Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 02 JUIN 2020
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/00091 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2KAS
Décision déférée à la Cour : Jugement
Jugement du 04 Novembre 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de [Localité 4] - RG n° F 16/00381
APPELANT
Monsieur [X] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Grégoire RINCOURT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0841
INTIMÉE
Association GROUPE LES REPUBLICAINS AU SENAT
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Jacques BAZIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J068
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Février 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Anne HARTMANN, présidente
Sylvie HYLAIRE, présidente
Didier MALINOSKY, vice-président placé
Greffier, lors des débats : Madame Mathilde SARRON
ARRET :
- Contradictoire
- Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, la date initialement annoncée aux parties ayant dû être reportée en raison de l'état d'urgence sanitaire, ce dont, pour le même motif, les parties n'ont pu être avisées par le greffe qu'à l'issue de la période de confinement dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par Anne HARTMANN, Présidente de chambre et par Catherine CHARLES, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Selon M. [X] [Y], né le [Date naissance 2] 1944, il a été successivement employé par le Groupe des Républicains Indépendants au Sénat, devenu le groupe UMP(Union pour un mouvement populaire), puis le Groupe Les Républicains au Sénat, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er mai 1982. Il soutient avoir bénéficié d'un second contrat de travail à temps partiel à compter de 2007 et avoir signé un nouveau contrat à durée indéterminée à temps partiel le 29 mai 2010 à effet au 1er mai 2010.
Selon le Groupe Les Républicains au Sénat, la première relation contractuelle a été rompue en juillet 2002 et il n'y a pas eu de second contrat de travail avant le 1er mai 2010, le seul contrat en cours, étant celui conclu à durée indéterminée, le 29 avril 2010 avant qu'il y soit mis fin par courrier daté du 19 janvier 2015, aux termes duquel M. [Y] a été mis à la retraite à effet au 1er février 2015 en raison d'une « rationalisation générale des coûts notamment salariaux du groupe UMP ».
M. [Y] affirme avoir continué ses fonctions issues du second contrat de travail jusqu'en septembre 2015, date à laquelle il n'a plus eu accès à son bureau et n'a plus été payé.
Demandant la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet ainsi que la résiliation judiciaire du second contrat de travail et diverses indemnités consécutives à la rupture du contrat, outre des rappels de salaire, M.[X] [Y] a saisi, le 13 janvier 2016 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 4 novembre 2016 a statué comme suit :
- Déboute M. [Y] de l'ensemble de ses demandes,
- Déboute le Groupe Les Républicains au Sénat de sa demande reconventionnelle,
- Laisse les dépens à la charge de M. [Y].
Par déclaration du 23 décembre 2016, M. [Y] a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions récapitulatives notifiées à la cour par voie électronique le 14 mai 2019, M. [Y] demande à la cour de :
- recevoir M. [Y] en son appel, l'y déclarer bien fondé, y faisant droit:
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
et, statuant à nouveau:
- constater l'existence de deux contrats de travail à temps partiel:
* le premier à compter du 1er mai 1982 rompu le 19 janvier 2015,
* le second à compter du 8 juin 2007 rompu par l'arrêt à intervenir à la date du jugement du 4 novembre 2016 dont appel.
- et, ordonner leur requalification en un contrat de travail à temps complet.
En conséquence,
1) concernant le contrat de travail rompu par la mise à la retraite: condamner le Groupe Les Républicains au Sénat au paiement des sommes suivantes:
* rappel sur l'indemnité légale de mise en retraite à l'initiative de l'employeur : 51.657,58€ outre intérêts légaux depuis le 31 janvier 2015,
* prime de noël 2014: 5.563,64€,
* indemnité pour défaut de mentions obligatoires sur fiches de paie: 60 fiches de paie x 1% du salaire brut mensuel: 3.971,30€,
* indemnité de délivrance des documents légaux: 5.000€.
2) concernant le contrat de travail rompu pour non paiement du salaire:
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat à la date du jugement rendu le 4 novembre 2016,
- condamner le Groupe Les Républicains au Sénat au paiement des sommes suivantes:
* salaire du mois d'octobre 2015 au jour du jugement rendu le 4 novembre 2016: 30.174,06€,
* indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse: 14.276,76€,
* indemnité légale de licenciement: 4.362,34€,
* indemnité compensatrice de préavis: 4.758,92€,
* indemnité compensatrice de congés payés sur préavis: 475,89€,
* rappel sur indemnité légale de mise à la retraite à l'initiative de l'employeur: 11.104,14€,
* à titre subsidiaire, indemnité forfaitaire pour travail dissimulé 14.276,76€,
en tout état de cause,
- concernant le préjudice spécifique relatif aux circonstances vexatoires et humiliantes de la rupture, condamner le Groupe Les Républicains au Sénat à verser à M. [Y] la somme de 300.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices matériel et moral subis (article 1147 du code civil),
- ordonner au Groupe Les Républicains au Sénat la délivrance de fiches de paie conformes depuis le 1er juin 2007 jusqu'à la résiliation judiciaire du contrat, certificat de travail, attestation Pôle Emploi, sous astreinte de 10€ par jour de retard et par document passé un délai de 8 jours suivant la notification de la décision à intervenir,
- condamner le Groupe Les Républicains au Sénat au paiement des intérêts moratoires et anatocismes de ceux-ci à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, soit à compter du 13 janvier 2016, date de saisine du conseil de prud'hommes,
- condamner le Groupe Les Républicains au Sénat au paiement de la somme de 7.800€ au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par conclusions notifiées à la cour par voie électronique le 2 septembre 2019, le Groupe Les Républicains au Sénat demande à la cour de :
- à titre principal, constater l'irrecevabilité de la requête d'appel et, en conséquence, la rejeter,
- à titre subsidiaire, confirmer le jugement rendu le 4 novembre 2016 par le conseil de prud'hommes de Paris ; en conséquence, rejeter l'ensemble des demandes de M. [Y];
- en tout état de cause, condamner M. [Y] à lui verser une somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le ministère public a versé ses observations au dossier en date du 20 janvier 2019, observations régulièrement communiquées aux conseils des parties.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du Code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR:
Sur l'exception d'irrecevabilité de l'appel
Le Groupe Les Républicains au Sénat soutient en substance que la déclaration d'appel a été enregistrée le 2 janvier 2017 par le greffe soit plus d'un mois après le jugement du conseil de prud'hommes intervenu le 4 novembre 2016.
M. [Y] réplique que le jugement du conseil de prud'hommes a été notifié le 15 novembre 2016 par lettre recommandée dont il n'a pas retiré le pli, qu'ainsi la notification n'est pas valablement faite à défaut de signification par huissier.
Le ministère public est d'avis, comme M. [Y], que l'appel est recevable.
La cour retient qu'à défaut de notification du jugement déféré à la personne de M. [Y], le délai d'appel prévu à l'article R.1461-1 du code du travail n'a pas couru, de sorte que l'appel interjeté par ce dernier le 23 décembre 2016 et enregistré le 2 janvier 2017 au greffe de la cour de céans est recevable.
Partant l'exception d'irrecevabilité de l'appel est rejetée.
Sur la détermination des relations de travail
Sur l'existence du premier contrat
M. [Y] soutient qu'il a travaillé sans interruption, depuis 1982, en tant qu'assistant ou conseiller du Président du groupe de l'Union des Républicains Indépendants du Sénat, devenu groupe UMP puis Le Groupe Les Républicains au Sénat, peu important les variations de dénomination des fonctions du salarié, du groupe et des documents valant contrat de travail. Il affirme qu'il était titulaire de deux contrats de travail à durée indéterminée à temps partiel, et que si le premier a pris fin lors de la mesure de mise à la retraite dont il a fait l'objet en février 2015, l'autre n'a jamais été rompu.
Au soutien de l'existence du premier contrat de travail, il s'appuie sur l'enchaînement de contrats marquant selon lui la continuité de la relation de travail trouvant son origine dans le contrat sous seing privé du 8 avril 1982, en qualité d'assistant de M. le Sénateur [N] [H], alors Président du Groupement des Républicains au Sénat.
Il estime dès lors que l'enchaînement des actes et contrats successifs doit être considéré comme autant d'avenants de la même relation de travail qui a duré par conséquent du 1er mai 1982 au 31 mai 2015, soit 32 années et 9 mois, période pendant laquelle il a travaillé de façon continue pour le groupe parlementaire.
Le Groupe Les Républicains au Sénat réplique que la relation de travail qui a pu exister entre M.[Y] et le Groupe des Républicains Indépendants au Sénat s'est achevée en 2002 avant la création de l'UMP la même année, comme en atteste le solde de tout compte établi le 22 juillet 2002 et le bulletin de paie du 30 juin 2002 d'un montant de 4.238,23 euros. Il soutient qu'entre le 30 juin 2002 et le 29 avril 2010, il n'y a eu aucun contrat de travail avec l'appelant et que ce n'est qu'à compter du 1er mai 2010, qu'il a été engagé par le Groupe UMP au Sénat.
Le Ministère public souligne que M. [Y] a reçu un solde de tout compte en juillet 2002 et qu'il ne démontre pas l'existence d'un contrat de travail entre 2002 et 2010.
Il résulte des pièces contractuelles versées au dossier et n'est pas contesté que M.[Y], a successivement été engagé selon les pièces suivantes:
- un contrat à durée indéterminée conclu le 8 avril 1982 avec M. [N] [H], Président du Groupe des Républicains Indépendants, en qualité d'assistant de ce dernier (pièce 1, appelant);
- un contrat à durée indéterminée conclu avec M. [H] en qualité d'assistant, le 16 janvier 1986 (pièce 4, appelant);
- un contrat à durée indéterminée signé avec le Groupe des Républicains Indépendants en qualité de Secrétaire général le 30 avril 1994 (pièce 6, appelant);
- un courrier daté du 11 mai 1999 du trésorier du Groupe des Républicains Indépendants M. [R] [L] qui informe M. [F] [J], le directeur du service du budget, de la comptabilité et de la sécurité sociale au Palais du Luxembourg, de l'embauche de M.[Y] en qualité de Secrétaire Général, statut cadre (pièce 181, appelant).
- un protocole signé le 6 juin 2007 sur papier à en-tête de la commission des finances du Sénat, par M. [U] sénateur de l'Yonne et paraphé par M. [Y] avec la mention « Bon pour accord- contrat temps partiel ».
- un contrat à durée indéterminée à temps partiel de 50 heures par mois conclu avec le Groupe UMP du Sénat le 29 avril 2010,(pièce 55, appelant).
Le Groupe Les Républicains au Sénat revendique une rupture de contrat intervenue en juillet 2002.
Il résulte des pièces produites:
- que M.[Y] ne peut se prévaloir d'un contrat de travail conclu avec le groupe des Républicains Indépendants au Sénat, depuis 1982, puisque les premiers contrats ont été signés en qualité d'assistant du sénateur [N] [H] et que ce n'est que par contrat signé le 30 avril 1994 qu'il a été engagé comme secrétaire général par le Groupe des Républicains Indépendants.
- que si le solde de tout compte daté du 22 juillet 2002 dont se prévaut la partie intimée, n'est pas signé de M. [Y], il ne conteste pas avoir perçu la somme de 4.238,23 euros, visée par le solde de tout compte et figurant sur la fiche de paye du mois de juin 2002 établie à son nom par l'AGAS (Association pour la gestion des Assistants des Sénateurs) (pièces 4 et 5 intimé).
- qu'aucune fiche de paye n'a été établie au nom de M. [X] [Y], ni par l'AGAS ni par l'APGS (Association des Présidents de Groupe du Sénat) contrairement à la période précédente (pièces salarié,n° 27, bulletin de paye de janvier 2000, n°28 bulletin de paye janvier 2001, et n°29 bulletin de paye janvier 2002),
- que l'AGPS au terme d'un document daté du 17 mai 2016 atteste en outre « n'avoir établi aucun bulletin de salaire pour M. [X] [Y] entre juillet 2002 et avril 2010 » (pièce 3, intimé).
- que les relevés de cotisations et taxes diverses à rembourser à l'AGAS par le groupe les Républicains Indépendants versés au dossier par M. [Y] ne concernent que les années 2000 et 2001 (pièces appelant 30, 31 et 32)
-que si pour la période allant de 2002 à 2010, M. [Y] affirme avoir exercé des fonctions de conseiller auprès du Président du Groupe UMP au Sénat, à titre onéreux, il ressort toutefois du tableau récapitulatif établi et produit par l'appelant lui-même en pièce 172, dans lequel il décrit très précisément l'évolution de ses missions et situations entre 1982 et 2010, que s'il cumulait cette fonction de conseiller auprès du Président du groupe UMP, il ne revendique lui-même que le versement d'une prime par le groupe UMP puisqu'il y précise que :
à compter de 2002, il était également chargé de mission auprès du Premier Ministre, mentionnant qu'il était payé par les « Finances » à savoir le Ministère des Finances et évoque une prime de l'UMP,
en 2005 il était chargé de mission auprès du ministre délégué à la recherche percevant une prime du groupe UMP,
à compter de 2007, il était mis à disposition par les Sénateurs UMP à la commission des finances, payé par les Finances et par une prime du groupe UMP,
pour 2008/2009 chargé de mission auprès du ministre des transports payé par les Finances,
étant observé que le tableau mentionne également que ses cotisations retraite pendant presque toute cette période ont été prises en charge par les Finances.
-que les relevés de coût des salaires de l'UMP pour l'année 2003 précisent pour M. [Y] que ceux-ci sont pris en charge par son administration d'origine (pièces appelant 152 et 153).
-que s'il est confirmé par diverses attestations qu'il avait le titre de conseiller auprès du Président du Groupe UMP au Sénat, il n'est pas rapporté l'existence d'une activité réelle justifiée par M.[Y] au-delà des courriers et invitations honorifiques dont il se prévaut au dossier ou de sa présence sur les organigramme ou répertoire téléphonique du Sénat.
-qu'il n'est de surcroît et surtout pas justifié de l'ensemble des pièces versées au dossier du maintien au-delà du mois de juillet 2002 d'un lien de subordination, critère prépondérant du contrat de travail, entre M. [Y] et le Groupe UMP au Sénat.
Il se déduit de l'ensemble de ces éléments qu'une rupture de fait de la relation contractuelle est intervenue entre les parties en juillet 2002, rupture dont les conditions et la régularité ne sont pas remises en cause par M. [Y], autrement qu'en ce qu'il prétend que la relation salariale se serait poursuivie.
C'est par conséquent à tort qu'il soutient que la relation de travail a été continue entre 1982 et février 2015.
En revanche, la cour relève qu'il est justifié que M. [Y] a été engagé selon un contrat à durée indéterminée à temps partiel signé le 29 avril 2010 par le Groupe UMP du Sénat en qualité de conseiller auprès du Président (non cadre) pour 50 heures par mois et un salaire de 1.490 euros par mois, contrat auquel il a été mis fin en février 2015 par la mise à la retraite de l'intéressé.
Sur l'existence du second contrat
M.[Y] soutient qu'un second contrat de travail a été conclu le 1er juin 2007, selon un protocole produit en pièce 55 signé par M. [U], sénateur.
Il expose avoir ainsi exercé des missions auprès du Président de la commission des finances et avoir été payé par des virements de 2.000 euros effectués jusqu'en août 2015 sur son compte ouvert auprès de la banque HSBC puis de La Poste au départ d'un compte HSBC du Groupe UMP au Sénat, en contestant que ce compte ait pu être clandestin et ignoré du Groupe UMP au Sénat.
Il ajoute qu'à compter du 30 septembre 2015, l'accès au Sénat et à son bureau lui a été refusé et que les virements ont été suspendus.
Il sollicite la résiliation judiciaire de ce contrat au motif que son salaire ne lui a plus été payé.
Le Groupe Les Républicains au Sénat pour confirmation du jugement déféré réplique que la preuve de l'existence du contrat dont l'appelant se prévaut n'est pas rapportée.
Il fait à ce titre observer que le protocole dont se prévaut l'appelant est signé de M. [U], au nom de la commission des finances du Sénat qui ne saurait être assimilée au Groupe UMP du Sénat observant que le signataire n'était ni Président ni trésorier du Groupe UMP au Sénat et n'avait pas compétence pour recruter un salarié au nom du groupe. Il précise que ce protocole n'a pas été reconnu par la direction des ressources humaines du Sénat qui dans un courrier du 19 juillet 2016 a opposé que M. [Y] n'avait pas exercé de fonctions au sein de la commission des Finances au cours de la période concernée, ajoutant que l'appelant ne justifie d'aucun élément révélant l'existence d'un travail subordonné pour le compte du Groupe UMP du Sénat pendant la période litigieuse et que tant M. [U] que M. [Y] sont mis en examen pour de possibles détournements de fonds publics. Il souligne en outre que le compte ouvert auprès de la banque HSBC au nom du groupe UMP au Sénat, est totalement distinct du groupe et qu'il a été ouvert et géré de façon obscure (faits qui font l'objet de l' instruction pénale) puisque son seul compte officiel est ouvert à la Banque Neuflize OBC. Il ajoute que M. [Y] a reconnu avoir participé à un système de reversement d'une partie non utilisée de la rémunération prévue pour les collaborateurs des sénateurs transitant par le compte ouvert auprès de la Banque Neuflize puis viré pour partie sur le compte HSBC pour être ensuite crédité à certains sénateurs et à l'appelant lui-même. Il mentionne que dès le 11 février 2015, le nouveau trésorier du groupe UMP au Sénat a rappelé que le compte ouvert auprès de la banque Neuflize qui perçoit la dotation du Sénat est le seul géré par l'UMP. Malgré une demande du Président du Groupe UMP de fermeture de ce compte, celui-ci a perduré jusqu'en septembre 2015, de sorte que M.[Y] ne peut se prévaloir des virements effectués depuis ce compte qui ne peuvent être interprétés comme prouvant l'existence d'un salaire.
La cour retient contrairement à ce que prétend M.[Y] que le Groupe Les Républicains au Sénat a toujours soutenu que le compte litigieux ouvert auprès de la banque HSBC était sans lien avec ses instances officielles de sorte, tout en s'interrogeant comment l'appelant a pu avoir ses relevés de compte en sa possession alors qu'il n'avait pas été trésorier du Groupe et qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'estoppel selon lequel une partie ne peut se contredire au détriment d'autrui.
Il ne saurait être prétendu qu'il y aurait eu violation du secret de l'instruction par la partie intimée puisque M.[Y] fait lui-même allusion aux démêlés judiciaires en cours par la production de divers articles de presse.
La cour relève ainsi que l'a fait observer la partie intimée que le protocole litigieux dont se prévaut M. [Y], tel que formulé ne saurait engager le groupe UMP du Sénat d'autant que le signataire M. [U], précisant agir en tant que sénateur de l'Yonne, n'en avait manifestement pas le pouvoir et que là encore il n'est justifié ni de fiches de paye ni d'une activité réelle et encore moins de l'existence d'un lien de subordination se manifestant par la possibilité de donner des instructions et d'en sanctionner l'inexécution par un supérieur hiérarchique.
Au constat que la preuve de l'existence d'un second contrat de travail n'est pas rapportée, par confirmation du jugement déféré, les demandes de requalification des deux contrats à temps partiel en contrat à durée indéterminée à temps complet, de résiliation et relatives aux conséquences indemnitaires en découlant sont intégralement rejetées.
Sur la mise à la retraite
Il résulte de ce qui précède que le seul contrat en cours entre les parties était celui signé le 29 avril 2010 auquel le groupe UMP du Sénat, devenu depuis le Groupe Les Républicains au Sénat a mis fin par courrier daté du 19 janvier 2015 par la mise à la retraite de l'appelant, ainsi libellé :
« Le Groupe UMP vous a recruté en contrat à durée indéterminée le 29 avril 2010, en qualité de conseiller auprès du Président de ce groupe au Sénat.
Je vous indique que le Groupe UMP a décidé, ainsi que nous l'avons évoqué lors de notre entretien dans le cadre d'une rationalisation générale de ses coûts notamment salariaux, de prononcer votre mise à la retraite à compter du 1er février 2015.
En effet conformément aux dispositions des articles L.1237-5 et suivants du code du travail et L 161-17-2 et L 351-8 du code de la sécurité sociale, vous pouvez faire l'objet d'une telle mesure qui s'accompagnera , bien évidemment du versement de l'indemnité de mise à la retraite.
A ce titre, je vous indique que cette indemnité équivalente à l'indemnité légale de licenciement(CF. Article L.1234-9, L.1237-7 et R. 1234-1 et suivants du code du travail) sera d'un montant de 6.219,39 €.
Le Groupe vous verse également une indemnité compensatrice de préavis de 12.260,14 €.(...) »
Pour infirmation du jugement déféré qui l'a débouté de ce chef de demande, M. [Y] réclame un rappel d'indemnité de mise à la retraite d'un montant de 51.607,58 euros, en soutenant que l'employeur a retenu à tort une ancienneté calculée au 29 avril 2010, au lieu du 1er mai 1982.
Pour confirmation du jugement, la partie intimée s'oppose à cette demande en faisant valoir que l'ancienneté retenue au 1er mai 2010 est régulière.
Au constat que M. [Y] ne conteste pas la régularité de sa mise à la retraite et que le contrat signé en 2010, ne mentionne aucune reprise d'ancienneté, laquelle n'est pas entrée dans le champ contractuel, la cour en déduit qu'il ne peut prétendre à une ancienneté antérieure au 29 avril 2010 et par confirmation du jugement déféré le déboute de sa demande de ce chef.
Sur la demande de prime de Noël
Pour infirmation du jugement déféré qui a rejeté sa demande, M. [Y] réclame le paiement d'un solde de 5.563,64 euros au titre de la prime de Noël, telle qu'elle résulte de son contrat de travail, qui a été réduite sans explication à une somme de 109,25 euros tandis que la précédente, accordée en juin 2014 par le précédent Président du Groupe, s'élevait à un montant de 5.672,89 euros, estimant que cette réduction est une mesure vexatoire puisque son bienfondé n'est pas démontré.
La partie intimée s'oppose à cette demande en faisant observer que le versement de cette prime n'est pas un droit et que l'appelant ne justifie pas du montant qu'il sollicite.
Le contrat de travail liant les parties prévoit qu'une prime d'investissement est versée fin juin et fin décembre.
De la lecture des fiches de paye produites par l'appelant (pièces n° 56 à 65 inclus) des mois de juin et décembre, des années 2010 à 2014 inclus, il est justifié qu'il lui a été versé une prime exceptionnelle détaillée comme suit:
2010 :juin :2.942,60 euros, décembre :3.650,16 euros,
2011: juin 5.638,15 euros , décembre: 6.066 euros,
2012: juin 5.574,48 euros, décembre:7.775,17 euros,
2013: juin :5.652,41euros, décembre: 5.663,51 euros,
2014: juin: 5.672,89 euros, décembre :109,25 euros.
Par courrier du 16 décembre 2015, suite à la réclamation du salarié après que sa prime ait été réduite à un montant de 109,25 euros, le Président du Groupe Les Républicains au Sénat s'est borné à répondre que « son versement ne constitue pas un droit, celui-ci étant laissé à l'appréciation du groupe en fonction de l'investissement de ses collaborateurs. Je ne dispose d'aucun élément me laissant à penser que la décision prise à votre égard n'était pas justifiée ».
S'agissant d'une prime contractuelle, dont certes les modalités de calcul n'étaient pas précisées mais qui ne saurait pour autant être considérée comme discrétionnaire, dont il a été rappelé ci-avant qu'elle s'est élevée pour l'appelant à un montant conséquent et encore récemment en juin 2014 à un montant de 5.663,51 euros, il n'est pas justifié au dossier par l'employeur que celle-ci ait été réduite en décembre 2014 à un montant modique de 109,25 euros, de sorte qu'il sera, par infirmation du jugement déféré, fait droit à la demande de paiement de 5.563,64 euros.
