels ne comprennent pas les éventuels frais d'exécution ;
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT