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09/03/2020 | FRANCE | N°18/26683

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 09 mars 2020, 18/26683


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 09 MARS 2020



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/26683 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6YZJ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Octobre 2018 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2015025258



APPELANTE



SAS AUREL BGC

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 5]

N° SIRET : B652 051 178<

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Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 09 MARS 2020

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/26683 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6YZJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Octobre 2018 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2015025258

APPELANTE

SAS AUREL BGC

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 5]

N° SIRET : B652 051 178

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Représentée par Me Frédéric WIZMANE de la SELEURL W Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : E0223

INTIMES

Monsieur [B] [Y]

Domicilié [Adresse 6]

[Localité 4]

né le [Date naissance 3] 1981 à [Localité 1]

SARL F CONSULTING SRL, prise en la personne de Monsieur [O] [J] ès qualités de liquidateur amiable

Ayant son siège social [Adresse 7]

[Localité 1]

N° SIRET : RM - 1 279 435

Représenté par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945

Représenté par Me Olivier DUTOUR de la SELEURL ADLINK AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0249

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Janvier 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Sylvie CASTERMANS dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Cyrielle BURBAN, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Aurel BGC est une société d'investissement agréée spécialisée dans le courtage sur les marchés financiers, et opère sous la régulation de l'AMF. Elle est une filiale du groupe multinational américain BGC Partners (NASDAQ: BGCP) .

F Consulting est une société de droit italien, constituée le 21 septembre 2010, spécialisée dans le consulting en matière d'énergies renouvelables. Les associés de la société F Consulting ont décidé de sa dissolution amiable en date du 1er août 2016.

M.[B] [Y] est un professionnel reconnu dans le secteur des énergies renouvelables.

La société Aurel BGC s'est intéressée au marché des énergies nouvelles avec le projet de créer et de distribuer un fonds d'investissement composé de participations dans les énergies renouvelables. Après la validation du projet ' REF ' (Renewable Energy France) en 2012, M. [Z] salarié du groupe BGC et responsable du projet « REF a reçu mandat par Aurel BGC de négocier l'accord de collaboration signé avec M [Y], dont il a été le responsable hiérarchique. Il a mis en place un bureau et une équipe à [Localité 1].

Le 19 décembre 2012, Aurel BGC, M [Y] et F Consulting ont formalisé un contrat d'agent lié. La mission consistait en la réception et la transmission d'ordres, le conseil en investissement et la promotion des services. Il comportait dans ses articles 6 et 10, des dispositions relatives à un engagement d'exclusivité et de non concurrence.

Par courrier du 2 octobre 2014, la société Aurel BGC a mis un terme au contrat. Elle a reproché à M [Y] et F Consulting d'avoir contrevenu aux engagements souscrits et une collusion frauduleuse entre les membres de REF et deux salariés italiens.

Par acte d'huissier du 17 mars 2015, la société BGC a assigné La société F Consluting et M.[Y]. Par jugement en date du 4 octobre 2018, le tribunal de commerce de Paris a :

- Débouté Aurel BGC de ses demandes de paiement par la Sarl F Consulting Srl et M[Y] [B] de la somme de 366.291 € à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte subie ;

- Débouté Aurel BGC de sa demande de paiement par la Sarl F Consulting Srl et M[Y] [B] de la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi et de l'atteinte à son image;

- Débouté Aurel BGC de sa demande de paiement par la Sarl F Consulting Srl et M[Y] [B] de la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du temps passé par ses salariés à gérer ce litige;

- Débouté F Consulting Srl de sa demande de paiement de la somme de 43.443 euros H..T. au titre des commissions non versées ;

- Débouté F Consulting Srl de sa demande de paiement de la somme de 14.000 euros H..T. au titre des loyers avancés par elle ;

- Débouté F Consulting Srl de sa demande de paiement de la somme de 7.787 euros H..T. au titre de commissions restant dues ;

- Débouté F Consulting Srl de sa demande de paiement de la somme de 137.500 euros H..T. au titre de l'indemnité de non- concurrence ;

- Débouté Aurel BGC de sa demande de condamnation de F Consulting Srl et de M.[Y] [B] la somme de 45.000 euros au titre de l'article 700 du cpc et de sa demande de condamnations aux dépens ainsi qu'aux frais de traduction ;

- Débouté Aurel BGC de ses demandes autres, plus amples ou contraires au dispositif du jugement

- Condamné Aurel BGC au paiement de la somme de 7 000 euros à la société F Consulting SRL et MonsieurEugenio [Y], au titre de l'article 700 et aux dépens

La société Aurel BGC a interjeté appel du jugement.

Par conclusions signifiées le 24 janvier 2020, la société Aurel BGC demande de :

Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 04 octobre 2018 ;

Statuant à nouveau :

Constater que M. [B] [Y] n'est pas le « principal bénéficiaire économique » de F Consulting, qu'il ne contrôle ni ne dirige F Consulting ;

Constater que F Consulting et M.[B] [Y] ont violé l'obligation d'exclusivité stipulée dans le contrat agent lié ;

Constater que F Consulting et M. [B] [Y] ont en outre eu des activités concurrentes pendant l'exécution du contrat agent lié et notamment que M.[Y] a poursuivi son mandat de président de Green Arrow Capital (Société de Courtage comme Aurel Bgc) et a participé à la création d'une société Polish Solar limited (société dans le domaines des énergies renouvelables) dont il est le directeur postérieurement à la conclusion du contrat agent lié sans aucune autorisation d'Aurel BGC ;

Constater que F Consulting et M.[Y] ne justifient d'aucun cas de force majeure les exonérant de leur responsabilité ;

Constater la collusion entre M. [Z], M.[Y] et M. [T] ;

En conséquence :

Juger que F Consulting et M. [B] [Y] ont commis des agissements dolosifs antérieurement à la conclusion du contrat agent lié du 19 décembre 2012 ;

Subsidiairement,

Juger que le contrat agent lié du 19 décembre 2012 est nul en raison de l'erreur sur les qualités substantielles de M.[B] [Y] ;

En conséquence :

Annuler le contrat agent lié du 19 décembre 2012 ;

En tout état de cause :

Juger que F Consulting et M.[B] [Y] engagent leur responsabilité délictuelle au titre du dol commis avant la conclusions du contrat agent lié ;

Juger que F Consulting et M.[B] [Y] ont violé, pendant l'exécution du contrat, leurs engagements d'exclusivité (article 6) et/ou de non-concurrence (10.2) prévues dans le contrat agent lié du 19 décembre 2012 ;

A défaut de retenir cumulativement la responsabilité délictuelle en raison des agissements dolosifs antérieurs à la conclusion du contrat agent lié et la responsabilité contractuelle ;

Juger que F Consulting et M. [B] [Y] ont violé leurs engagements d'exclusivité (article 6) et/ou de non-concurrence (10.2) prévues dans le contrat agent lié du 19 décembre 2012 et ont en tout état de cause exécuté de mauvaise foi et de manière déloyale le contrat agent lié ;

En conséquence :

Condamner solidairement la société F Consulting Srl et M.[B] [Y] à restituer à Aurel BGC la somme de 326.500 euros en conséquence de la nullité du contrat agent lié ou subsidiairement à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte subie ;

Condamner solidairement la société F Consulting Srl et M.[B] [Y] à payer à Aurel BGC la somme de 39.791 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte subie du fait des frais supportés par Aurel BGC ; (Pièces n°15 à 15-4) ;

Condamner solidairement la société F Consulting Srl et M.[B] [Y] à payer à Aurel BGC la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi et de l'atteinte à son image ;

Condamner solidairement la société F Consulting Srl et M.[B] [Y] à payer à Aurel BGC la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de temps des salariés et dirigeants d'Aurel BGC à gérer ce litige ;

Subsidiairement sur le quantum de la réparation :

Condamner solidairement la société F Consulting Srl et M.[B] [Y] à payer à Aurel BGC la somme de 150.000 euros HT en application de l'article 10.6 du contrat agent lié ;

Très subsidiairement,

Juger que la rémunération versée à F Consulting est excessive et sans aucun rapport avec les diligences que devaient effectuer cette dernière ;

En conséquence : Réduire la rémunération versée à F Consulting ;

Condamner cette dernière à restituer à Aurel BGC la somme de 150.000 euros HT ;

En tout état de cause :

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté F Consulting et M. [B] [Y] de l'intégralité de leurs demandes ;

Juger F Consulting et M. [B] [Y] irrecevables et infondées en leurs demandes ;

Débouter F Consulting et M. [B] [Y] de leur appel incident, de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;

Condamner in solidum la société F Consulting Srl et M. [B] [Y] à lui payer une indemnité de 45.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamner in solidum la société F Consulting Srl et M. [B] [Y] aux dépens de première instance et d'appel et aux frais de traduction, dont distraction pour les dépens d'appel au profit de la selarl bdl avocats en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

Par conclusions signifiées le 20 janvier 2020, la société F Consulting Srl, M [Y] demandent à la cour de :

Vu les articles 1116, 1134, 1165,1382, 1147,1984 et suivants du code civil; vu les articles l 341-13 l 545-1, l 545-2, l 545-6 et l 341-3 du code monétaire et Financier ;

À titre principal :

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 04 octobre 2018 sauf en ce qu'il a rejeté leurs demandes reconventionnelles ;

A titre d'appel incident :

- Infirmer le jugement en ce qu'il a qu'il a débouté F Consulting et M.[B] [Y]

Statuant a nouveau :

- Constater que Monsieur[Y] était partie au contrat d'agent liée et n' était donc pas tenu des obligations contractuelles auxquelles il n'a pas souscrit ;

- Condamner la société Aurel BGC à verser à F Consulting la somme de 43 443 euros H.T outre intérêts correspondant aux commissions fixes non versées du 4 septembre 2012 au 19 décembre 2012

- Condamner la société Aurel BGC au paiement à F Consulting de la somme de 14 000 euros H.T. outre intérêts correspondant aux 4 mois de loyers précédents la signature du Contrat avancés par F Consulting ;

- Condamner la société Aurel BGC au paiement à F Consulting des commissions restant dues la période du 1er au 19 décembre 2014, soit la somme de 7 787 euros H.T. ;

- Condamner la société Aurel BGC au paiement à la société F Consulting de l'indemnité de non-concurrence visée à l'article 10.5 du contrat soit la somme de 137 500 euros ;

- Condamner la société Aurel BGC au paiement à la société F Consulting la somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive et brutale du contrat agent lié ;

- Condamner r la société Aurel BGC au paiement à la société F Consulting de la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;

- Condamner la société Aurel BGC au paiement à Monsieur[Y] de la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Aurel BGC aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Olivier Dutour, Avocat au Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la nullité du contrat pour dol

La société Aurel BGC critique le jugement en ce qu'il aurait fondé son appréciation sur des faits inopérants. Elle reproche la commission d'agissements dolosifs par F Consulting et M [Y] antérieurement à la conclusion du contrat d'agent lié du 19 décembre 2012, en dissimulant l'existence de mandats concurrents.

Selon la société appelante, le contrat agent lié a été conclu compte tenu de la personne de M.[Y]. Le contrat avait un caractère intuitu personae. M.[Y] a signé le contrat agent lié en qualité de « principal bénéficiaire économique » de la société F Consulting. Or il n'est pas associé de F Consulting, il ne remplit pas les qualités de principal bénéficiaire économique, il a signé le contrat sous une fausse qualité. Elle invoque subsidiairement l'erreur sur les qualités substantielles de M. [Y].

En réplique, F Consulting et M.[Y] répliquent que M.[Y] n'est pas tenu des obligations du contrat auquel il n'est pas « partie » mais 'en présence'; la mission confiée et les obligations souscrites par la partie désignée comme « Agent Lié » relèvent uniquement de la Société F Consulting, laquelle est seule débitrice d'obligations à l'égard d'Aurel BGC ; ils sollicitent la réformation du jugement en ce qu'il n'a pas écarté M [Y] du contrat ; il soutient par ailleurs qu'il n'a commis aucune réticence dolosive, qu'il justifie avoir, préalablement à la signature du contrat, informé la société de ses mandats et participations dans d'autres activités ; qu'il a vainement tenté de modifier les termes du contrat concernant les clauses litigieuses, que son profil était accessible à tout public via le site Linkedin.

Les intimés ajoutent que M. [Z] était le responsable du projet REF et toutes les communications entre Aurel BGC et les (futurs) membres de l'équipe REF transitaient par son intermédiaire ; les pièces versées aux débats ainsi que les propres déclarations d'Aurel BGC notamment devant le Conseil des Prud'hommes de Paris, démontrent que les intimés ont pu légitimement croire que M [Z] était investi des pouvoirs les plus étendus pour représenter Aurel BGC dans le cadre du projet REF. Ils précisent que la société F Consulting était gérée par M. [Y] jusqu'à sa dissolution amiable le 1er août 2016.

Ceci exposé,

Le dol suppose une manoeuvre en vue de tromper ou une réticence dolosive.

Le contrat d'agent lié a été régularisé entre les parties le 19 décembre 2012. Il a été signé entre Aurel BGC et F Consulting sarl en qualité de principal bénéficiaire économique, représentée par M.[Y], agent lié ou F Consulting. Le mandant, Aurel BGC et l'agent lié , F Consulting, sont dénommées les parties et M.[Y] est désigné comme intervenant au contrat, principal bénéficiaire économique de F Consulting.

S'agissant des griefs relatifs à des agissements dolosifs intervenus antérieurement à la conclusion du contrat d'agent lié. Il résulte des pièces produites que M. [Z] salarié du groupe BGC situé en Suisse, avait préalablement reçu pour mission du groupe BGC de monter le projet REF, qu'il était mandaté par Aurel BGC pour le conduire sous la supervision de M. [D] ; que M. [Z] a présenté F Consulting et M.[Y] à la société Aurel BGC ; qu'au mois d'octobre 2012, M [Y] a averti M [Z], en ces termes : au sujet des articles 6 et 10 du contrat : « ce travail sera certainement ma principale activité mais comme j'avais commenté sur la précédente version, je voudrais immédiatement être clair que j'ai aussi des autres rôles et participations et donc on doit dire que BGC n'applique pas cette clause et l'article 10 dans le cas de GWM-Greentech (participation et board) Green Arrow Capital (participation), B2P SH et les Boards de Envent et Gruppo Italiano Vini'. Les termes du courrier de M.[Y] indiquent clairement qu'il exerce d'autres activités, qu'il veut poursuivre.

M Aubin, Président d'Aurel BGC, ne rapporte pas la preuve de ce qu'il n'a pas reçu ces informations. Ainsi que l'a relevé le tribunal, M [Z] était, au moment des faits, le responsable du projet REF et toutes les communications entre Aurel BGC et les (futurs) membres de l'équipe REF transitaient par son intermédiaire, comme en atteste une correspondance adressée par Aurel BGC à M. [T], salarié de REF. Or la société Aurel BGC supervisait la mission qu'il avait confié à M.[Z].

Par ailleurs, l'attestation de M. [K], ex-salarié de la société, confirme que la société Aurel BGC était parfaitement informée des activités de M. [Y] et qu'elle l'avait recruté en raison de son rôle 'relief' dans le secteur des énergies renouvelables '.

Les autres documents versés aux débats établissent que M.[Y] était une personnalité reconnue dans le milieu professionnel et politique des énergies renouvelables, que des articles de presse le citaient en sa qualité de mandataire de sociétés intervenant dans ce domaine. Dès lors, il ne peut être valablement reproché une réticence dolosive émanant de M.[Y] sur ses mandats, ni être retenu une erreur sur les qualités substantielles de celui-ci.

S'agissant de la question du bénéficiaire actif, la société Aurel BGC se prévaut de l'extrait du registre du commerce italien qui ne mentionne M. [Y], ni comme actionnaire ni comme représentant légal pour dénoncer une violation du contrat d'agent lié et soutenir que M [Y] a usé de fausses qualités. M.[Y] considère quant à lui ne pas être partie au contrat.

Les allégations de chacune des parties sont démenties à la lecture de la première page du contrat. Il apparaît que le contrat a été signé entre les sociétés Aurel BGC et F Consulting et M.[Y] en qualité de partie intervenante.

L'agent lié, selon les stipulations du contrat, est une société de droit italien représentée par M.[Y]. La première page du contrat, concernant M.[Y], fait référence au :'caractère fortement intuitu personae du contrat à l'égard de sa personne'.

Par conséquent, M.[Y] ne peut être détaché du contrat.

Le contrat précise que F Consulting est l'Agent lié et le 'principal bénéficiaire économique', tandis que que M. [Y] intervient en qualité de principal bénéficiaire économique de F Consulting.

L'article 2 du contrat, stipule que la société F Consulting s'engage, en qualité d'agent lié, à informer le mandant de toute restriction statutaire, légale, contractuelle qui aurait pour résultat de priver M. [Y] de son statut 'au sein' de l'agent lié.

Ces précisions confirment que le statut d'agent lié est bien dévolu à la société F Consulting et non à M.[Y]. Dès lors la fausse qualité articulée contre M [Y] en qualité de principal bénéficiaire économique n'est pas établie.

M. [Y] est désigné représentant de la société F Consulting. Or, la nullité d'un contrat pour absence de pouvoir du mandataire, qui est relative, ne peut être demandée que par la partie représentée, de sorte que la demande de nullité soutenue par la société Aurel BGC pour défaut de pouvoir du représentant de la société F Consulting n'est pas fondée. Pour l'ensemble de ces motifs, la cour confirme la décision entreprise qui a écarté la demande de nullité pour dol.

Sur les violations au contrat

La société Aurel BGC critique le jugement en ce qu'il aurait dénaturé le contrat d'agent lié et se fonde sur l' article L 545 -2 du code monétaire et financier, pour dénoncer le non respect de la clause d'exclusivité par les parties au contrat.

Les intimés répliquent en substance que la société Aurel BGC a imposé la conclusion d'un contrat d'agent lié au lieu d'un contrat de travail qui avait été initialement prévu ; que la qualification de contrat agent lié ne correspond pas aux missions réellement exercées par F Consulting, que c'est à bon droit que le tribunal a jugé que les missions confiées ne relèvent pas de ce statut.

Ceci étant exposé,

L'article L 545-2 du code monétaire et financier dispose :

Tout agent lié agit en vertu d'un mandat donné par un prestataire de services d'investissement unique.

Le prestataire de services d'investissement demeure pleinement et inconditionnellement responsable vis-à-vis des tiers des actes effectués en son nom et pour son compte par ses agents liés ainsi que des omissions de ces derniers.

En l'espèce, aux termes de l'article 1 du contrat, Aurel BGC a confié à F Consulting, les missions suivantes :

- la réception et la transmission d'ordres pour le compte de tiers ;

- le conseil en investissement, sous réserve de l'application de la réglementation en vigueur ;

- le conseil et la promotion des services fournis par le Mandant.

Les parties s'opposent sur le régime d'agent lié tel qu'il est stipulé au contrat. Lorsque des contradictions surgissent dans les clauses du contrat, le juge doit rechercher la commune intention des parties plutôt que s'arrêter au sens littéral des termes.

S'agissant de M [Y], désigné en qualité de mandataire de la société F Consulting, il n'est pas soumis aux obligations de F Consulting en qualité d'agent lié et de principal bénéficiaire économique. Il doit seulement répondre de l'exécution des obligations contractuelles passées pour le compte de son mandant, la société F Consulting.

L'engagement d'exclusivité et de non concurrence est uniquement souscrit par F Consulting.

M. [Y] s'est engagé, à titre personnel, à effectuer des missions de promotion et de consultation pour le compte d'Aurel BGC, mais après avoir émis les réserves susmentionnées concernant ses autres mandats. Ce qui contredit l'acceptation par celui-ci de se voir appliquer une clause d'exclusivité, à titre personnel.

S'agissant de la dénaturation du contrat par le tribunal. L'objet de la mission de la société F Consulting en qualité d'agent lié consistait à exercer son activité en Italie et promouvoir les projets auprès de collectivités publiques locales. M [Y] était recruté pour sa notoriété dans le secteur des énergies renouvelables.

Le tribunal a recherché l'élément essentiel du contrat au regard de son économie. Après avoir rappelé la définition du régime particulier d'agent lié, destiné à des investissements financiers, placés en France, le tribunal a noté que la société Aurel BGC justifiait le choix d'un contrat 'standard', faute d'avoir pu définir un cadre plus spécifique à l'activité confiée à M [Y], en Italie, auprès de collectivités publiques locales.

Cette requalificaton corrobore les précisions fournies par M [Y], dès avant la conclusion du contrat. Elle correspond à l'objet de la mission confiée à F Consulting, en Italie.

En outre, la société Aurel BGC, dans des conclusions versées aux débats qu'elle a soutenues devant l'instance prud'homale, a admis qu'aucune activité financière réglementée à l'instar de ceux exercés par un agent lié, ne pouvait avoir lieu en Italie, lieu d'exercice de M [Y].

L'ensemble de ces éléments contredit les prétentions de la société Aurel BGC soutenues devant la cour.

Il s'ensuit que le tribunal a pu juger, sans dénaturer le contrat, que le régime légal d'agent lié n'était pas applicable aux activités de F Consulting et procédé à la requalification du contrat. En conséquence, les clauses d'exclusivité qui engagent l'agent lié dans une relation strictement exclusive et unique envers le mandant et celle de non concurrence résultant des obligations légales incombant à l'agent lié, ne peuvent s'appliquer en l'espèce.

La société Aurel BGC ayant échoué à démontrer les manquements contractuels au titre d'un contrat d'agent lié, sa demande de dommages et intérêts ne saurait prospérer.

Sur les demandes reconventionnelles

F Consulting forme une demande en paiement des sommes suivantes :

- 43 443 euros H.T. outre intérêts correspondant aux commissions fixes non versées du 4 septembre 2012 au 19 décembre 2012

- 14 000 euros H.T. outre intérêts correspondant aux 4 mois de loyers précédents la signature du contrat avancés par F Consulting ;

- 7 787 eruos H.Tau titre des commissions restant dues la période du 1 er au 19 décembre 2014,

- 137 500 euros au titre de l'indemnité de non-concurrence visée à l'article 10.5 du contrat

- 100 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive et brutale du contrat agent lié

La société Aurel BGC réplique que les parties n'ont pas respecté leurs obligations contractuelles, que la rémunération versée à F Consulting est excessive et sans aucun rapport avec les diligences que devaient effectuer cette dernière.

Ceci exposé,

Sous la réserve de la requalification du contrat liant les parties, les obligations souscrites doivent être loyalement exécutées de part et d'autre.

La commission fixe mensuelle prévue au contrat était de 12 500 euros ht.

Si la société F Consulting n'était engagée à aucune obligation de résultat, il n'en demeure pas moins qu'elle avait pour mission de promouvoir l'activité de son mandant en qualité de spécialiste en matière d'energies renouvelables. Elle ne justifie d'aucune diligence au profit de ce dernier. Elle ne produit aucune pièce comptable permettant d'apprécier ses prestations, alors même que ses comptes en 2012 et 2013 affichaient un chiffre d'affaires positif.

M. [Y] ne justifie pas davantage de son implication et de ses prestations dans la mission qu'il a personnellement acceptée pour le compte de la société Aurel BGC.

L'article 9 stipule que le contrat est conclu pour une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction. Le contrat prévoit qu'à tout moment les parties peuvent mettre fin au contrat par lettre recommandée en respectant un préavis d'un mois.

Par lettre de résiliation intervenue le 22 octobre 2014, le contrat a été résilié en intégrant le délai de préavis d'un mois. Aucun motif n'est invoqué par Aurel BGC. Le préavis a été respecté. La demande d'indemnisation de ce chef sera écartée.

Aux termes du contrat liant les parties, il n'est pas prévu le versement d'une commission pour la période précédant la date de conclusion du contrat. La demande en paiement de ce chef est infondée.

S'agissant des demandes afférentes à l'interdiction de non-concurrence visée à l'article 10.5 du contrat, à l'indemnisation au titre de la rupture brutale du contrat. Il résulte des termes du contrat, des développements qui précèdent que ces demandes sont à la fois contradictoires et injustifiées, qu'elles seront rejetées.

La société Aurel BGC, partie perdante, au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera tenue de supporter la charge des entiers dépens.

Il y a lieu d'allouer, à chacune des parties intimées, la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles qu'elles ont exposés en cause d'appel.

La décision déférée sera confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Aurel BGC à verser respectivement à M [Y] et à F Consulting srl la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Aurel BGC aux entiers dépens.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

C. BURBAN E. LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 18/26683
Date de la décision : 09/03/2020

Références :

Cour d'appel de Paris J1, arrêt n°18/26683 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-09;18.26683 ?
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