Sur la demande d'indemnité pour absence de mention de l'ancienneté sur les fiches de paye
Pour infirmation du jugement déféré, M. [Y] réclame une indemnité au titre du préjudice subi du fait de l'absence de mention de son ancienneté sur les fiches de paye.
La partie intimée s'oppose à cette demande en faisant valoir qu'il n'existe aucune obligation légale de faire figurer l'ancienneté du salarié sur le bulletin de paye.
Au constat que certes les fiches de paye émises par l'AGPS pour M. [Y] à compter de juin 2010 en sa qualité de conseiller pour le groupe UMP ne mentionnent pas son ancienneté ou son entrée dans la structure mais que les dispositions de l' article R 3243-1 du code du travail dans leur rédaction issue du décret n°2008-1501 du 30 décembre 2008, applicables au litige n'imposaient pas une telle mention ou la date d'entrée du salarié dans la structure sur les bulletins de paye, par confirmation du jugement déféré, l'appelant sera débouté de sa demande d'indemnité de ce chef.
Sur l'indemnité pour défaut de délivrance des documents sociaux
Pour infirmation du jugement déféré, M. [Y] réclame une indemnité de 5.000 euros pour délivrance tardive le 4 mars 2016 des documents légaux lui permettant de bénéficier de ses droits à retraite, décidée le 1er février 2015.
Le Groupe Les Républicains au Sénat s'oppose à cette demande en exposant que les documents visés ont bien été délivrés de sorte que cette demande est vouée à l'échec.
Les documents de fin de contrat sont en principe quérables et il ressort du dossier que l'appelant n'a réclamé ces documents que par courrier en date du 2 février 2016 émanant de son conseil alors constitué (pièce appelant n° 101).
Au constat que l'appelant ne justifie pas de son préjudice auquel il a en tout état de cause contribué en réclamant tardivement les pièces nécessaires à l'ouverture de ses droits à retraite, étant rappelé qu'il était retraité du ministère des finances depuis juin 2009, il sera par confirmation du jugement déféré, débouté de sa demande de ce chef.
Sur la demande d'indemnité pour préjudice moral et matériel spécifique
M. [Y] estimant avoir subi un préjudice moral et matériel spécifique aux conditions de rupture réclame une indemnité de 300.000 euros. Il soutient qu'il a toujours exécuté ses missions avec sérieux, discrétion et dévouement aux personnes qui l'ont employé. Il affirme avoir été ostracisé par le nouveau Président du groupe au Sénat, nommé en octobre 2014, et avoir fait l'objet de pratiques vexatoires de ce dernier, notamment lors de son exclusion infamante, contestant le déroulé de sa mise à la retraite.
Le Groupe Les Républicains au Sénat s'oppose à une telle demande en exposant que la mise à la retraite est intervenue de manière régulière et non brutalement ou de façon vexatoire. Il conteste que M. [Y] ait été discret et loyal au regard des pièces qu'il a produit aux débats et aux dénonciations de pratiques ou de versements illégaux au sein du Groupe au Sénat qu'il a pu faire dans la presse.
Au constat que M. [Y] n'a pas contesté la régularité de la mise à la retraite dont il a fait l'objet et qu'il n'a pas fait l'objet de pratiques vexatoires dont il se plaint, hormis le non-versement de la prime de Noël qui lui a été accordée, la cour retient que M. [Y] ne justifie pas du préjudice dont il se prévaut et qu'il doit être débouté de sa demande de ce chef.
Sur le cours des intérêts
La cour rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes.
Sur les autres dispositions
La solution donnée au litige conduit la cour à ne pas faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit des parties et à les condamner chacune à supporter leurs propres dépens d'appel, le jugement déféré étant confirmé sur ces points.
PAR CES MOTIFS
- REJETTE l'exception d'irrecevabilité de l'appel.
- CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de prime d'investissement de décembre 2014.
Et statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant:
- CONDAMNE le Groupe Les Républicains au Sénat à verser à M. [X] [Y] une somme de 5.563,64 euros à titre de prime exceptionnelle d'investissement.
- RAPPELLE que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes.
- DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties.
-CONDAMNE chaque partie à supporter ses propres frais d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT