Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d'appel de Paris
Pôle 4 - chambre 1
Arrêt du 06 mars 2020
(no /2020, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : RG 18/19775 -Portalis 35L7-V-B7C-B6IZM
Décision déférée à la cour : jugement du 21 juin 2018 -tribunal de grande instance de de Créteil - RG 16/05893
APPELANTE
SARL Etocha
agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité [...]
[...]
Représentée par Me Nawel Oumer de l'AARPI association d'avocats Guilbaud - Rouart - Bena, avocat au barreau de Paris, toque : D1617 et par Me Nadia Bouzidi-Fabre, avocat au barreau de Paris, toque : B0515
INTIMÉES
SELARL [...], notaires et associés
[...]
[...]
Représentée par Me Valérie Toutain de Hauteclocque, avocat au barreau de Paris, toque : D0848
SARL Vitry 4
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité [...]
[...]
n'a pas constitué avocat
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 février 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Claude Creton, président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Claude Creton, président
Mme Christine Barberot, conseillère
Mme Monique Chaulet, conseillère
Greffier, lors des débats : M. Grégoire Grospellier
Arrêt :
- défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Claude Creton, président et par Grégoire Grospellier, greffier lors de la mise à disposition.
*** Selon acte du 28 juillet 2008 reçu par la société de notaires [...], M. J... a vendu à la société Etocha un pavillon d'habitation situé à [...], [...] . Ce pavillon, élevé sur deux niveaux, comportait cinq appartements et un studio donnés en location.
Les locataires des deux appartements situés à l'entresol ayant fait un signalement, l'enquête réalisée en octobre 2012 a révélé que ces appartements étaient impropres à l'habitation en raison de leur non-conformité à la réglementation relative à la hauteur sous plafond, aux ouvertures et à la lumière naturelle, ainsi qu'à leur état d'insalubrité du fait de la présence d'humidité sur le mur extérieur, l'absence de chauffage dans une salle de bains, le ruissellement et des infiltrations d'eau dans les pièces d'eau. Il a été notifié à la société Etocha deux arrêtés préfectoraux du 24 juin 2013 la mettant en demeure de cesser la mise à disposition de ces appartements.
Suite à une demande de permis de construire en vue de réaliser les travaux de mise en conformité, la société Etocha a été informée que le bâtiment était à l'origine une maison individuelle, qu'aucune demande de changement de destination en vue de sa transformation en immeuble collectif d'habitation n'avait été déposée et que ce changement de destination imposait la création de places de stationnement. Le certificat d'urbanisme lui a été refusé.
Après expertise, la société Etocha a assigné sur le fondement de la garantie des vices cachés et d'un manquement à l'obligation de délivrance M. J..., ainsi que la société Vitry 4 qui a réalisé les travaux de transformation avant de revendre l'immeuble à ce dernier et, sur le fondement d'un manquement à son obligation d'information, la société Flusin-Miralles-Estève, aux fins de réduction du prix de vente et d'indemnisation de ses préjudices.
La société Etocha s'est ensuite désistée de sa demande à l'encontre de M. J....
Par jugement du 21 juin 2018, le tribunal de grande instance de Créteil a débouté la société Etocha de ses demandes.
Sur la garantie des vices cachés, le tribunal, s'appuyant sur les conclusions d'un rapport d'expertise, a retenu que les appartements litigieux ayant été aménagés dans une cave située à plus d'un mètre sous le niveau du jardin avec des soupiraux, le vice allégué, résultant de la non-conformité des logements, était apparent.
Pour écarter la demande formée contre la société Vitry 4 sur le fondement d'un défaut de délivrance conforme et le défaut de conformité des travaux, il a retenu que la société Etocha n'avait pas de lien contractuel avec celle-ci.
Il a enfin admis qu'en remontant la chaîne des ventes, le notaire aurait dû constater que la destination de l'immeuble avait changée puisque le pavillon individuel avait été transformé en un immeuble collectif. Il a ajouté qu'aucun des actes de vente ne faisant mention de ce changement et d'une autorisation administrative, il devait procéder à des contrôles qui lui auraient permis de constater qu'il y avait une difficulté. Il a en conséquence retenu que le notaire avait manqué à son obligation de conseil mais que d'une part la demande de restitution du prix ne peut être formée contre lui et qu'en outre il n'existe pas de lien de causalité entre cette faute et le préjudice locatif allégué.
La société Etocha a interjeté appel de ce jugement.
Sur l'action formée contre la SCI Vitry 4 sur le fondement de la garantie des vices cachés, elle fait valoir que les deux appartements litigieux étant impropres à l'habitation car présentant des ouvertures insuffisantes, une hauteur sous plafond inférieure à 2,20 mètres, un ensoleillement insuffisant, ces vices, antérieurs à la vente puisqu'il s'agit de défauts de construction, rendent l'immeuble impropre à sa destination et ne lui ont été révélés qu'à la suite de l'enquête des services techniques de la ville. Elle ajoute que la SCI Vitry 4 ne peut se prévaloir de la clause exonératoire de garantie compte tenu de sa qualité de professionnelle de l'immobilier qui a en outre réalisé les travaux à l'origine des désordres.
La SCI Etocha réclame en conséquence la condamnation de la SCI Vitry 4 à lui payer la somme de 111 552,80 euros au titre de la restitution d'une partie du prix de vente, subsidiairement à titre de dommages-intérêts.
Sur la responsabilité du notaire, elle fait valoir que celui-ci, qui avait reçu les actes de vente antérieurs, ne pouvait ignorer l'absence d'autorisation administrative en vue de la transformation du pavillon individuel en immeuble collectif d'habitation et aurait dû attirer son attention sur les conséquences de cette situation. Elle réclame en conséquence la condamnation de la société Flusin-Mirailles-Estève à lui payer la somme de 50 207,08 euros au titre de la perte de loyers et la somme de 111 552,80 euros correspondant au coût des travaux nécessaires pour rendre l'immeuble litigieux conforme à sa destination.
Elle sollicite en outre la condamnation solidaire de la SCI Vitry 4 et de la société Flusin Mirailles Estève à lui payer la somme de 22 793,64 euros au titre des frais de procédure et la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Flusin-Mirailles-Estève indique que dans l'acte de vente à M. J... par la SCI Vitry 4, celle-ci a déclaré n'avoir effectué, dans les dix ans précédant la vente, aucune construction ou aucun travaux de rénovation nécessitant la souscription d'une assurance dommages-ouvrage ou l'obtention d'un permis de construire ou d'une déclaration de travaux exemptée de permis de construire. Elle ajoute avoir rappelé dans l'acte de vente qu' "Il résulte d'un courrier du [...] sis au [...] , en date du 21 décembre 2004, ce qui suit littéralement rapporté :
"Les travaux réalisés par la société Vitry 4 et cités en objet n'ont pas nécessité la souscription d'une assurance dommage ouvrage."
Une copie de ce courrier est demeurée ci-jointe et annexée aux présentes après mention.
Il résulte d'un courrier du [...] sis au [...] , en date du 21 décembre 2004, ce qui suit littéralement rapporté :
"J'atteste (Monsieur G... K...) par la présente que l'obtention d'un permis de construire n'était pas nécessaire pour l'objet cité en référence. Je tiens à préciser que ce bien est composé d'un studio et de 5 appartements de type F1.
Par ailleurs, l'ensemble des travaux ont été réalisés conformément aux règles de l'art. Je vous prie de trouver en annexe au présent document une copie de mon attestation d'assurance 2004 en cours de validité concernant ma responsabilité professionnelle en tant qu'architecte."
Elle tire de ces indications qu'elle n'a pas manqué à son devoir d'information et de conseil dès lors qu'elle ne pouvait avoir connaissance des irrégularités affectant l'immeuble puisqu'il résulte de l'acte de vente entre la société Vitry 4 et M. J... qu'aucune opération de construction n'avait été effectuée dans les dix ans précédant cette vente et que l'architecte avait attesté, s'agissant des travaux réalisés par le précédent propriétaire, qu'il n'y avait pas eu lieu de demander un permis de construire et que ces travaux avaient été réalisés conformément aux règles de l'art. Elle ajoute qu'en outre elle ne pouvait pas savoir que les deux appartements litigieux étaient semi-enterrés, ce qui les rendait impropre à l'habitation et à une location.
La société Flusin-Mirailles-Estève fait ensuite valoir qu'il n'existe pas de lien de causalité entre la faute qui lui est reprochée et le préjudice allégué qui a été causé par les travaux réalisés par la SCI Vitry 4.
Sur le préjudice, elle fait observer que la société Etocha reprend la demande qu'elle avait formée en première instance sans prendre en compte les sommes que M. J... a accepté de prendre en charge.
Elle conclut en conséquence au rejet des demandes formées contre elle par la société Etocha et à sa condamnation à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
- Sur la garantie de la société Vitry 4
Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que l'immeuble litigieux, destiné à la location, est composé de plusieurs appartements dont deux ont été déclarés impropres à l'habitation par arrêtés préfectoraux du 24 juin 2013 d'une part en raison de leurs caractéristiques (locaux semi-enterrés, hauteur sous plafond inférieure à 2,20 mètres, éclairage naturel insuffisant), d'autre part en raison de leur insalubrité (présence d'humidité et absence de chauffage dans la salle d'eau pour les deux appartements, présence d'infiltrations et plafonds de la cuisine et de la salle d'eau dégradés pour l'un des deux appartements) ;
Attendu que si ces vices rendent l'immeuble, destiné à la location, impropre à sa destination puisqu'ils interdisent la location de ces deux appartements sans procéder à d'importants travaux de mise aux normes, il ne s'agit cependant pas de vices cachés puisque c'es notamment par leur nature (locaux semi-enterrés, hauteur sous plafond insuffisante, éclairage naturel insuffisant, absence de système de chauffage dans les salles d'eau) que ces appartements sont impropres à l'habitation au regard des règles sanitaire et de santé publique ;
Attendu qu'il convient de rejeter la demande de la société Etocha contre la société Vitry 4 ;
- Sur la responsabilité du notaire
Attendu que compte tenu des déclarations du vendeur indiquant n'avoir pas effectué de travaux dans l'immeuble ainsi que des termes de la lettre de l'architecte, mentionnée dans l'acte de vente entre la société Vitry 4 et M. J..., attestant que des travaux avaient été réalisés régulièrement et conformément aux règles de l'art par la société Vitry 4, le notaire, qui n'était pas tenu de se rendre sur les lieux et de procéder à des vérifications personnelles, n'a pas manqué à ses obligations d'information et de conseil envers la société Etocha ; que la demande formée contre lui n'est donc pas fondée ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
VU l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Etocha et la condamne à payer à la société Flusin-Mirailles-Estève la somme de 1 800 euros ;
LA CONDAMNE aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par Maître S... pour ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,