Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRET DU 12 FEVRIER 2020
(n° 2020/ , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/13142 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4K2D
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Septembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 17/04022
APPELANT
Monsieur [H] [P]
[Adresse 2]
Représenté par Me Jean-richard NORZIELUS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1702
INTIMEE
SARL LEDAO BATIMENT
[Adresse 1]
Représentée par Me Nicolas DE PRITTWITZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0847
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 décembre 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Hélène GUILLOU, Présidente de chambre chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Hélène GUILLOU, Présidente de chambre
Madame Nadège BOSSARD, Conseillère
Monsieur Stéphane THERME, Conseiller
Greffier : Madame Pauline MAHEUX, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Madame Hélène GUILLOU, Présidente de chambre et par Madame Pauline MAHEUX, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
M. [H] [P] a été engagé par la société Ledao bâtiment en qualité de man'uvres par contrat à durée déterminée du 11 octobre 2016 11 janvier 2017.
A la date, contestée, du 14 février 2017 un second contrat à durée déterminée, daté du 12 janvier 2017, a été signé pour une durée expirant le 12 avril 2017.
Le 26 mai 2017 M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande de requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, en paiement d'indemnité de requalification et d'indemnités de rupture.
Par jugement du 14 septembre 2017 il a été débouté de l'ensemble de ses demandes.
M. [P] a interjeté appel le 19 octobre 2017 de cette décision qui lui a été notifiée le 26 septembre 2017.
Dans ses dernières conclusions, auxquelles la cour fait expressément référence, remises au greffe et notifiées par réseau privé virtuel des avocats le 12 janvier 2018, et signifiées le 8 janvier 2018 à la société Ledao Bâtiment, M. [P] demande à la cour de :
- requalifier le contrat à durée déterminée du 11 octobre 2016 en contrat à durée indéterminée,
- condamner la SARL Ledao Bâtiment au paiement des sommes suivantes:
- 1 480,30 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,
- l 480,30 euros à titre de préavis,
- 148,03 euros à titre de congés payés sur le préavis,
- l 480,3 euros à titre d'indemnité de requalification,
- 2500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 260 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Ledao bâtiment aux entiers dépens.
Bien qu'ayant constitué avocat en la personne de maître de Prittwitz le 29 décembre 2017, la société Ledao bâtiment n'a pas conclu.
La déclaration d'appel et les conclusions d'appelant ont été signifiées le 8 janvier 2018 à la SARL Ledao elle-même. Le conseil de la SARL Ledao n'a ni saisi le conseiller de la mise en état d'un incident, ni conclu.
Le 12 novembre 2019 l'ordonnance de clôture a été adressée aux deux avocats constitués.
L'affaire a été appelée à l'audience du 11 décembre 2019 à laquelle seul le conseil de l'appelant s'est présenté.
MOTIFS :
Sur la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée :
En cause d'appel M. [P] soutient d'une part que le surcroît de travail invoqué pour justifier le recours au contrat à durée déterminée est un motif fictif et d'autre part que le second contrat lui a été transmis tardivement, qu'enfin le délai de carence entre deux contrats n'a pas été respecté et que pour toutes ces raisons, le contrat à durée déterminée doit être requalifié en contrat à durée indéterminée.
Le contrat à durée déterminée signé le 13 octobre 2016 par M. [P] a été conclu pour la période du 11 octobre 2016 au 11 janvier 2017. Il indique que son objet est de 'pallier un surcroît d'activité' et ses fonctions sont mentionnées comme étant celles de 'manoeuvre'.
Il incombe à l'employeur de justifier de la réalité du motif de recours au contrat de travail à durée déterminée qu'il invoque. Or, le travail de manoeuvre relève, par nature, de l'activité normale et permanente d'une entreprise et il appartient donc à l'employeur de justifier à quel surcroît d'activité M. [P] devait travailler. L'employeur qui ne conclut pas ne produit aucun élément susceptible de justifier le surcroît d'activité qu'il invoque, de sorte qu'il doit être considéré que le contrat à durée déterminée avait bien pour objet de pourvoir à un emploi relevant de l'activité normale et permanente de l'entreprise. Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de requalification formée par M. [P].
Sur les conséquences de la requalification en contrat de travail à durée indéterminée :
Conformément à l'article L. 1245-2 du code du travail, en cas de requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée, le juge doit allouer au salarié une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure au dernier mois de salaire avant la saisine du conseil de prud'hommes. Il sera donc alloué à M. [P] la somme de 1 480,30 euros bruts à titre d'indemnité de requalification, le jugement sera infirmé en ce sens.
Sur la rupture du contrat de travail :
L'employeur qui, à l'expiration d'un contrat de travail à durée déterminée ultérieurement requalifié en contrat à durée indéterminée, ne fournit plus de travail et ne paie plus les salaires est responsable de la rupture qui s'analyse en un licenciement et qui ouvre droit, le cas échéant, à des indemnités de rupture sans que le salarié puisse exiger, en l'absence de disposition le prévoyant et à défaut de violation d'une liberté fondamentale, sa réintégration dans l'entreprise.
En l'espèce, alors que la relation de travail est requalifiée en contrat à durée indéterminée, l'employeur a cessé de fournir du travail et de payer les salaires au terme du dernier contrat à durée déterminée soit le 11 avril 2017. Cette rupture lui est donc imputable.
L'employeur est tenu en premier lieu au paiement de l'indemnité de préavis. Conformément à l'article 32 de la convention collective régionale des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la région parisienne du 16 juillet 1954, Avenant du 2 mai 1979 relatif aux mensuels dispose que la durée du préavis réciproque après la période d'essai sera, sauf en cas de force majeure ou de faute grave, de :
- deux semaines pour les mensuels dont l'emploi est classé au niveau I :
- un mois pour les mensuels dont l'emploi est classé aux niveaux II et III ;
- deux mois pour les mensuels dont l'emploi est classé au niveau IV ;
- trois mois pour les mensuels dont l'emploi est classé au niveau V.
L'employeur doit donc être condamné à une indemnité de préavis de 1 480,30 euros bruts, outre 148,03 euros bruts au titre des congés payés afférents.
Au vu de l'âge du salarié, de son ancienneté dans l'entreprise et de sa situation personnelle, le préjudice résultant de la privation illégitime d'emploi doit être évalué, conformément à l'article L. 1235-5 du code du travail à la somme de 2 500 euros bruts.
En outre la procédure de licenciement ayant été éludée, le salarié peut prétendre à une indemnité en réparation du dommage subi. Cette faute de l'employeur a empêché le salarié de pouvoir, le cas échéant, faire valoir ses droits et lui a causé un préjudice qui doit être évalué à la somme de 1 000 euros bruts.
Le jugement sera infirmé du chef des sommes allouées au titre de la rupture abusive et du non-respect de la procédure de licenciement.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement du 14 septembre 2017,
et, statuant à nouveau,
REQUALIFIE le contrat à durée déterminée du 13 octobre 2016 en contrat à durée indéterminée,
CONDAMNE la SARL Ledao bâtiment à payer à M. [H] [P] les sommes de:
- 1 480,30 euros à titre d'indemnité de requalification,
- 1 480,30 euros à titre d'indemnité de préavis,
- 148,03 euros au titre des congés payés afférents,
- 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement,
- 2 500 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la SARL Ledao bâtiment à payer à M. [H] [P] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SARL Ledao bâtiment aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE